La Banque Africaine de Développement (BAD) a officiellement lancé, ce lundi 23 juin 2025 à Abidjan, les 54 rapports pays 2025 et celui de la Côte d’Ivoire en particulier, sous le thème central : « Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement ».
Selon les représentants de la Banque, ces rapports annuels fournissent une analyse approfondie de la situation économique, sociale et structurelle de chaque pays membre régional de la BAD, tout en mettant en lumière les leviers internes que les États peuvent actionner pour accélérer leur transformation économique.
Les rapports 2025 mettent l’accent sur, le développement du capital humain, notamment à travers l’éducation, la santé et la formation professionnelle, la mobilisation efficace des ressources intérieures, incluant les réformes fiscales et la lutte contre les flux financiers illicites, la valorisation des ressources naturelles de manière durable, l’investissement dans l’innovation, l’entrepreneuriat et les chaînes de valeur locales, ont-ils informé.
Chaque rapport pays contient un diagnostic spécifique et des recommandations adaptées à la réalité de chaque État, avec des données actualisées, des indicateurs économiques clés, et des scénarios de croissance. L’objectif est de fournir un outil d’aide à la décision stratégique pour les gouvernements et leurs partenaires.
Dans son allocution, Dr Marcellin Ndong Ntah, économiste principal pour la BAD en Côte d'Ivoire, a indiqué que les rapports mettent en évidence le potentiel abondant en capitaux dont dispose l’Afrique. « Les rapports permettent de révéler ou confirmer que l’Afrique dispose d’un potentiel abondant de capitaux qu'il convient de mobiliser et d'utiliser de manière rationnelle et efficiente pour que ce potentiel contribue au développement de nos pays », a-t-il indiqué. Ajoutant, qu' “Ils mettent en lumière des opportunités concrètes et formulent des pistes d'actions ambitieuses, structurées et mesurables pour le suivi en vue d'accélérer la transformation structurelle du continent , ils constituent donc un outil de diagnostic rigoureux mais une véritable feuille de route”. Justifiant le choix de la thématique abordée dans les rapports, Dr Ndong a expliqué que celle-ci suscite “l'éveil de l’Afrique en termes de prise de conscience de son potentiel riche et varié allant du capital naturel jusqu’au capital humain en passant par le capital entrepreneurial et le capital financier”.
L’economiste en chef et vice-président du complexe de connaissance et de la gouvernance de la BAD, Professeur Kevin Urama a affirmé que la croissance du PIB ivoirien est “impressionnante “ et “Si la Côte d'Ivoire améliore sa gouvernance et les capacités institutionnelles, elle pourra doublé son taux de croissance maintenant”. Affirmant que le secteur informel contribue à 30 voire 40% dans l'économie du pays.
Lançant officiellement le rapport pays ivoirien, Professeur Clément Kouakou, Directeur du cabinet adjoint du ministère de l’économie, du plan et du développement représentant la ministre Nialé Kaba, Gouverneur de la BAD en Côte d'Ivoire a exposé les actions menées par le gouvernement pour mobiliser les capitaux et financer les priorités nationales en réaffirmant l'engagement pour poursuivre les réformes structurelles pour favoriser un environnement propice au développement durable.
Kadio Lionel Kouao, Économiste pays à la BAD et à l’Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d'Economie Appliquée (ENSEA) présentant le Rapport Pays de la Côte d’Ivoire a souligné qu’avec un taux de croissance du PIB réel estimé à 6,1 % en 2024 et des prévisions stables autour de 6,3 % pour 2025-2026, la Côte d’Ivoire confirme son dynamisme économique. L’inflation est en baisse (3,5 % en 2024 contre 4,4 % en 2023) et le déficit budgétaire s’est réduit à 4 % du PIB, contre 5,2 % l’année précédente. Cependant, la mobilisation des ressources reste faible.
Le taux de pression fiscale atteint 13,8 % du PIB, bien en deçà du seuil communautaire de 20 %. Le poids du secteur informel et l’insuffisante exploitation de leviers fiscaux (impôt foncier, e-commerce) freinent les recettes. Le pays doit aussi investir davantage dans le capital humain, notamment la santé, la formation et l’adéquation des compétences au marché de l’emploi. Son capital naturel (95 % renouvelable) demeure sous-valorisé, faute de comptabilité environnementale efficace. Enfin, la lutte contre la corruption, la sécurisation du foncier et l’amélioration du climat des affaires sont essentielles pour attirer les investissements. Selon la BAD, la Côte d’Ivoire doit mobiliser 3,2 milliards USD par an (environ 3,5 % du PIB) pour atteindre ses objectifs de développement durable d’ici 2030.
Lors d’un panel intitulé « Tirer le meilleur parti du capital de la Côte d’Ivoire pour favoriser son développement », modéré par Dr Linguère Mbaye, cheffe de division au Département de l’Économie des Pays – Régions Nord, Centre et Ouest de la Banque africaine de développement (BAD), plusieurs experts ont exposé les leviers essentiels à activer pour accélérer la transformation économique du pays.
Marcelin Cissé, Directeur Général du Plan au Ministère de l’Économie, du Plan et du Développement, a mis en avant les priorités de son département, notamment la création d’un environnement socio-économique stable et l’amélioration du taux de bancarisation. « Le défi pour nous, c’est de développer un environnement socio-économique stable et de renforcer le taux de bancarisation », a-t-il affirmé.
De son côté, Dr Joseph Ribeiro, Directeur Général Adjoint pour la région Afrique de l’Ouest à la BAD, a rappelé l’engagement fort de l’institution dans le pays. « La BAD intervient dans de nombreux domaines en Côte d’Ivoire. Elle est le deuxième financeur du secteur rural, après l’État », a-t-il indiqué. Il a également plaidé pour la digitalisation des systèmes afin de faciliter l’insertion des jeunes. « Être jeune est un atout, à condition d’y ajouter des qualifications. La vraie limite, ce sont les compétences en Afrique », a-t-il souligné.
Dr Hugues Kouadio, Directeur Général de l’École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée (ENSEA), a quant à lui insisté sur la nécessité de revaloriser certains métiers, encore sous-estimés malgré leur potentiel dans le tissu économique.
Enfin, Dr Marcellin Ndong Ntah, Lead économiste et coordonnateur des Centres de financement régional (CFR) à la BAD, a mis l’accent sur l’informalité, affirmant que « désinformaliser l’informel est essentiel pour qu’il contribue pleinement à l’économie nationale ».
La cérémonie de lancement a réuni décideurs politiques, économistes, partenaires techniques et financiers, ainsi que des représentants du secteur privé.
R-SEKONGO

