Le président de l’Union pour la Côte d’Ivoire (Upci), dit pourquoi il a quitté la Douane, révèle ses ambitions pour le pays et fustige Gbagbo, Bédié et Alassane.
Monsieur le président, le Mouvement ivoirien pour le renouveau et l’espérance (Mire) devient, non seulement un parti politique, mais également l’Union pour la Côte d’Ivoire (Upci). Pourquoi ce double changement?
En fait de changement, il n’y en a pas. Quand nous avons créé le Mire, c’était pour répondre à des nécessités et à des formalités administratives. Parce que, effectivement, quand vous avez des activités sur la place publique, il faut avoir une identité juridique. Alors nous avons créé le Mire qui est un mouvement, à l’instar du Congrès national pour la résistance démocratique (Cnrd) et du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Dans ses statuts, le Mire a été formaté pour recevoir, en son sein, des partis politiques, des syndicats, des Ong, des personnes physiques ou morales. Nous avions pensé que les élections allaient avoir lieu dans un temps suffisamment bref, nous permettant d’y aller même en n’étant pas un parti politique, mais en tant qu’indépendant. Maintenant, personne ne sait quand ces élections vont avoir lieu. Et on risque d’avoir d’autres difficultés. On les entrevoit déjà. Il nous fallait donc un outil comme un parti politique pour mener notre combat à son terme.Quelles sont ces difficultés ?
Déjà, on nous dit : «Vous n’êtes pas un parti politique, donc vous ne pouvez pas passer à la Télévision.»
Je ne suis pas sûr que ce soit un argument qu’on puisse valablement retenir. Mais, il va y avoir d’autres choses. Demain, on pourrait dire aux partis politiques légalement constitués : vous devez vous rencontrer pour parler de tel ou tel problème. Si nous ne sommes pas un parti politique, peut-être qu’on ne pourra pas y aller. Demain, on pourrait dire également que seuls les partis politiques ont droit à telle ou telle chose !
Ce qui est déjà le cas…
On nous dira qu’on n’est pas parti politique, donc on ne peut pas en avoir.
Ça ne coûte rien d’avoir un parti. Donc nous créons un parti politique pas en lieu et place du Mire, mais un parti politique qui sera hébergé par le Mire, qui est un mouvement prêt à accueillir d’autres partis politiques qui partagent les mêmes convictions et les mêmes idéaux que nous.
Au cours du déjeuner de presse que vous avez organisé le 26 décembre dernier, vous avez dit que vous ne voulez pas créer de parti politique. Parce que les partis politiques ressemblent à des sectes où l’on se partage les postes sans tenir compte des compétences. N’êtes-vous pas en contradiction avec vous-même ?
Au départ, je ne voulais pas créer de parti politique. Parce que mes amis me disaient que ce n’est pas d’un parti politique que les Ivoiriens ont besoin. Ce qui est vrai. On constate que lorsque les partis politiques arrivent au pouvoir, on s’empresse de récompenser les militants de première heure. On les met, pour les récompenser, à des postes pour lesquels ils n’ont pas la moindre compétence. Il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir dans la composition de nos derniers gouvernements. Nous avons voulu éviter cela. Nous avions souhaité que notre candidature soit portée par la société civile, par les Ivoiriens dans leur ensemble.
Mais aujourd’hui, on sent qu’on a besoin de se réfugier derrière un parti politique pour ne pas être interdit de certaines choses. C’est pour cela que nous créons un parti politique. Donc, nous ne sommes pas en contradiction. Nous créons un parti politique pour les nécessités du moment. Sinon, je souhaite toujours que ma candidature soit portée par tous les Ivoiriens, quels que soient leur origine, leur région et leur parti politique.
En tout cas, tous les Ivoiriens qui sont fatigués, tout au moins déçus de ce qui se passe en Côte d’Ivoire et qui ont besoin d’autre chose.
Vous créez ce parti alors que vous avez déjà sillonné le terrain dans le cadre du Mire. Peut-on avoir une idée de ce que vous représentez par rapport à vos activités, à vos ambitions ?
Quand j’observe le terrain, pour parler comme un vrai homme politique, il est favorable. On n’a jamais rencontré d’hostilités. Partout, nous sommes accueillis à bras ouverts. Et nous avons la conviction qu’aujourd’hui, nous représentons le seul véritable espoir des Ivoiriens. C’est notre conviction, c’est notre analyse. Que ce soit une présence en quelque lieu que ce soit (dans un bureau, dans les aéroports, sur le terrain pour des meetings…) nous sommes accueillis à bras ouverts. Quelquefois, j’ai eu même à pleurer d’émotion pour l’accueil que la population me réservait. Je pense que ça ne suffira pas et qu’il faudra se battre pour crédibiliser davantage cette candidature.
C’est vrai que nous avons des acquis. Nous n’avons pas une image à fabriquer. Nous avons été pendant sept ans, directeur général des Douanes. On peut évaluer quelqu’un qui a occupé ce poste pendant sept ans. On peut savoir ce qu’il veut, ce qu’il aime ou n’aime pas, ce qu’il cherche, etc. Donc nous n’avons pas d’image à fabriquer. Et le terrain est d’autant plus favorable que les Ivoiriens sont fatigués. Nous n’avons pas à leur expliquer pourquoi ils doivent changer. Maintenant, il faut que nous nous battions pour être sur le terrain, pour crédibiliser cette candidature. C’est-à-dire qu’il faut que les Ivoiriens se disent, il a été, pendant sept ans, directeur général des Douanes, avec un relatif succès, il peut être un Chef d’Etat. Mais, cela nécessite du travail. Déjà que beaucoup d’Ivoiriens pensent que je suis l’envoyé de l’actuel Président de la République.
Voulez-vous dire que certains doutent de votre sincérité ?
Jusqu’aujourd’hui, dans toutes les rencontres que j’ai eues, quand je demande aux gens de me poser des questions, on me demande si je ne suis pas envoyé par le Président de la République, pour faire diversion, pour diviser les voix de tel parti.
J’ai décidé de faire la politique pour proposer une alternative aux Ivoiriens, surtout ceux qui sont fatigués. Les Ivoiriens disent, on est fatigués, on veut un changement. Mais il faut bien leur donner la possibilité de changer. Donc, je ne suis envoyé par personne. J’ai dû marteler cela à plusieurs reprises.
Aujourd’hui, je suis interdit de Télévision. Je pense que si j’agissais au nom du Président, tous mes meetings qui sont des meetings à succès, où l’on remplit les stades, devraient faire l’objet de rediffusion ou d’éditions spéciales. Mais, encore une fois, je dis que le terrain est favorable.
Jusque-là, vos actions se sont limitées à la zone gouvernementale alors que vous voulez que votre candidature soit portée par tous les Ivoiriens. A quand votre arrivée dans la zone centre, nord et ouest?
D’abord, je ne suis pas le seul qui ne soit pas encore parti dans la zone centre, nord et ouest (Cno). Nous pensons qu’aujourd’hui, les conditions ne sont pas remplies.
Aller demander l’autorisation à l’état-major des Forces nouvelles avant que je puisse mener mes activités là-bas, pour moi, c’est difficile à accepter. Je suis de Botro. Je suis donc originaire d’un village qui se trouve en pleine zone dite Cno. Nous évaluons la situation. Quand nous estimerons que les conditions sont remplies pour aller mener nos activités là- bas, nous irons. Et nous espérons que ces conditions seront remplies en 2009 pour que nous puissions y aller pour porter notre message.
Votre parti, l’Union pour la Côte d’Ivoire, sera-t-il membre du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) ou du Congrès national pour la résistance démocratique (Cnrd) ?
Le Rhdp a échoué en tout. Les partis membres du Rhdp ont une responsabilité collective dans la survenance de la crise, de la guerre en Côte d’Ivoire, de la mort d’innocents Ivoiriens. Le Cnrd, même bilan. Que vais-je aller chercher au Rhdp ou au Cnrd ? Je suis du côté des Ivoiriens qui sont fatigués et qui veulent le changement. Qui croient qu’on n’est pas obligé de choisir entre le mauvais et le pire.
Que doivent-ils choisir alors ?
D’autres personnes, des hommes neufs, relativement jeunes pour entrevoir l’avenir.
C’est presque un bond dans le néant?
Pensez-vous qu’Obama est sorti néant? Vous savez, ce qu’on recherche aujourd’hui, c’est la capacité d’un homme politique à régler les problèmes. Savez-vous pourquoi nous n’avançons pas ?
L’organisation des élections est un projet. Vous ne pouvez pas confier un projet d’une telle dimension à quelqu’un qui n’a jamais travaillé. Donc, il faut chercher des Ivoiriens qui ont été capables de régler des problèmes.
Pourquoi avez-vous quitté les Douanes de Côte d’Ivoire pour faire de la politique ?
La première chose, c’est que je n’ai pas quitté les Douanes pour rien. Je me suis porté candidat pour être directeur général des Douanes parce que j’avais d’abord des ambitions pour mon pays. Et la Douane représente, comme vous le savez, au bas mot, 50% des recettes fiscales, 40% des ressources budgétaires, en général, dans les pays sous-développés. Donc, j’ai été candidat pour apporter ma pierre à la construction de mon pays. J’ai estimé, à un moment donné, que j’avais fini le travail que j’avais à faire aux Douanes. Donc, il fallait que j’apporte ma pierre à la construction de mon pays, à un autre niveau. C’était quoi, ministre ? Non, ministre et directeur des Douanes, c’est la même chose. Donc je suis candidat parce que j’estime aujourd’hui que j’ai les qualités et surtout l’expérience nécessaire pour assumer, avec succès, ce poste de Président de la République. C’est pour cela qu’après avoir terminé mon travail, j’ai dit : j’ai fini. Et j’ai dit à mes collaborateurs de ne toucher à rien, s’ils ne veulent pas avoir de problème. Car les Douanes sont formatées maintenant pour faire 800 milliards de Fcfa ; c’est-à-dire 550 milliards de recettes à l’importation chaque année sans problème.
Ce qui veut dire que vous ne regrettez pas d’avoir quitté les Douanes…
Pas du tout ! C’est vrai que c’est difficile pour beaucoup d’Ivoiriens de comprendre, d’accepter cela. Un homme politique me disait ceci : «Nous, on fait la politique justement pour avoir ce que vous avez déjà. Qu’est-ce que vous venez chercher dans l’arène politique ?».
Moi, je n’ai jamais été directeur général des Douanes parce que j’estimais que c’était le summum de la promotion sociale. J’ai voulu être directeur général des Douanes pour servir la Côte d’Ivoire. Et je pense qu’à ce poste, pendant sept ans, j’ai apporté le maximum qu’on puisse apporter. La seule motivation vers la fin de mon mandat, c’était de faire en sorte que les Douanes des autres pays africains soient au même niveau de réforme, au même niveau de technicité et d’efficacité que nous. Et le mouvement est enclenché.
Quel était, si ce n’est un secret, votre salaire à la Douane ?
Ce n’est pas un secret. Mais disons que c’est un poste, sur le plan des revenus, assez confortable. C’est-à-dire que vous avez votre salaire et vos primes. Si vous m’aviez posé la question au moment où j’y étais, j’aurais été plus à l’aise. Je ne voudrais pas déclarer les revenus légaux de celui qui occupe aujourd’hui ce poste. Mais, sachez que le directeur général des Douanes a son salaire, ses primes et a un pourcentage sur toutes les affaires contentieuses. De façon légale et honnête, on peut vivre confortablement de ses revenus en tant que directeur général des Douanes.
Comment le Mire fonctionne-t-il ? Qui finance ses activités ?
Vous pouvez demander à n’importe quel militant. Je leur ai dit qu’avec mes économies, je peux lancer un mouvement. Mais que mes moyens ne suffiront pas pour faire campagne. Comme le choix que nous avons fait est noble, puisque nous ne faisons pas cela pour nous-mêmes, mais pour la Côte d’Ivoire, je pense que Dieu mettra sur notre chemin des personnes qui vont nous donner un coup de main. Et nous avons porté ce mouvement. Aujourd’hui, on en est là. D’ailleurs, on n’arrive plus à faire autant de meetings qu’au début. On avait prévu un meeting au Palais des sports dont le devis était de 47 millions.
Nous avons reculé. Donc aujourd’hui, nous avons pris notre bâton de pèlerin pour voir les personnes qui sont intéressées par les propositions que nous faisons pour la Côte d’Ivoire.
Ne risquez-vous pas de regretter d’être parti des Douanes lorsque, déjà, on voit venir à l’horizon, quelques difficultés ?
Je ne peux pas regretter. Je suis l’homme le plus heureux en Côte d’Ivoire. Je fais ce que je veux faire pour mon pays. Maintenant, je veux être Président de la République. J’ai la conviction que je le serai. Il y a juste une chose : le temps. Peut-être que je le veux maintenant. Parce que je considère que c’est maintenant qu’on peut faire quelque chose pour la Côte d’Ivoire. Dans cinq ans, il me semble que ce sera trop tard. Je le veux maintenant. Le reste appartient à Dieu. Il faut faire les choses que nous dicte notre conscience. C’est ça le plus important. L’argent, le confort matériel n’ont jamais été le moteur de ma vie.
Ce qui a surpris un peu l’opinion, c’est qu’on a vu en vous, quand vous étiez aux affaires, un cadre intègre, sobre et loyal. Et subitement vous virez en politique. Alors cela a surpris beaucoup de gens.
Cela a surpris les gens, mais moi, non ! Les Américains, il y a quatre ans, ne savaient pas que Barack Obama allait être candidat à la présidence des Etats-Unis. Je suis sûr que si vous l’interrogez, il va dire qu’il y a longtemps qu’il nourrissait cette ambition. Moi aussi, il y a longtemps, avant les Douanes, que j’ai cette ambition. Mais j’étais convaincu que pour être Président de la République, il fallait donner des garanties à la population, la preuve de sa compétence ou de ses capacités à gérer. Je ne savais pas à quel moment cette preuve viendrait. C’était ça mon problème. Mais quand j’ai été nommé directeur général des Douanes, après les résultats de la première année, je savais que Dieu m’offrait l’occasion de donner la preuve et les garanties à mes concitoyens.
Ce n’est pas du domaine de la raison. C’est plus fort que tous les yeux ouverts.
A Yamoussoukro, vous avez dit que vous vous portez en sacrifice pour sauver la Côte d’Ivoire. Comment expliquez cela ?
En sacrifice, parce que personne n’ose. Il n’y a aucun cadre de mon niveau qui veut oser. Par rapport aux risques que cela comporte. Vous savez que ces derniers temps, beaucoup de personnes sont mortes à cause de la politique. Et tous les jours que Dieu fait, il y a quelqu’un qui m’appelle pour me dire de faire attention. Ensuite, il n’y a aucun cadre qui veut prendre le risque de perdre son petit confort personnel. Moi j’ai perdu énormément, depuis. Mes économies sont parties. Je considère que tout cela est un sacrifice.
Pensez-vous que vous aurez été compris par le commun des mortels quand vous démissionniez d’un poste aussi prestigieux pour venir être politicien ?
D’abord, je rectifie un peu. C’est vrai qu’on m’avait un peu prévenu, indirectement, que si je voulais faire de la politique, je devrais choisir de partir. Mais je n’ai pas voulu démissionner moi-même. Donc je pense que les Ivoiriens finiront par me comprendre. Parce qu’aujourd’hui, ils sont en face de candidats qui ont déjà donné la preuve de leur incapacité, leur incompétence à gérer le pays. Tenez : aujourd’hui, le Pdci dit : «ça ne va pas. Le gouvernement actuel fait à peine à 2% de croissance. A notre temps, on était à 6,5%». Moi, je réponds en disant qu’un pays comme la Côte d’Ivoire, avec le potentiel qu’on a, s’il y a la paix, ça fait 5 points de croissance par an. S’il n’y a pas de Président de la République, s’il n’y a pas de gouvernement, ça fait encore 5 points. Ce qui donne un total de 10 points. Un gouvernement en Côte d’Ivoire ne devrait commencer à parler que quand il fait 13 points de croissance.
Si les trois qui se livrent une guerre à mort ne sont plus là (parce que tant qu’ils seront là, il n’y aura pas la paix, parce qu’aucun n’est prêt à accepter la victoire de l’autre). Il suffit de lire leurs déclarations ou celles de leur Etat-major. S’ils ne sont plus là, dis-je, les 5 points de croissance qui sont détournés de leur destination légale, seront là. Et on aura les 10 points. Et, quand il y aura un gouvernement pour travailler contre la corruption et le détournement des deniers publics, qui va restaurer l’école et la formation de la jeunesse, qui va faire de la lutte contre le chômage sa première priorité, qui va dire aux Ivoiriens qu’il est temps que nous comptions sur nous-mêmes, qui va donner l’exemple de travail, le vrai miracle va revenir.
Il faut que nous sortions de ces gouvernements de fonds de souveraineté d’un archaïsme inqualifiable (on n’est pas dans une République moderne), de cette époque de monarque qui sacrifie tant de générations. Dans les rues de Côte d’Ivoire, il y a autant de jeunes que ceux qui sont sur les bancs. Il y a, dans des villages, des jeunes de 14 à 15 ans qui ne vont plus à l’école. Cela fait pitié.
Vous avez quitté la direction générale des Douanes en espérant devenir Président de la République de Côte d’Ivoire. Si demain votre rêve ne se réalise pas, qu’allez-vous faire ?
Quand on parle de la Côte d’Ivoire, il faut éviter de se préoccuper des sorts individuels et des carrières. Si Gnamien Konan n’est plus directeur général des Douanes, n’est pas Président de la République, là n’est pas la question. Moi, je n’ai jamais inclus la dimension personnelle, sinon je serais resté directeur général des Douanes. Il est temps que tous les Ivoiriens, à commencer d’ailleurs par les journalistes, se demandent chaque matin ce qu’ils peuvent faire pour que le pays évolue vers la prospérité, la démocratie et la modernité. Chacun doit se poser cette question tous les matins. Les sorts individuels n’ont pas droit de cité dans cette affaire.
Seriez-vous donc prêt à travailler avec l’un des trois auxquels vous avez fait allusion s’il remportait la présidentielle prochaine ?
Ce n’est pas le fauteuil présidentiel qui m’intéresse. La notion de fauteuil, d’ailleurs, a une connotation qui ne me plaît pas. C’est-à-dire qu’on s’asseoit, confortablement, et on peut même se reposer. Moi, c’est le job qui m’intéresse. Alors, je peux travailler avec l’un des trois, éventuellement en tant que Premier ministre. Quitter la direction générale des Douanes, ce n’est pas pour être ministre. C’est pour être au moins Premier ministre. Je le dis de façon claire. Parce que je sais ce que je peux apporter à la Côte d’Ivoire en tant que Premier ministre. Même dans un régime présidentiel. Parce que quand j’étais directeur général des Douanes, on ne me donnait pas d’instruction. Ainsi, moi je ne serai pas un Premier ministre qu’on va guider à la baguette. Si je suis Premier ministre, je vais déclarer mes biens, à commencer par mes trois maisons. Et quand je vais sortir de là, je ferai mon bilan. Parce que la première des choses qu’il faut combattre ici en Côte d’Ivoire, c’est le détournement des deniers publics, la corruption, le racket. Avec moi, en six mois, on n’entendra plus parler de tout cela.
Quelle serait la recette ?
La recette, c’est que moi-même je donnerai le bon exemple. C’est la première chose. Mais pour le reste, faites-moi confiance. Nous sommes en politique. Mais je dis aux Ivoiriens que je m’engage : en six mois, plus personne ne va s’amuser à prendre ce qui appartient à tout le monde. Et je défierai quiconque de réaliser cette prouesse.
Pensez-vous que la présidentielle peut se tenir à une date raisonnable?
Quand j’observe comment les choses avancent, je l’ai déjà dit, je propose une transition de trois ans. Les élections organisées précipitamment entraîneraient la guerre. Il suffit de lire les déclarations. Le président du Fpi, Affi N’Guessan, a dit qu’il ne va jamais accepter les résultats de telles élections. Le président de la jeunesse du Fpi, Konaté Navigué, affirme que ce qui se passe au nord, c’est la fraude à l’échelle industrielle. Ce n’est pas moi qui le dis. Et puis, si vous écoutez bien, de l’autre côté aussi, on dit si les adversaires gagnent, c’est qu’ils ont triché. Regardez le rythme auquel avance le processus. Un pas en avant, deux pas en arrière. On dit qu’il n’y a pas d’argent. C’est vrai, il n’y a pas d’argent. Ce serait miraculeux qu’il y ait de l’argent dans un pays en guerre où le détournement des deniers publics est monnaie courante. Lorsque je le dis, je cite le plus grand économiste de Côte d’Ivoire qui, de surcroît, est président de l’Assemblée nationale. Mamadou Koulibaly dit qu’il y a une minorité qui s’enrichit au détriment de la majorité. C’est lui qui le dit et il sait de quoi il parle.
Y croyez-vous lorsqu’il le dit ?
Mais ce serait naïf de ne pas croire au président de l’Assemblée nationale, numéro 2 du Fpi, professeur émérite en économie, qui dit que les détournements de deniers publics sont massifs et qu’il n’y a qu’une minorité qui s’enrichit. Moi je le crois. Et le Président de la République disait, un jour dans l’une de ses déclarations : «ce n’est pas que je ne les voyais pas, parlant des détournements». C’est parce qu’il y avait la guerre. Le Président de la République confirme. Le président de l’Assemblée nationale également. Voulez-vous que moi je dise le contraire ? Il n’y a pas d’argent. L’argent est détourné de sa destination légitime. Le processus recule faute d’argent. Avec combien d’électeurs allons-nous faire les élections ? 5 millions ? Le compte n’y est pas. Les gens n’ont pas les moyens d’aller dans leur village pour se faire établir des extraits d’acte de naissance. Les registres d’état civil ont été détruits. Que va-t-on faire ? Les gens crient déjà à la fraude. Donc, je propose qu’on prenne le temps qu’il faut pour organiser les élections. Pour que tous les Ivoiriens en âge de voter aient la possibilité de s’inscrire sur la liste électorale. Si nous nous donnons trois ans, nous aurons en même temps l’occasion de faire baisser la tension. Parce qu’aujourd’hui, la tension est à son summum.
Vous parlez de transition et vous rejoignez sur ce point le président Bédié. Mais comment cette transition va-t-elle s’opérer ? Les mêmes personnes vont-elles rester en place ou y aura-t-il d’autres dirigeants ?
Nous aurons trois ans pour régler les questions électorales. Sous l’égide de la communauté internationale qui tient, comme à la prunelle de ses yeux, à ces élections. Elle est prête même à les financer. Mais, pendant ces trois ans, et cela me semble être aujourd’hui le plus important, nous allons redresser l’économie. On dit qu’un Ivoirien sur deux est pauvre.
Et puis les jeunes qui sortent des universités et des grandes écoles n’ont pas de travail. Ils gèrent des cabines cellulaires ou ils sont dans des agoras et parlements pour faire du patriotisme. Ce sont des générations sacrifiées.
Pendant ces trois ans, on ne peut pas les oublier. On mettra sur pied un gouvernement économique qui aura pour mission de restaurer l’économie. En commençant par combattre les détournements de deniers publics. Ce gouvernement aura aussi pour mission de restaurer l’école. Car sans école, il n’y a pas d’avenir pour une nation. Ce gouvernement va se mettre au travail et dira aux Ivoiriens que nous allons être sauvés par notre propre travail. Nous allons manger le riz que nous allons cultiver et non celui du Japon.
Et un autre gouvernement se chargera des questions politiques ; travaillera à ce que les conditions d’une vraie élection soient réunies. Nous pensons qu’après tout ce temps perdu depuis 2005, nous ne devons pas pas organiser des élections de façon précipitée.
Vous parlez de deux gouvernements : un, politique et l’autre, économique. Comment cela va-t-il se dérouler ?
Dans un gouvernement, le ministre de l’Intérieur ne fait pas le même travail que son collègue de l’Economie et des Finances. Mais cette fois-ci, que ce soit un gouvernement ou un cabinet, appelez-le comme vous le voulez, on ne s’occupera que de l’économie et l’autre structure que j’appelle gouvernement (c’est une façon de parler) ne s’intéressera qu’à la politique. Parce que c’est du temps que nous perdons. Fologo dit que le pays est en train de chuter. Bédié dit que la Côte d’Ivoire est en cessation de paiement. Henri Konan Bédié a été ministre de l’Economie et des Finances, président de l’Assemblée nationale et président de la République. Il vous dit que le pays est en cessation de paiement et vous en doutez.
Mais ce sont des générations sacrifiées. Savez-vous depuis quand ceux qui ont le bac en juillet dernier ont repris les cours ? Ce sont des générations que nous sommes en train de sacrifier. C’est l’avenir de la Côte d’Ivoire que nous sommes en train de détruire. Donc, il faut que des gens sur qui ne pèse aucun soupçon de détournement et qui ont déjà donné la preuve qu’ils peuvent régler ce problème, s’occupent de restaurer l’économie.
Quelques noms de ces personnes…
Je suis candidat pour diriger un tel gouvernement. En prenant des engagements fermes pour régler les problèmes en trois ans.
Etes-vous sûr qu’en quittant brutalement les Douanes pour être homme politique, tous les Ivoiriens pensent que vous êtes intègre ?
Je ne sais pas. Mais tous ceux qui ont eu affaire à moi, à la douane, savent que je suis intègre. Vous ne trouverez jamais un de ceux-là capables de dire que Gnamien n’est pas intègre. Par contre, ceux qui étaient à 10 mille kilomètres peuvent dire, si le directeur général est candidat à la présidentielle, c’est qu’il a volé de l’argent. Moi, j’ai un seul compte. Depuis que je fais de la politique, ce sont des amis et connaissances qui me soutiennent. Si, aujourd’hui, vous ne voyez pas que nous sommes en train de faire des tournées à travers la Côte d’Ivoire, c’est qu’il y a un problème d’argent.
Déjà ?
Savez-vous quand l’élection présidentielle était prévue ? Quand je quittais la douane, c’était prévu pour le mois de juin. Et on disait que celui qui va célébrer la fête de l’indépendance, ce sera le Président de la République élu. On était tellement sûr. Donc il ne faut pas dire, déjà. On nous a trompés. Parlant de transition, je donne raison au président Francis Wodié du Pit qui ne cesse de proposer une concertation nationale.
A l’issue d’une concertation nationale, on va accepter qu’il y ait en Côte d’Ivoire, une transition de trois ans. Mais une transition sans tous ceux qui sont là. On les met dehors parce qu’ils ont été incapables de nous apporter la paix. Ils ont été incapables de régler les problèmes économiques.
Les mettre à l’écart ne va-t-il pas créer une autre situation ? Est-ce réaliste de le dire comme ça ?
C’est la seule voie qui nous reste. Si vous voulez, cherchez une autre voie.
Comment peut-on le faire ? Est-ce possible ?
Je vous dis que c’est à l’issue d’une concertation ou une conférence nationale. Depuis longtemps, c’est ce que Wodié prescrit comme solution à la crise ivoirienne. Nous avons cru aux différents accords qui ont été signés parce qu’on n’avait pas de choix.
Ne croyez-vous pas à l’Accord de Ouaga ?
Ce n’est pas moi qui ne crois pas. Ce sont plutôt les signataires eux-mêmes qui n’y croient pas. Puisqu’ils sont tout le temps obligés de l’amender. Demandez au président Affi du Fpi s’il croit à l’Accord de Ouaga. Il faut que les Ivoiriens se concertent. Car, tout le monde sait, la crise en Côte d’Ivoire a une seule explication : notre désunion. Notre incapacité à nous unir comme les enfants d’une même famille, d’un même pays. Il est temps qu’on se ressaisisse. Regardez la jeunesse, elle vit d’expédients. C’est un ministre issu de l’ex-rébellion qui dit que la prochaine rébellion, sera celle du chômage.
Parlant toujours de votre parti, nous découvrons, monsieur le président, votre siège avec un brin de luxe. Vos discours sont imprimés sur du papier glacé. Alors quel est le modèle que vous voulez que les Ivoiriens retiennent de vous: le luxe ou le strict minimum?
Avez-vous vu du luxe ici ? Vraiment, vous faites rire. Tout ce que vous voyez ici, ce sont des militants qui l’apportent. Ces deux appartements de la Sicogi m’ont coûté 18 millions chacun. Donc 36 millions les deux. J’ai été directeur des Douanes pendant sept ans. Ce n’est pas du luxe. C’est le strict minimum.
Au terme de cet entretien, vous avez certainement des préoccupations qui n’ont pas été évoquées...
Je souhaite que les Ivoiriens se retrouvent pour tourner la page de nos anciens dirigeants. Dieu merci, les plus qualifiés d’entre eux ont déjà gouverné. Il y a un qui a fait six ans. J’entends ici et là que s’il n’avait pas été victime d’un coup d’Etat, il aurait fait ceci ou cela. Pour ma part, je constate que la magistrature en Côte d’Ivoire, c’est cinq ans. Donc si vous avez fait six ans, vous faites votre bilan. Vous ne dites pas que je n’ai pas eu le temps de faire telle ou telle chose. Normalement, on vous a élu pour cinq ans. Vous en avez eu six. C’est bon. Et puis, il y en a un qui n’a pas encore fini, mais qui a largement dépassé huit ans. Je pense que c’est bon également. S’il pouvait donner la preuve de sa capacité, il en a eu largement le temps.
Il y a eu tout de même la crise…
La crise a le dos large, très large. Mamadou Koulibaly dit qu’il n’y a pas de crise. Mais plutôt une minorité qui s’enrichit.
Il y a un troisième qui nous fait tous peur. C’est vraiment un saut dans l’inconnu. De toute façon, Houphouet était presque mourant. Il a eu trois ans pour donner la preuve. Il avait dit 100 jours et on n’a encore rien vu. Le monde change. On a besoin d’un monde moderne. Suivons l’exemple des Etats-Unis, de la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la Russie, etc. qui savent que le monde change tellement vite qu’un Président de 68 ans, 65 ans n’est plus à la mode.
John Mc Cain avait 71 ans quand il était candidat aux Etats unis…
Il était candidat. Mais les Américains lui ont dit que si Obama est noir, il leur ressemble. La majorité ressemble plus à Obama.
Et ce n’est pas moi qui ai fixé l’âge de la retraite en Côte d’Ivoire à 65 ans. Mais quel est le travail le plus difficile de l’administration ? C’est celui du Président de la République. Pourquoi c’est quand on est à la retraite qu’on veut faire ce travail ?
Interview réalisée par Abel Doualy
Et Emmanuel Kouassi
Monsieur le président, le Mouvement ivoirien pour le renouveau et l’espérance (Mire) devient, non seulement un parti politique, mais également l’Union pour la Côte d’Ivoire (Upci). Pourquoi ce double changement?
En fait de changement, il n’y en a pas. Quand nous avons créé le Mire, c’était pour répondre à des nécessités et à des formalités administratives. Parce que, effectivement, quand vous avez des activités sur la place publique, il faut avoir une identité juridique. Alors nous avons créé le Mire qui est un mouvement, à l’instar du Congrès national pour la résistance démocratique (Cnrd) et du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Dans ses statuts, le Mire a été formaté pour recevoir, en son sein, des partis politiques, des syndicats, des Ong, des personnes physiques ou morales. Nous avions pensé que les élections allaient avoir lieu dans un temps suffisamment bref, nous permettant d’y aller même en n’étant pas un parti politique, mais en tant qu’indépendant. Maintenant, personne ne sait quand ces élections vont avoir lieu. Et on risque d’avoir d’autres difficultés. On les entrevoit déjà. Il nous fallait donc un outil comme un parti politique pour mener notre combat à son terme.Quelles sont ces difficultés ?
Déjà, on nous dit : «Vous n’êtes pas un parti politique, donc vous ne pouvez pas passer à la Télévision.»
Je ne suis pas sûr que ce soit un argument qu’on puisse valablement retenir. Mais, il va y avoir d’autres choses. Demain, on pourrait dire aux partis politiques légalement constitués : vous devez vous rencontrer pour parler de tel ou tel problème. Si nous ne sommes pas un parti politique, peut-être qu’on ne pourra pas y aller. Demain, on pourrait dire également que seuls les partis politiques ont droit à telle ou telle chose !
Ce qui est déjà le cas…
On nous dira qu’on n’est pas parti politique, donc on ne peut pas en avoir.
Ça ne coûte rien d’avoir un parti. Donc nous créons un parti politique pas en lieu et place du Mire, mais un parti politique qui sera hébergé par le Mire, qui est un mouvement prêt à accueillir d’autres partis politiques qui partagent les mêmes convictions et les mêmes idéaux que nous.
Au cours du déjeuner de presse que vous avez organisé le 26 décembre dernier, vous avez dit que vous ne voulez pas créer de parti politique. Parce que les partis politiques ressemblent à des sectes où l’on se partage les postes sans tenir compte des compétences. N’êtes-vous pas en contradiction avec vous-même ?
Au départ, je ne voulais pas créer de parti politique. Parce que mes amis me disaient que ce n’est pas d’un parti politique que les Ivoiriens ont besoin. Ce qui est vrai. On constate que lorsque les partis politiques arrivent au pouvoir, on s’empresse de récompenser les militants de première heure. On les met, pour les récompenser, à des postes pour lesquels ils n’ont pas la moindre compétence. Il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir dans la composition de nos derniers gouvernements. Nous avons voulu éviter cela. Nous avions souhaité que notre candidature soit portée par la société civile, par les Ivoiriens dans leur ensemble.
Mais aujourd’hui, on sent qu’on a besoin de se réfugier derrière un parti politique pour ne pas être interdit de certaines choses. C’est pour cela que nous créons un parti politique. Donc, nous ne sommes pas en contradiction. Nous créons un parti politique pour les nécessités du moment. Sinon, je souhaite toujours que ma candidature soit portée par tous les Ivoiriens, quels que soient leur origine, leur région et leur parti politique.
En tout cas, tous les Ivoiriens qui sont fatigués, tout au moins déçus de ce qui se passe en Côte d’Ivoire et qui ont besoin d’autre chose.
Vous créez ce parti alors que vous avez déjà sillonné le terrain dans le cadre du Mire. Peut-on avoir une idée de ce que vous représentez par rapport à vos activités, à vos ambitions ?
Quand j’observe le terrain, pour parler comme un vrai homme politique, il est favorable. On n’a jamais rencontré d’hostilités. Partout, nous sommes accueillis à bras ouverts. Et nous avons la conviction qu’aujourd’hui, nous représentons le seul véritable espoir des Ivoiriens. C’est notre conviction, c’est notre analyse. Que ce soit une présence en quelque lieu que ce soit (dans un bureau, dans les aéroports, sur le terrain pour des meetings…) nous sommes accueillis à bras ouverts. Quelquefois, j’ai eu même à pleurer d’émotion pour l’accueil que la population me réservait. Je pense que ça ne suffira pas et qu’il faudra se battre pour crédibiliser davantage cette candidature.
C’est vrai que nous avons des acquis. Nous n’avons pas une image à fabriquer. Nous avons été pendant sept ans, directeur général des Douanes. On peut évaluer quelqu’un qui a occupé ce poste pendant sept ans. On peut savoir ce qu’il veut, ce qu’il aime ou n’aime pas, ce qu’il cherche, etc. Donc nous n’avons pas d’image à fabriquer. Et le terrain est d’autant plus favorable que les Ivoiriens sont fatigués. Nous n’avons pas à leur expliquer pourquoi ils doivent changer. Maintenant, il faut que nous nous battions pour être sur le terrain, pour crédibiliser cette candidature. C’est-à-dire qu’il faut que les Ivoiriens se disent, il a été, pendant sept ans, directeur général des Douanes, avec un relatif succès, il peut être un Chef d’Etat. Mais, cela nécessite du travail. Déjà que beaucoup d’Ivoiriens pensent que je suis l’envoyé de l’actuel Président de la République.
Voulez-vous dire que certains doutent de votre sincérité ?
Jusqu’aujourd’hui, dans toutes les rencontres que j’ai eues, quand je demande aux gens de me poser des questions, on me demande si je ne suis pas envoyé par le Président de la République, pour faire diversion, pour diviser les voix de tel parti.
J’ai décidé de faire la politique pour proposer une alternative aux Ivoiriens, surtout ceux qui sont fatigués. Les Ivoiriens disent, on est fatigués, on veut un changement. Mais il faut bien leur donner la possibilité de changer. Donc, je ne suis envoyé par personne. J’ai dû marteler cela à plusieurs reprises.
Aujourd’hui, je suis interdit de Télévision. Je pense que si j’agissais au nom du Président, tous mes meetings qui sont des meetings à succès, où l’on remplit les stades, devraient faire l’objet de rediffusion ou d’éditions spéciales. Mais, encore une fois, je dis que le terrain est favorable.
Jusque-là, vos actions se sont limitées à la zone gouvernementale alors que vous voulez que votre candidature soit portée par tous les Ivoiriens. A quand votre arrivée dans la zone centre, nord et ouest?
D’abord, je ne suis pas le seul qui ne soit pas encore parti dans la zone centre, nord et ouest (Cno). Nous pensons qu’aujourd’hui, les conditions ne sont pas remplies.
Aller demander l’autorisation à l’état-major des Forces nouvelles avant que je puisse mener mes activités là-bas, pour moi, c’est difficile à accepter. Je suis de Botro. Je suis donc originaire d’un village qui se trouve en pleine zone dite Cno. Nous évaluons la situation. Quand nous estimerons que les conditions sont remplies pour aller mener nos activités là- bas, nous irons. Et nous espérons que ces conditions seront remplies en 2009 pour que nous puissions y aller pour porter notre message.
Votre parti, l’Union pour la Côte d’Ivoire, sera-t-il membre du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) ou du Congrès national pour la résistance démocratique (Cnrd) ?
Le Rhdp a échoué en tout. Les partis membres du Rhdp ont une responsabilité collective dans la survenance de la crise, de la guerre en Côte d’Ivoire, de la mort d’innocents Ivoiriens. Le Cnrd, même bilan. Que vais-je aller chercher au Rhdp ou au Cnrd ? Je suis du côté des Ivoiriens qui sont fatigués et qui veulent le changement. Qui croient qu’on n’est pas obligé de choisir entre le mauvais et le pire.
Que doivent-ils choisir alors ?
D’autres personnes, des hommes neufs, relativement jeunes pour entrevoir l’avenir.
C’est presque un bond dans le néant?
Pensez-vous qu’Obama est sorti néant? Vous savez, ce qu’on recherche aujourd’hui, c’est la capacité d’un homme politique à régler les problèmes. Savez-vous pourquoi nous n’avançons pas ?
L’organisation des élections est un projet. Vous ne pouvez pas confier un projet d’une telle dimension à quelqu’un qui n’a jamais travaillé. Donc, il faut chercher des Ivoiriens qui ont été capables de régler des problèmes.
Pourquoi avez-vous quitté les Douanes de Côte d’Ivoire pour faire de la politique ?
La première chose, c’est que je n’ai pas quitté les Douanes pour rien. Je me suis porté candidat pour être directeur général des Douanes parce que j’avais d’abord des ambitions pour mon pays. Et la Douane représente, comme vous le savez, au bas mot, 50% des recettes fiscales, 40% des ressources budgétaires, en général, dans les pays sous-développés. Donc, j’ai été candidat pour apporter ma pierre à la construction de mon pays. J’ai estimé, à un moment donné, que j’avais fini le travail que j’avais à faire aux Douanes. Donc, il fallait que j’apporte ma pierre à la construction de mon pays, à un autre niveau. C’était quoi, ministre ? Non, ministre et directeur des Douanes, c’est la même chose. Donc je suis candidat parce que j’estime aujourd’hui que j’ai les qualités et surtout l’expérience nécessaire pour assumer, avec succès, ce poste de Président de la République. C’est pour cela qu’après avoir terminé mon travail, j’ai dit : j’ai fini. Et j’ai dit à mes collaborateurs de ne toucher à rien, s’ils ne veulent pas avoir de problème. Car les Douanes sont formatées maintenant pour faire 800 milliards de Fcfa ; c’est-à-dire 550 milliards de recettes à l’importation chaque année sans problème.
Ce qui veut dire que vous ne regrettez pas d’avoir quitté les Douanes…
Pas du tout ! C’est vrai que c’est difficile pour beaucoup d’Ivoiriens de comprendre, d’accepter cela. Un homme politique me disait ceci : «Nous, on fait la politique justement pour avoir ce que vous avez déjà. Qu’est-ce que vous venez chercher dans l’arène politique ?».
Moi, je n’ai jamais été directeur général des Douanes parce que j’estimais que c’était le summum de la promotion sociale. J’ai voulu être directeur général des Douanes pour servir la Côte d’Ivoire. Et je pense qu’à ce poste, pendant sept ans, j’ai apporté le maximum qu’on puisse apporter. La seule motivation vers la fin de mon mandat, c’était de faire en sorte que les Douanes des autres pays africains soient au même niveau de réforme, au même niveau de technicité et d’efficacité que nous. Et le mouvement est enclenché.
Quel était, si ce n’est un secret, votre salaire à la Douane ?
Ce n’est pas un secret. Mais disons que c’est un poste, sur le plan des revenus, assez confortable. C’est-à-dire que vous avez votre salaire et vos primes. Si vous m’aviez posé la question au moment où j’y étais, j’aurais été plus à l’aise. Je ne voudrais pas déclarer les revenus légaux de celui qui occupe aujourd’hui ce poste. Mais, sachez que le directeur général des Douanes a son salaire, ses primes et a un pourcentage sur toutes les affaires contentieuses. De façon légale et honnête, on peut vivre confortablement de ses revenus en tant que directeur général des Douanes.
Comment le Mire fonctionne-t-il ? Qui finance ses activités ?
Vous pouvez demander à n’importe quel militant. Je leur ai dit qu’avec mes économies, je peux lancer un mouvement. Mais que mes moyens ne suffiront pas pour faire campagne. Comme le choix que nous avons fait est noble, puisque nous ne faisons pas cela pour nous-mêmes, mais pour la Côte d’Ivoire, je pense que Dieu mettra sur notre chemin des personnes qui vont nous donner un coup de main. Et nous avons porté ce mouvement. Aujourd’hui, on en est là. D’ailleurs, on n’arrive plus à faire autant de meetings qu’au début. On avait prévu un meeting au Palais des sports dont le devis était de 47 millions.
Nous avons reculé. Donc aujourd’hui, nous avons pris notre bâton de pèlerin pour voir les personnes qui sont intéressées par les propositions que nous faisons pour la Côte d’Ivoire.
Ne risquez-vous pas de regretter d’être parti des Douanes lorsque, déjà, on voit venir à l’horizon, quelques difficultés ?
Je ne peux pas regretter. Je suis l’homme le plus heureux en Côte d’Ivoire. Je fais ce que je veux faire pour mon pays. Maintenant, je veux être Président de la République. J’ai la conviction que je le serai. Il y a juste une chose : le temps. Peut-être que je le veux maintenant. Parce que je considère que c’est maintenant qu’on peut faire quelque chose pour la Côte d’Ivoire. Dans cinq ans, il me semble que ce sera trop tard. Je le veux maintenant. Le reste appartient à Dieu. Il faut faire les choses que nous dicte notre conscience. C’est ça le plus important. L’argent, le confort matériel n’ont jamais été le moteur de ma vie.
Ce qui a surpris un peu l’opinion, c’est qu’on a vu en vous, quand vous étiez aux affaires, un cadre intègre, sobre et loyal. Et subitement vous virez en politique. Alors cela a surpris beaucoup de gens.
Cela a surpris les gens, mais moi, non ! Les Américains, il y a quatre ans, ne savaient pas que Barack Obama allait être candidat à la présidence des Etats-Unis. Je suis sûr que si vous l’interrogez, il va dire qu’il y a longtemps qu’il nourrissait cette ambition. Moi aussi, il y a longtemps, avant les Douanes, que j’ai cette ambition. Mais j’étais convaincu que pour être Président de la République, il fallait donner des garanties à la population, la preuve de sa compétence ou de ses capacités à gérer. Je ne savais pas à quel moment cette preuve viendrait. C’était ça mon problème. Mais quand j’ai été nommé directeur général des Douanes, après les résultats de la première année, je savais que Dieu m’offrait l’occasion de donner la preuve et les garanties à mes concitoyens.
Ce n’est pas du domaine de la raison. C’est plus fort que tous les yeux ouverts.
A Yamoussoukro, vous avez dit que vous vous portez en sacrifice pour sauver la Côte d’Ivoire. Comment expliquez cela ?
En sacrifice, parce que personne n’ose. Il n’y a aucun cadre de mon niveau qui veut oser. Par rapport aux risques que cela comporte. Vous savez que ces derniers temps, beaucoup de personnes sont mortes à cause de la politique. Et tous les jours que Dieu fait, il y a quelqu’un qui m’appelle pour me dire de faire attention. Ensuite, il n’y a aucun cadre qui veut prendre le risque de perdre son petit confort personnel. Moi j’ai perdu énormément, depuis. Mes économies sont parties. Je considère que tout cela est un sacrifice.
Pensez-vous que vous aurez été compris par le commun des mortels quand vous démissionniez d’un poste aussi prestigieux pour venir être politicien ?
D’abord, je rectifie un peu. C’est vrai qu’on m’avait un peu prévenu, indirectement, que si je voulais faire de la politique, je devrais choisir de partir. Mais je n’ai pas voulu démissionner moi-même. Donc je pense que les Ivoiriens finiront par me comprendre. Parce qu’aujourd’hui, ils sont en face de candidats qui ont déjà donné la preuve de leur incapacité, leur incompétence à gérer le pays. Tenez : aujourd’hui, le Pdci dit : «ça ne va pas. Le gouvernement actuel fait à peine à 2% de croissance. A notre temps, on était à 6,5%». Moi, je réponds en disant qu’un pays comme la Côte d’Ivoire, avec le potentiel qu’on a, s’il y a la paix, ça fait 5 points de croissance par an. S’il n’y a pas de Président de la République, s’il n’y a pas de gouvernement, ça fait encore 5 points. Ce qui donne un total de 10 points. Un gouvernement en Côte d’Ivoire ne devrait commencer à parler que quand il fait 13 points de croissance.
Si les trois qui se livrent une guerre à mort ne sont plus là (parce que tant qu’ils seront là, il n’y aura pas la paix, parce qu’aucun n’est prêt à accepter la victoire de l’autre). Il suffit de lire leurs déclarations ou celles de leur Etat-major. S’ils ne sont plus là, dis-je, les 5 points de croissance qui sont détournés de leur destination légale, seront là. Et on aura les 10 points. Et, quand il y aura un gouvernement pour travailler contre la corruption et le détournement des deniers publics, qui va restaurer l’école et la formation de la jeunesse, qui va faire de la lutte contre le chômage sa première priorité, qui va dire aux Ivoiriens qu’il est temps que nous comptions sur nous-mêmes, qui va donner l’exemple de travail, le vrai miracle va revenir.
Il faut que nous sortions de ces gouvernements de fonds de souveraineté d’un archaïsme inqualifiable (on n’est pas dans une République moderne), de cette époque de monarque qui sacrifie tant de générations. Dans les rues de Côte d’Ivoire, il y a autant de jeunes que ceux qui sont sur les bancs. Il y a, dans des villages, des jeunes de 14 à 15 ans qui ne vont plus à l’école. Cela fait pitié.
Vous avez quitté la direction générale des Douanes en espérant devenir Président de la République de Côte d’Ivoire. Si demain votre rêve ne se réalise pas, qu’allez-vous faire ?
Quand on parle de la Côte d’Ivoire, il faut éviter de se préoccuper des sorts individuels et des carrières. Si Gnamien Konan n’est plus directeur général des Douanes, n’est pas Président de la République, là n’est pas la question. Moi, je n’ai jamais inclus la dimension personnelle, sinon je serais resté directeur général des Douanes. Il est temps que tous les Ivoiriens, à commencer d’ailleurs par les journalistes, se demandent chaque matin ce qu’ils peuvent faire pour que le pays évolue vers la prospérité, la démocratie et la modernité. Chacun doit se poser cette question tous les matins. Les sorts individuels n’ont pas droit de cité dans cette affaire.
Seriez-vous donc prêt à travailler avec l’un des trois auxquels vous avez fait allusion s’il remportait la présidentielle prochaine ?
Ce n’est pas le fauteuil présidentiel qui m’intéresse. La notion de fauteuil, d’ailleurs, a une connotation qui ne me plaît pas. C’est-à-dire qu’on s’asseoit, confortablement, et on peut même se reposer. Moi, c’est le job qui m’intéresse. Alors, je peux travailler avec l’un des trois, éventuellement en tant que Premier ministre. Quitter la direction générale des Douanes, ce n’est pas pour être ministre. C’est pour être au moins Premier ministre. Je le dis de façon claire. Parce que je sais ce que je peux apporter à la Côte d’Ivoire en tant que Premier ministre. Même dans un régime présidentiel. Parce que quand j’étais directeur général des Douanes, on ne me donnait pas d’instruction. Ainsi, moi je ne serai pas un Premier ministre qu’on va guider à la baguette. Si je suis Premier ministre, je vais déclarer mes biens, à commencer par mes trois maisons. Et quand je vais sortir de là, je ferai mon bilan. Parce que la première des choses qu’il faut combattre ici en Côte d’Ivoire, c’est le détournement des deniers publics, la corruption, le racket. Avec moi, en six mois, on n’entendra plus parler de tout cela.
Quelle serait la recette ?
La recette, c’est que moi-même je donnerai le bon exemple. C’est la première chose. Mais pour le reste, faites-moi confiance. Nous sommes en politique. Mais je dis aux Ivoiriens que je m’engage : en six mois, plus personne ne va s’amuser à prendre ce qui appartient à tout le monde. Et je défierai quiconque de réaliser cette prouesse.
Pensez-vous que la présidentielle peut se tenir à une date raisonnable?
Quand j’observe comment les choses avancent, je l’ai déjà dit, je propose une transition de trois ans. Les élections organisées précipitamment entraîneraient la guerre. Il suffit de lire les déclarations. Le président du Fpi, Affi N’Guessan, a dit qu’il ne va jamais accepter les résultats de telles élections. Le président de la jeunesse du Fpi, Konaté Navigué, affirme que ce qui se passe au nord, c’est la fraude à l’échelle industrielle. Ce n’est pas moi qui le dis. Et puis, si vous écoutez bien, de l’autre côté aussi, on dit si les adversaires gagnent, c’est qu’ils ont triché. Regardez le rythme auquel avance le processus. Un pas en avant, deux pas en arrière. On dit qu’il n’y a pas d’argent. C’est vrai, il n’y a pas d’argent. Ce serait miraculeux qu’il y ait de l’argent dans un pays en guerre où le détournement des deniers publics est monnaie courante. Lorsque je le dis, je cite le plus grand économiste de Côte d’Ivoire qui, de surcroît, est président de l’Assemblée nationale. Mamadou Koulibaly dit qu’il y a une minorité qui s’enrichit au détriment de la majorité. C’est lui qui le dit et il sait de quoi il parle.
Y croyez-vous lorsqu’il le dit ?
Mais ce serait naïf de ne pas croire au président de l’Assemblée nationale, numéro 2 du Fpi, professeur émérite en économie, qui dit que les détournements de deniers publics sont massifs et qu’il n’y a qu’une minorité qui s’enrichit. Moi je le crois. Et le Président de la République disait, un jour dans l’une de ses déclarations : «ce n’est pas que je ne les voyais pas, parlant des détournements». C’est parce qu’il y avait la guerre. Le Président de la République confirme. Le président de l’Assemblée nationale également. Voulez-vous que moi je dise le contraire ? Il n’y a pas d’argent. L’argent est détourné de sa destination légitime. Le processus recule faute d’argent. Avec combien d’électeurs allons-nous faire les élections ? 5 millions ? Le compte n’y est pas. Les gens n’ont pas les moyens d’aller dans leur village pour se faire établir des extraits d’acte de naissance. Les registres d’état civil ont été détruits. Que va-t-on faire ? Les gens crient déjà à la fraude. Donc, je propose qu’on prenne le temps qu’il faut pour organiser les élections. Pour que tous les Ivoiriens en âge de voter aient la possibilité de s’inscrire sur la liste électorale. Si nous nous donnons trois ans, nous aurons en même temps l’occasion de faire baisser la tension. Parce qu’aujourd’hui, la tension est à son summum.
Vous parlez de transition et vous rejoignez sur ce point le président Bédié. Mais comment cette transition va-t-elle s’opérer ? Les mêmes personnes vont-elles rester en place ou y aura-t-il d’autres dirigeants ?
Nous aurons trois ans pour régler les questions électorales. Sous l’égide de la communauté internationale qui tient, comme à la prunelle de ses yeux, à ces élections. Elle est prête même à les financer. Mais, pendant ces trois ans, et cela me semble être aujourd’hui le plus important, nous allons redresser l’économie. On dit qu’un Ivoirien sur deux est pauvre.
Et puis les jeunes qui sortent des universités et des grandes écoles n’ont pas de travail. Ils gèrent des cabines cellulaires ou ils sont dans des agoras et parlements pour faire du patriotisme. Ce sont des générations sacrifiées.
Pendant ces trois ans, on ne peut pas les oublier. On mettra sur pied un gouvernement économique qui aura pour mission de restaurer l’économie. En commençant par combattre les détournements de deniers publics. Ce gouvernement aura aussi pour mission de restaurer l’école. Car sans école, il n’y a pas d’avenir pour une nation. Ce gouvernement va se mettre au travail et dira aux Ivoiriens que nous allons être sauvés par notre propre travail. Nous allons manger le riz que nous allons cultiver et non celui du Japon.
Et un autre gouvernement se chargera des questions politiques ; travaillera à ce que les conditions d’une vraie élection soient réunies. Nous pensons qu’après tout ce temps perdu depuis 2005, nous ne devons pas pas organiser des élections de façon précipitée.
Vous parlez de deux gouvernements : un, politique et l’autre, économique. Comment cela va-t-il se dérouler ?
Dans un gouvernement, le ministre de l’Intérieur ne fait pas le même travail que son collègue de l’Economie et des Finances. Mais cette fois-ci, que ce soit un gouvernement ou un cabinet, appelez-le comme vous le voulez, on ne s’occupera que de l’économie et l’autre structure que j’appelle gouvernement (c’est une façon de parler) ne s’intéressera qu’à la politique. Parce que c’est du temps que nous perdons. Fologo dit que le pays est en train de chuter. Bédié dit que la Côte d’Ivoire est en cessation de paiement. Henri Konan Bédié a été ministre de l’Economie et des Finances, président de l’Assemblée nationale et président de la République. Il vous dit que le pays est en cessation de paiement et vous en doutez.
Mais ce sont des générations sacrifiées. Savez-vous depuis quand ceux qui ont le bac en juillet dernier ont repris les cours ? Ce sont des générations que nous sommes en train de sacrifier. C’est l’avenir de la Côte d’Ivoire que nous sommes en train de détruire. Donc, il faut que des gens sur qui ne pèse aucun soupçon de détournement et qui ont déjà donné la preuve qu’ils peuvent régler ce problème, s’occupent de restaurer l’économie.
Quelques noms de ces personnes…
Je suis candidat pour diriger un tel gouvernement. En prenant des engagements fermes pour régler les problèmes en trois ans.
Etes-vous sûr qu’en quittant brutalement les Douanes pour être homme politique, tous les Ivoiriens pensent que vous êtes intègre ?
Je ne sais pas. Mais tous ceux qui ont eu affaire à moi, à la douane, savent que je suis intègre. Vous ne trouverez jamais un de ceux-là capables de dire que Gnamien n’est pas intègre. Par contre, ceux qui étaient à 10 mille kilomètres peuvent dire, si le directeur général est candidat à la présidentielle, c’est qu’il a volé de l’argent. Moi, j’ai un seul compte. Depuis que je fais de la politique, ce sont des amis et connaissances qui me soutiennent. Si, aujourd’hui, vous ne voyez pas que nous sommes en train de faire des tournées à travers la Côte d’Ivoire, c’est qu’il y a un problème d’argent.
Déjà ?
Savez-vous quand l’élection présidentielle était prévue ? Quand je quittais la douane, c’était prévu pour le mois de juin. Et on disait que celui qui va célébrer la fête de l’indépendance, ce sera le Président de la République élu. On était tellement sûr. Donc il ne faut pas dire, déjà. On nous a trompés. Parlant de transition, je donne raison au président Francis Wodié du Pit qui ne cesse de proposer une concertation nationale.
A l’issue d’une concertation nationale, on va accepter qu’il y ait en Côte d’Ivoire, une transition de trois ans. Mais une transition sans tous ceux qui sont là. On les met dehors parce qu’ils ont été incapables de nous apporter la paix. Ils ont été incapables de régler les problèmes économiques.
Les mettre à l’écart ne va-t-il pas créer une autre situation ? Est-ce réaliste de le dire comme ça ?
C’est la seule voie qui nous reste. Si vous voulez, cherchez une autre voie.
Comment peut-on le faire ? Est-ce possible ?
Je vous dis que c’est à l’issue d’une concertation ou une conférence nationale. Depuis longtemps, c’est ce que Wodié prescrit comme solution à la crise ivoirienne. Nous avons cru aux différents accords qui ont été signés parce qu’on n’avait pas de choix.
Ne croyez-vous pas à l’Accord de Ouaga ?
Ce n’est pas moi qui ne crois pas. Ce sont plutôt les signataires eux-mêmes qui n’y croient pas. Puisqu’ils sont tout le temps obligés de l’amender. Demandez au président Affi du Fpi s’il croit à l’Accord de Ouaga. Il faut que les Ivoiriens se concertent. Car, tout le monde sait, la crise en Côte d’Ivoire a une seule explication : notre désunion. Notre incapacité à nous unir comme les enfants d’une même famille, d’un même pays. Il est temps qu’on se ressaisisse. Regardez la jeunesse, elle vit d’expédients. C’est un ministre issu de l’ex-rébellion qui dit que la prochaine rébellion, sera celle du chômage.
Parlant toujours de votre parti, nous découvrons, monsieur le président, votre siège avec un brin de luxe. Vos discours sont imprimés sur du papier glacé. Alors quel est le modèle que vous voulez que les Ivoiriens retiennent de vous: le luxe ou le strict minimum?
Avez-vous vu du luxe ici ? Vraiment, vous faites rire. Tout ce que vous voyez ici, ce sont des militants qui l’apportent. Ces deux appartements de la Sicogi m’ont coûté 18 millions chacun. Donc 36 millions les deux. J’ai été directeur des Douanes pendant sept ans. Ce n’est pas du luxe. C’est le strict minimum.
Au terme de cet entretien, vous avez certainement des préoccupations qui n’ont pas été évoquées...
Je souhaite que les Ivoiriens se retrouvent pour tourner la page de nos anciens dirigeants. Dieu merci, les plus qualifiés d’entre eux ont déjà gouverné. Il y a un qui a fait six ans. J’entends ici et là que s’il n’avait pas été victime d’un coup d’Etat, il aurait fait ceci ou cela. Pour ma part, je constate que la magistrature en Côte d’Ivoire, c’est cinq ans. Donc si vous avez fait six ans, vous faites votre bilan. Vous ne dites pas que je n’ai pas eu le temps de faire telle ou telle chose. Normalement, on vous a élu pour cinq ans. Vous en avez eu six. C’est bon. Et puis, il y en a un qui n’a pas encore fini, mais qui a largement dépassé huit ans. Je pense que c’est bon également. S’il pouvait donner la preuve de sa capacité, il en a eu largement le temps.
Il y a eu tout de même la crise…
La crise a le dos large, très large. Mamadou Koulibaly dit qu’il n’y a pas de crise. Mais plutôt une minorité qui s’enrichit.
Il y a un troisième qui nous fait tous peur. C’est vraiment un saut dans l’inconnu. De toute façon, Houphouet était presque mourant. Il a eu trois ans pour donner la preuve. Il avait dit 100 jours et on n’a encore rien vu. Le monde change. On a besoin d’un monde moderne. Suivons l’exemple des Etats-Unis, de la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la Russie, etc. qui savent que le monde change tellement vite qu’un Président de 68 ans, 65 ans n’est plus à la mode.
John Mc Cain avait 71 ans quand il était candidat aux Etats unis…
Il était candidat. Mais les Américains lui ont dit que si Obama est noir, il leur ressemble. La majorité ressemble plus à Obama.
Et ce n’est pas moi qui ai fixé l’âge de la retraite en Côte d’Ivoire à 65 ans. Mais quel est le travail le plus difficile de l’administration ? C’est celui du Président de la République. Pourquoi c’est quand on est à la retraite qu’on veut faire ce travail ?
Interview réalisée par Abel Doualy
Et Emmanuel Kouassi