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Art et Culture Publié le mardi 11 janvier 2022 | AIP

Le N’Gain ou Beng, une langue en voie de disparition (Feature)

Abidjan - Confondus aux peuples Akan et Mandé pour leurs patronymes à consonance Baoulé et Malinké, le peuple N’Gain ou Beng, présent dans la seule sous-préfecture de Bonguéra (département de M’Bahiakro, région de l’Iffou) est aujourd’hui en voix de disparition, phagocyté par leurs hôtes, les Ando et les Baoulé (ethnie majoritaire issue du Centre de la Côte d’Ivoire).


L'histoire des N’gain, selon la tradition orale


Les N’gain sont originaires de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso). Leur ancêtre, appelé Woro Djabi, y cultivait la kola. En compagnie de son groupe, il a quitté la Haute-Volta pour l’actuelle Côte d’Ivoire.


Arrivé à Komissé (Centre de la Côte d’Ivoire), Woro Djabi apprend qu’il y a de la forêt en "pays" Ando, précisément à Kpliklô (actuel Prikro). Il demanda au roi Kouadjo Kpli, l’autorisation d’obtenir un lopin pour sa culture. « Comme tu es mon frère, cherches et si tu trouves une bonne terre, viens me voir on va s’entendre », lui dit le roi Kouadjo Kpli tout en lui indiquant une portion de terre où il pratiquait la chasse aux éléphants.


Le chef Woro Djabi fonda un premier puis un second campement appelé Sangbolou. Il trouva un petit ruisseau du nom de Baya. A la traversée de cette retenue d’eau, il se trouvait un terrain propice, où il fonda un village appelé Djabi Gbé, signifiant « le village de Djabi ». Ils y vécurent lui, sa sœur et ses deux frères chasseurs, Komenan Konki et Komenan Dé’ndjougou.


Woro Djabi dépêcha ses deux frères auprès du roi Ando afin de l’informer qu’ils avaient trouvé la terre lui convenant. Il était ainsi prêt à payer un prix « raisonnable » fixé par le roi Ando.


Le roi Ando réclama trois petites cuvettes d’or et un bœuf. Woro Djabi s’acquittât de cette dette et demanda une délimitation physique de sa zone. « Non, il n’y aura pas de limite physique entre nous, notre seule limite sera nos deux langues, l’Ando et le N’gain », rétorqua le roi qui leur indiqua neuf rôniers alignés à Sékréné, sur la route de Bouaké, comme délimitation physique entre les deux peuples. Cette zone devint ainsi la propriété des N’Gain qui l’ont acheté en premier.


Le roi N’gain, Woro Djabi, et sa suite quittèrent Djabi Gbé, le premier village Beng, pour Assagbé, actuelle Ouassadougou (situé entre Sandougou et Tolodougou), suite à la souillure de cette terre par des excréments d’une hyène considérée comme un mauvais présage.


Le nom Beng devient N’Gain


Connus également sous le nom de Beng, l’appellation N’gain a été donnée à ce peuple par les Baoulé de l’Ando. Ce nom provient de la déformation de l’expression n’gain « ogègn », signifiant littéralement « joli », courante dans les conversations des Beng. Un petit groupe de N’gain se trouve à Kamelesso, dans la sous-préfecture de Prikro.


La région N’gain, peuplée de 17 000 habitants, selon en recensement effectué en 1993, est répartie en 20 villages, également partagé entre deux tribus à savoir la tribu savane ou Bawo et la tribu forêt ou Clèn’wo. Le chef de la tribu savane est installé à Moussobadougou (Gbagbé) et le chef de la tribu forêt à Bonguéra (Bô nganlo).


La langue N’gain presqu’en disparition au profit de l’Agni, du Baoulé, de l’Ando, du Malinké et même de l’Arabe


 Les N’gain marquent une forte tendance à abandonner leur langue au profit notamment de l’Agni, du Baoulé, de l’Ando, des langues parlées par la classe dirigeante qui les dominent depuis le 18ième siècle.


Certain villages particulièrement Konkidougou, Bonguéra, Bédara, Bonédougou, Koffidougou, Moussobadougou et Klohoudougou parlent moins la langue locale au profit du Baoulé, de l’Ando, du Sénoufo, du Nafana, du Koulango, du Malinké et de l’Arabe.


La langue N’Gain fait entendre des phrases en Gagou, en Yacouba et en Yôwrê. Des mots Baoulé, Malinké, Français se font entendre également.


Cependant, la langue reste relativement vivante près de M’bahiakro. Elle est aussi bien parlée par les personnes du troisième âge.


Portrait des N’gain


L’habitat traditionnel est une case à impluvium, en couronne plus ou moins régulière, qui est tout à fait différente de la grande case à cour des Akan, toutefois, qui rappelle la maison traditionnelle des Gban.


Nichés dans une forêt épaisse, les N’gain sont des producteurs des célèbres kolas blanches de l’Ando, qui les relie étroitement aux Malinké, dont ils comprennent majoritairement la langue.


Ils cultivent par ailleurs l’igname et la banane, mais n’ont pas de bœufs et pêchent peu. La chasse et la cueillette étaient par contre assez importantes. Etant très médiocres artisans, ils échangeaient leur kola contre des tissus et des objets de fer.


Sa religion traditionnelle est l’animisme. Ce peuple organise également une fête des ignames, à l’image des Akan.


Les N’Gain sont travailleurs mais sournois et fiers d’eux-mêmes de sorte que solliciter l’aide extérieure demeure leur dernière option, a fait savoir un cadre N’Gain, Kanga Bouazo Valentin.


"En réalité, Ils sont également caractérisés par la force et la puissance. Ils n’aiment pas les mésententes mais sont aux aguets, attendant toute occasion de disputes bonnes pour se défendre afin de prouver ce pouvoir caché", ajoute M. Kanga


En dépit de cela, ils sont très généreux. « Auparavant, ils laissaient de l’igname, une marmite auprès d’un feu allumé permettant à tout étranger qui viendrait à leur absence de manger », a affirmé un alphabétiseur de Ouassadougou, Destin Kouadio. Ils aiment beaucoup la couleur rouge, note-t-il.


La particularité des patronymes hybrides, à la fois Mandé et Akan


Les N’gain ont subi une très forte influence des Akan, et ils sont parmi les très rares Mandé à être organisés en lignages matrilinéaires, dispersés dans l’espace à cause de leur mariage patrilocal. Ce peuple porte des noms Akan et Malinké. Les noms de leurs villages se terminent en langue Malinké. On a par exemple, Tiémoko Konan, Kouadio Drandon Tryphène, Anien Yacouba.


Les pesanteurs socioculturelles qui entravent le développement des localités N’gain


Le manque d’unité, le complexe d’infériorité et la sorcellerie où les pratiques mystiques sont à la base de leur sous-développement, estime un cadre N’Gain, Kanga Bouazo Valentin.


Une tradition orale relève que des N’Gain pratiquant la sorcellerie ont maudit toutes entreprises de développement et empêché toute œuvre moderne du colonisateur à progresser chez eux.


kygt/tad/cmas

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