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Politique Publié le mardi 27 janvier 2009 | Nord-Sud

Loi contre le tribalisme, code de bonne conduite : Silence, on contourne les textes…

La loi contre le tribalisme et le code de bonne conduite sont foulés au pied par le chef de l’Etat et le Rdr qui continuent de fédérer et de recevoir des populations triées sur des bases ethniques pour servir des causes politiques.

Pour multiplier les garde-fous face aux propos et pratiques tribalistes, plusieurs textes réglementaires ont été adoptés récemment. La loi N°2008-222 du 4 Août 2008 et le code de bonne conduite ont leur petite histoire. En effet, lorsque le 15 décembre 2007, au cours d’un meeting de la jeunesse du Pdci à Dimbokro, Kouadio Konan Bertin (KKB) appelle les Baoulé à se soulever contre Laurent Gbagbo, c’est le choc. Après avoir estimé qu’à Gagnoa, ville natale du président de la République, «on tue les Baoulé parce qu’ils ne sont pas chez eux», KKB a chargé : «C’est la seule localité où on empêche des Ivoiriens, les Baoulé de se faire enrôler. C’est à Gagnoa que les Ivoiriens n’ont pas le droit d’aller au vote. C’est dans cette ville que, pendant la guerre, 3000 Baoulé ont été tués. C’est dans cette ville qu’on coupe les cacaoyers des Baoulé».

L’esprit de la loi

Et le jeune collaborateur de Bédié de trancher: «Gbagbo est mal placé pour donner des leçons de tribalisme». Ces propos avaient soulevé le courroux des chefs traditionnels Bété (qui ont saisi le parquet) et du premier des Ivoiriens qui, n’a pas hésité en réplique, à proposer l’adoption d’une loi contre le tribalisme et la xénophobie. «On trouve des jeunes qui n’ont rien d’autre à faire que de propager le tribalisme, il faut les poursuivre. Bientôt, nous allons voter une loi contre le tribalisme, la xénophobie et le racisme. Jouer avec le tribalisme, ce n’est pas digne des Etats modernes». Ainsi, conformément à ce souhait, la loi du 4 août 2008 modifiant et complétant les dispositions du code pénal relatives à la répression du racisme, de la xénophobie, du tribalisme et des discriminations raciales et religieuses a été adoptée par l’Assemblée nationale. Quant au code de bonne conduite des partis politiques, groupements, forces politiques, et candidats aux élections en Côte d’Ivoire, initié par la Commission électorale indépendante (Cei) et paraphé le 24 avril 2008, il est censé contribuer à l’apaisement de la période pré et post électorale. Malgré l’existence de ces textes, les hommes politiques multiplient des actes jugés contraires à leur esprit. Premier mis en cause : Le chef de l’Etat lui-même. Au palais de la Présidence comme à sa résidence à Mama (son village natal), les rencontres se suivent et se ressemblent. C’est que Laurent Gbagbo reçoit constamment des populations triées sur le volet avec pour critère principal, l’appartenance ethnique. Ces rencontres qui relèvent d’une pratique jugée tribaliste, politicienne et dénoncée à maintes reprises se poursuivent malgré l’existence de la loi. La dernière du genre date justement du 24 janvier à Mama. Le président recevait la «reconnaissance des Baoulé (plusieurs milliers ont fait le déplacement, selon la presse) résidant dans les zones forestières du département de Gagnoa. Le chef de l’Etat s’est entouré pour la circonstance du gotha de ses collaborateurs Baoulé, dont son directeur de cabinet N’Zi Paul David; le secrétaire général de la présidence, Amédée Couassi Blé, Jean-Baptiste Akrou, Directeur général du groupe Fraternité Matin ; Gnamien Yao, ambassadeur, etc.

Gbagbo, les ressortissants Baoulé et les autres…

L’on retient surtout des échanges, les éloges du candidat du Fpi pour la future élection présidentielle, savamment distillés par le directeur du Cafop supérieur de Gagnoa, Yoboué Yao Frédéric, porte-parole de ces communautés. Ce dernier n’a ménagé aucun effort pour rappeler que grâce à la refondation, de nombreux villages des départements de Toumodi, Bocanda, Daoukro, Didiévi, Ouellé et Sakassou, etc. sont sortis des ténèbres, grâce au programme spécial d’électrification rurale engagé par Laurent Gbagbo. Pour lui, il fallait surtout «tuer définitivement» la «rumeur» et le «mensonge» qui laisseraient entendre que, «dès l’accession à la magistrature suprême de Gbagbo, les Baoulé vivant dans les zones forestières seraient chassés».

Il y a moins d’un mois (Samedi 27 décembre 2008) sur le même lieu (à Mama), dans le même décor, Gbagbo était encore face aux mêmes planteurs Baoulé rassemblés cette fois par le ministre Amani N’Guessan. «Je suis en train de faire les derniers efforts afin que tout le monde regagne les plantations. Je ne vous laisserais pas tomber. Depuis 8 ans qui vous a inquiétés ? Koffikro est encore là. Moi, je ne fais que la politique pour le bien- être des populations», avait-il indiqué. Des réceptions de ce type avec des populations d’un groupe ethnique, d’une région particulière venues lui dire merci pour avoir nommé leur fils à tel ou tel poste, ou encore pour sa «brillante» politique… on en trouve à la pelle dans l’agenda passé et futur du président de la République. Populations Dan, Wê, de Katiola, du Denguélé, du Samwi… la liste n’est pas exhaustive. «Dans la période de 2005 à aujourd’hui seulement, il y a eu plus d’une cinquantaine de rencontres de ce type. Ce sont en fait des pratiques tribales qui ne disent pas leur nom. Mais, que personne n’ose dénoncer», a regretté un observateur. L’article 3 de la loi du 4 août 2008 définit le tribalisme comme suit : «Toute manifestation d’hostilité ou de haine à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, fondée exclusivement sur l’origine ethnique ou tribale, toutes faveurs accordées à une personne ou à un groupe de personnes sur la base de considérations exclusivement tribales ou ethniques». Dans le cas d’espèce, peut-on, en se basant sur les derniers alinéas de cet article, dire que Laurent Gbagbo est hors-la-loi ? «On sait que ces rencontres sont suscitées et que des enveloppes circulent pour satisfaire des causes politiques, donc je pense que le chef de l’Etat doit être épinglé», commente une source. Mais, un juriste qui a participé aux débats ayant abouti à l’adoption de la loi contre le tribalisme et la xénophobie explique que la présidence pourra organiser autant de rencontres qu’elle souhaite avec les populations de toutes les tribus mais ne tombera jamais sous le coup de cette loi. «Les gens ont pris le soin d’ajouter à la loi quelques paramètres qui mettent le chef de l’Etat à l’aise», révèle notre interlocuteur qui parle de «plan de contournement» que «tout le monde a laissé passer». De fait, poursuit-il, l’article 199-1 (nouveau) de la loi précise que les dispositions concernant les délits visés, ne s’appliquent pas à certaines pratiques. «Aux distinctions, exclusions, restrictions ou préférences établies par l’Etat de Côte d’Ivoire entre ses ressortissants et les ressortissants étrangers ; aux mesures spéciales prises en faveur de certains groupes raciaux ou ethniques, ou d’individus ayant besoin d’une protection particulière pour l’exercice de leurs droits fondamentaux (…) aux plaisanteries relevant des alliances interethniques établies selon les us et coutumes des populations de Côte d’Ivoire (…)», rappelle notre interlocuteur citant la loi. Pour lui, les rencontres de Gbagbo peuvent être inscrites dans le cadre des «mesures spéciales» exonérées par la loi. Toute chose qu’avait déploré en son temps, le président de la Ligue ivoirienne des droits de l`Homme (Lidho), qui a jugé «malheureux» que la loi n’ait pas pris en compte tous les contours de la question. «Ce qui gène dans cette loi, c`est que nous n`avions pas fini les observations», avait indiqué Patrick N`Gouan, président de la Lidho. «Il y a des insuffisances puisqu`elle (la loi) ne tient pas compte des réalités. Surtout pour ce qui concerne l`utilisation, par les partis politiques, des paramètres tribaux», avait-il expliqué à IPS.

La loi contournée

«Aujourd`hui, lorsqu`il s`agit de la mobilisation politique, les politiques font usage de tribalisme. Lorsque le chef de l`Etat reçoit des hommages de groupes ethniques, il y a des paramètres tribaux. Alors, la société civile attend de voir comment va s`appliquer cette loi», disait-il. Le président de la Lidho avait également fait allusion aux rassemblements politiques au cours desquels des propos injurieux et haineux sont parfois tenus à l`égard d`autres groupes ethniques, provoquant des tensions vives entre des communautés. Autant de pratiques non prises en compte réellement par cette loi. C’est seulement en tant que candidat du Fpi, que Gbagbo peut aujourd’hui se faire épingler par l’article 10 du code de bonne conduite qui stipule : «Les signataires s’interdisent de faire de la race, de l’ethnie, le genre, la religion et de la vie privée des thèmes de campagne. Ils sont disposés à encourager toute dynamique susceptible de maintenir la cohésion sociale et de préserver la paix». Pour nos sources, cet article du code devrait également interpeller le Rdr qui a enchainé ces derniers jours des manifestations jugées attentatoires au code. «300 femmes Baoulé d`Adjouffou prêtes pour la victoire d`Ado», «Des femmes Gouro décident de porter ADO au pouvoir», «Marcory - Les femmes Baoulés choisissent ADO», «20 campements Baoulé d’Issia virent au RDR»…pouvait-on lire dans la presse rendant compte de ces manifestations qui se sont tenues entre novembre 2008 et janvier 2009.

Djama Stanislas
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