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Économie Publié le mardi 6 janvier 2009 | Fraternité Matin

Kouassi Parfait, président de l’Ordre des pharmaciens : “Nous n’avons jamais reçu de preuves matérielles”

Dans un courrier qui vous a été adressé, la Mugefci parle d’une augmentation vertigineuse de ses dépenses techniques. Un séminaire a été organisé à cet effet à Grand-Bassam pour sensibiliser les pharmaciens et les médecins aux bonnes pratiques. De quoi était-il exactement question?

La mutuelle a fait état, à cette rencontre, d’une augmentation importante de ses charges de prestations en médicaments, et elle a constaté qu’il y avait certaines dérives au niveau de ses partenaires médecins et pharmaciens.

De quelles dérives s’agit-il?

Justement, nous demandons à la Mugefci de nous l’expliquer clairement …Elle estime que certains pharmaciens ont des augmentations inexpliquées de leurs prestations Mugefci ;que des médecins ont la prescription un peu trop facile. C’est-à-dire qu’ils prescrivent certains produits de façon abusive. Ces reproches, nous les recueillons et les analysons pour comprendre ce qui est à l’origine des augmentations particulières chez certains pharmaciens et que la mutuelle assimile à de la fraude. Sans absoudre systématiquement les pharmaciens, nous souhaitons toutefois que la Mugefci admette une vérité : c’est qu’en 2008 en Côte d’Ivoire, le marché pharmaceutique global a connu une augmentation de 15 à 17% de janvier à septembre 2008. Donc, l’augmentation que la Mugefci observe n’est pas forcement frauduleuse. Il faut pousser plus loin l’analyse.
Comment expliquez-vous cette augmentation?
La population augmente. Et le vent d’optimisme qui a soufflé sur le pays a dopé les consommateurs. Cela veut dire qu’il y a une proportion de plus en plus importante de consommateurs de médicaments. Cette croissance, tous les secteurs d’activité l’ont connue dans les 9 premiers mois de 2008 en Côte d’Ivoire. Et le secteur pharmaceutique n’y a pas échappé. Dans ces proportions-là, pour nous, a priori, cela correspond à l’augmentation normale du marché pharmaceutique. Puisque même les officines qui ne prennent pas de bons de mutuelle ont connu ces augmentations. Et toutes les sociétés qui assurent la prise en charge de leur personnel ont connu ces augmentations qui ne sont pas du tout imputables à la fraude. Est-ce que l’augmentation spécifique des prestations de la Mugefci est liée à la fraude? Il fallait regarder de près la nature des manquements que la mutuelle a identifié pour voir si cela correspond à des fraudes ou non. En tant qu’institution, nous avons écouté leurs préoccupations et les avons invités à nous les adresser officiellement, selon les voies légalement admises. Il y a une juridiction disciplinaire au sein du conseil de l’Ordre des pharmaciens qui est chargée de connaître, d’analyser, et d’apprécier tous les manquements avérés ou non reprochés aux pharmaciens.
Et alors?
Malheureusement, nous n’avons jamais reçu de preuves ou d’éléments tangibles, en dehors des déclarations verbales. Et même les faits révélés relevaient plus des manquements déontologiques que de fraudes. Vous avez pourtant affirmé, lors d’une récente rencontre avec les membres de votre organisation, qu’il y a des brebis galeuses dans vos rangs. En parlant de brebis galeuses, nous interpellions nos confrères qui souvent manifestent un affairisme trop poussé. Ce qui justement prête à confusion dans l’esprit de certains partenaires comme la Mugefci. C’est cela que j’appelle manquements déontologiques. Notre éthique et notre déontologie, nous interdisent certaines pratiques dans la recherche de la clientèle : le raccolage, le colportage, qui consiste à envoyer un agent commercial dans une entreprise de manière à capter tout le personnel de l’entreprise, le compérage avec les médecins, les remises anarchiques, etc. Déontologiquement, ce n’est pas acceptable. Vous avez suivi notre bataille contre le phénomène des médicaments de la rue; certains pharmaciens étaient impliqués parce qu’ils favorisaient l’approvisionnement de ces profanes qui exerçaient dans les marchés comme Roxy et autres. Ce sont ceux-là que nous appelons les brebis galeuses, les affairistes. Sans oublier les indisciplinés qui ne respectent pas les horaires d’ouverture et les tours de garde, etc. Que fait l’Ordre face à cette situation?
Nous avons mené des campagnes qui ont abouti à des sanctions très sévères. Nous avons ouvert plusieurs chambres de discipline depuis plus de quatre ans. Nous avons pris des sanctions qui vont de l’interdiction temporaire d’exercer à la radiation. L’Ordre ne reste pas les bras croisés. Nous menons le combat de l’auto-discipline. Malheureusement, aujourd’hui la volonté politique pour nous accompagner n’existe pas. Ce qui fait que la part qui devait être faite par les pouvoirs publics et par les forces de sécurité n’est pas faite. Dans la rue, on voit tous ceux qui ne sont pas pharmaciens vendre des médicaments. Et la police, la gendarmerie, personne ne bronche. Nul ne pouvant se faire justice, la profession pharmaceutique ne peut pas, elle-même, aller réprimer ces gens-là. C’est l’absence de sanctions qui favorise ce phénomène. Qu’en est-il de la question des quotas? La Mugefci ne reconnaît pas vous en avoir imposés! Et pourtant, au mois de juillet, les pharmaciens ont reçu une lettre de la mutuelle, leur demandant de limiter leur prestation. Nous avons reçu cette lettre qui est sans ambiguïté, donc pour nous, il ne s’agit pas de chipoter sur les termes. Quand on dit : Chaque mois ne dépassez pas ce nombre, cela veut dire qu’on a fixé un quota. Il est facile de comprendre l’impact que cela a. Cela se traduit par la limitation du nombre de bons. Parce que le bon a un coût moyen. Si le coût moyen du bon est de 10.000F, et que la mutuelle nous dit : ne dépassez pas 2 millions dans le mois, vous divisez 2 millions par 10.000 F, cela fait 200 bons, divisés par 25 jours ouvrables, cela fait huit bons par jour. Voici la méthode que les pharmaciens utilisent pour ne pas dépasser les quotas. Le retard de paiement accusé actuellement par la Mugefci ne vous empêche pourtant pas de continuer à prendre les bons. Actuellement, la Mugefci a un gros retard de paiement de trois mois. Au moment où nous parlons (Ndlr :16-12-2008) cela représente une charge en trésorerie d’à peu près deux milliards que supportent les pharmaciens. Pourtant, ces derniers n’ont pas suspendu leurs prestations comme ils étaient en droit de le faire. Vous voyez que nous sommes loin des montants présumés de fraude qui sont de l’ordre de 101 millions et qui ne peuvent être à la base des difficultés de règlement. Le non- règlement des bons ne cause-t-il pas la mort de certaines pharmacies?
Les officines souffrent et bon nombre sont en délicatesse avec les fournisseurs dont le délai de règlement est 30 jours. Quand vous n’avez pas pu payer, ils suspendent leur livraison. C’est un gros effort en trésorerie que font les pharmaciens en continuant à servir les petits quotas qui leur ont été imposés. Environs un malade sur deux ne peut être servi à cause des quotas imposés.

Interview réalisé par Marie-Adèle Djidjé
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