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Société Publié le jeudi 4 février 2010 | Nord-Sud

Colonel Coulibaly Adama (Cdt du Groupement des sapeurs pompiers militaires) : "Nous avons un seul fourgon pour tout Abidjan"

Le colonel Coulibaly Adama, commandant du Groupement des sapeurs-pompiers militaires de Côte d`Ivoire (Gspm) explique les difficultés de ses équipes à faire face aux incendies.

•Vos équipes ont été très sollicitées ces derniers jours pour éteindre le feu. Étiez-vous préparé à une telle situation?
Effectivement, depuis un certain temps, nous sommes sollicités. Nous faisons ce que nous pouvons dans la mesure de nos possibilités. Nous n`avons pas assez de moyens et comme nous avons la foi, nous nous décarcassons. Nous avons également de bonnes relations avec des sociétés telles que l`Asecna (l`Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique), le groupe Saga, la Sdv, la capitainerie du Port autonome et la Sir (Société ivoirienne de raffinage). Lorsque nous avons un problème, nous appelons leurs services pompiers pour qu`ils nous viennent en aide. Normalement, ils ne devraient pas sortir de leur point de travail, mais compte tenu des problèmes et aussi de leur patriotisme, ils nous viennent en aide. Hier, par exemple, aux environs de 14 heures, nous étions à Bernabé en train d`éteindre le feu. Nous n`avions pas fini lorsqu`à 20 heures, on nous a appelés pour un autre feu à Adjamé sur le boulevard Nangui Abrogoua. Nous avons été obligés de démonter les tuyaux d`un des engins pour faire venir cet engin à Adjamé. Et ce, avec l`aide des éléments de la Saga qui nous ont prêté un fourgon. Nous avons pu éteindre le feu.

•Pouvez-vous nous raconter votre intervention de mardi soir au marché Gouro?
Nous avons plusieurs difficultés. Les badauds nous ont causé d`énormes soucis. Ils envisageaient dévaliser les magasins, mais notre présence ne leur permettait pas de le faire. Ils se sont mis dans le noir et ont commencé à nous lapider. Mon commandant en second a eu la vitre arrière de sa voiture de service cassée. Nous l`avons remplacé sur fonds propre. Puisque nous ne pouvons pas nous plaindre à quelqu`un. Après ce feu, nous sommes retournés à Bernabé pour aller éteindre le feu. Nous y sommes restés jusqu`aujourd`hui à 9h.

•Quelles difficultés avez-vous rencontrées ailleurs?
A Saco, il nous a fallu 24 heures pour éteindre complètement le feu.

•Lequel de tous ces incendies vous a posé le plus de problème ?
Tous les feux nous fatiguent, mais, c`est celui du black-market qui nous a vraiment épuisés. Il fallait gérer le feu et les badauds. Ils étaient plus nombreux que les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers. Pendant qu`on déroulait le tuyau pour aller prendre l`eau à la station Shell qui est à plus de 100 mètres du lieu du sinistre, les badauds nous bousculaient. Certains s`arrêtaient sur le tuyau. Nous étions obligés de débarrasser le tuyau de toutes ces personnes. Il fallait gérer ceux qui venaient prendre le reste de leurs marchandises et les voleurs. C`est le feu qui nous a tous éprouvés. A la fin, nous étions tous sur les genoux. Le feu de Bernabé était grand mais nous pouvions y circuler facilement.

•Comment expliquez-vous que cette société qui venait d`être rénovée, ait pris feu ?
Nous ne cherchons jamais à savoir l`origine du feu. Puisque lorsqu`il commence, nous ne sommes pas là. Je ne peux pas me hasarder à donner les origines du feu pour ne pas mettre les enquêteurs sur de fausses pistes. Il faut dire que chez les responsables des grandes sociétés, la sécurité est le cadet de leurs soucis. Alors qu`il y a un adage qui dit : mieux vaut prévenir que guérir. Mais ici en Côte d`Ivoire, c`est tout le contraire. Les gens préfèrent guérir que prévenir. Par exemple, il y a deux sociétés qui ont brûlé en 2008 à Yopougon. Il y avait devant leur porte des poteaux d`incendie qu`il fallait alimenter en eau à concurrence de deux millions de Fcfa. Ils ne l`ont pas fait. Mais quand ces sociétés ont brûlé, leurs responsables n`avaient que leurs yeux pour pleurer. Nous venons avec nos camions. Un fourgon pompe tonne, il y a 3000 litres d`eau. Il a une autonomie de 15 à 30 mn au maximum. Une citerne à 6 000 litres d`eau a une autonomie de 30 mn à 1`heure. Quand l`eau finit, nous sommes obligés d`aller chercher de l`eau à 500 m ou 1 km pour venir éteindre le feu. Pendant ce temps, le feu qui était presque éteint se ravive. Il ne faut pas croire que lorsqu`il y a un incendie et que les sapeurs-pompiers arrivent, automatiquement le feu est éteint. Ils ont besoin d`un minimum pour travailler. Un sapeur-pompier sans eau n`est rien. Comment on peut concevoir qu`une société comme Bernabé n`ait pas de point d`eau à côté. A Saco, pareil. Au Black, c`était pire.

•Qui doit vous apporter les moyens dont vous avez besoin ?
Chaque collectivité doit avoir au moins un embryon de service pompier. Il faut une caserne au moins par commune. Aujourd`hui, nous avons trois casernes de sapeurs-pompiers pour tout Abidjan. Et avec près de deux millions d`habitants. Actuellement, nous sommes près de 5 millions d`habitants. Abidjan est devenue une mégalopole. Il y a de nouveaux quartiers qui ont poussé. Nous avons la technicité, le potentiel intellectuel ou la conscience professionnelle, mais nous avons les mains nues. Nous faisons ce que nous pouvons dans la mesure de nos possibilités. Il y a des commissariats de police et des brigades de gendarmerie disséminés dans toute la ville d`Abidjan et il n`y a que trois casernes de sapeurs-pompiers. De la même manière, il y a plus de commissariats et de brigades pour la sécurité de la population, c`est de cette même manière qu`on doit avoir des casernes de sapeurs-pompiers pour la protection des personnes et des biens. Quelqu`un qui parcourt 5 à 10 kilomètres pour aller éteindre un feu, c`est tout à fait normal qu`on croit qu`il arrive en retard. Le dictionnaire définit le retard comme l`arrivée postérieure à une heure donnée à l`avance. Je mets quiconque au défi de me dire qu`il va mettre le feu à sa maison à une heure précise. Si quelqu`un le fait, j`y serai avec une heure d`avance. Tant qu`on va nous appeler et qu`on va parcourir des kilomètres avec l`indiscipline des chauffeurs, les gens vont dire qu`on est toujours en retard. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Normalement, on doit avoir un point d`eau devant chaque société pour qu`en cas d`incendie quand nous arrivons, nous puissions brancher tous les tuyaux.

•Etes-vous associés à l`élaboration des plans de marchés et grands espaces?
Effectivement, on nous associe mais, c`est au départ. Nous donnons des instructions. Nous donnons des conseils à l`architecte. Quelques rares fois, il l`applique. S`il ne le fait pas, nous ne pouvons pas fermer la société bien qu`elle soit dangereuse. Pour faire ce genre de chose, la commission qui siège regroupe plusieurs ministères et les sapeurs-pompiers.

•Vous demandez aux entreprises de créer des sapeurs-pompiers en leur sein. Comment doivent-elles s`y prendre ?
Elles le savent. Il y a des dispositions à prendre. Ils sont tous informés. Vous savez, nous sommes vus comme des perturbateurs. Si nous sommes présents, les responsables ne peuvent pas se livrer à certaines transformations. Mais comme je vous l`ai dit, la sécurité est le cadet des soucis des sociétés en Côte d`Ivoire. A Paris, le sapeur-pompier est idolâtré. Mais ici, c`est la gymnastique. Nous parcourons des kilomètres et des kilomètres pour éteindre le feu. Il peut se produire un accident de la circulation à Adjamé et c`est le fourgon de Zone 4 (Marcory) qui viendra en intervention.

•Pourquoi ?
C`est simple, parce que le fourgon de l`Indénié est peut-être en intervention à Cocody. Quelquefois, celui de Zone 4 va secourir des blessés à Yopougon. Les gens trouvent que c`est anormal qu`on n`arrive pas vite. Nous travaillons avec les moyens que nous avons à notre disposition. Normalement, la caserne de l`Indénié doit servir uniquement à Adjamé. Il devrait y avoir au moins une caserne pour chaque commune. La citerne de Yopougon va souvent éteindre des feux à Koumassi-Kankakoura. Il faut que les gens le sachent. Nous ne devons pas être vilipendés. Que chacun joue sa partition.

•Que suggérez-vous ?
Il faut qu`il y ait des sapeurs pompiers communaux. Même en France, ce sont les sapeurs-pompiers communaux qui sont les plus nombreux. A Paris, il y a des sapeurs-pompiers militaires, à Marseille, des sapeurs-pompiers marins. A côté d`eux, il y a des sapeurs-pompiers volontaires qui ont un jeton de présence. C`est-à -dire que lorsque vous vous présentez à chaque intervention ou accident, vous avez quelque chose en retour. On peut le faire ici. Ce ne sont pas les jeunes qui manquent. Il y a plein de jeunes qu`on forme. Ils ont le brevet de secourisme. Il y a aussi le groupement national des secouristes de Côte d`Ivoire qui a formé des jeunes. Je mets n`importe quel maire au défi de me demander cinq sapeurs-pompiers professionnels qui pourront former 20 jeunes. Et il leur donne le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig). Ce groupuscule sera d`une grande utilité au sein de la commune. Un fourgon coûte 400 millions. On l`utilise en France parce que ce pays a les moyens de s`en procurer. Les citernes de vidange peuvent être transformées en fourgon. Une ambulance de réanimation coûte 60 millions. Mais on peut transformer un mini car en ambulance. Nous pouvons également transformer une bâchée en une camionnette d`intervention diverse avec tout le matériel (matériels d`apiculture, d`électrocution). Avec ces trois véhicules et 25 personnes, nous pourrons mettre sur pied un embryon de sapeurs-pompiers dans n`importe quelle commune de Côte d`Ivoire.

•Les maires sont-ils informés ?
Chaque fois, lorsque je parle, ils m`entendent. Mais, ils n`y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Tous ces sinistres ont eu lieu dans des communes. Et quand il y a des incendies, les maires apportent leur soutien. Mais, quand ils finissent d`apporter leur soutien, qu`est ce qu`ils font pour que cela ne se reproduise plus ? Quand je suis arrivé le 26 0otobre 2007, j`ai pris mon bâton de pèlerin pour sensibiliser. J`ai décidé de communiquer. La preuve, vous n`avez pas pris rendez-vous pour que je vous reçoive. J`ai été dans toutes les mairies. Je leur ai proposé qu`on travaille ensemble sur le projet. Ils m`ont dit qu`ils ont bouclé leur budget de 2008. Je leur ai dit de penser à moi en 2009, mais, rien n`a été fait. Et à chaque fois, c`est nous qui sommes vilipendés.

•En termes de prévention, quels conseils pouvez-vous prodiguer aux populations?
Les collectivités territoriales doivent penser à employer des sapeurs-pompiers communaux. Les sociétés qui se disent certifiées Iso 9001 et qui pensent à leur sécurité et à leur développement doivent penser à mettre un poteau d`incendie dans la cour ou devant la société pour faciliter la tâche aux sapeurs-pompiers. Il y a des zones industrielles. Yopougon, Koumassi et Vridi. Que les industriels qui y sont conjuguent leurs efforts pour créer un embryon de sapeurs-pompiers. On n`a pas besoin d`attendre tout de l`Etat. Quand une société brûle, ce n`est pas l`Etat qui a brûlé. Le patron de la société perd beaucoup. Que les industriels et les opérateurs économiques nous aident à les aider.

Interview réalisée par Adélaïde Konin et Bianca La Liberté (Stagiaires)
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