Abidjan - Coup de gueule, cri de cœur… coup de chœur ! Entre diatribes incisives contre les « marchands d’armes », et égrenage des plus cultes tubes de son riche répertoire, la méga star ivoirienne du reggae, Alpha Blondy, a entransé son public lors d’un concert VIP, dans la soirée du vendredi 15 juillet 2002. Dans un Palais des congrès de l’hôtel Ivoire en effervescence qu’il retrouve 26 ans après son dernier spectacle dans cette salle.
Coup de gueule
Il est 23h25 lorsqu’un bruitage de sirène de police se propage crescendo dans les airs. Tous exultent. Car ces notes annoncent « Brigadier Sabari». Titre emblématique dénonçant les violences policières, qui lança en 1982 non pas seulement la carrière de l’artiste, mais ce qui constitue aujourd’hui quatre décennies de reggae made in Africa.
« Alpha Blondy est magnifique. Il est magnifique ! », s’époumone l’ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire, Abdelmalek Kettani, débout, fredonnant le chant et et se permettant des pas de danse bien à propos, tel un « baramogô » des ghettos abidjanais.
Le diplomate qui est très peu resté assis durant les quelque deux heures de concert, ose même avancer jusqu’au pied du podium à la fin du spectacle, pour faire un high five avec la star qui le reconnait parmi la foule amassée devant lui.
Tout comme M. Kettani, certains membres du gouvernement et hauts cadres de l’administration ivoirienne, ainsi que des chefs d’entreprises ne se sont pas fait prier pour se défouler au fil des notes endiablées de Blondy et son orchestre le Solar Système, sous le regard admiratif du Premier ministre Patrick Achi. Lui qui, à l’ouverture » de ce concert s’était, émerveillé de le voir enfin se tenir.
« Alpha Blondy est une icône mondiale, et nous lui sommes reconnaissants pour avoir pensé à ses fans de Côte d’Ivoire en leur offrant ce concert après 26 ans» d’absence sur cette scène, avait-il notamment déclaré, qualifiant le chanteur de travailleur passionné qui représente un modèle de réussite pour la jeunesse.
Des propos loin d’adoucir l’ardeur militante de l’artiste engagé, resté droit dans ses bottes de « voix des sans voix ». Crâne rasé, combinaison blanche comme un astronaute et manifestement très remonté, Jagger vide son sac d’exaspération. Il crache le feu. Décrie. Fustige. Tire à boulets rouges sur ces « marchands d’armes » qui tiennent, selon lui, en otage l’ONU pour semer des guerres et écouler leurs armes.
C’est tout le sens de l’opus oxymorique « Pompier Pyromane » sur son nouvel album intitulé Eternity. Une chanson déjà adoptée par les mélomanes qui l’entonnent en chœur avec l’artiste encore plus virulent : « L’ONU est financée par les marchands d’armes, (…) ; il ne faut pas impliquer l’Afrique dans le train de la guerre ukrainienne ; (…) l’Afrique ne peut pas se payer le luxe de se faire la guerre », fustige-t-il devant un public en liesse.
Amour pour la paix
Et sonna l’heure de l’amour avec « Sweet Fanta Diallo ». C’est l’extase. Le légendaire hit est dédié au passage pour la circonstance à « toutes les femmes, les pétini go (jeunes filles) et les mamans du monde ».
Mais il est aussi question de l’amour de Dieu à travers « Jah Glory, « Sébé Allah yé », « Massada »… . Cet amour qui féconde la paix, pour accoucher de l’espoir pour toute une jeunesse africaine de croire en l’avenir.
Parce que pour l’auteur de « Love Power », « lorsque le pouvoir de l’amour l’emportera sur l’amour du pouvoir, là, il y aura une paix éternelle sur la terre ». Alors, « n’oublions pas de laisser l’amour en héritage à la terre », plaide-t-il, entre deux titres.
Actualité oblige !
Comme il fallait s’y attendre, l’actualité politique nationale et sous-régionale n’a pas échappé au rasta philosophe. L’auteur de «Politiki » décrypte la rencontre, la veille, entre le président ivoirien Alassane Ouattara et ses prédécesseurs, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, comme une lueur de stabilité durable pour la Côte d’Ivoire.
En chantant « Multipartisme », il appelle à l’union de tous ses frères et sœurs Ivoiriens autour de cet élan de décrispation de la vie sociopolitique nationale. Car « nous ne sommes pas obligés d’être dans le même parti politique, mais nous devons nous entendre ».
« Cette rencontre (Ouattara-Bédié-Gbagbo) est (pour moi) comme l’homme qui marche sur la lune. Que cet amour continue pour la paix en Côte d’Ivoire », espère-t-il sous les vivats d’un palais des Congrès devenu carrefour des générations au fil d’une vingtaine de tubes hurlés en accord parfait avec l’auteur-compositeur plus que jamais jeune de ses 69 piges.
Des acclamations qui se feront plus fortes lorsque le « Kôrô Seydou» demande aux autorités de la Côte d’Ivoire et du Mali de privilégier le dialogue pour que les militaires ivoiriens arrêtés le Dimanche 10 juillet 2022 soient libérés. Parce que “la honte du crocodile est aussi la honte du caïman”. Message du sage Alpha.
Un sage qui a fait irradier sa vibration positive à des fans en délire jusqu’à la la fin de cette « réunion (musicale) familiale ». Et depuis le décollage à « Jérusalem ».
(AIP)
tm