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Art et Culture Publié le mercredi 11 août 2021 | Le Nouveau Réveil

Ferdinand Tiona Ouattara, écrivain (1ère partie) : « Comment Houphouët et Péléforo Gbon ont tissé leurs relations »

Ferdinand Tiona Ouattara, chercheur en histoire des sociétés traditionnelles africaines, est l’auteur du livre : " Coulibaly Péléforo Gbon Patriarche des Sénoufo de Côte d’Ivoire (1868-1962)". Retraité, Ferdinand Tiona Ouattara après avoir été sous-directeur de la recherche (1996-2007), directeur de la filière histoire (2009-2015) et directeur de l’Ihiaaa (2009-2017) est auteur de plusieurs autres ouvrages dont "La mémoire Sénoufo", "Bois sacré", "Education et chefferie", "Sur les traces du haut Bagoué en Côte d’Ivoire". Dans cette interview, il revient brièvement sur le contenu de son dernier livre de 282 pages: "Coulibaly Péléforo Gbon Patriarche des Sénoufo de Côte d’Ivoire (1868-1962)"


Vous avez travaillé sur l’histoire de Péléforo Gbon, est-ce que c’était un travail facile ?


Mais non, vous êtes bien placé pour le savoir, aucune écriture d’histoire n’est facile.


Quelle est la méthodologie utilisée dans ce cadre, puisque vous avez dit que c’est une analyse historique ?


D’abord, j’ai décidé d’écrire ce livre en 2016. En effet, en 2013, avec la création de l’Université de Korhogo, il avait été décidé de lui donner le nom du patriarche des Sénoufo. Dans ce cadre, ce nom a été mal écrit notamment le nom « Gbon ». Il était écrit « Gon ». C’était une erreur qu’il fallait corriger. En tant qu’historien, il fallait que je donne ma contribution relative à l’orthographe exacte de ce nom. Ainsi, j’ai écrit une lettre au ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique qui était Cissé Bacongo avec les preuves que ce nom avait pour orthographe « Gbon ». Il signifie « chimpanzé », en langue Senoufo Tiembara. C’était un sobriquet. Le nom gon signifie autre chose. C’est le nom d’un jeu chez les Senoufo. C’est l’équivalent du jeu awalé chez les Akan. C’était un dossier en béton, comme disait quelqu’un. Ma requête resta lettre morte. Lorsqu’arriva son successeur, le ministre Gnamien Konan, le même dossier lui a été adressé. Il demeura sans suite. Il en fut de même avec son successeur, le ministre Bakayoko Ly-Ramata, j’ai rencontré le même silence. La solution qui me restait était d’écrire l’histoire de ce personnage pour que tout le monde en prenne conscience. C’était un devoir pour moi, en tant qu’historien des Senoufo, le livre donne les raisons de l’attribution de ce sobriquet ou de ce surnom. Il montre aussi son orthographe contenue dans les archives coloniales et dans les archives d’administration coloniale. Quant à la documentation utilisée, elle a été constituée par l’ensemble de mes recherches, collecté entre 1975 et 2015, dans le cadre de mes travaux universitaires et postuniversitaires. Lorsque j’ai décidé d’écrire ce livre, j’ai dû faire des recherches dans mes recherches. Ainsi toutes informations relatives à notre personnage ont été rassemblées par centres d’intérêts, par parties et par chapitres qui se précisaient au fur et à mesure de la rédaction. Heureusement qu’il existait cette documentation, car s’il fallait commencer les recherches en 2016 pour ce livre, il n’aurait pas vu le jour de sitôt. A partir de cette documentation, j’ai écrit ce livre en trois ans. Je n’en dormais plus. Mais aujourd’hui, c’est une joie pour moi.


Qu’est-ce qui caractérisait Péléforo Gbon quand il était enfant. On lit dans votre livre qu’il n’était pas particulièrement beau ?


Il n’était pas beau, il n’était pas grand non plus, mais il était robuste. Comme il était robuste, il frappait tout le monde, même ses grands frères. Il cassait tout. Il rentrait furtivement dans les cases de ses mamans pour trouver à manger à sa faim. Pourquoi il ne mangeait pas à sa faim, le livre y répond. Ainsi, quand les femmes de son père le voyaient arriver rapidement et à quatre pattes, elles s’écriaient en langue Senoufo-Tiembrara : « le chimpanzé arrive », loin de le fâcher, il en était fier.


Comment est-il devenu chef?


Cette question est au cœur du livre. Vous le dire, c’est enlever les saveurs du livre. Cependant, le dire peut inciter le lecteur à en savoir davantage Il est devenu chef grâce au roi Babemba Traoré de Sikasso, capitale du royaume du Kénédougou. Celui-ci l’a imposé à la tête de la chefferie de Korhogo, après la mort du chef Soro Zouacongno, père de Péléforo Gbon. Il avait agi ainsi au détriment de la coutume des Senoufo, car Gbon n’avait pas droit à a succession qui se faisait en ligne matrilinéaire. Cette action du roi de Sikasso eut lieu vers avril1894. Pour les détails, le livre vous le dira. Cependant, j’ajoute que ce personnage était bien Soro Péléforo. Il est devenu Coulibaly Péléforo vers 1895 après sa conversion à l’Islam. Il tenait le nom Soro de son père. Cela paraît évident aujourd’hui, mais ce n’était pas le cas en ce temps-là. On peut se reporter au livre. Sur un autre plan, la date de sa naissance qui figure sur la couverture du livre a été choisie parmi de nombreuses hypothèses. Le livre les a présentées, analysées avant de retenir cette date. Les autres dates n’en valent pas la peine.


On s’est rendu compte que dans son règne, il a pu avoir l’adhésion de tous ses voisins, comment ça s’est passé ?


La plupart de ses voisins, c’est-à-dire les chefs des autres chefferies Senoufo, étaient des militaires ayant servi le royaume du Kenedougou, à Sikasso, sous le commandement de Péléforo Gbon, par la volonté du roi Babemba Traoré. Une fraternité d’armes les avaient unis. En outre, ils obéissaient à Péléforo Gbon. Dès lors, ses voisins dont il est question étaient, en quelque sorte, ses obligés. Ils l’avaient suivi dans tous ses choix stratégiques : l’abandon du roi Babemba Traoré, la soumission à l’Almami Samory Touré, le refus de suivre ce dernier dans le Djimini, le ralliement aux Français, l’adhésion au pouvoir colonial et l’amitié avec le médecin Félix Houphouët-Boigny. C’était un fin stratège, un diplomate avisé, un chef doué d’une grande intelligence.


Comment Gbon et Houphouët ont tissé leurs relations que l’histoire retient ?


D’abord, comment ils se sont rencontrés ? Houphouët était un jeune médecin et un planteur. Ne recevant plus les manœuvres par l’administration coloniale à la suite de son célèbre article où il avait dénoncé les abus de la colonisation, il entra en contact avec Péléforo Gbon par l’intermédiaire de l’un de ses enfants, Coulibaly Dramane, qui avait épousé une femme Baoulé. Très rapidement, Péléforo Gbon prit l’engagement de lui fournir beaucoup plus de manœuvres par rapport aux administrateurs coloniaux. En effet, Houphouët rémunérait les manœuvres à 20 f au lieu de 3,50 francs établis par l’Administration coloniale. Ainsi, il a soutenu Houphouët lors des législatives pour l’Assemblée Constituante Française, en 1945. Il le soutiendra dans la création du PDCI et du PDCI-RDA en 1946. Il a supporté les affres de l’administrateur Péchoux de 1948 à 1951.

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