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Politique Publié le mercredi 9 octobre 2019 | L’Inter

Depuis Paris / Bendjo sans détours : Je ne serai jamais un spectateur passif de mon pays

© L’Inter Par DA
Décentralisation:La commune du plateau fait un important don à la ville Korhogo
Mercredi 22 juillet 2015. Abidjan. Le premier magistrat de la commune du plateau, Akossi Bendjo a fait, au nom de sa commune, un important don à la ville de Korhogo. Il s`agit de 100 bacs à ordures ainsi que de 2 triporteurs.
Dans cet entretien accordé au confrère ‘’L’inter’’ d’Abidjan, l’ex-maire du Plateau, Noël Akossi Bendjo, y va sans détours en ce qui concerne son exil en Europe, ses activités, ses ambitions et ses projets à venir. Ci-dessous, le contenu de cet entretien.

Monsieur le maire, cela fait plus d’un an que vous êtes tenu hors de Côte d’Ivoire. Comment vivez-vous votre exil ?

Comme vous le voyez, je tiens le choc. L’exil est toujours une violence. C’est dans mon cas le résultat d’une instrumentalisation de la justice à des fins politiciennes. Ma condamnation a été prononcée sur la base d’arguments fallacieux à l’issue d’un simulacre de procès qui déshonore ses auteurs et ses instigateurs. La vérité va se savoir très vite. Je sais que lorsque la justice aura retrouvé son indépendance, je serai blanchi. Personne n’est dupe. En ce qui me concerne, j’ai ma conscience pour moi, c’est en réalité l’essentiel.

Vous êtes, chacun le sait, l’ancien maire du Plateau, destitué de vos fonctions de la façon dont on sait. Comment avez-vous ressenti la libération de votre homologue, Khalifa Sall, à Dakar ?

C’est un geste en apparence fort et je me réjouis que Khalifa Sall ait retrouvé l’air de la liberté mais ce n’est qu’un début : l’ancien maire de Dakar demeure privé de ses droits civiques et une amende d’un montant surréaliste lui est infligée. Ce premier geste démontre en tout cas l’ancrage de notre voisin sénégalais dans une tradition démocratique, tradition qui s’est imposée au président Macky Sall. Il doit maintenant aller au bout de sa démarche.

Il peut y avoir partout des tentations de raidissement… Il ne suffit pas d’avoir le mot réconciliation à la bouche. La réconciliation, c’est comme l’amour, vous connaissez l’adage : il n’y a que les preuves qui comptent. Quelle tristesse de voir la Côte d’Ivoire faire le chemin à l’envers ! Je le dis avec beaucoup de gravité : Alassane Ouattara ferait bien de s’inspirer de cet exemple, de cette démarche, même inachevée. Il s’enferme dans une spirale de plus en plus autoritaire, en pourchassant ses opposants. L’emprisonnement de Jacques Mangoua, le vice-président du PDCI-RDA, s’inscrit dans cette dérive mortifère pour mon pays. Là encore, on invente des éléments fictifs pour se débarrasser d’un opposant. Et ce pouvoir fait aujourd’hui pire encore puisque, non content de se complaire dans le non droit, il sombre dans la violence en réprimant à balles réelles une manifestation pacifique. Je m’incline devant la mémoire du jeune Diby N’Guessan et adresse toute ma compassion à sa famille.

L’opposition se mobilise sur le terrain au pays. Après Treichville, il y aura le 19 octobre un autre giga-meeting à Yamoussoukro. En tant que responsable de la mobilisation au PDCI-RDA, qu’est-ce que ça vous fait d’être à la marge?

L’exil n’est jamais un choix ; je ne suis pas en vacances. Il aurait suffi que j’accepte de rentrer dans le rang pour ne pas vivre ce moment pénible pour moi-même et pour mon épouse, qui est à mes côtés un soutien précieux de chaque instant. J’aurais pu faire comme tout le monde ou presque, m’acheter une tranquillité au prix du reniement de mes idées et je serais aujourd’hui paisiblement en train de vous parler à Abidjan. Je ne l’ai pas fait parce-que je suis un homme de fidélité ; je suis un homme attaché à des valeurs, des valeurs de paix, de développement, des valeurs que le PDCI-RDA porte depuis plus de 70 ans et il n’était pas question pour moi de les abdiquer. J’accepte ce sacrifice.

Cela dit, je vous assure que de Paris, je ne regarde pas passer les trains. J’ai été honoré d’accompagner le président Bédié à Bruxelles lors de la rencontre historique du 29 juillet avec le président Gbagbo, retrouvailles sans lesquelles rien n’eut été possible. A sa demande, j’ai rencontré le président du COJEP Charles Blé Goudé à la Haye, avec une délégation de notre parti conduite par notre secrétaire exécutif, Maurice Kakou Guikahué. A Paris, avec les responsables des formations réunies dans la plateforme, nous avons monté l’UDCI, l’Union de la Diaspora pour la Côte d’Ivoire et lancé le 15 septembre une structure renforcée parce-que la diaspora a son rôle à jouer. Elle a toujours occupé une position avant-gardiste dans les grands moments de notre histoire.

Vous l’avez rappelé, vous étiez le 29 juillet aux côtés du président Bédié dans la délégation qui s’est rendue à Bruxelles rencontrer Laurent Gbagbo. Puis vous avez rendu visite à Charles Blé Goudé ; Comment avez-vous interprété la décision de la procureure auprès de la CPI de faire appel de la décision d’acquittement ?

Je regrette profondément cette décision. Le sort qui lui est réservé est injuste. La Côte d’Ivoire a besoin de tous ses fils et il est l’un de ses enfants les plus éminents. Charles Blé Goudé a, pour les mêmes raisons, vocation à participer à la réconciliation et donc à rentrer au pays.

En 2010, puis 2015, votre parti, le PDCI-RDA était le plus fidèle allié d’Alassane Ouattara. Vous êtes vous-même l’un des instigateurs du rapprochement avec vos adversaires d’hier. Qu’est-ce qui a fondamentalement changé ?

Ce qui a changé, c’est d’abord la rupture de la parole donnée. Je crois au respect des engagements. Comment faire confiance à un homme qui ne tient pas ses promesses ? Ce qui est vrai dans la vie privée l’est tout autant dans la vie publique. Vous savez, en 2010, il a fallu beaucoup d’abnégation à Henri Konan Bédié pour ne pas contester les résultats du premier tour de la présidentielle. Il l’a fait car il est profondément un homme de paix et il ne voulait pas ajouter la crise à la crise. En 2014, l’appel de Daoukro était le résultat d’une alliance politique. Une nouvelle fois, le président Bédié faisait le choix de l’intérêt national sur celui immédiat de son parti. Mais ce n’était certainement pas pour favoriser la disparition du PDCI-RDA. Le PDCI-RDA est un grand parti, à l’origine celui de tous les Ivoiriens, celui qui a accompagné nos plus belles années. Il a une histoire indissociable de celle de notre accession à l’indépendance portée par son fondateur Félix Houphouët-Boigny. Il a un bilan, des valeurs. Il a une vision, libérale, humaniste, progressiste. Comment avoir pu imaginer que nous accepterions de rayer tout cela d’un trait de plume ? Lorsque l’on a la responsabilité d’un grand parti politique, on ne peut assumer son sabordage devant ses militants. On a à l’inverse le devoir de porter toujours plus haut ses convictions.

Et si on posait la question quel bilan faites-vous de la gestion du pouvoir actuel ?

Nous avons constaté une dérive depuis deux ans avec la volonté manifeste d’un clan d’accaparer tous les pouvoirs. Je ne suis pas seul à le dire. L’Union européenne l’a écrit dans un rapport. Parce-que nous avons soutenu Alassane Ouattara sur une promesse de réconciliation, d’apaisement et de développement, nous avons le devoir de faire l’inventaire de ses deux mandats. Le bilan est extrêmement décevant : dérive autoritaire du régime, centralisation des pouvoirs, attributions des marchés publics à un clan, corruption qui gangrène la confiance, et maintenant fuite en avant aussi, avec ce gouvernement pléthorique. Et pendant ce temps, un peuple ivoirien qui ne voit jamais venir les fruits d’une croissance inexploitée, des chiffres qui font mal avec un indice de développement humain très très bas : une espérance de vie de 53 ans, 47% de la population en dessous du seuil de pauvreté, des jeunes qui se rêvent un avenir meilleur en exil et s’engouffrent sur ces embarcations mortifères vers des pays qui ne les désirent pas … Quelle image renvoyons-nous au monde ? Ce n’est pas cela la Côte d’Ivoire. Je ne me reconnais pas dans une politique qui laisse tant d’Ivoiriens au bord de la route. Il faut refaire de notre pays notre terre d’espérance ! Ces dernières semaines, j’ai suivi avec écœurement cette incroyable instrumentalisation des obsèques de DJ Arafat. J’y ai vu une pitoyable tentative d’exploiter la popularité d’une star, certes immense, certes aimée, mais qui ne peut en aucune façon être érigée en modèle pour notre jeunesse par le pouvoir politique. Il y a la réussite, il y a aussi les valeurs ! Et puis, il est trop facile de s’abriter derrière une réussite individuelle pour dissimuler notre échec collectif à élever nos enfants.

Finalement à chaque élection, on en revient à deux contre un ? Est-ce que n’est finalement pas un manque d’imagination, avec cette plateforme ?

C’est exactement l’inverse. La plateforme consiste à faire travailler ensemble des femmes et des hommes de bonne volonté autour de valeurs communes et de la volonté partagée de réconciliation, pas d’un simulacre d’apaisement. Il s’agit de construire un pays en se donnant les outils institutionnels afin de ne pas retomber dans un cycle de violences à chaque fin de mandat. C’est en fait la volonté d’accéder enfin à une maturité démocratique.

La Commission électorale est désormais désignée avec à sa tête le magistrat Coulibaly Kuibiert. Quel est votre commentaire là-dessus ?

La commission électorale ne remplit pas ses obligations d’indépendance et d’impartialité, et ne garantit pas des élections pluralistes et incontestables. Sa composition est une pure provocation. La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a été très claire dans ses exigences et nous l’avons saisie à nouveau. Le pouvoir tente de ruser. Vous savez, les décisions de la Cour sont des décisions de justice. Elles ne constituent pas de simples suggestions que chacun pourrait interpréter en fonction de ses intérêts. Le droit n’est pas négociable. Par ailleurs, le précédent des élections locales nous incite à la plus grande vigilance.

Pour vous, quelles doivent être les prochaines étapes d’ici 2020 ?

Les conditions d’une élection présidentielle transparente ne sont aujourd’hui pas remplies. Aller aux élections dans ces conditions serait un suicide collectif. Les Ivoiriens ne sont pas réconciliés. Ils se regardent en chiens de faïence. Il faut que tous les prisonniers politiques soient libérés et que tous les exilés à l’étranger reviennent en Côte d’Ivoire, car sans cela la réconciliation ne sera pas possible. Il n’y a pas de consensus électoral. En dehors de la commission électorale que nous récusons en l’état, le code électoral n’a pas été révisé et la composition de la liste électorale s’apparente à une manigance pour favoriser le clan au pouvoir. Il faut que chaque Ivoirien soit doté d’une carte nationale d’identité gratuite. Toutes ces questions doivent être réglées avant l’élection présidentielle dans le cadre d’une grande concertation nationale. Le président de la République multiplie les stratagèmes afin de réaliser un braquage électoral. Le clan au pouvoir a l’intention de braquer. Il s’y prépare et bien évidemment aucune des forces présentes au sein de la plateforme n’acceptera cette confiscation de l’élection présidentielle.

Certains accusent le PDCI-RDA de ne pas avoir de programme pour la Côte d’Ivoire. Que leur répondez-vous ?

En bientôt 60 ans d’indépendance, tous les partis ont eu l’occasion d’exercer le pouvoir et les Ivoiriens ont pu apprécier la différence, en termes de programme et de résultats. Le PDCI-RDA a un bilan et une ligne politique que tout le monde connait. Il a des cadres bien formés. Si ce n’était pas le cas, les tentatives de débauchage et de récupération ne seraient pas si nombreuses. Nous nous attaquerons à tous les maux qui rongent notre société : une école inadaptée aux besoins de formation, la question foncière, l’orpaillage clandestin dont l’exécutif vient enfin de reconnaitre la réalité après avoir accusé de tous les maux le président Bédié lorsqu’il a le premier évoqué la gravité du problème. Nous mettrons fin au surendettement. C’est la condition d’une vraie indépendance. Nous développerons une agriculture en capacité de nourrir notre peuple et d’exporter. Nous aurons le temps de revenir sur tous ces points et beaucoup d’autres.

Personnellement, quelle est votre vision pour une Côte d’Ivoire idéale ?

Il est de tradition de dire que l’on construit un pays pour ses enfants. Je pense pour ma part qu’il faut bâtir une génération future pour ce pays. J’ai eu une longue vie dans l’entreprise avant la politique. J’ai aussi une vie d’engagement au service de convictions très fortes. Je reste fidèle à l’esprit qui n’animait il y a 23 ans lorsque j’ai créé la fondation Benianh International, dont l’objet est de favoriser la formation à l’international de jeunes Ivoiriens sur la base de l’excellence. 600 enfants en ont bénéficié et sont aujourd’hui partout. Il faut les mobiliser au service de leur pays. Ma Côte d’Ivoire idéale est un pays qui donne ses chances à tous et privilégie le mérite. Je partage la conviction de Mandela qui aimait à dire que « l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ». Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, il avait raison et l’école est au cœur de ma démarche. C’est un pays réconcilié, apaisé, sûr de lui et concentré vers l’objectif de son développement. Je crois avec force que notre développement doit aussi intégrer les problématiques de réchauffement climatique et d’environnement qui sont communes à l’ensemble de l’humanité. La Côte d’Ivoire doit redevenir ce modèle pour l’Afrique que rêvait et construisait notre père fondateur, Félix Houphouët-Boigny. A ce titre, elle doit être débarrassée de cette gangrène de la corruption qui atteint des niveaux inimaginables. Une lutte implacable doit être menée contre ce fléau, facteur d’incertitude juridique et économique qui fait fuir les investisseurs. C’est la condition pour retrouver la confiance et l’envie de se battre. Sur ce terrain aussi, je considère que nous avons un devoir d’exemplarité.

Quel est le profil du président idéal ?

Un chef d’équipe, une personnalité capable de fédérer les énergies, d’entrainer, dans l’esprit d’une équipe de mousquetaires. Une personnalité solide et fiable qui scellera un pacte de confiance avec le peuple ivoirien. Le culte de la personnalité, c’est fini ! Cela ne correspond plus aux nécessités de notre temps. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts. Elle a en revanche besoin d’institutions fortes. Elle a besoin d’hommes fédérateurs.

Justement, évoquant les personnalités présidentiables de votre parti, il est fait cas de certains jeunes cadres, dont vous particulièrement. L’idée vous traverse-telle la tête d’être candidat ?

J’évoquais à l’instant cet esprit mousquetaire, cet esprit d’équipe autour d’idéaux partagés. Je me situe dans cette logique collective. J’appartiens à un parti et militer dans un parti, c’est d’abord la discipline. Je suis un homme politique entièrement tourné vers le service de mon pays… Je suis prêt et disponible. Je ne serai jamais un spectateur passif de mon pays en train de basculer dans l’abîme. J’assumerai le moment venu toutes mes responsabilités. Mais, aujourd’hui je tiens à insister sur le fait que les conditions d’une élection transparente, équitable et démocratique ne sont pas remplies. Nous devons y consacrer toutes nos énergies.

Un mot de fin.

Je voudrais interpeller l’ensemble des Ivoiriens et des Ivoiriennes : depuis la mort du président Félix Houphouët-Boigny, notre pays n’a connu qu’une succession de crises souvent meurtrières. Notre cohésion nationale s’en est trouvée profondément ébranlée, hypothéquant notre développement. Il nous faut donc retrouver le chemin perdu. C’est pourquoi, il est nécessaire de se mobiliser dès maintenant autour du président Henri Konan Bédié pour gagner la bataille de la démocratie, celle de la réconciliation. Ce sont les conditions indispensables au retour de la paix en Côte d’Ivoire, une paix cette fois réelle et définitive.

Source : ‘’L’inter’’
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