La fin du racket organisé par les forces de défense et de sécurité a laissé place libre à celui de syndicats. Les chauffeurs sont rançonnés sur les différentes lignes reliant les communes d'Abidjan.
Une bande de trois jeunes gens assis sur un banc. Devant eux, une table sur laquelle sont posés des papiers et des objets divers. Lundi 12 janvier, il est 8 heures 15 mn. La scène se déroule au carrefour de Williamsville non loin de la statue de Djéni Kobina, premier secrétaire général des républicains. L'arrivée d'un minicar, communément appelé «gbakas» met en mouvement toute la bande. Traoré Salif, 25 ans, est le chef de la ligne Williamsville-Abobo, passant par le zoo. «Nous sommes là pour prélever le droit du syndicat auprès des chauffeurs. Ici, le chargement coûte 200 Fcfa par véhicule s'il n'y a aucun passager à bord au moment de son arrivée. Mais, s'il y a déjà des passagers on demande au chauffeur de payer 100 Fcfa. C'est comme cela que les choses se passent. On prend autant de fois ce tarif que le chargement se fait», lance ce jeune à l'allure imposante. Lorsqu'il récupère l'argent, il note le montant dans un carnet. «On est organisés en groupes de trois personnes. Nous nous relayons. Le décompte se fait dans la soirée. La recette quotidienne tourne autour de 8000 Fcfa. Elle va dans la caisse du syndicat », précise Bamba Abou, l'adjoint de Salif. Ainsi, sur la ligne qui relie Adjamé à Abobo par le zoo, cette forme de racket auprès des chauffeurs est monnaie courante. Après les feux tricolores, en venant du camp de gendarmerie d'Agban en direction d'Adjamé-Liberté, une autre scène peu ordinaire se passe devant les policiers, postés là pour la régulation de la circulation. Un jeune homme robuste, un calepin et un stylo en main, court après un gbaka qui ne s'est pas arrêté à son coup de sifflet. L'apprenti tente de le déséquilibrer. Mais il s'accroche comme une chauve-souris à la portière avant du véhicule. La course poursuite prend fin au niveau de la pharmacie Makissi. Une vive altercation s'engage entre le chauffeur, son apprenti d'un côté et «le syndicaliste» de l'autre. «On ne peut pas continuer de payer de l'argent inutilement. Nous sommes à bout de souffle», peste le conducteur. Le jeune-homme chargé d'encaisser l'argent lance : «Nous ne gérons pas les humeurs. C'est une règle qu'il faut respecter. Ce sont les consignes données par nos responsables syndicaux. Tu paies ou bien on confisque ton permis de conduire», lâche-t-il en s'adressant sèchement au chauffeur qui plie devant la menace.
500 Fcfa par chargement
Tidiane D., un apprenti-chauffeur surpris en pleine manœuvre au niveau d'Adjamé (Mirador), digère mal cette «nouvelle forme» de racket. «On a lutté pour que les policiers nous laissent travailler tranquillement. Le racket des forces de l'ordre a pris fin. Aujourd'hui, ce sont des syndicats de transporteurs qui organisent cette pratique honteuse. On est fatigué !», s'écrie-t-il.
Le phénomène du racket organisé par des syndicats «fictifs» s'est enraciné dans les différentes gares routières. Mme Brigitte Kouamé, commerçante à Adjamé 220 logements, signale que cette scène est fréquente à la gare routière. «C'est dommage que le racket tant décrié par les transporteurs refasse surface. Ce qui est incroyable, c'est que cette fois-ci ce sont des jeunes qui se réclament des syndicats qui se livrent à cette pratique. C'est désolant», déplore cette dame habituée du gbaka. Le quartier chic de Cocody n'est pas à l'abri du règne des «gnambro», les chargeurs qui rançonnent les chauffeurs. Ils opèrent sur les différentes lignes notamment celle qui relie Adjamé à Bingerville. Sur les sites comme le carrefour de la vie, Riviera 2 après barrage ou encore à l'école de la police, ils rançonnent les chauffeurs pour le compte de «leurs syndicats». Au carrefour de la vie, Sangaré Mamadou est membre du Syndicat autonome des transports(Sat). Sur son «territoire», il charge et encaisse les gbakas en compagnie de deux autres collègues. Le tarif varie de 500 Fcfa à 200 Fcfa par véhicule. «L'argent perçu est reversé dans les caisses du syndicat. Nous travaillons en collaboration avec les chauffeurs. Ils perçoivent aussi une partie de cette recette», soutient-il avant d'affirmer qu'il encaisse entre 7 et 8.000 Fcfa. Djako T., chauffeur rencontré également au niveau du carrefour de la vie, est plutôt amer. «Au début, ils nous aidaient à faire nos chargements moyennant 100 Fcfa. Ce sont nos petits, on gérait la situation ensemble. Mais, ils sont devenus insupportables et très gourmands dans la mesure où ils nous prélèvent maintenant en moyenne 5.000 Fcfa par jour et par véhicule. On a en marre ! Cela doit prendre fin», martèle-t-il.
«Des tracts circulent»
Pour en découdre avec « leurs petits devenus des grands », les chauffeurs de gbakas ont décidé de manifester dans la matinée d'hier. On a frôlé le pire à la Riviera 2, après le barrage policier, en allant à Bingerville. Des jeunes gens chauffés à blanc et armés de gourdins, de machettes, de bouteilles manquent de se porter des coups. Les échauffourées selon les témoignages durent une demi-heure sans faire de victime. «Des éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (Crs) se sont interposés pour dissuader les deux camps, prêt à s'affronter. On a eu de grosses frayeurs», confie un commerçant qui était sur les lieux. Au siège du Collectif des syndicats des transporteurs de Côte d'Ivoire (Cst-CI), l'on prend la mesure du phénomène de ce racket. Traoré Adama, vice-président du collectif, chargé de la gestion des gbakas sur le territoire communal, ne doute pas de l'existence des gnambros. Mais, il décline tout lien de sa structure avec «ces racketteurs de nouvelle race». «On a appris la circulation de tracts dans le milieu des chauffeurs roulants. Ces tracts leur demandent d'ignorer l'existence des syndicats. En ce qui nous concerne, nous délivrons un ticket unique, qui coûte 250 Fcfa pour toute une journée. Contrairement à ce qui se passe actuellement. Nous allons réorganiser le milieu pour une meilleure fluidité routière», promet-il. L'auteur du tract, selon lui est Traoré Djakaridja, un chauffeur bien connu du milieu des transports. Toutes nos tentatives pour joindre ce dernier sont restées vaines.
OM
Une bande de trois jeunes gens assis sur un banc. Devant eux, une table sur laquelle sont posés des papiers et des objets divers. Lundi 12 janvier, il est 8 heures 15 mn. La scène se déroule au carrefour de Williamsville non loin de la statue de Djéni Kobina, premier secrétaire général des républicains. L'arrivée d'un minicar, communément appelé «gbakas» met en mouvement toute la bande. Traoré Salif, 25 ans, est le chef de la ligne Williamsville-Abobo, passant par le zoo. «Nous sommes là pour prélever le droit du syndicat auprès des chauffeurs. Ici, le chargement coûte 200 Fcfa par véhicule s'il n'y a aucun passager à bord au moment de son arrivée. Mais, s'il y a déjà des passagers on demande au chauffeur de payer 100 Fcfa. C'est comme cela que les choses se passent. On prend autant de fois ce tarif que le chargement se fait», lance ce jeune à l'allure imposante. Lorsqu'il récupère l'argent, il note le montant dans un carnet. «On est organisés en groupes de trois personnes. Nous nous relayons. Le décompte se fait dans la soirée. La recette quotidienne tourne autour de 8000 Fcfa. Elle va dans la caisse du syndicat », précise Bamba Abou, l'adjoint de Salif. Ainsi, sur la ligne qui relie Adjamé à Abobo par le zoo, cette forme de racket auprès des chauffeurs est monnaie courante. Après les feux tricolores, en venant du camp de gendarmerie d'Agban en direction d'Adjamé-Liberté, une autre scène peu ordinaire se passe devant les policiers, postés là pour la régulation de la circulation. Un jeune homme robuste, un calepin et un stylo en main, court après un gbaka qui ne s'est pas arrêté à son coup de sifflet. L'apprenti tente de le déséquilibrer. Mais il s'accroche comme une chauve-souris à la portière avant du véhicule. La course poursuite prend fin au niveau de la pharmacie Makissi. Une vive altercation s'engage entre le chauffeur, son apprenti d'un côté et «le syndicaliste» de l'autre. «On ne peut pas continuer de payer de l'argent inutilement. Nous sommes à bout de souffle», peste le conducteur. Le jeune-homme chargé d'encaisser l'argent lance : «Nous ne gérons pas les humeurs. C'est une règle qu'il faut respecter. Ce sont les consignes données par nos responsables syndicaux. Tu paies ou bien on confisque ton permis de conduire», lâche-t-il en s'adressant sèchement au chauffeur qui plie devant la menace.
500 Fcfa par chargement
Tidiane D., un apprenti-chauffeur surpris en pleine manœuvre au niveau d'Adjamé (Mirador), digère mal cette «nouvelle forme» de racket. «On a lutté pour que les policiers nous laissent travailler tranquillement. Le racket des forces de l'ordre a pris fin. Aujourd'hui, ce sont des syndicats de transporteurs qui organisent cette pratique honteuse. On est fatigué !», s'écrie-t-il.
Le phénomène du racket organisé par des syndicats «fictifs» s'est enraciné dans les différentes gares routières. Mme Brigitte Kouamé, commerçante à Adjamé 220 logements, signale que cette scène est fréquente à la gare routière. «C'est dommage que le racket tant décrié par les transporteurs refasse surface. Ce qui est incroyable, c'est que cette fois-ci ce sont des jeunes qui se réclament des syndicats qui se livrent à cette pratique. C'est désolant», déplore cette dame habituée du gbaka. Le quartier chic de Cocody n'est pas à l'abri du règne des «gnambro», les chargeurs qui rançonnent les chauffeurs. Ils opèrent sur les différentes lignes notamment celle qui relie Adjamé à Bingerville. Sur les sites comme le carrefour de la vie, Riviera 2 après barrage ou encore à l'école de la police, ils rançonnent les chauffeurs pour le compte de «leurs syndicats». Au carrefour de la vie, Sangaré Mamadou est membre du Syndicat autonome des transports(Sat). Sur son «territoire», il charge et encaisse les gbakas en compagnie de deux autres collègues. Le tarif varie de 500 Fcfa à 200 Fcfa par véhicule. «L'argent perçu est reversé dans les caisses du syndicat. Nous travaillons en collaboration avec les chauffeurs. Ils perçoivent aussi une partie de cette recette», soutient-il avant d'affirmer qu'il encaisse entre 7 et 8.000 Fcfa. Djako T., chauffeur rencontré également au niveau du carrefour de la vie, est plutôt amer. «Au début, ils nous aidaient à faire nos chargements moyennant 100 Fcfa. Ce sont nos petits, on gérait la situation ensemble. Mais, ils sont devenus insupportables et très gourmands dans la mesure où ils nous prélèvent maintenant en moyenne 5.000 Fcfa par jour et par véhicule. On a en marre ! Cela doit prendre fin», martèle-t-il.
«Des tracts circulent»
Pour en découdre avec « leurs petits devenus des grands », les chauffeurs de gbakas ont décidé de manifester dans la matinée d'hier. On a frôlé le pire à la Riviera 2, après le barrage policier, en allant à Bingerville. Des jeunes gens chauffés à blanc et armés de gourdins, de machettes, de bouteilles manquent de se porter des coups. Les échauffourées selon les témoignages durent une demi-heure sans faire de victime. «Des éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (Crs) se sont interposés pour dissuader les deux camps, prêt à s'affronter. On a eu de grosses frayeurs», confie un commerçant qui était sur les lieux. Au siège du Collectif des syndicats des transporteurs de Côte d'Ivoire (Cst-CI), l'on prend la mesure du phénomène de ce racket. Traoré Adama, vice-président du collectif, chargé de la gestion des gbakas sur le territoire communal, ne doute pas de l'existence des gnambros. Mais, il décline tout lien de sa structure avec «ces racketteurs de nouvelle race». «On a appris la circulation de tracts dans le milieu des chauffeurs roulants. Ces tracts leur demandent d'ignorer l'existence des syndicats. En ce qui nous concerne, nous délivrons un ticket unique, qui coûte 250 Fcfa pour toute une journée. Contrairement à ce qui se passe actuellement. Nous allons réorganiser le milieu pour une meilleure fluidité routière», promet-il. L'auteur du tract, selon lui est Traoré Djakaridja, un chauffeur bien connu du milieu des transports. Toutes nos tentatives pour joindre ce dernier sont restées vaines.
OM