La polémique est grande depuis qu’ont été annoncés les tarifs du poste à péage de l’autoroute de Grand Bassam. J’ai cherché à comprendre comment et pourquoi ces prix.
Je parlerai des deux premières catégories de véhicules. Parce que les autres ont toujours été plus chères que les deux premières. Une autre fois, on évoquera la différence des coûts…Pour l’heure, les faits, c’est qu’à partir de ce vendredi 24 juin, à 10h00, les choses changent sur l’autoroute de Grand Bassam. Désormais, il faudra prévoir 1 000 FCFA dans votre budget comme droit de passage à l’aller, comme au retour, entre Abidjan et Grand-Bassam. Si vous avez un minibus, ce sera 1 500 FCFA.
En réalité, il n’y a pas de polémique. Celui qui a fixé les tarifs du péage n’en a pas fait l’annonce et celui qui a annoncé ne fait pas de commentaire. On enregistre plutôt une grogne en face, au sein des usagers de la route, plus généralement au sein de la population. Le message qui est le plus partagé par toutes les réactions est que les tarifs sont chers. « Plus chers que le pont HKB », « trop chers parce que nous sommes dans le grand Abidjan »... Les commentaires n’hésitent pas à rappeler que nous sommes dans un contexte de hausse des prix du carburant, d’un taux inédit et cela est vrai.
Mais qu’est-ce qui peut pousser le gouvernement (c’est lui qui fixe les tarifs) à imposer des « prix élevés » à des populations qui vivent encore les affres de la Covid-19, à des gens secoués par la guerre interminable en Ukraine ? Comment peut-on fixer des « tarifs exorbitants » dans un contexte inflationniste, où tout augmente ?
Je vois plusieurs raisons, qui se sont imposées dans la tête du gouvernement. La première est toute simple, évidente, mais justement parce qu’elle est évidente on n’y prête pas attention : c’est l’inflation ! Si tout augmente, attendez-vous à ce que tout augmente... Autrement dit, quand les prix commencent à augmenter, cela se répand sur l’ensemble du marché. Il y a une sorte de vase communicante. C’est logique, c’est économique.
Les « touristes » dans la tête du gouvernement?
La deuxième raison, c’est que tout le monde voit une autoroute d’à peine 17 km, mais il s’agit d’une route internationale, qui relie deux pays, deux métropoles, d’une distance de 175 km (entre Abidjan et Noé) qui doit devenir une autoroute. Nous sommes sur la route internationale qui relie la Côte d’Ivoire au Ghana, Abidjan à Accra. Je suis convaincu que dans la tête du gouvernement, payer moins de 1 000 FCFA serait sous-exploiter une opportunité où on a affaire à des voyageurs internationaux. Le hic ici, c’est que les frontières terrestres sont toujours fermées, pour les voyageurs. Et il y a des villes ivoiriennes, avant d’atteindre le Ghana. Mais là aussi, dans l’esprit du gouvernement, celui qui va jusqu’à Aboisso (à 113 km d’Abidjan) paiera moins que celui qui quitte Abidjan pour Toumodi (195 km) par l’autoroute du nord, où le coût est de 2 500 FCFA (deux fois 1 250 FCFA). De même, le voyageur d’Aboisso paiera exactement le même montant (1 000 FCFA ou deux fois 500 FCFA) que celui qui quitte Abidjan pour Abengourou (205 km), par la route de l’est.
Visiblement, le gouvernement a pris sa calculatrice et cela donne une troisième raison qui parait moins évidente pour la population mais qui n’a certainement pas échappé à l’esprit du gouvernement. La route de Grand-Bassam, c’est la route d’Assinie et cette ville est devenue, en plus de Grand-Bassam elle-même, l’un des fleurons sinon le fleuron de l’industrie touristique ivoirienne. Le ministère du tourisme pourra confirmer les chiffres, mais Assinie représente une très grosse part des dépenses des touristes ivoiriens (nationaux et internationaux). C’est une destination prisée des classes moyennes et des riches. Payer deux fois 1 000 FCFA devient donc insignifiant pour des gens qui vont dépenser sans compter à Assinie ou même à Grand-Bassam, le temps d’un week-end.
Quand on ajoute à tout cela le fait que la route de Bassam est moins chargée les jours ordinaires que les week-ends où on observe un véritable chassé-croisé des « touristes », des « riches » et autres « nouveaux riches » ou assimilés, ce qui constitue une quatrième raison, le gouvernement peut se satisfaire de ce qu’il a fixé des « tarifs justes ». D’autant plus qu’il dira qu’il n’a pas fermé l’ancienne route de Grand-Bassam, que même les voyageurs internationaux et les fêtards peuvent emprunter.
Mais il faut le reconnaitre, on aura fait des sacrifiés…Des gens qui croyaient fuir Abidjan à cause des déplacements coûteux vont devoir payer beaucoup plus cher pour aller au boulot et revenir dormir à Grand-Bassam, Yaou, Bonoua, etc. Des gens qui habitent à proximité de l’autoroute auront l’impression d’être surexploités. Autre chose : contrairement à l’autoroute du nord et à la route de l’est, on n’a pas l’impression que les syndicats, les ONG et les chefs traditionnels ont été consultés avant de fixer les tarifs de l’autoroute de Grand-Bassam. Cela n’a pas été dit, à ma connaissance.
L’Editorial de Barthélemy KOUAME
kouamebarthelemy23@gmail.com