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Économie Publié le jeudi 22 janvier 2009 | Fraternité Matin

Kipré Digbeu, Ex-directeur des Assurances : "Malgré la bonne tenue du marché, beaucoup de compagnies d’assurances sont sinistrées"

Vous avez été directeur des assurances de Côte d’Ivoire, pouvez-vous nous dire comment se porte ce secteur aujourd’hui, dans notre pays ?

J’ai été directeur des assurances au ministère de l’Economie et des Finances. Mais surtout en tant que ancien directeur général de Cica-re, j’ai une connaissance de tous les marchés africains des assurances. Et je pourrais vous dire que le marché ivoirien ne se porte pas aussi mal que l’on pourrait le croire. A preuve, malgré la crise, le marché des assurances en Côte d’Ivoire a connu une augmentation régulière de près de 5%. Ce qui n’est pas le cas de l’activité économique en générale. Vous savez que quand on vous parle de l’accroissement de la pauvreté en Côte d’Ivoire, cela veut dire qu’en termes réels, le taux de croissance économique est inférieur au taux de croissance démographique. Mais au niveau des assurances la croissance est maintenue. Cependant, cela ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. A l’intérieur de ce secteur, il y a des compagnies qui ne se portent pas bien du tout. Beaucoup de compagnies sont sous administration provisoire. Il y en a une qui est actuellement en liquidation.


Dans les pays développés, la crise financière a durement touché certaines compagnies d’assurances. Qu’en est-il en Côte d’Ivoire et même en Afrique ?

Disons que beaucoup de sociétés qui opèrent sur nos marchés sont de droit national. Et la plupart de leurs activités sont limitées à un pays ou un territoire donné. Même lorsqu’on a mis en place une organisation comme la Cima, qui a une compétence supranationale, il n’y a pas aujourd’hui une réglementation qui permet à une société agréée en Côte d’Ivoire d’aller travailler sur d’autres marchés sans agrément. C’est vrai qu’on a des accords dits de co-assurance interafricaine, mais cela reste très limité. Ceci pour dire que, du fait de la limitation de leur champ d’action, la crise financière internationale n’a pu avoir d’effets directs sur leurs activités. A côté de ces sociétés de droit national, il y en a d’autres qui sont des filiales de grands groupes étrangers, notamment européens, qui au niveau du siège peuvent être exposées à certaines répercussions de la crise ? Mais ce n’est pas cela qui va les affecter directement et dans l’immédiat.


Et au niveau des réassureurs ?

La plupart des réassureurs que nous avons sont africains. Toutefois, il faut noter que la réassurance est internationale, globale par définition. Et c’est un secteur qui a connu ses crises. Il est en perpétuel mouvement. Cela dit, les informations que nous avons aujourd’hui ne nous permettent pas de dire que les réassureurs qui opèrent sur nos marchés sont impliqués dans les actifs toxiques qui sont à la base de la crise financière internationale.


Qu’est-ce qui peut motiver le lancement d’une compagnie d’assurances dans cette période marquée par la crise financière internationale et la crise politico militaire que connaît le pays ?

Nous avons une expérience assez multiple dans les assurances. Nous avons longtemps été directeur des assurances ; nous avons également passé quinze années à la tête de la Cica-re, qui se sont soldées par des résultats jugés positifs. Et n’ayant pas eu d’appréhension sur l’avenir de la Côte d’Ivoire, nous avons naturellement décidé de participer à la reconstruction de notre pays à partir de ce secteur que nous connaissons bien. Nous pensons que c’est en temps de crise qu’il faut investir, pour bénéficier, après, de l’embellie économique qui va suivre. Par ailleurs, c’est connu de tous, l’économie ivoirienne a des fondamentaux très solides qui inspirent confiance.


Le marché de l’assurance en Côte d’Ivoire est saturé. Qu’est-ce que les Ivoiriens peuvent espérer de neuf dans ce domaine ?

Nous n’allons pas réinventer la roue. Les produits d’assurances sont limités et fixés par le code des assurances. Mais, je vais vous dire que les compagnies d’assurances diffèrent de par la qualité de leurs prestations. Ce que nous voulons faire c’est de mettre le client au centre de notre politique. Et notre cible, c’est une frange de la population qui semble être laissée de côté sans être laissée pour compte. Par exemple, les coopératives dans le milieu rural et agricole peuvent être privilégiées. Le secteur informel également. Il y a les mirocrédits et les micro finances auxquels nous pensons qu’on peut adjoindre une micro assurance. C’est autant de choses que nous allons creuser et lancer. Mais souffrez que je n’en dise pas plus, car nous sommes dans un secteur assez concurrentiel.


Il n’existe pas encore une véritable culture de l’assurance en Côte d’Ivoire. Que font les assureurs pour remédier à cela ?

Vous avez raison. Toutes les compagnies devraient penser à promouvoir la culture de l’assurance. Elles doivent informer le public de toute la panoplie de produit qu’elles mettent à leur disposition. En plus de cela, Elles doivent travailler à ce que les garanties offertes par ces produits soient compatibles avec le pouvoir d’achat du public. Ainsi, on pourra couvrir une partie non négligeable des pans de l’économie qui ne sont pas encore totalement pris en compte. Mais pour ce faire, il faut adapter les produits aux besoins et à la réalité des prospects.

Interview réalisée par David Ya
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