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Société Publié le jeudi 7 août 2025 | BBC

L'"effet de seuil" : pourquoi oublions-nous ce que nous allions faire en changeant de pièce ?

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© BBC
L'"effet de seuil" : pourquoi oublions-nous ce que nous allions faire en changeant de pièce ?
Les recherches révèlent que la baisse de performance de la mémoire n'est pas due à la distance parcourue ni au temps écoulé, mais au simple fait de changer de "scène".

Il arrive dans la cuisine avec une idée claire, mais en franchissant la porte, quelque chose s'estompe. Il ne se souvient plus de ce pour quoi il était venu. Et il reste quelques secondes devant le réfrigérateur, comme si le froid pouvait rafraîchir l'intention qu'il avait perdue avec le changement de lieu.

Ce phénomène a été étudié par la psychologie cognitive et est connu sous le nom d'"effet de seuil".

Il suffit de franchir une porte pour que le cerveau interprète qu'une fonction est terminée et qu'une autre commence.

Cela se produit parce que notre mémoire sémantique (celle que nous utilisons pour nous souvenir des concepts) fonctionne mieux lorsqu'elle est associée à la mémoire épisodique (celle que nous utilisons pour nous souvenir des lieux), et cette dernière est liée à des indices contextuels. C'est pourquoi, en revenant au contexte original, nous récupérons souvent les informations perdues.

Une farce éphémère qui pourrait bien être jouée sur les planches de l'emblématique et carnavalesque Gran Teatro Falla de Cadix, face auquel j'écris ces mots.

Le rideau se lève et des gens en combinaison de plongée apparaissent

À la fin des années 70, le psychologue britannique Alan Baddeley (connu dans le monde entier pour ses études sur la mémoire) a mené, avec d'autres collègues, plusieurs études avec une distribution curieuse.

Dans son expérience la plus connue, il a demandé à une équipe universitaire de plongée de mémoriser des listes de mots dans deux environnements distincts : sous l'eau et sur la terre ferme.

Ensuite, il a évalué la capacité des participants à se souvenir de ces mots, à la fois dans le même environnement d'apprentissage et dans l'autre. Le résultat était clair : ceux qui apprenaient et se souvenaient au même endroit (eau-eau ou terre-terre) obtenaient de meilleurs résultats.

Avec le temps, un pot-pourri d'études a confirmé que le contexte (et même l'humeur) joue un rôle clé dans la mémoire.

Changement de scène : l'oubli apparaît

C'est-à-dire que la mémoire est comme une actrice de théâtre qui jouera particulièrement bien son rôle si le décor, les costumes et même l'éclairage sont les mêmes que lors des répétitions. Mais s'il n'a pas bien étudié le scénario, il succombera au changement de scène provoqué par le fait de traverser une porte.

La dénomination d'"effet de seuil" a été utilisée pour la première fois en 2011, mais son étude a commencé en 2006. Dans cette première étude, l'équipe de recherche a demandé aux participants de mémoriser des objets présents dans un espace virtuel, puis de se déplacer (virtuellement) vers une autre pièce. Ils ont découvert que, juste au moment de franchir un seuil, la capacité à se souvenir de ces objets diminuait de manière significative.

Les multiples recherches ultérieures ont renforcé l'idée qu'il s'agissait d'un principe général de mise à jour de la mémoire. De plus, il a été démontré que la baisse de performance n'était pas due à la distance parcourue ni au temps écoulé, mais au simple fait de changer de "scène".

Ces résultats soutiennent l'idée du "modèle de l'horizon des événements" : en modifiant le contexte, l'information associée est segmentée et devient moins accessible. L'oubli se produit même si nous imaginons simplement que nous franchissons une porte.

L'acte final qui révèle l'intrigue

Comme cela a été démontré tout au long de l'article, ce n'est pas la porte elle-même qui nous efface la mémoire, mais le changement de décor. Le cerveau interprète qu'un nouvel acte commence et dissocie, en partie, les informations de l'acte précédent.

Dans cette optique, plusieurs études récentes, menées avec la réalité virtuelle, ont également confirmé que l'important est la transition entre les environnements, et non le fait de franchir un seuil.

L'une des principales causes de ces lapsus semble être le multitâche. Lorsque nous effectuons plusieurs actions à la fois, le cerveau répartit son attention comme il peut et certaines informations restent dans les "coulisses". Notre capacité cognitive est limitée, et lorsque le contexte change, les tâches qui ne sont pas prioritaires peuvent s'estomper.

Un nuage de souvenirs

Heureusement, ces oublis quotidiens n'indiquent aucune détérioration grave. Il a été prouvé qu'ils affectent de la même manière les jeunes et les personnes âgées. Cela suggère qu'il s'agit d'un effet secondaire de la façon dont notre esprit organise l'expérience, et non d'un signal d'alarme indiquant une possible démence.

En ce sens, Nietzsche a écrit : "L'oubli est une faculté positive au sens le plus strict, un gardien, un garant de l'ordre et du calme." Si nous n'avions pas la capacité d'oublier, nous serions submergés par les souvenirs et il ne nous resterait pas d'espace pour l'action.

En fait, l'"effet de seuil" a son côté positif : changer de pièce ou de lieu nous aide à mieux retenir les nouvelles informations. En modifiant les clés contextuelles, l'emplacement est mis à jour et il y a moins d'interférences avec les tâches précédentes. Ainsi, le cerveau profite du nouvel environnement pour apprendre plus clairement.

De plus, il est également possible de rester "en blanc" sans changer de scène : lorsque nous voyons une personne spéciale et profondément aimée dans un lieu inattendu et que nous mettons du temps à la reconnaître. Cela se produit parce que le cerveau a besoin de chercher les indices des décors habituels pour que cela nous corresponde. Cette situation n'est pas non plus indicative d'un déficit cognitif : l'esprit (et le cœur) se reconstruit face à un nuage extraordinaire et magnifique de souvenirs.

*Jorge Romero-Castillo est professeur de psychobiologie et chercheur en neurosciences cognitives à l'Université de Malaga (Espagne).

*Cet article a été déjà été publié dans The Conversation.


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