Ils ont failli à leur mission, nos Rois et Chefs traditionnels. Ils ne semblent plus être de leur temps. Il faut le dire, haut et fort, que la place des autorités coutumières n’est nullement dans les partis politiques. C’est bien malheureusement ce qui nous est donné de voir. Le spectacle est à la fois désolant et décevant. Ces têtes couronnées ont mordu à l’hameçon d’Alassane Ouattara. Qui, depuis le décès de son poulain, Gon Coulibaly, on le voit, mobilise leur soutien pour violer la Constitution. Monsieur Ouattara n’est pas éligible, et la Loi fondamentale est claire là-dessus. Nul ne peut prétendre faire un 3ème mandat, au vu des dispositions qui limitent le mandat présidentiel. Nous n’avons pas mieux à dire là-dessus que le cours de droit que Martin Bléou, agrégé de Droit, professeur des Universités, grand constitutionnaliste, nous a dispensé, la semaine dernière. D’où vient-il que nos autorités coutumières s’arrogent le droit en se liguant derrière M. Ouattara, président sortant, pour réclamer, à cor et à cri, sa candidature à la sauvette ? Que cherchent-ils ? Les griots de la rue peuvent le faire, comme on l’a constaté à Daloa et au Palais de la Culture de Treichville, le weekend dernier, mais non et jamais les Rois et Chefs traditionnels. L’on est d’autant plus sidéré que c’est le président de la Chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire (Cnrct), Sa Majesté Awoula Tanoé Amon, Roi des N'Zima-Kotoko de Côte d'Ivoire, lui-même, qui aille monnayer son autorité dans cette foire aux déclarations de soutien à une candidature illégale au regard de la loi. Et pourtant, la Loi portant statut des rois et chefs traditionnels est claire et limpide comme l’eau de roche. En son Article 6, il est dit intelligemment que « Les rois et chefs traditionnels sont soumis aux obligations de neutralité, d’impartialité et de réserve. Ils doivent s’abstenir d’afficher leur appartenance politique ». Faire fi de cette disposition pour se retrouver sur l’estradium politique relèverait sans doute d’un plan diabolique pour entraver la bonne marche de la nation. Si on ne perçoit pas la pertinence de l’Article 6, on peut ajouter l’Article 7 qui stipule explicitement que « la qualité de Roi et Chef traditionnel est incompatible avec l’exercice de tout mandat électif ». On se souvient, le royaume Baoulé à Sakassou traverse une crise sans nom, sous le régime actuel. Les politiques ont réussi à opposer la régente Akoua Boni II et son fils utérin, Kassi Anvo Michel. Faisant preuve de mauvaise foi, on tente de concilier deux pouvoirs distincts, le coutumier et le politique, pourtant incompatibles. Sous le régime Ouattara, il n’y a plus de séparation des pouvoirs. L’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire sont devenus des Institutions aux ordres du pouvoir. En conséquence, elles se chevauchent et confondent leurs missions. Ah, que c’est difficile de faire la politique sous nos cieux ! En sus, les Rois et chefs traditionnels doivent reconsidérer leur prise de position pour se réfugier dans la neutralité totale. Selon l’Article 2, ont la qualité de Roi et chef traditionnel, « Les autorités traditionnelles dont les Institutions sont reconnues par les administrés et par l’administration : les rois, les chefs de province, les chefs de canton, les chefs de tribus, les chefs de village. »
JB KOUADIO
JB KOUADIO