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Société Publié le jeudi 6 juin 2024 | Le Banco.net

L’Enquête du jeudi : Côte d'Ivoire. Examens scolaires : la double épreuve des élèves handicapés

© Le Banco.net Par DR
Des élèves dans une salle de classe

C'est le temps des épreuves pour les candidats des examens à grands tirages. Une double épreuve souvent pour les élèves en situation de handicap. Pour eux, la Direction des Examens et Concours (Deco) a pris des dispositions particulières, en ouvrant des centres de composition spécialisés afin de leur permettre de prendre part aux examens comme il se doit. Malheureusement, les responsables de la plupart des établissements scolaires n’en informent pas les parents de ces enfants marginalisés. Notre Enquête du jeudi.


Les examens à grands tirages, session 2024, ont débuté sur toute l’étendue du territoire ivoirien avec l’entrée en sixième, le mardi 21 mai 2024. Au nombre des candidats inscrits se trouvent des enfants en situation de handicap, pour qui la Direction des Examens et Concours (Deco) a pris des dispositions particulières, en ouvrant des centres de composition spécialisés afin de leur permettre de prendre part aux examens comme il se doit. Ces centres ont été ouverts progressivement, aux malentendants il y a une trentaine d'années, ensuite aux malvoyants, à ceux qui souffrent de motricité manuelle réduite (MMR), enfin aux autistes il y a seulement cinq ans.


Au niveau du CEPE, les MMR et les malvoyants d’Abidjan et banlieues ont composé à l’école primaire publique Emmanuel Dioulo, située dans la Cité policière du Plateau et les malentendants, à l’EPP Sogefia 3A. Quant à ceux de l’intérieur du pays, ils ont composé dans les Directions régionales de l'éducation nationale (DREN) d'origine. Au niveau du BEPC et du BAC, tous les candidats d’Abidjan et de l’intérieur composeront à l’Epp Emmanuel Dioulo, nous explique M. Iritié Bi Daniel. Il est le point focal à la Direction des examens et concours pour les candidats en situation de handicap de tous les niveaux. Son rôle consiste à organiser l'inscription des candidats, à l’élaboration des listes, avant de passer au volet pratique des examens.


Des dispositions peu connues


Mais combien de parents d’élèves handicapés savent l’existence de cette disposition des pouvoirs publics, au profit des élèves handicapés, candidats aux examens à grand tirage ? Ils restent légion, ceux qui l’ignorent encore. Plus grave, des établissements ayant dans leurs effectifs des enfants en situation de handicap, ne les laissent pas aller aux examens avec les enfants bien portants, à cause de leurs conditions physiques et mentales qui nécessitent un encadrement particulier, c'est-à- dire la présence d'éducateurs spécialisés, pendant l’examen. Ils ne prennent pas d’avance non plus, les dispositions qu’il faut, de concert avec les parents, afin que leurs élèves souffrant de handicap, puissent passer l’examen dans le centre qui leur est dédié.


L’année dernière, révèle la famille Kouadio, leur enfant Kouadio N’Da J. S., autiste qui devait présenter le Cepe et l’Entrée en 6e dans une école primaire privée de Bonoua, n’a pu le faire. Tout simplement parce que, du fait de son handicap, l’école a estimé qu’il pourrait échouer et que cela affecterait la réputation de l’établissement qui ambitionnait de faire zéro échec. Pour cette année scolaire 2023-2024, les parents du jeune Kouadio N’Da lui ont fait changer d’établissement. Et, grâce aux démarches menées conjointement par son répétiteur et la direction de l’école, l'enfant a pu composer au centre Emmanuel Dioulo sis au Plateau à Abidjan et a été admis au CEPE avec 105 points. Sa mère estime que l’attitude adoptée l’année dernière par les responsables de son précédent établissement à Bonoua, l’a retardé sur son cursus scolaire. « Car il serait certainement en classe de 5e cette année », soutient-elle.


Des enfants marginalisés


Nous nous sommes rendus dans le centre de composition Epp Emmanuel Dioulo le jour des compositions du CEPE et de l'Entrée en 6e. Là- bas, des parents nous ont confié à quel point c’était difficile pour eux, de voir leur enfant être “marginalisé” par des établissements et par leurs camarades de classe. Ils ont également affirmé qu’ils n’avaient pas eu connaissance auparavant de l’existence de centres de composition spécialisés pour enfants en situation de handicap.


Pour la plupart d'entre eux, c’est de bouche à oreille que cette information leur est parvenue. C’est le cas de Mme Gueu, qui a appris, à quelques jours seulement des examens, que son fils malvoyant pouvait composer dans un centre spécialisé, réservé aux candidats étant dans la même situation que lui, et qu’il aurait « peut- être des chances de réussir ». Elle et d’autres mères nous ont confié que, « si elles avaient reçu cette information auparavant, leurs enfants seraient à un niveau supérieur aujourd’hui ». C’est-à-dire que certains seraient au collège, d’autres dans des structures pouvant les accueillir.


Responsabilité des établissements…


La question qu’il se pose alors est celle de savoir qui est donc responsable du manque de vulgarisation de l’information relative à l’existence des centres spécialisés d’examen, pour les enfants handicapés. Au regard des avis obtenus auprès de la DECO, des familles et des responsables d’établissements, il ressort que la responsabilité revient aux établissements de signaler auprès des Inspections de l’Enseignement primaire (IEP), tous les cas d’élèves ayant un quelconque handicap et qui sont candidats aux différents examens. « À chaque rentrée scolaire, la DECO se donne les moyens d’informer tous les établissements à travers les DREN. Il leur est demandé de recenser tous les cas de handicap » révèle M. Iritié Bi.


Il revient donc aux établissements ayant dans leurs effectifs des cas d’enfants en situation de handicap de le signaler à l’Inspection de l’Enseignement primaire dont ils dépendent, qui à son tour informe la Direction des examens et concours. Ensuite, celle-ci se chargera de les faire composer dans les centres prévus pour eux, en fonction de leur handicap. En réalité, c’est seulement quelques établissements primaires qui se donnent la peine de suivre la procédure en la matière et d’en informer les parents. Malheureusement, il ne nous a pas été possible de rencontrer des responsables d'établissements qui négligent ces dispositions.


et des parents


Il faudrait aussi que les parents concernés reconnaissent et acceptent que leurs enfants, du fait de leurs handicaps, ne peuvent partager la même salle d’examen que les candidats qui ne souffrent pas de handicap. Car comme le dit M. Kouakou Jean-Claude, maître éducateur spécialisé : « certains parents refusent d’accepter la situation de leurs enfants et insistent pour les faire composer avec les autres qui n’ont pas de handicap. Le risque, avec cela, c’est que l’enfant handicapé qui n’a pas forcément les mêmes dispositions que les autres, se retrouve en déphasage avec ce qui se passe autour de lui ».


Des encadreurs spécialisés


Pour un suivi et un encadrement à la hauteur des besoins des enfants en situation de handicap, il existe des structures et des éducateurs spécialisés. Ces derniers sont issus du concours de l'Institut national de Formation sociale (INFS). Ils sont ensuite formés dans l’une des spécialités suivantes : maître éducateur spécialisé, éducateur préscolaire, assistant social adjoint, éducateur spécialisé, assistant social et éducateur préscolaire adjoint. Il y a aussi ceux qu’on appelle les auxiliaires de vie scolaire ( AVS), dont le rôle est d’accompagner l’enfant dans l’accomplissement de certaines tâches scolaires, par exemple l’aider à assimiler les cours, à faire ses devoirs et l’accompagner aux examens scolaires. Les AVS sont à la charge des parents.


En ce qui concerne les structures, il n’existe, à ce jour, que deux établissements étatiques. Il s’agit de l’Ecole Ivoirienne pour les sourds (ECIS) et de l’Institut national ivoirien pour la promotion des Aveugles (INIPA). Comme leurs noms l’indiquent, ces établissements ne prennent en charge que deux types de handicap : les non voyants et les malentendants. Pour ce qui est des autres handicaps comme le handicap moteur, mental, cognitif et psychique, leur encadrement relève de structures privées, aux frais des parents.

Comme le dit M. Iritié, « le handicap coûte cher » Cependant, il est bon de savoir que les pouvoirs publics ont mis en place, un projet qui consiste à réunir dans une même classe, des enfants non handicapés et des enfants avec handicaps, qui reçoivent les mêmes cours d’un seul et même enseignant, accompagnés d’interprètes pour les enfants sourds. Ce projet qui est en cours d’expérimentation, est appelé “ l'École inclusive”.


Taux de réussite et orientation


A en croire le point focal de la Deco, M. Iritié Bi Daniel, le taux de réussite chez les candidats handicapés varie selon le niveau. « Au niveau du CEPE, le taux de réussite semble plus satisfaisant, parce qu'il y a un véritable encadrement de certains enfants par des structures spécialisées. Par contre, au niveau du BEPC et du BAC, cela est beaucoup plus difficile, singulièrement pour les malentendants, faute d'interprètes et d'enseignants spécialisés dans les établissements qu’ils fréquentent » explique-t-il.

Après l’obtention de leur diplôme, les candidats sont orientés d’office par l’Etat. Cependant il revient aux parents de décider de la structure qu’ils pensent la mieux adaptée pour l’encadrement de leurs enfants, et cela à leurs propres frais. Car « il n’existe malheureusement pas de dispositions particulières pour les assister » indique M. Iritié. Pour ce qui est de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, M. Iritié Bi rassure : « nous avons des dispositions à ce niveau ». En effet, il existe une loi d'orientation en faveur des personnes handicapées. Chaque année l’Etat lance un recrutement dérogatoire qui va jusqu’à 200 personnes de tous les niveaux.


Marie-Claude N'Da

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