Réunis en session extraordinaire samedi à Abuja, capitale fédérale du Nigeria, six Chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao), dont le Président Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire, ont «fermement condamné le coup d’Etat du 23 décembre. Et suspendu la Guinée de toutes les réunions de la Cedeao au niveau des Chefs d’Etat et des ministres, jusqu’à la restauration de l’ordre constitutionnel». Une junte militaire dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara s’est, en effet, emparée du pouvoir à Conakry au lendemain du décès du Président Lassana Conté survenu le 22 décembre 2008 à 18h 45 des suites d’une leucémie et d’un diabète aigu. Et ce, après 24 ans de pouvoir auquel il a, lui aussi, accédé en 1984 à la suite du décès du premier Président guinéen, Ahmed Sékou Touré. C’est donc, en référence au protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance que le sommet de samedi à Abuja a réaffirmé la position de la Cedeao qui s’oppose par principe au «principe ou au maintien du pouvoir de manière anti-constitutionnelle». Dans un communiqué final, les participants au sommet extraordinaire d’Abuja ont dit avoir pris note des «efforts fournis par les différentes parties en Guinée en faveur d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel». Ils ont notamment souligné, l’engagement des nouvelles autorités guinéennes à «achever la transition en 2009 en organisant des élections, libres, crédibles, justes et transparentes». Et auxquelles les dirigeants actuels ne devront pas se présenter. Les chefs d’Etat ont énoncé des mesures d’accompagnement visant à soutenir la transition en Guinée parmi lesquelles «Le maintien d’un dialogue permanent et constructif avec le Conseil national pour la démocratie et le développement (Cndd), les parties prenantes en Guinée et les partenaires». Cette série de mesures intervient alors que, de son côté, la Guinée par le biais de son Premier ministre Kabiné Komara, présent à Abuja, essaie de plaider en faveur d’une de sa cause. «La Guinée est désireuse d’être comprise et a besoin de soutien pour devenir un pays normal», a déclaré M. Kabiné. Qui, sans avoir pu occuper le siège de son pays au sommet extraordinaire, a été invité à prendre néanmoins la parole à l’assemblée réunie à huis clos. Interrogé par la presse au sortir de ce conclave, le Premier ministre guinéen s’est montré raisonnable et mesuré en estimant que les dirigeants (africains) avaient avant tout besoin d’être informés sur la situation en Guinée. «Chacun d’eux a besoin de clarifications et d’explications de façon à ce qu’objectivement, ils puissent trouver le meilleur moyen d’aider ce pays», a déclaré Kabiné Komara. Ajoutant que «l’avenir de la Guinée (…) dépendra d’abord de la façon dont les gens seront sincères par rapport à leurs engagements. S’ils font ce qui est différent de ce qu’ils disent, nous retournerons à la case départ et je ne serai pas l’homme qui participera à ceci». Le sommet d’Abuja a enregistré une déclaration qui tranche net avec le principe de l’Union et de la Cedeao qui condamne systématiquement toute prise de pouvoir par voie anticonstitutionnelle. Il s’agit de la déclaration lue au nom du Président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui fait remarquer que la prise de pouvoir par la junte en Guinée le 23 décembre 2008, après l’annonce du décès du Président Lansana Conté n’est pas un coup d’Etat classique. «Le coup d’Etat militaire classique, fléau bien connu en Afrique de l’ouest où les militaires interrompent le cours constitutionnel normal, renversent le Président (…) n’est pas advenu en Guinée», a déclaré M. Wade. Selon lui, la Cedeao a le choix entre «la voie facile des récriminations, suspensions et sanctions» et celle consistant à «réaffirmer nos principes anticonstitutionnels tout en donnant mandat au président de la Commission (de la Cedeao) d’aider la Guinée à réussir sa transition». M. Wade a tenu à expliquer que son absence à Abuja samedi était due à «des contraintes majeures au plan national». Et qu’il juge «erroné» d’affirmer que sa position était «un soutien à un coup d’Etat militaire». Le chef de la diplomatie nigériane, Ojo Maduekwe avait, en effet, affirmé que «Si un membre de l’UA se démarque des autres pour fraterniser avec la junte», il est sûr que «la sagesse collective des dirigeants de l’Union trouvera un moyen de sanctionner ce gouvernement qui serait alors coupable de complicité». On le voit, le coup de force survenu en Guinée après le décès du général Lansana Conté est diversement apprécié par les dirigeants. Quand d’aucuns le condamnent par pur respect des principes démocratiques, par devoir de mémoire pour le défunt et par amitié pour ses anciens collaborateurs, d’autres en revanche, dont Abdoulaye Wade, estiment que la disparition de la figure charismatique qu’est Lansana Conté offre l’occasion à la classe politique guinéenne de poursuivre son œuvre. Tout en y apportant les touches qui lui paraîtront utiles pour plus de démocratie, plus de développement de ce pays de quelque dix millions d’habitants au sous-sol relativement riche. Mais dont les populations ploient sous le poids de la misère. Comme dans bien des Etats d’Afrique. Outre le Président Laurent Gbagbo, qu’accompagnait une délégation d’environ dix membres, les chefs d’Etats du Nigeria, du Burkina Faso, de la Gambie, du Ghana, du Liberia, du Togo et de la Sierra Leone ont pris part au sommet. Le Niger était représenté par son Premier ministre et les autres Etats (la Cedeao regroupe 15 Etats membres) par des délégations de haut niveau.
Abel Doualy
Abel Doualy