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Société Publié le mardi 18 septembre 2018 | Abidjan.net

L’Ouragan Florence - Typhon Mangkhut : la Côte d’Ivoire est-elle à l’abri des cyclones tropicaux ? Les explications du Directeur de la Station géophysique de Lamto (Entretien)

© Abidjan.net Par C. K.
L’Ouragan Florence- Typhon Mangkhut : la Côte d’Ivoire est-elle à l’abri des cyclones tropicaux ? Les explications du Directeur de la Station géophysique de Lamto (Entretien)
Photo : Le Professeur Diawara Adama, Directeur de la Station Géophysique de Lamto ( Côte d’Ivoire)
L’Ouragan Florence du côté des Etats-Unis et le Typhon Mangkhut du côté de la Chine secouent ces localités du monde, depuis le week-end dernier. Le Professeur Diawara Adama, Directeur de la Station Géophysique de Lamto ( Côte d’Ivoire) explique ces deux phénomènes météorologiques. Entretien.

Aujourd’hui, on parle de l’ouragan Florence et du typhon Mangkhut. Comment expliquer la survenue concomitante de ces deux phénomènes météorologiques ?

Ces deux phénomènes météorologiques sont des cyclones tropicaux. Leur survenue concomitante est due au fait que les deux ont lieu dans deux zones certes différentes, l’Amérique pour le premier et l’Asie pour le second, mais ces deux zones sont toutes en saison cyclonique actuellement.

Quelle différence y a-t-il entre une tempête tropicale, un cyclone tropical, un typhon et un ouragan ?

Une tempête est un vent violent et d’assez longue durée, de plusieurs heures, associé au passage d’une dépression, c’est-à-dire une basse pression atmosphérique. Dans les régions intertropicales, la vitesse du vent permet de classer les tempêtes en fonction de leur intensité. On parle de dépression tropicale, lorsque la vitesse du vent est inférieure à 63 kilomètres par heure. On parle de tempête tropicale, lorsque la vitesse du vent est comprise entre 63 et 118 kilomètres par heure. Et on parle de cyclone tropical, lorsque la vitesse du vent est supérieure à 118 kilomètres par heure. Le cyclone tropical est appelé ouragan dans les régions telles que la mer des Caraïbes, ou typhon dans les régions telles que la mer de Chine.

Quelle est l’origine des cyclones tropicaux ?

Un cyclone tropical est une large zone de nuages orageux en rotation autour de son centre, accompagnée de vents violents de vitesse supérieure à 118 kilomètres par heure. La formation d’un cyclone tropical requiert un certain nombre de conditions météorologiques dont le plus important est l’échauffement de la mer. La température de la mer doit dépasser 26,5 degrés Celsius jusqu'à une profondeur d'au moins 60 mètres, avec une température des eaux de surface atteignant ou dépassant 28 à 29 degrés Celsius. L'eau chaude est donc la source d'énergie des cyclones tropicaux.


Comment choisit-on les prénoms des cyclones tropicaux ?

Le fait de donner un prénom aux cyclones tropicaux remonte à plus de deux siècles. Cela répond au besoin de différencier chaque cyclone des précédents. Plusieurs démarches ont été successivement adoptées pour nommer les ouragans. Il y a très longtemps, les ouragans portaient le prénom du saint du jour de leur formation. Depuis 1979, ils sont baptisés avec des prénoms anglais, français et espagnols, alternativement masculins et féminins. Le principe d’un cycle de 6 ans fut aussi établi. Ainsi, les prénoms des ouragans sont tirés de six listes de prénoms, les années paires débutant par un prénom masculin et les années impaires par un prénom féminin. Les prénoms utilisés reviennent tous les 6 ans.

Qui choisit ces prénoms ?

Dans le bassin de l'océan Atlantique, le National Hurricane Center (NHC) de Miami est officiellement chargé de nommer les cyclones. Le bassin de l'océan Pacifique est divisé entre plusieurs secteurs, vu son étendue. Le NHC de Miami nomme les cyclones de la portion est, le NHC de Honolulu ceux du centre-nord, le centre japonais ceux du nord-ouest et le sud-ouest revient au Bureau of Meteorology (BOM) australien et aux centres météorologiques de Fidji et de Papouasie-Nouvelle-Guinée. La dénomination dans l'océan Indien revient au BOM, au service météorologique indien et au centre météorologique de l’Île Maurice, selon le secteur.

Est-il vrai que le changement climatique augmente le nombre et l’intensité de ces catastrophes naturelles appelées cyclones tropicaux ?

Effectivement, les cyclones tropicaux sont de véritables catastrophes naturelles. A titre d’exemple, le cyclone Nargis, qui a frappé la Birmanie le 02 mai 2008, a fait plus de 138.000 morts et disparus. Et j’ajouterai les deux exemples les plus récents, dont vous avez parlé au début de notre entretien : l’ouragan Florence, qui vient de faire aux Etats-Unis au moins 17 morts et d’y priver 640.000 foyers d’électricité. Et le typhon Mangkhut, qui vient de faire aux Philippines et en Chine au moins 69 morts, ainsi que des dégâts considérables. Vous avez également raison de dire que le changement climatique a un impact sur la formation et l’intensité des cyclones tropicaux. En effet, l’effet de serre, c’est-à-dire le réchauffement actuel de notre planète, lié aux activités humaines, est soupçonné d’être à l’origine de l’échauffement des océans et mers, et partant, de la vague de cyclones tropicaux observés ces dernières années. Il n’est pas scientifiquement prouvé que les cyclones tropicaux soient devenus plus nombreux. Mais il est scientifiquement prouvé qu’ils sont devenus plus violents. Le physicien de l’atmosphère que je suis, peut avancer trois explications scientifiques. Un : le réchauffement des terres et des océans et mers, engendre plus d’évaporation d’eau en surface, donc plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère et plus de pluie au sol, avec les risques d’inondations dévastatrices que l’on sait. Deux : lors de la condensation de la grande quantité de vapeur d’eau en altitude, il y a libération d’une grande quantité d’énergie, qui génère des vents violents, également dévastateurs. Trois : l’effet de serre entraîne une fonte des calottes glaciaires et une dilatation de l’eau des océans et mers, qui engendrent à leur tour une augmentation du niveau des océans et mers. Cela facilite l’envahissement des terres par les océans et mers lors du passage des cyclones tropicaux.

La Côte d’Ivoire est-elle à l’abri des cyclones tropicaux ?

La Côte d’Ivoire est à l’abri des cyclones tropicaux. Pour trois raisons majeures. Un : excepté Madagascar, le continent africain, donc la Côte d’Ivoire, est situé hors des trajectoires moyennes des cyclones tropicaux. Deux : la force dite de Coriolis, qui donne aux cyclones leur rotation initiale, est si faible à l’équateur que les cyclones tropicaux se forment rarement à moins de 10° de l'équateur, c’est-à-dire qu’ils se forment rarement dans la zone latitudinale où se situe la Côte d’Ivoire. Trois : les conditions d’échauffement de l’eau de mer, nécessaires à la formation des cyclones tropicaux, ne sont pas réunies en Côte d’Ivoire. En effet, au niveau des côtes ivoiriennes, la température de surface de l’océan, en moyenne, n’est que de 22 à 23 degrés Celsius en période de remontée d’eau froide, appelée upwelling, c’est-à-dire de mi-juillet à mi-septembre, et de 26 degrés Celsius le reste de l’année.


Que faut-il pour la prévention ?

On ne peut pas se protéger totalement contre les effets des cyclones tropicaux. Cependant, dans les zones à risque, un aménagement adapté du territoire peut permettre de limiter les dégâts humains et matériels dus aux vents, aux précipitations et aux inondations accompagnant ces cyclones. Une architecture offrant moins de prise au vent, des réseaux électriques enterrés et isolés de l'eau, le maintien ou la restauration de forêts littorales, la construction de digues…peuvent y contribuer. Par ailleurs, pour éviter une croissance incontrôlable de l’intensité des cyclones tropicaux, le monde entier doit mener une lutte efficace contre l’effet de serre, la source du changement climatique actuel. Cela signifie la mise en œuvre de politiques de réduction des sources de gaz à effet de serre, notamment de gaz carbonique, et de croissance des puits de gaz à effet de serre, la reforestation en tête. Il s’agit là d’un défi majeur voire une question de survie, pour l’humanité.



Propos recueillis par C. K.
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