Inscrit dans le 4è accord complémentaire de Ouagadougou, le principe de l’unicité des caisses de l’Etat doit se matérialiser demain jeudi 15 janvier 2009. C’est une exigence des bailleurs de fonds pour accompagner la Côte d’Ivoire dans la sortie de crise. La balle est dans le camp des Forces nouvelles.
Le processus de l’unicité des caisses doit débuter demain jeudi 15 janvier. Il est annoncé un détachement de douaniers aux frontières de Pogo, Laléraba et Ouangolodougou. Tous les regards sont tournés vers la Côte d’Ivoire qui joue son destin dans l’initiative PPTE.
Pays pauvre, la Côte d’Ivoire a d’énormes besoins de capitaux pour exploiter ses ressources naturelles et construire son infrastructure économique et sociale. Face à cette contrainte, ses ressources propres ne peuvent suffire, et le pays ne peut vivre en autarcie économique et financière, au risque d’hypothéquer ses chances de développement. En conséquence, il a grandement besoin de l’appui financier et technique de la communauté financière internationale.
Or, dans le cadre des règles internationales en vigueur, un pays qui sollicite l’appui de la communauté internationale doit respecter certaines conditions en vue d’assurer les partenaires que le pays entreprend des efforts d’assainissement nécessaires et que les ressources mises à sa disposition sont gérées en toute transparence et sont utilisées à bon escient. Les institutions de Bretton-Woods sont chargées d’assurer la surveillance pour le compte de la communauté internationale et d’aider ce pays à mettre en place des politiques économiques et financières qui peuvent rassurer les bailleurs de fonds, tout en poursuivant les objectifs cités précédemment.
C’est dans ce contexte, et après la restauration d’un climat politique apaisé à travers l’accord politique de Ouagadougou, que le Fmi a exigé des autorités ivoiriennes de s’attaquer à l’assainissement financier du pays pour réinstaller celui-ci dans la normalité de la gestion. Cette nouvelle orientation repose d’une part sur la restauration des relations financières normales avec les partenaires extérieurs afin de bénéficier de leurs apports techniques et financiers, et d’autre part sur l’unicité des caisses de l’Etat à l’effet d’accroître les ressources publiques.
Sur le premier point, les engagements ont été respectés. Les arriérés qui s’élèvent à 112,08 milliards FCFA ont été totalement épongés par le paiement, le 29 février 2008, de la dernière tranche restante (29,18 milliards de FCFA). Déjà, au 15 février, 82,7 milliards avaient été versés à la Banque mondiale. Ainsi, depuis fin février dernier, rien ne s’oppose à la reprise entière et totale de la coopération entre la Côte d’Ivoire et la Banque mondiale d’une part, et la Côte d’Ivoire et le FMI d’autre part.
C’est sur le second point que des interrogations fusent. Le redéploiement de l’administration douanière prescrit par le 3ème accord complémentaire de Ouagadougou en date du 28 novembre 2007 n’a pas été effectif. Cet accord prévoyait l’unicité de caisse de l’Etat au plus tard le 30 décembre 2007. Le budget 2008 était d’ailleurs confectionné sur cette base. Mais ce délai ne sera pas respecté. Le Premier ministre Soro Guillaume attendra jusqu’au 26 décembre, 2007 avant de prendre l’arrêté. Le 27 décembre un comité technique devant définir le chronogramme d’actions pour conduire l’unicité est mis en place. Là encore, il faudra attendre mars 2008 pour voir cette structure remettre les conclusions de ces réflexions au Premier ministre pour validation. Cette étape terminée, le chef du gouvernement a conduit du 8 au 12 avril dernier, sur son instruction, une mission composée de membres de son cabinet, du ministère de l’Economie et des Finances, de l’administration douanière, du centre de commandement intégré à Ferké, Korhogo, Ouangolo, Pogo et Tingrela, pour constituer le cordon douanier. Il s’agissait, en fait de procéder à un repérage des sites.
C’est ainsi qu’au mois de mai 2008, sous la présidence du ministre de l’Economie et des Finances, Charles Koffi Diby, le premier contingent de 26 agents douanes ivoiriennes devrait être installé à Ouangolo (frontière Côte d’Ivoire-Burkina Faso). Mais en face, il y avait manifestement une volonté des Forces nouvelles de retarder ce processus malgré la formation accélérée et l’intégration de 11 éléments des FN. Dès le lendemain du déploiement des agents, les autorités locales leur ont fait savoir qu’ils ne pouvaient pas «aussi facilement prendre le contrôle de la frontière». L’espoir d’une avancée importante vers l’unicité des caisses de l’Etat venait de fondre. Et ce, malgré les engagements politiques des autorités des Forces nouvelles d’apporter tout leur soutien au redéploiement. Le directeur de cabinet adjoint du secrétaire général des Forces nouvelles, Cissé Sindou, avait donné des assurances. Et le chef des Forces paramilitaires, Koné Messamba, avait démontré sa grande disponibilité auprès de la délégation du conseiller technique du ministre de l’Economie et des Finances, Assohoun Noël, chargé du pilotage du redéploiement de l’administration financière.
Echec prévisible
Pourquoi ces tentatives ont-elles échoué ? «Nous avons proposé des plans de sensibilisation puisque sans sensibilisation nous ne pourrons pas avoir de redéploiement de la douane. Il faut que les populations, les opérateurs économiques et les militaires qui tiennent les barrières soient sensibilisés. En outre, les Forces nouvelles ayant rétrocédé la gestion communale aux municipalités, il est important, que l'Etat prenne en charge les éléments des FN dans le processus de l'unicité des caisses. Les FN sont disposées à aller vite à l'unicité des caisses si les moyens sont dégagés pour la sensibilisation et la prise en charge de nos hommes. Car nous ne pouvons pas laisser les troupes sans substance au risque de revenir en arrière», avait insisté Cissé Sindou. Mais, il y a plus. Les commerçants ont cru certainement qu'ils pouvaient baigner encore pendant longtemps dans cette situation de non droit. La crise a fait que depuis six ans, la plupart des produits vendus ou acquis (motos, voitures, marchandises électroménagers…), dans les zones ex-assiégées), de contrebande, en provenance des pays d'Asie et autres, échappent à tout contrôle puisque l'administration douanière n'existe pas dans les zones CNO. Les populations en ont énormément profité. Elles se sont même fait une seconde habitude. Et il leur est difficile de s'en défaire.
Une exigence du Fmi
La décision prise par le Fmi, le 3 août 2008 dernier, d'appuyer une «Assistance d'urgence post conflit» (AUPC) a été suivie d'une mission du Fonds en Côte d'Ivoire du 12 au 26 novembre 2008 incluant des discussions avec des membres des missions de la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. La mission du Fmi, accompagnée de délégations de la Banque mondiale et de la BAD, a visité les zones ex-assiégées, recommandant que les taxes et recettes collectées par les Forces nouvelles soient reversées à l'Etat ivoirien. Autrement dit, tout programme économique avec les institutions de Bretton-woods est désormais conditionné par l’unicité des caisses de l’Etat.
L’accession à l’Initiative PPTE est l’un des défis majeurs que le gouvernement ivoirien entend relever, afin d’asseoir l’économie nationale sur des bases solides. Estimée à environ 6000 milliards FCFA, la dette extérieure de la Côte d’Ivoire représente un goulot d’étranglement au développement économique. Le gouvernement est parvenu à accroître la transparence dans la gestion des ressources pétrolières, maîtriser les dépenses publiques et à maximiser les recettes de l’Etat. L’effectivité de l’unicité des caisses devient une priorité d’autant plus que le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) a été finalisé.
Le Programme pour la Réduction de la pauvreté et pour la croissance, qui vient d’être approuvé par la communauté financière internationale, a pour objectifs essentiels la promotion de la croissance économique et l’amélioration des conditions de vie de la population. Il vise également à restaurer la crédibilité du pays en matière de choix et de gestion économique. Pour atteindre ces objectifs, l’accent est mis sur la poursuite de l’assainissement financier de l’Etat ; la transparence et la bonne gouvernance dans les principaux secteurs économiques en vue de les rendre plus flexibles, plus compétitifs et plus dynamiques ; la construction des infrastructures économiques de base (routes, aéroports, ports, structures de production d’eau et de l’énergie) ; la promotion de l’agriculture au travers du Programme de sécurité alimentaire et la priorité accordée au financement des projets sociaux dans l’éducation et la santé en vue de préparer l’avenir économique du pays et attaquer plus directement les causes de pauvreté de la population. Il est à noter que la bonne exécution de ces actions sectorielles sera de nature à avoir un fort effet d’entraînement sur le reste de l’économie et à favoriser ainsi la création d’emplois.
Les Forces nouvelles n’ont pas intérêt à tirer la Côte d’Ivoire vers le bas avec tous ces efforts faits par le gouvernement pour hisser le pays dans la zone de «chance». Qu’elles sensibilisent leurs populations par les moyens qu’elles estiment appropriées mais que, in fine, toutes les recettes de l’Etat soient centralisées au Trésor public.
J-S Lia liasylve@yahoo.fr
Le processus de l’unicité des caisses doit débuter demain jeudi 15 janvier. Il est annoncé un détachement de douaniers aux frontières de Pogo, Laléraba et Ouangolodougou. Tous les regards sont tournés vers la Côte d’Ivoire qui joue son destin dans l’initiative PPTE.
Pays pauvre, la Côte d’Ivoire a d’énormes besoins de capitaux pour exploiter ses ressources naturelles et construire son infrastructure économique et sociale. Face à cette contrainte, ses ressources propres ne peuvent suffire, et le pays ne peut vivre en autarcie économique et financière, au risque d’hypothéquer ses chances de développement. En conséquence, il a grandement besoin de l’appui financier et technique de la communauté financière internationale.
Or, dans le cadre des règles internationales en vigueur, un pays qui sollicite l’appui de la communauté internationale doit respecter certaines conditions en vue d’assurer les partenaires que le pays entreprend des efforts d’assainissement nécessaires et que les ressources mises à sa disposition sont gérées en toute transparence et sont utilisées à bon escient. Les institutions de Bretton-Woods sont chargées d’assurer la surveillance pour le compte de la communauté internationale et d’aider ce pays à mettre en place des politiques économiques et financières qui peuvent rassurer les bailleurs de fonds, tout en poursuivant les objectifs cités précédemment.
C’est dans ce contexte, et après la restauration d’un climat politique apaisé à travers l’accord politique de Ouagadougou, que le Fmi a exigé des autorités ivoiriennes de s’attaquer à l’assainissement financier du pays pour réinstaller celui-ci dans la normalité de la gestion. Cette nouvelle orientation repose d’une part sur la restauration des relations financières normales avec les partenaires extérieurs afin de bénéficier de leurs apports techniques et financiers, et d’autre part sur l’unicité des caisses de l’Etat à l’effet d’accroître les ressources publiques.
Sur le premier point, les engagements ont été respectés. Les arriérés qui s’élèvent à 112,08 milliards FCFA ont été totalement épongés par le paiement, le 29 février 2008, de la dernière tranche restante (29,18 milliards de FCFA). Déjà, au 15 février, 82,7 milliards avaient été versés à la Banque mondiale. Ainsi, depuis fin février dernier, rien ne s’oppose à la reprise entière et totale de la coopération entre la Côte d’Ivoire et la Banque mondiale d’une part, et la Côte d’Ivoire et le FMI d’autre part.
C’est sur le second point que des interrogations fusent. Le redéploiement de l’administration douanière prescrit par le 3ème accord complémentaire de Ouagadougou en date du 28 novembre 2007 n’a pas été effectif. Cet accord prévoyait l’unicité de caisse de l’Etat au plus tard le 30 décembre 2007. Le budget 2008 était d’ailleurs confectionné sur cette base. Mais ce délai ne sera pas respecté. Le Premier ministre Soro Guillaume attendra jusqu’au 26 décembre, 2007 avant de prendre l’arrêté. Le 27 décembre un comité technique devant définir le chronogramme d’actions pour conduire l’unicité est mis en place. Là encore, il faudra attendre mars 2008 pour voir cette structure remettre les conclusions de ces réflexions au Premier ministre pour validation. Cette étape terminée, le chef du gouvernement a conduit du 8 au 12 avril dernier, sur son instruction, une mission composée de membres de son cabinet, du ministère de l’Economie et des Finances, de l’administration douanière, du centre de commandement intégré à Ferké, Korhogo, Ouangolo, Pogo et Tingrela, pour constituer le cordon douanier. Il s’agissait, en fait de procéder à un repérage des sites.
C’est ainsi qu’au mois de mai 2008, sous la présidence du ministre de l’Economie et des Finances, Charles Koffi Diby, le premier contingent de 26 agents douanes ivoiriennes devrait être installé à Ouangolo (frontière Côte d’Ivoire-Burkina Faso). Mais en face, il y avait manifestement une volonté des Forces nouvelles de retarder ce processus malgré la formation accélérée et l’intégration de 11 éléments des FN. Dès le lendemain du déploiement des agents, les autorités locales leur ont fait savoir qu’ils ne pouvaient pas «aussi facilement prendre le contrôle de la frontière». L’espoir d’une avancée importante vers l’unicité des caisses de l’Etat venait de fondre. Et ce, malgré les engagements politiques des autorités des Forces nouvelles d’apporter tout leur soutien au redéploiement. Le directeur de cabinet adjoint du secrétaire général des Forces nouvelles, Cissé Sindou, avait donné des assurances. Et le chef des Forces paramilitaires, Koné Messamba, avait démontré sa grande disponibilité auprès de la délégation du conseiller technique du ministre de l’Economie et des Finances, Assohoun Noël, chargé du pilotage du redéploiement de l’administration financière.
Echec prévisible
Pourquoi ces tentatives ont-elles échoué ? «Nous avons proposé des plans de sensibilisation puisque sans sensibilisation nous ne pourrons pas avoir de redéploiement de la douane. Il faut que les populations, les opérateurs économiques et les militaires qui tiennent les barrières soient sensibilisés. En outre, les Forces nouvelles ayant rétrocédé la gestion communale aux municipalités, il est important, que l'Etat prenne en charge les éléments des FN dans le processus de l'unicité des caisses. Les FN sont disposées à aller vite à l'unicité des caisses si les moyens sont dégagés pour la sensibilisation et la prise en charge de nos hommes. Car nous ne pouvons pas laisser les troupes sans substance au risque de revenir en arrière», avait insisté Cissé Sindou. Mais, il y a plus. Les commerçants ont cru certainement qu'ils pouvaient baigner encore pendant longtemps dans cette situation de non droit. La crise a fait que depuis six ans, la plupart des produits vendus ou acquis (motos, voitures, marchandises électroménagers…), dans les zones ex-assiégées), de contrebande, en provenance des pays d'Asie et autres, échappent à tout contrôle puisque l'administration douanière n'existe pas dans les zones CNO. Les populations en ont énormément profité. Elles se sont même fait une seconde habitude. Et il leur est difficile de s'en défaire.
Une exigence du Fmi
La décision prise par le Fmi, le 3 août 2008 dernier, d'appuyer une «Assistance d'urgence post conflit» (AUPC) a été suivie d'une mission du Fonds en Côte d'Ivoire du 12 au 26 novembre 2008 incluant des discussions avec des membres des missions de la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. La mission du Fmi, accompagnée de délégations de la Banque mondiale et de la BAD, a visité les zones ex-assiégées, recommandant que les taxes et recettes collectées par les Forces nouvelles soient reversées à l'Etat ivoirien. Autrement dit, tout programme économique avec les institutions de Bretton-woods est désormais conditionné par l’unicité des caisses de l’Etat.
L’accession à l’Initiative PPTE est l’un des défis majeurs que le gouvernement ivoirien entend relever, afin d’asseoir l’économie nationale sur des bases solides. Estimée à environ 6000 milliards FCFA, la dette extérieure de la Côte d’Ivoire représente un goulot d’étranglement au développement économique. Le gouvernement est parvenu à accroître la transparence dans la gestion des ressources pétrolières, maîtriser les dépenses publiques et à maximiser les recettes de l’Etat. L’effectivité de l’unicité des caisses devient une priorité d’autant plus que le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) a été finalisé.
Le Programme pour la Réduction de la pauvreté et pour la croissance, qui vient d’être approuvé par la communauté financière internationale, a pour objectifs essentiels la promotion de la croissance économique et l’amélioration des conditions de vie de la population. Il vise également à restaurer la crédibilité du pays en matière de choix et de gestion économique. Pour atteindre ces objectifs, l’accent est mis sur la poursuite de l’assainissement financier de l’Etat ; la transparence et la bonne gouvernance dans les principaux secteurs économiques en vue de les rendre plus flexibles, plus compétitifs et plus dynamiques ; la construction des infrastructures économiques de base (routes, aéroports, ports, structures de production d’eau et de l’énergie) ; la promotion de l’agriculture au travers du Programme de sécurité alimentaire et la priorité accordée au financement des projets sociaux dans l’éducation et la santé en vue de préparer l’avenir économique du pays et attaquer plus directement les causes de pauvreté de la population. Il est à noter que la bonne exécution de ces actions sectorielles sera de nature à avoir un fort effet d’entraînement sur le reste de l’économie et à favoriser ainsi la création d’emplois.
Les Forces nouvelles n’ont pas intérêt à tirer la Côte d’Ivoire vers le bas avec tous ces efforts faits par le gouvernement pour hisser le pays dans la zone de «chance». Qu’elles sensibilisent leurs populations par les moyens qu’elles estiment appropriées mais que, in fine, toutes les recettes de l’Etat soient centralisées au Trésor public.
J-S Lia liasylve@yahoo.fr