Exilé en R.D Congo, l’ex-animateur vedette de la RTI parle de sa nouvelle vie.
Annoncé pour mort, te voilà en pleine forme. Comment as-tu vécu ces moments ?
Moi, je prends toujours, en bon, tout ce qui sort comme information sur moi.
Même quand on annonce ta mort, alors que tu es en vie ?
Ecoutez, on ne parle pas des morts pendant longtemps.
Et comment as-tu appris la nouvelle de ta mort ?
Un matin, un jeune frère m’a appelé, vers 8 heures, pour me dire que les journaux ont titré sur mon décès. Personnellement, cela ne m’a pas affecté outre mesure. Puisque ce n’est pas la première fois que les journaux se plantent, me concernant. Je pense que tout cela fait partie des phénomènes de société.
N’as-tu pas pris cela en mal ?
Pas du tout. Cependant, j’ai aimé la sympathie des Ivoiriens à travers les nombreux appels téléphoniques que j’ai reçus. Cela prouve que je suis encore présent dans la mémoire des gens.
Comment t’es-tu retrouvé à Kinshasa?
Après une succession d’attaques à mon domicile dont la dernière a entraîné la mort de mon garde du corps, j’ai vécu une période terrible de stress. Alors, j’ai décidé de sortir du pays, en attendant que les choses se calment. Je me suis retrouvé donc à Kinshasa où je fais beaucoup de choses.
Que fais-tu concrètement ici?
Le Congo est un pays immense dont la majorité des fils et filles sont partis ailleurs. Donc, tout africain qui sent qu’il peut apporter quelque chose à ce pays, je pense, se doit d’y être. Pour ma part, je travaille aux côtés du Chef de l’Etat, dans un cabinet de stratégie de communication. Qui a pour option de donner une visibilité à son projet de société et son programme de gouvernement qu’on appelle « Les cinq chantiers ». Ce projet a des déclinaisons sur divers axes tels que la santé, l’éducation, l’urbanisme, les routes, etc. Il s’agit en fait d’un ensemble de programmes qui ambitionnent de faire redécoller le pays. Il s’agit d’un assemblage d’idées concocté avec mon ami et frère Jean-Marie Kasamba, producteur-télé congolais en Europe, qui a décidé de rentrer au pays. Il en a eu l’initiative et l’a présenté au Chef de l’Etat. A l’intérieur, nous avons monté plusieurs supports (magazines, audio-visuel, radio, internet…). C’est vraiment une équipe de plusieurs personnes toujours en mouvement.
Et comment te sens-tu au sein de ce groupe ?
En adéquation avec l’équipe ! Il s’agit, en fait, pour la plupart, de jeunes hommes et femmes qui veulent apprendre ; qui acceptent d’apprendre auprès de nous qui avons un peu plus d’expérience. Franchement, ici, je me sens chez moi.
Envisages-tu de rentrer en Côte d’Ivoire ?
Finissons d’abord nos élections et on verra. Donnons-nous le nom de notre Président et des responsables de nos institutions et le reste viendra. Pour l’instant, je suis là.
Où en es-tu avec ton projet de télé privée?
Ce sont des projets qui se font facilement. Ici par exemple, il y a une cinquantaine de chaînes privées de télé. Mais avec toutes les péripéties vécues, je me dis, désormais, au lieu d’avoir une chaîne de télé, pourquoi ne pas diriger la structure qui donne le contenu des chaînes de télé ? Ça ne me déplairait pas aujourd’hui d’entrer dans un gouvernement. Je pense avoir formé des gens qui en font partie. Donc, il n’y a pas de raison que je ne puisse pas apporter mon expérience à la Côte d’Ivoire à ce niveau de responsabilité.
Junior n’est-il pas trop libre dans sa tête pour prétendre à un poste ministériel ?
La personne qui appellera Junior saura que Junior travaille dans son intérêt et elle le laissera avec sa liberté de penser. Je suis conscient qu’on ne va pas dans un gouvernement pour ramer à contre-courant.
C’est pourtant ce qui se fait avec des ministres qui rendent compte à leurs leaders politiques.
Je pense que cela n’est pas normal. Et quand dans un gouvernement, je ne me sentirai pas à l’aise, j’en partirai. C’est très simple. Mais, je crois que la population a besoin de savoir la vérité à temps. C’est le vrai problème avec certaines autorités.
Si on devrait appeler Junior au gouvernement, quel portefeuille lui conviendrait le mieux ?
Junior au ministère de la Santé, ça serait un peu compliqué. Je pense que le choix du portefeuille reste dans le cadre des négociations qui peuvent s’entreprendre. Ce n’est pas un plateau où on vient dire « Je veux ça ou ça ».
Le vœu de Junior pour la Côte d’Ivoire en 2009 ?
Je suis blasé. Je suis fatigué comme l’ensemble des Ivoiriens. Je suis aussi déçu de la classe politique. Et je pense que si nos leaders n’arrivent pas à s’entendre, il y aura le grand nettoyage, un jour.
C’est-à-dire?
Le grand nettoyage, c’est quand personne n’a plus confiance en personne. C’est quand on est obligé d’aller sur de nouvelles bases sans les leaders politiques du moment. Je crois que nos aînés ont intérêt à nous rassembler. Cela passe nécessairement par un grand sacrifice de soi.
N’est-ce pas bizarre que Junior soit agressé à plusieurs reprises à Abidjan qui est de plus en plus sécurisé ? N’a-t-il pas des problèmes particuliers avec des gens?
Pourquoi cela peut paraître bizarre ? N’est-ce pas à Abidjan que le ministre Boga Doudou a été tué ? Plusieurs résidences de ministres ont été attaquées à Abidjan. Donc il n’y a rien de surprenant que je sois agressé à Abidjan. Moi, rien ne m’étonne. Je pense plutôt que c’est le fait de penser qu’on est inattaquable qui permet aux gens de nous attaquer.
Donc la piste Blé Goudé, comme veulent faire croire certaines langues, est à écarter ?
Absolument ! Il faut arrêter cela. Je n’ai aucun problème avec Blé Goudé. Je lui dois d’ailleurs la mise à disposition de garde du corps. Par rapport à nos relations, ce que les gens racontent est vraiment le jour et la nuit. Une chose est sûre : je ne suis pas parti par peur, mais parce que j’étais fatigué : les jeunes patriotes n’étaient pas soutenus ; ils donnaient leur poitrine dans le vide. Les aînés nous avaient abandonnés. On est Ivoiriens, d’accord mais ce n’est pas suffisant !
Qu’y a-t-il d’autre derrière ?
On ne peut fonctionner uniquement sur la base de «on est Ivoiriens». Il n’y a aucun retour. Il n’y a personne pour dire aux jeunes : «Comment allez-vous ?». J’ai donc préféré partir.
La Côte d’Ivoire est à l’heure du pardon, pour sortir de la crise. Quelle est la position de Junior à ce stade ?
Depuis mon jeune âge, j’ai toujours supporté des coups. Et cela a eu des répercussions sur ma famille. Ce n’est pas à 48 ans que je garderais rancune contre quelqu’un. J’estime qu’on a encore beaucoup à gagner en restant ensemble.
Même réaction avec les Forces nouvelles ?
Le drame, c’est qu’avant qu’ils ne prennent les armes contre leur propre pays, j’étais le « Vieux père » (l’aîné qu’on écoute) de beaucoup d’entre eux. Qu’il s’agisse du Premier ministre, Guillaume Soro, ou d’autres, nous avons vécu ensemble à un moment donné. Nous étions au mariage de Coulibaly Ibrahim dit IB. Ce qu’ils ont vécu est une étape de leur vie. Si on a décidé de faire table rase, il faut y aller. Sans rancune. Cependant, je reste convaincu qu’il y a une vraie manière de faire table rase sur ce passé douloureux.
Laquelle ?
Cet acte passe par le vrai pardon. On s’est fait beaucoup de mal. Certaines personnes ont perdu beaucoup d’êtres chers. Et le pardon lapidaire ne saurait suffire.
C’est quoi le grand pardon ?
Je vois chaque leader de la rébellion aller dans les régions où ils ont causé du tort aux populations se repentir. Je vois le Premier ministre Soro à l’ouest en train de demander pardon aux populations. Pour moi, le grand pardon a son sens. Il y aura des scènes émouvantes de personnes qui vont pleurer ce jour-là pour se libérer.
Junior est-il prêt à participer à une campagne nationale de pardon de ce genre ?
Absolument ! Je serai même le premier sur la liste des partants.
Interview réalisée à Kinshasa par Doua Gouly
Annoncé pour mort, te voilà en pleine forme. Comment as-tu vécu ces moments ?
Moi, je prends toujours, en bon, tout ce qui sort comme information sur moi.
Même quand on annonce ta mort, alors que tu es en vie ?
Ecoutez, on ne parle pas des morts pendant longtemps.
Et comment as-tu appris la nouvelle de ta mort ?
Un matin, un jeune frère m’a appelé, vers 8 heures, pour me dire que les journaux ont titré sur mon décès. Personnellement, cela ne m’a pas affecté outre mesure. Puisque ce n’est pas la première fois que les journaux se plantent, me concernant. Je pense que tout cela fait partie des phénomènes de société.
N’as-tu pas pris cela en mal ?
Pas du tout. Cependant, j’ai aimé la sympathie des Ivoiriens à travers les nombreux appels téléphoniques que j’ai reçus. Cela prouve que je suis encore présent dans la mémoire des gens.
Comment t’es-tu retrouvé à Kinshasa?
Après une succession d’attaques à mon domicile dont la dernière a entraîné la mort de mon garde du corps, j’ai vécu une période terrible de stress. Alors, j’ai décidé de sortir du pays, en attendant que les choses se calment. Je me suis retrouvé donc à Kinshasa où je fais beaucoup de choses.
Que fais-tu concrètement ici?
Le Congo est un pays immense dont la majorité des fils et filles sont partis ailleurs. Donc, tout africain qui sent qu’il peut apporter quelque chose à ce pays, je pense, se doit d’y être. Pour ma part, je travaille aux côtés du Chef de l’Etat, dans un cabinet de stratégie de communication. Qui a pour option de donner une visibilité à son projet de société et son programme de gouvernement qu’on appelle « Les cinq chantiers ». Ce projet a des déclinaisons sur divers axes tels que la santé, l’éducation, l’urbanisme, les routes, etc. Il s’agit en fait d’un ensemble de programmes qui ambitionnent de faire redécoller le pays. Il s’agit d’un assemblage d’idées concocté avec mon ami et frère Jean-Marie Kasamba, producteur-télé congolais en Europe, qui a décidé de rentrer au pays. Il en a eu l’initiative et l’a présenté au Chef de l’Etat. A l’intérieur, nous avons monté plusieurs supports (magazines, audio-visuel, radio, internet…). C’est vraiment une équipe de plusieurs personnes toujours en mouvement.
Et comment te sens-tu au sein de ce groupe ?
En adéquation avec l’équipe ! Il s’agit, en fait, pour la plupart, de jeunes hommes et femmes qui veulent apprendre ; qui acceptent d’apprendre auprès de nous qui avons un peu plus d’expérience. Franchement, ici, je me sens chez moi.
Envisages-tu de rentrer en Côte d’Ivoire ?
Finissons d’abord nos élections et on verra. Donnons-nous le nom de notre Président et des responsables de nos institutions et le reste viendra. Pour l’instant, je suis là.
Où en es-tu avec ton projet de télé privée?
Ce sont des projets qui se font facilement. Ici par exemple, il y a une cinquantaine de chaînes privées de télé. Mais avec toutes les péripéties vécues, je me dis, désormais, au lieu d’avoir une chaîne de télé, pourquoi ne pas diriger la structure qui donne le contenu des chaînes de télé ? Ça ne me déplairait pas aujourd’hui d’entrer dans un gouvernement. Je pense avoir formé des gens qui en font partie. Donc, il n’y a pas de raison que je ne puisse pas apporter mon expérience à la Côte d’Ivoire à ce niveau de responsabilité.
Junior n’est-il pas trop libre dans sa tête pour prétendre à un poste ministériel ?
La personne qui appellera Junior saura que Junior travaille dans son intérêt et elle le laissera avec sa liberté de penser. Je suis conscient qu’on ne va pas dans un gouvernement pour ramer à contre-courant.
C’est pourtant ce qui se fait avec des ministres qui rendent compte à leurs leaders politiques.
Je pense que cela n’est pas normal. Et quand dans un gouvernement, je ne me sentirai pas à l’aise, j’en partirai. C’est très simple. Mais, je crois que la population a besoin de savoir la vérité à temps. C’est le vrai problème avec certaines autorités.
Si on devrait appeler Junior au gouvernement, quel portefeuille lui conviendrait le mieux ?
Junior au ministère de la Santé, ça serait un peu compliqué. Je pense que le choix du portefeuille reste dans le cadre des négociations qui peuvent s’entreprendre. Ce n’est pas un plateau où on vient dire « Je veux ça ou ça ».
Le vœu de Junior pour la Côte d’Ivoire en 2009 ?
Je suis blasé. Je suis fatigué comme l’ensemble des Ivoiriens. Je suis aussi déçu de la classe politique. Et je pense que si nos leaders n’arrivent pas à s’entendre, il y aura le grand nettoyage, un jour.
C’est-à-dire?
Le grand nettoyage, c’est quand personne n’a plus confiance en personne. C’est quand on est obligé d’aller sur de nouvelles bases sans les leaders politiques du moment. Je crois que nos aînés ont intérêt à nous rassembler. Cela passe nécessairement par un grand sacrifice de soi.
N’est-ce pas bizarre que Junior soit agressé à plusieurs reprises à Abidjan qui est de plus en plus sécurisé ? N’a-t-il pas des problèmes particuliers avec des gens?
Pourquoi cela peut paraître bizarre ? N’est-ce pas à Abidjan que le ministre Boga Doudou a été tué ? Plusieurs résidences de ministres ont été attaquées à Abidjan. Donc il n’y a rien de surprenant que je sois agressé à Abidjan. Moi, rien ne m’étonne. Je pense plutôt que c’est le fait de penser qu’on est inattaquable qui permet aux gens de nous attaquer.
Donc la piste Blé Goudé, comme veulent faire croire certaines langues, est à écarter ?
Absolument ! Il faut arrêter cela. Je n’ai aucun problème avec Blé Goudé. Je lui dois d’ailleurs la mise à disposition de garde du corps. Par rapport à nos relations, ce que les gens racontent est vraiment le jour et la nuit. Une chose est sûre : je ne suis pas parti par peur, mais parce que j’étais fatigué : les jeunes patriotes n’étaient pas soutenus ; ils donnaient leur poitrine dans le vide. Les aînés nous avaient abandonnés. On est Ivoiriens, d’accord mais ce n’est pas suffisant !
Qu’y a-t-il d’autre derrière ?
On ne peut fonctionner uniquement sur la base de «on est Ivoiriens». Il n’y a aucun retour. Il n’y a personne pour dire aux jeunes : «Comment allez-vous ?». J’ai donc préféré partir.
La Côte d’Ivoire est à l’heure du pardon, pour sortir de la crise. Quelle est la position de Junior à ce stade ?
Depuis mon jeune âge, j’ai toujours supporté des coups. Et cela a eu des répercussions sur ma famille. Ce n’est pas à 48 ans que je garderais rancune contre quelqu’un. J’estime qu’on a encore beaucoup à gagner en restant ensemble.
Même réaction avec les Forces nouvelles ?
Le drame, c’est qu’avant qu’ils ne prennent les armes contre leur propre pays, j’étais le « Vieux père » (l’aîné qu’on écoute) de beaucoup d’entre eux. Qu’il s’agisse du Premier ministre, Guillaume Soro, ou d’autres, nous avons vécu ensemble à un moment donné. Nous étions au mariage de Coulibaly Ibrahim dit IB. Ce qu’ils ont vécu est une étape de leur vie. Si on a décidé de faire table rase, il faut y aller. Sans rancune. Cependant, je reste convaincu qu’il y a une vraie manière de faire table rase sur ce passé douloureux.
Laquelle ?
Cet acte passe par le vrai pardon. On s’est fait beaucoup de mal. Certaines personnes ont perdu beaucoup d’êtres chers. Et le pardon lapidaire ne saurait suffire.
C’est quoi le grand pardon ?
Je vois chaque leader de la rébellion aller dans les régions où ils ont causé du tort aux populations se repentir. Je vois le Premier ministre Soro à l’ouest en train de demander pardon aux populations. Pour moi, le grand pardon a son sens. Il y aura des scènes émouvantes de personnes qui vont pleurer ce jour-là pour se libérer.
Junior est-il prêt à participer à une campagne nationale de pardon de ce genre ?
Absolument ! Je serai même le premier sur la liste des partants.
Interview réalisée à Kinshasa par Doua Gouly