Au terme de la tournée entamée le 21 août dernier, nous avons rencontré le tout nouveau délégué PDCI-RDA Toumodi Commune, qui, dans cet entretien, exhorte les militants de son parti à un sursaut.
Bonjour monsieur Anges N’Dakpri, vous êtes nommé délégué PDCI-RDA Toumodi commune depuis le mois de mai dernier. Comment vous vous sentez dans vos nouveaux habits de responsable politique ?
C’est d’abord un sentiment de joie qui nous anime à la suite de cette nomination faite par Son Excellence Monsieur Henri Konan Bédié, Président du PDCI-RDA. Il a placé sa confiance en nous en nous confiant une responsabilité aussi lourde, aussi importante que celle de délégué de Toumodi Commune. Toumodi est une ville très importante de par son histoire, de par sa configuration. Elle est une ville importante pour la Côte d’Ivoire, c’est aussi une ville importante pour le PDCI-RDA. Les précédents délégués sont de fortes personnalités, de hauts commis de l’Etat de Côte d’Ivoire. La délégation a été ouverte par le ministre Allah-Kouadio Rémi. A sa suite, il y a eu madame le maire honoraire Tchina Simone et après nous avons eu l’ancien directeur de Cabinet du Président Bédié, actuel vice-président du PDCI-RDA. Et aujourd’hui, je suis le quatrième délégué à qui on confie les rênes du PDCI-RDA à Toumodi. C’est un défi, c’est un challenge. C’est beaucoup d’actions, de réflexions à mener. Et comme je viens de le dire à mes parents, une seule personne ne peut pas réussir, une seule personne ne peut pas conduire. C’est pourquoi, fort de la confiance que le Président Henri Konan Bédié a placée en nous, nous également, nous voulons être ce trait d’union intergénérationnel, ce fédérateur des générations avant nous, mais également la nôtre et celle après nous pour mobiliser, fédérer toutes les énergies au service du PDCI-RDA à Toumodi, au service de la Côte d’Ivoire.
2020 a été beaucoup difficile pour vous avec votre emprisonnement. Au terme de cette difficile période, vous êtes nommé délégué communal PDCI-RDA de Toumodi. D’aucuns pensent que c’est une récompense. Pensez-vous que c’est cela ?
Sur cette question, la décision revient au Président du parti, qui, de façon libre, de façon souveraine, de façon autonome et de façon objective opère le choix de ses collaborateurs à travers la Côte d’Ivoire, partout où le PDCI-RDA est représenté. Il fonde son choix sur certains critères, sur certains indicateurs qui, je pense, lui sont propres. Je ne sais pas ces critères et ces indicateurs mais ce que je sais, c’est qu’on ne confie pas une telle responsabilité à une personne dont on n’a pas confiance. Ça c’est primo.
Secundo, on ne confie pas une telle responsabilité à une personne dont on n’est pas sûr de son engagement militant mais aussi de sa droiture politique. Donc, modestement, nous essayons de justifier ces vertus, ces valeurs. Ce n’est pas facile, nous sommes dans un Etat démocratique avec plusieurs courants mais aussi nous sommes dans une ville, Toumodi, qui est une ville assez complexe politiquement parlant. Et nous essayons au mieux de mériter cette confiance que le président du parti a bien voulu placer en nous.
Être le trait d’union intergénérationnel, être le trait d’union entre la haute direction du parti et la base, avez-vous déjà entamé le travail terrain ?
Oui, parce que cela est conforme aux recommandations et instructions que le Président du parti, dans une adresse, il y a quelques semaines, a faites à l’attention des délégués départementaux et communaux, nous instruisant d’occuper le terrain. Cela fait aussi partie des consignes que nous avons du Secrétariat exécutif en charge des Délégations départementales et communales, notamment le vice-président Georges Philippe Ezaley. Qui, à la suite de la tournée faite en 2021, a mis les délégués en mission. En tout état de cause, l’action terrain est la plus importante. Car c’est celle-là même qui permet d’établir un lien de proximité avec la base et avec l’ensemble de la population. Et puis Toumodi, suite aux évènements malheureux d’octobre 2020, il y a eu un décrochage vis-à-vis de nos militants qui n’avaient plus d’interlocuteur. Donc ces militants avaient besoin qu’on reparte vers eux pour les rassurer, pour les remobiliser, pour les redynamiser, pour leur passer les messages et les instructions que le Président Bédié a bien voulu nous confier. C’est ce que nous faisons depuis le 21 août qui s’est achevé le week-end du 3 et 4 septembre 2022. Ce, après avoir parcouru les 13 villages qui constituent la commune de Toumodi mais aussi les sections de la ville qui constituent notre délégation.
Nous avons constaté la vitalité du parti notamment à Abli où la mobilisation était exceptionnelle. Et pourtant, ce village a souffert pendant la grave crise d’octobre 2020. Au regard de cette ferveur, de cet engouement, peut-on aisément imaginer que cela était perceptible dans l’ensemble des villages et sections visités ?
Ah oui, nous avons été agréablement surpris, enchanté de constater cette ferveur militante dans tous les villages et quartiers de la commune où nous sommes passés. Dans les sections où nous sommes, des parents, des jeunes, des femmes sont sortis pour venir nous recevoir avec des échanges francs. Parce qu’il ne s’agissait pas, au cours de cette tournée, de venir passer juste un message, mais de venir écouter leurs récriminations, leurs déceptions, leur coup de gueule mais aussi leurs encouragements. Tout cela, nous avons pris soin de noter pour nous permettre de faire un rapport en bonne et due forme que nous prendrons soin de remonter au niveau de la haute direction du parti. Outre les frustrations exprimées çà et là, ce sont des militants et militantes très engagés, très déterminés qui ont exprimé leur soutien sans faille au Président Henri Konan Bédié et au PDCI-RDA. Ils sont prêts à reprendre le travail là où il avait été laissé. Ils sont prêts à relever tous les défis pour les futures batailles électorales.
Toumodi a connu des atrocités nulles pareilles en octobre 2020. Est-ce qu’au cours de cette tournée, la question de la réconciliation a été abordée ?
Bien sûr, cher frère. A ce niveau de responsabilité politique, on ne peut faire une telle tournée politique et occulter pareille situation. Et donc entre autres messages, nous avons exprimé notre compassion à l’endroit de tous nos parents des quartiers et des villages au regard de ce que nous avons vécu. Et les avons exhortés à emprunter le chemin du pardon, le chemin de la paix, le chemin de la réconciliation. Afin que ce que nous avons pu vivre à Toumodi, nous fassions en sorte que de telles barbaries, de telles atrocités ne se reproduisent. Il ne s’agit pas aujourd’hui de tenir Paul ou Pierre pour responsable mais il est question qu’avec nos frères, adversaires politiques, parce qu’avant d’être des adversaires politiques, nous sommes des frères et sœurs ; c’est de nous atteler à avoir des échanges avec ces personnalités du camp adverse. Que la fibre fraternelle de Toumodi que nous avons en commun et celle de la Côte d’Ivoire à laquelle nous appartenons tous, puissent être au-dessus de toutes considérations et que nous ne détruisions pas ce joyau que les pères fondateurs, les pères bâtisseurs de cette ville de Toumodi nous ont légué comme héritage.
Echanges avec le camp adverse oui, mais au sein du PDCI-RDA local, quels sont vos rapports avec les élus et cadres du parti ? Là aussi n’y-a-t-il pas nécessité d’échanges ?
Il est évident qu’avant d’aller dialoguer à l’extérieur, il faut bien que la paix, l’harmonie, la cohésion soient de mise au sein de la maison PDCI-RDA. Nous pensons que fondamentalement, il n’y a pas de division ni de querelle entre les cadres et élus. Comme dans toute famille humaine, nous avons traversé quelques incompréhensions qui ont été levées. La pression des ambitions peut venir perturber l’harmonie, la cohésion dans la famille. Mais nous, notre rôle aujourd’hui est de mutualiser, fédérer toutes ces énergies, toutes ces intelligences internes autour de la chose PDCI-RDA. Autour de l’institution PDCI-RDA. Nous devons faire en sorte de faire la part des choses entre nos ambitions personnelles et individuelles et préserver le PDCI et l’accompagner dans la reconquête du pouvoir d’Etat. En ce qui me concerne, dans les missions qui sont les nôtres, nous privilégions l’intérêt du PDCI-RDA au détriment des querelles personnelles et individuelles.
2023, les élections municipales et régionales sont annoncées. Comment entrevoyez-vous ces élections locales qui seront un test grandeur nature avant 2025?
En tout cas, pour nous, le préalable à ces enjeux électoraux de 2023, c’est un climat de paix, un climat d’apaisement, un climat de dialogue, un climat de fraternité. Ce ne sont pas toutes les villes de Côte d’Ivoire qui ont vécu ce que Toumodi et d’autres villes ont connu. Donc fort de cette expérience, parce que ç’en est une, nous n’avons le choix que de nous parler et de privilégier justement les comportements qui concourent à la paix, à la quiétude et à la cohésion. Pour nous, ces élections devront être placées sous le sceau de la paix, de la cohésion et du respect de la vie humaine qui est sacrée et des résultats qui sortiront des urnes. Il faudra éviter les actes de violence aussi bien par la parole que par des actes. Une fois que nous nous serons sensibilisés sur ce préalable, il est important que le PDCI-RDA en tant que parti politique qui légitimement aspire à reconquérir le pouvoir d’Etat, commence déjà par être le parti leader à partir des municipales, des régionales, et enfin revenir au pouvoir à travers la présidentielle. Mais que cela se fasse comme je l’ai dit plus haut, dans les règles de l’art, par la voie des urnes, sans violence, sans débordement.
Vous êtes un nouveau délégué certes, mais vous avez une connaissance du grand V Baoulé. Comment voyez-vous le positionnement de votre parti par rapport à ces élections locales dans cette zone considérée comme bastion imprenable du PDCI-RDA ?
Est-ce que le PDCI-RDA pourra garder son bastion intact ? C’est ce qui sous-entend votre question. Je crois que c’est une responsabilité qu’on nous a confiée, c’est un héritage qu’on a légué. Avant nous, ceux qui ont occupé cette fonction ont fait en sorte que Toumodi et le V Baoulé demeurent bastion imprenable du PDCI-RDA. Donc, il relève de notre responsabilité de ne pas nous départir de cet objectif. Et aujourd’hui, nous venons de faire des élections partielles et à la surprise générale, Bodokro considérée comme bastion imprenable du PDCI-RDA est passée aux mains du RHDP. Cela doit nous interpeller sur nos stratégies et nous réveiller. Ce qui veut dire qu’humainement parlant, nous devons faire en sorte que par notre présence sur le terrain, par des actions de proximité sur le terrain, nous puissions maintenir notre leadership dans le V Baoulé quant aux différentes élections à venir. J’insiste, nous devons intensifier les actions terrains car désormais nous aurons en face, comme adversaires, des transfuges du PDCI-RDA et cela rendrait les choses difficiles si nous ne nous réveillons pas.
Entretien réalisé par JEAN PAUL LOUKOU