Les infrastructures économiques, longtemps perçues comme des piliers incontournables du développement, ne tiennent pas toujours leurs promesses dans les pays africains. C’est le constat nuancé que dresse le Dr Koné Youssouf, à travers sa thèse de doctorat soutenue ce lundi 28 juillet 2025 à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, intitulée « Essais sur les effets macroéconomiques des infrastructures dans les pays de la SADC ».
Dans ce travail, l’économiste s’est penché sur seize pays membres de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) sur une période de plus de trois décennies, allant de 1990 à 2023. Grâce à une approche économétrique rigoureuse, articulée en trois essais distincts, le chercheur met en lumière les effets contrastés des infrastructures sur la croissance économique.
Son étude révèle que l’accès au haut débit et à la téléphonie mobile stimule significativement la croissance économique, surtout lorsque les institutions sont solides et que le système financier fonctionne efficacement. Le numérique ne déploie son plein potentiel que dans un écosystème favorable.
Pour les infrastructures de transport, les effets positifs ne se manifestent qu’en présence d’une stabilité institutionnelle. Dans les pays les moins dotés, ce n’est pas tant la qualité que le volume des infrastructures qui importe : construire davantage, même avec des standards modestes, peut faire la différence.
En ce qui concerne les infrastructures électriques, leur rôle dans l’industrialisation et la consommation des ménages est souligné, mais leur efficacité reste bridée par des pertes techniques majeures lors de la transmission.
Au-delà des résultats, le Dr Koné met en avant des effets de seuil, des mécanismes de transmission sectoriels ainsi que l’impact fondamental de la gouvernance. Il défend l’idée que la construction d’infrastructures n’a de sens que si elle s’accompagne d’une transformation structurelle réelle. « J’ai choisi ce sujet car je suis convaincu que le développement économique de l’Afrique passe par des infrastructures performantes, mais surtout par une meilleure compréhension de leurs effets réels sur nos économies. Il ne suffit pas de construire, encore faut-il que cela transforme structurellement », déclare-t-il.
L’une des forces de cette recherche réside dans ses recommandations différenciées en fonction du niveau de développement des pays. Dans les pays à faible revenu, il est prioritaire d’investir dans l’accès de base à l’électricité et au numérique. Dans les pays à revenu intermédiaire, l’enjeu principal est l’amélioration de la qualité des services et la réduction des inefficacités. Dans tous les cas, la gouvernance sectorielle doit être renforcée, les investissements mieux coordonnés, et l’intégration régionale encouragée.
À l’en croire, à travers cette thèse, le Dr Koné Youssouf offre une lecture fine et contextualisée de la relation infrastructures-croissance, trop souvent abordée de façon uniforme dans les analyses macroéconomiques classiques. Son travail s’inscrit comme une contribution originale aux débats sur le développement en Afrique, en appelant à des stratégies infrastructurelles plus intelligentes, adaptées et coordonnées.
Cyprien K.

