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Économie Publié le mercredi 17 décembre 2025 | Abidjan.net

Paiements instantanés : la bascule silencieuse qui peut enfin libérer le commerce africain (Libre Tribune)

Paiements instantanés : la bascule silencieuse qui peut enfin libérer le commerce africain (Libre Tribune)
© Abidjan.net Par DR
Paiements instantanés : la bascule silencieuse qui peut enfin libérer le commerce africain (Libre Tribune)

En 2025, quelque chose est en train de changer en profondeur dans la finance africaine. Pas un slogan, pas une promesse de plus, mais une bascule concrète : les paiements instantanés sont en train de devenir une infrastructure stratégique du continent. Et avec eux, une condition longtemps manquante pour que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) passe du papier à la réalité. Pendant des années, l’Afrique a innové par le bas.


Le mobile money a ouvert l’accès aux paiements à des millions de personnes, souvent en dehors du système bancaire classique. Une réussite indéniable. Mais aussi un modèle fragmenté, limité dès qu’il s’agissait de franchir une frontière ou de structurer des flux à grande échelle. Ce qui change aujourd’hui, c’est le moteur. Les banques centrales africaines ont pris le relais. Elles poussent, coordonnent, imposent parfois. Leur objectif est clair : bâtir des systèmes de paiement instantanés interopérables, robustes, capables de servir aussi bien les particuliers que les entreprises, à l’échelle nationale et régionale. La transformation est rapide, et elle est tout sauf cosmétique.


En Afrique de l’Ouest, le signal est net. La BCEAO a lancé son Système de Paiement Instantané (SPI) avec un premier groupe de banques pilotes. L’ambition est d’intégrer, à terme, l’ensemble des établissements de l’Union. Ce chantier, encore technique en apparence, est en réalité éminemment politique et économique. À partir de 2026, son impact devrait devenir massif. Il faut dire que l’absurdité de la situation précédente sautait aux yeux. Envoyer de l’argent dans un pays voisin relevait souvent du parcours du combattant. Pour les entreprises, ce n’était pas un simple désagrément : c’était un verrou. Trésoreries bloquées, délais imprévisibles, coûts excessifs. Dans ces conditions, parler de commerce intracontinental relevait parfois de la fiction.


Le coût de cette fragmentation est bien documenté. Alors que l’ONU fixe un objectif de 3 % pour les frais de transfert, l’Afrique affiche encore une moyenne de 7,9 %. Un niveau qui pénalise les ménages, freine les PME et décourage l’initiative privée. À ce prix-là, l’intégration économique reste un slogan. Pourtant, le mouvement est désormais lancé, et il est difficilement réversible. Le rapport 2025 sur l’État des Systèmes de Paiements Instantanés Inclusifs d’AfricaNenda en apporte la preuve chiffrée. Trente-six systèmes de paiement instantanés sont aujourd’hui opérationnels dans 31 pays africains, avec cinq nouveaux lancements en un an.


La dynamique est claire : le paiement instantané n’est plus perçu comme un service premium réservé aux grandes villes, mais comme une infrastructure d’intérêt général, au même titre que l’électricité ou les télécoms. Sabine F. Mensah, directrice générale adjointe d’AfricaNenda, résume l’enjeu sans détour : « Le lancement du Système de Paiement Instantané de la BCEAO marque l’entrée de l’Afrique de l’Ouest dans une nouvelle phase. La fluidité des transactions devient enfin un levier concret de croissance et d’intégration économique. Ce mouvement dépasse largement la région : il illustre la transformation financière du continent, à un rythme qui surprend même les analystes les plus aguerris. » Sur le terrain, le paysage se structure rapidement. Le SPI de la BCEAO vient compléter un ensemble plus large : le PAPSS à l’échelle continentale, le TCIB en Afrique australe, GIMACPAY en Afrique centrale. Peu à peu, ces systèmes dessinent les autoroutes de paiement d’un continent longtemps morcelé.


Le rapport souligne que 18 de ces plateformes sont déjà ouvertes, intégrant banques, fintechs et opérateurs de mobile money, principalement via le mobile et les QR codes. Tout n’est pas uniforme pour autant. L’adoption est plus rapide chez les particuliers que chez les commerçants, et davantage chez les hommes et les plus de 30 ans. Mais les effets sociaux sont bien réels. Les femmes entrepreneures qui accèdent à ces outils gagnent en autonomie financière, en capacité de planification et en résilience. Mais les obstacles restent bien réels. Sabine F. Mensah les énumère sans complaisance. L’Afrique dispose d’un avantage décisif : 40 % des adultes possèdent un compte d’argent mobile.


Pourtant, l’écosystème demeure fragmenté. Les transactions interbancaires sont encore trop lentes, les paiements transfrontaliers trop coûteux, et les fintechs — pourtant moteurs d’innovation — se heurtent à des délais d’agrément pouvant atteindre trois ans. Autrement dit, la technologie est là. Les usages aussi. Ce qui manque encore, c’est la fluidité réglementaire et la coordination à l’échelle du continent. Face à ces défis, AfricaNenda s’impose comme un acteur déterminant. Son approche associe vision stratégique et action opérationnelle : appui aux banques centrales, assistance technique, renforcement des capacités et partage d’expériences.


Un travail souvent discret, mais décisif pour bâtir des systèmes de paiement instantanés accessibles, fiables et réellement inclusifs. Le SPI de la BCEAO ouvre ainsi un chapitre décisif : celui d’un continent qui commence à reprendre la maîtrise de ses flux financiers pour piloter son propre développement. La technologie est prête, les usages progressent, et les infrastructures se mettent en place. L’enjeu, désormais, n’est plus technique.


Il est politique, réglementaire et stratégique. Sans paiements instantanés réellement interopérables, la ZLECAf restera un projet ambitieux mais incomplet. Avec eux, le commerce africain dispose enfin d’une colonne vertébrale financière à la hauteur de ses ambitions.


JF Kacou,

Spécialiste en économie

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