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Économie Publié le mardi 6 janvier 2009 | Fraternité Matin

Fraude sur les bons de mutuelle : La Mugefci accuse, les pharmaciens réagissent

Il y avait une ambiance surchauffée le 28 novembre dernier, à la salle de conférences de la Chambre du commerce au Plateau. La raison ? Les pharmaciens, avec à leur tête le président de l’Ordre, Kouassi Parfait, ont tenu, ce jour-là, une réunion à l’issue de laquelle ils ont manifesté leur indignation à la suite des accusations de fraude portées contre eux par la Mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (Mugefci). Et abondamment relayées par la presse. «Cette campagne de presse a, selon le président de l’Ordre outré les pharmaciens. Cela a suscité un réel malaise. Aussi, les pharmaciens souhaitent-ils que la vérité soit restituée sur ces notions de fraude». En colère, Kouassi Parfait a dit ne pas comprendre ce que la mutuelle appelle fraude. D’autant qu’elle est incapable de produire les éléments l’attestant. «C’est trop facile! Il arrive que la Mutuelle ne règle pas à temps les pharmaciens. Et donc les pharmacies, en fonction de leurs capacités financières, arrêtent leurs prestations. Et quand, à la suite de cela, tous les clients se rendent chez le pharmacien qui les accueille, et que son volume d’activité grossit et se traduit par une augmentation importante de la facture présentée à la Mugefci, la Mutuelle soutient alors que cette augmentation est une fraude». Pour l’Ordre, cela n’est pas forcément une fraude. Un autre fait relevé par l’organisation: «Il arrive que des pharmaciens contractent des accords commerciaux avec certaines entreprises particulières et amènent les membres de ces sociétés à s’orienter vers leurs pharmacies. Nous concevons qu’en matière de santé, cette démarche commerciale et affairiste n’est pas recommandable. Au plan éthique et déontologique, il y a des reproches à faire par rapport à cela, mais cela ne constitue pas dans l’absolu une fraude». Ce point fait aussi partie des griefs de la Mugefci contre les pharmaciens, contestés par ceux-ci. «Il y a certainement d’autres éléments qui sont en leur possession et nous attendons de les avoir. Mais sur la base de ce qui nous a été donné de voir, il ne s’agit pas de fraude», a tranché Kouassi Parfait. Qui ne perd pas de vue «les propres fautes des pharmaciens et les comportements inadmissibles de ces derniers». Notamment l’affairisme effréné, la recherche de clientèle par tous les moyens à travers le colportage et le racolage des bons, le compérage avec les médecins, les remises anarchiques qui sont des manquements déontologiques déshonorants pour la profession. Cette situation doit donc être traitée; et elle le sera au sein de la corporation dans le cadre de son code de déontologie. A propos de la fraude dans le milieu des pharmaciens, Holland N’Da, le président du conseil d’administration de la Mugefci, ne veut pas lâcher du lest. «C’est inadmissible! Comment pouvons-nous accuser de fraude une organisation qui n’a rien fait»? déclare-t-il furieux. Avant d’ajouter que les médecins et pharmaciens aussi fraudent. Cependant, le contrat qui lie les pharmaciens à la Mugefci est individuel. Et elle n’est pas tenue de se plaindre à l’Ordre ou de lui rendre compte. Les coupables, ayant reconnu les faits, l’organisation n’éprouve pas la nécessité de «les déshabiller en public. Nous avons opté pour des règlements à l’amiable. La preuve, c’est que l’on m’a remboursé 146 millions…à moins que cette somme m’ait été offerte», dit-il sur un ton sarcastique. Il a par ailleurs indiqué que la Mutuelle associe tous ses partenaires dans ce qu’elle entreprend. «Un responsable ne peut pas constater un phénomène anormal et rester les bras croisés. A propos de cette fraude, nous avons mis en place un comité de planification des pharmacies. La pharmacie X, qui est agréée par la Mugefci depuis cinq ans et qui a l’habitude de nous présenter des dépenses de prestation de 2 millions, se retrouve, depuis que la fraude a pris des proportions vertigineuses au mois de juin, avec des dépenses de huit millions. Comment expliquer cela? Nous les avons reçus, ils n’ont pas été capables de nous convaincre!». La Mugefci dit avoir constaté ce phénomène avant les difficultés du trésor, et qu’il ne peut par conséquent être lié au retard de paiement comme le soutient Kouassi Parfait. «Comment avec du faux, voulez-vous amener la Mugefci à payer un milliard en médicaments, alors que nous avons l’habitude de payer 500.000.000F?» C’est à ce niveau qu’intervient le fameux problème de quota, dont parle l’Ordre des pharmaciens, pour justifier le fait que les membres «sont obligés de refouler au moins la moitié des mutualistes qui se présentent à eux, provoquant leur courroux». Kouassi Parfait indique à ce sujet que la profession partage la désolation des malades et de leurs parents qui, obligés de faire la queue pendant de longues heures, s’entendent dire qu’ils ne peuvent pas être servis une fois au guichet. Il a souligné que malgré les retards récurrents de la Mugefci, les officines ont toujours servi les mutualistes. Jusqu’au premier août dernier, date à laquelle elles ont été rappelées par la Mutuelle elle-même, à limiter leurs prestations. Les quotas, que le Pca de la Mugefci reconnaît avoir institués, remontent à une période où, selon lui, l’organisation ne recevait plus les reversements. Elle a alors recommandé aux pharmaciens de ne pas constituer un stock d’arriérés qu’elle ne pourraient payer. «Alors, il y a eu une vraie institution de quotas». «La Mugefci ne peut se permettre de limiter le nombre de bons des pharmaciens. Mais si les dépenses de l’une d’elle passe de deux millions à six millions sans justification, c’est une fraude», s’est justifié M. N’Da. Le Pca de la Mugefci insiste sur le fait qu’il n’y a pas de quota imposé. C’est, selon lui, une réaction des pharmaciens pour pousser les mutualistes contre la mutuelle. Il a profité de cette opportunité pour déclarer que l’agrément de sa structure n’aura plus un caractère permanent. Il sera annuel. Ainsi les pharmacies qui refusent de servir les bons de mutuelle seront rayées de la liste, et remplacé par d’autres.

Marie-Adèle Djidjé




Option : Brebies galeuses

Les pharmaciens et les médecins aussi fraudent». Ces propos de Joseph Holland N’dah, Pca de la Mugefci, peuvent être choquants pour certains, parce que la pharmacie et la médecine sont des métiers nobles, au même titre que la magistrature, l’enseignement etc. Et vue que, selon le petit Robert, «la fraude est une action faite de mauvaise foi dans le but de tromper. C’est une tromperie ou falsification punie par la loi». Mais en même temps, cette sortie de Holland N’dah dévoile le fait que la fraude, la magouille, la corruption et toutes les autres tares de la société ne sont pas l’apanage de corporations déterminées. Il revient donc à chaque groupe d’œuvrer à la préservation de son image, en extirpant de ses rangs les brebis galeuses. C’est l’action à laquelle s’attelle l’Ordre des pharmaciens. Qui veut être saisi chaque fois qu’il est constaté qu’un des siens a un comportement indélicat. Cependant, pour ce qui est des différends qui l’opposent à la Mugefci, Hollande N’dah, ne se croit pas obligé de passer par ledit ordre pour leur règlement. Tout simplement parce qu’il dit être en partenariat avec des pharmaciens, à titre individuel. Un argument qui, de son point de vue le dispense de se plier à l’organisation interne de ce corps de métier. Et pourtant en agissant ainsi, il met à mal le système mis en place par l’Ordre pour veiller au respect de l’éthique et de la déontologie dans le milieu. «Les pharmaciens concernés ont reconnu les faits et nous n’avons pas à les exposer», a-t-il déclaré pour se justifier. Dans tous les cas, que ce soient dans les déclarations du président de la Mugefci, ou celles du président de l’Ordre, des pharmaciens, la notion de fraude n’est pas clairement définie. Et chacun campe sur sa position. L’autre point de mésentente entre l’Ordre et la Mugefci, est la question des quotas. Le premier dit avoir reçu un mot du second, le sommant de limiter le nombre de bons. Et le second affirme avoir demandé à son partenaire de ne pas dépasser les limites habituelles. Aujourd’hui la Mugefci n’arrive pas à comprendre comment les dépenses des pharmaciens, d’une période à une autre, peuvent passer du simple au double.

Marie-Adèle Djidjé



La pratique est réelle selon un pharmacien

n membre du syndicat des pharmaciens, qui a voulu garder l’anonymat, a confirmé les fraudes dans leur milieu. L’un des fraudeurs aurait été identifié à Daloa. Ce qui se passe généralement c’est que ces personnes indélicates remplissent les bons en complicité avec des mutualistes et un médecin qui a la signature. « Pour qu’un système soit violé, il faut qu’il y ait des complicités », soutien-t-il. En indiquant que ces bons fictifs ne sont pas servis, si non, ils ne profiteraient pas aux pharmaciens. Le mécanisme étant connu, ce sont les individus qu’il faut identifier. Il ne revient, selon lui, pas à l’ordre des pharmaciens de mener le combat à propos de l’accusation de fraude de la Mugefci. Parce que cette organisation ne doit pas s’occuper des problèmes matériels, C’est donc l’affaire du syndicat.

M.A.D




Focus : L’ordre dénonce la circulation des médicaments en dehors des pharmacies
En même temps qu’il dénonce l’implication de certains pharmaciens dans la vente des médicaments de la rue, Kouassi Parfait, le président de l’ordre des pharmaciens, dit ne pas comprendre la circulation sans contrôle préalable des médicaments chinois sur le marché ivoirien. «Pour nous, la Chine est une origine comme toutes les autres en matière de médicaments. Et les médicaments qui viennent de Chine doivent suivre la même filière que ceux des autres pays. C’est-à-dire l’enregistrement auprès de la direction de la pharmacie du médicament et l’autorisation de mise sur le marché de la Côte d’Ivoire». A la question de savoir si depuis l’irruption de ces médicaments, les pharmaciens ont connu une chute des ventes, le président de l’ordre répond: «il ne faut pas voir la chose sous cet aspect. Il y a forcément une part du marché qui est absorbée par ce secteur. Il ne faut pas se le cacher.Mais il n’a pas été évalué pour le moment. Il y a un impact. Pour nous, la question n’est pas là. Ce n’est pas une question économique, mais de santé publique». Il a ajouté: «ces médicaments échappent à tous contrôles et arrivent à la consommation dans nos pays. A partir du moment où il n’y a pas de contrôle, tous les risques sont possibles». Kouassi Parfait estime que le malade africain, du fait de son faible niveau d’instruction, a besoin plus que tous les autres d’être protégé. «Nous les professionnels jouons le rôle du thermomètre. Nous disons à l’Etat: attention ce n’est pas bon. Mais la répression appartient aux forces de l’Etat: la police, la gendarmerie et ces forces-là ne le font pas. Les médicaments n’ont pas à se retrouver dans la rue entre les mains de gens qui ne sont pas pharmaciens. Le seul endroit autorisé, ce sont les pharmacies. En dehors de cela, il faut un agrément».

Marie-Adèle Djidjé



Repères

Devoir. Pour assurer le respect des devoirs professionnels au nombre desquels la moralité professionnelle, la loi a doté le conseil de prérogatives disciplinaires. Il a même une obligation de sanctionner ses membres qui se rendent coupables d’indélicatesse et n’a pas besoin d’une plainte. Accroissement. Il ressort du séminaire de la Mugefci à Bassam que les dépenses de prestation ont connu un taux d’accroissement de 16% au premier janvier 2008. Les données de l’observatoire, selon une lettre de la Mugefci au président de l’ordre, permettent de noter une surévaluation des prestations de l’ordre de 40 %.
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