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Société Publié le jeudi 29 janvier 2009 | Fraternité Matin

Ordures ménagères : Les sociétés de ramassage en colère

Les communes d’Abidjan gardent encore leurs monticules d’ordures. On aurait même dit que les cloaques qu’elles ont fini par créer en pleine ville se sont diversifiés. Et tous les Abidjanais semblent finalement s’accommoder à ses amas de bactéries, responsables de maladies dans la capitale économique, avec en prime, la fièvre typhoïde. Plus aucune couche de la population abidjanaise n’y échappe. A chaque mois, son lot impressionnant de malades, en dépit des campagnes répétées de vaccination organisées jusqu’ici par les pouvoirs publics, les entreprises privées au profit des populations. Pour tout dire, les ordures ne sont toujours pas convenablement et surtout régulièrement enlevées. Dans les différents quartiers de la ville, elles continuent de s’amonceler, pendant plusieurs jours, avant d’être ramassées. Le lixiviat qu’elle libère chaque jour, abîme progressivement le bitume, pendant que les ordures, elles-mêmes «colonisent», chaque jour un peu plus l’espace. A ce jour, certaines rues sont transformées en de véritables décharges. Au point que même lorsque celles-ci sont ramassées, les automobilistes, pour avoir perdu l’habitude d’y rouler, ne passent plus par-là.
La gestion des ordures à Abidjan n’est donc toujours pas maîtrisée. Toutes les méthodes, jusqu’ici utilisées, n’ont pas encore donné la satisfaction escomptée. Si l’apparition des pré collecteurs telle que préconisée en 2000, par le ministère de l’Environnement, des Eaux et Forêts, à travers son plan stratégique de gestion des ordures, permet, aujourd’hui, à nombre de ménages de se débarrasser quotidiennement de leurs ordures, il reste que les sociétés de ramassage passent encore plusieurs mois sans être payées. D’où l’impossibilité pour elles d’assurer régulièrement et avec toutes les convenances requises, l’enlèvement quotidien des ordures. «Lors de notre prise de service, les entreprises de collecte avaient dix mois d’arriérés de paiement. Les sommes que nous leur avons payées, en règlement de leurs prestations, n’étaient pas suffisantes pour leur permettre de continuer le service. Le Fonds de soutien aux programmes de la salubrité urbaine (Fspsu), qui est la principale source de financement des dépenses liées à la salubrité, n’était pas mis en place. Le Fspsu n’a effectivement fonctionné qu’en novembre 2008. Ce qui a permis à l’Anasur de procéder au paiement de quelques mois de factures à ces opérateurs.. », expliquent, avec une pointe de satisfaction, les responsables de l’Agence nationale de la salubrité urbaine. Ces sociétés de ramassage retenues à l’issue d’un appel d’offres sont au nombre de quatre. Au regard des difficultés qu’il y a à alimenter à temps le Fspsu en ressources financières conséquentes, il n’est pas certain que cette situation change fondamentalement de si tôt, pour permettre auxdites sociétés d’assurer dans de meilleures conditions leur part du contrat.
Moussa Touré
Option : Tous sales!
Enfouis sous la pourriture de nos ordures, nous n’arrêtons pas de nous plaindre. Et d’accuser nos dirigeants de continuer à nous enfoncer dans les immondices. Même s’ils ne sont pas exempts de reproches, notamment ceux qui ont en charge la salubrité du pays – il ne faut quand même pas exiger d’eux qu’ils se comportent comme des éboueurs. Ce n’est pas ce qu’on attend d’eux. Imaginons une ville, avec des acteurs politiques et administratifs très actifs, assurant leur mission avec dévouement, abnégation; et disposant de tous les moyens pour accomplir les tâches qui leur sont assignées. La ville, forcément, brillera de mille feux.
Inutile d’essayer d’imaginer cette même ville, si bien tenue, habitée par des personnes ayant perdu le sens de la propreté et qui n’arrêtent pas de jeter leurs ordures et déchets dans les rues… Nous y vivons. Sortons, à présent, de l’imaginaire et empruntons les voies et rues d’Abidjan. Partout, amoncellements, montagnes d’ordures qui dégagent des odeurs à vous faire rendre. Ne pouvant pas faire autrement, nous traversons des rues en nous bouchant les narines tant l’air est pollué. Mais d’où viennent donc tous ces déchets, ces tonnes d’ordures, ces tas d’immondices? Ils ne tombent certainement pas du ciel. Ils ne sortent pas de terre. Ils proviennent donc de nous. Faut-il croire que nous avons délibérément choisi de paver notre vie de déchets et d’immondices? en tout cas, nous semblons aimer vivre dans les ordures. La preuve? Nous jetons naturellement tout dans les rues, devant nos maisons, dans les cours de nos écoles, au sein de nos entreprises. A bord de nos grosses cylindrées et, souvent à l’abri de nos vitres teintées, nous n’hésitons pas à jeter par-dessus bord les emballages de nos croissants ou bananes braisées, les sachets des jus que nous buvons, les serviettes en papier qui nous servent à éponger nos visages et aisselles. En Côte d’Ivoire, tout se jette partout. Sans état d’âme. Sans gêne. C’est même normal de tout jeter partout, sauf dans la… poubelle. Nous aimons vivre dans la gadoue. Nous aimons nous goinfrer dans la… bouse.
Si nous ne départissons pas de cette mauvaise habitude que nous avons de souiller nos lieux de vie, si nous continuons à nous complaire dans notre insalubrité mentale, pourquoi nous plaignons-nous de notre environnement ?
par Agnès Kraidy
Un centre de tri qui n’en est pas un
Dans la précipitation, une partie de l’ancienne casse, située du côté de Williamsville, a été transformée en dépotoir géant. Sans aucune disposition ni aménagement préalable, les déchets de tout genre sont déversés sur ce site depuis quelques années. Les énormes monticules qu’ils forment sont par moment incendiés, comme pour accélérer leur élimination. Une autre pollution, dont les riverains font les frais, quasi inconsciemment. Surtout quand les déchets mettent du temps à être transférés à la décharge d’Akouédo. En fait ce vaste dépotoir appelé abusivement «centre de tri et de transfert des ordures» n’en est pas un. Puisqu’il n’est doté d’aucun équipement permettant d’effectuer, comme il se doit, le tri en question, ainsi qu’on peut le voir ailleurs dans les centres dignes de ce nom. Les ordures qui s’y amoncellent au quotidien ne font l’objet de tri véritable que de la part des éboueurs, toujours préoccupés à y retrouver des objets susceptibles d’être recyclés, ou simplement récupérés.
Les habitants du quartier se sont déjà plaints plus d’une fois, sans succès de ce dépotoir, situé en pleine agglomération urbaine. Outre les odeurs nauséabondes, qu’ils sont contraints de respirer chaque jour, surtout que le transfert n’est pas quotidien, il y a aussi ces moustiques et autres rats d’égouts qui prolifèrent en ces lieux pour ensuite élire domicile dans les habitations. En saison pluvieuse particulièrement, la situation devient intenable. Comme on le voit, une amélioration notable du fonctionnement de ce centre s’impose, à défaut de son déplacement pur et simple.
Moussa Touré
Les sociétés de ramassage préparent une grève
Quatre sociétés sont autorisées à ramasser les ordures ménagères sur le territoire du district d’Abidjan. Ce sont: Lassire déchets services (Lds), Clean Bor- Côte d’Ivoire, Intercor et Ciprom. Egalement, depuis janvier 2008, leurs prestations sont payées par le ministère de la Ville et de la Salubrité urbaine, à travers sa structure de gestion des ordures, l’Agence nationale de la salubrité urbaine (Anasur). Avec l’avènement de cette agence, ces sociétés avaient cru que la récurrente question du non-paiement ou des longs retards de paiement de leurs frais de prestation, par le district d’Abidjan, prendrait fin. Que non! «De novembre 2007 à ce jour, nous n’avons reçu que 5% de ce qui nous est dû. Cela ne représente qu’une infime partie de nos frais au niveau de la collecte, allant de la période susmentionnée à une partie du mois de janvier 2008. Et du 22 avril 2008 à ce jour, sur la base du nouveau mode opératoire mis en place par l’Anasur, nous n’avons rien perçu non plus relativement à la collecte. Je précise que la collecte consiste à enlever les ordures d’un point précis pour les acheminer à la décharge d’Akouédo. Pis, au niveau de la précollecte, marquée par l’enlèvement des ordures dans les quartiers en faisant du porte-à-porte, aucun centime ne nous a été versé de novembre 2007 à aujourd’hui», explique avec amertume M. Gerard Koller, directeur d’exploitation à la Lassire déchets services.
Idem pour l’entreprise Clean Bor-Ci, à en croire son Pdg Mme Kouadio Emilienne. «Ce sont des efforts quotidiens que nous déployons pour assurer la propreté de la ville d’Abidjan. Nous travaillons à perte en réalité, parce que nous ne sommes pas payés à temps et comme il se doit. Ce qui désorganise la gestion financière de notre entreprise. Nous sommes surtout conscients de l’absolue nécessité d’œuvrer pour maintenir la ville propre. Sinon, il y a longtemps que nous aurions abandonné. Cependant, il faut que les pouvoirs publics sachent que nous ne faisons pas de la philanthropie. Autrement dit, cette situation ne saurait continuer, car nous avons des employés en charge, si nous nous retrouvons dans l’obligation de les licencier, c’est le nombre des chômeurs qui va s’accroître avec tout ce que cela comporte comme avatars… C’est pour toutes ces raisons que les différentes entreprises vont très bientôt se mettre en grève. Nous déposerons sous peu un préavis dans ce sens», prévient Mme Kouadio.
Elle évalue à plus de 10 milliards de Fcfa les frais des prestations impayés des quatre entreprises.
Outre la nécessité d’assurer un versement régulier et correct desdits frais, l’ouverture à plein temps de la décharge du village d’Akouédo s’impose. En effet depuis 2003, sous la pression de sa population, l’heure de la fermeture a été ramenée à 20h. Ce qui a eu pour conséquence d’empêcher l’acheminement nuitamment d’une plus grande quantité de déchets à la décharge. Donnant du coup l’impression que les sociétés de ramassage ne font pas leur travail. Car des quantités non négligeables des 2500 tonnes d’immondices, que génère quotidiennement la ville d’Abidjan, restent encore dans les dépotoirs. «Nous pouvions faire environ 12 voyages dans la nuit, contre 5 dans la journée, à la décharge. Parce qu’elle fonctionnait vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La réduction du temps d’ouverture a contraint les sociétés à créer ici et là, des lieux d’entreposage d’importantes quantités d’ordures ramassées et qu’on ne pouvait pas y acheminer avant 20 heures, à cause de la densité du trafic routier à Abidjan, dans la journée. Or, nous avions pris la bonne habitude de nettoyer des zones comme le marché d’Adjamé dans la nuit, de sorte que dans la journée, ses usagers le retrouvent propre», explique M. Koller. L’heure de fermeture de la décharge vient d’être poussée à minuit. Ce n’est pas mal, mais l’idéal, estime-t-il, c’est de revenir à la toute première disposition.
Moussa Touré
Déchetteries et sacs poubelles au profit des ménages
On ne peut plus imputer les difficultés de la gestion quotidienne des ordures d’Abidjan, au nombre pléthorique des sociétés de ramassage, dont l’inorganisation créait une véritable anarchie, dans le secteur. En effet, l’une des premières actions du ministère de la Ville et de la Salubrité urbaine, dès son installation, a été d’y mettre de l’ordre en ramenant à quatre, le nombre de ces entreprises. Et plus que jamais, chacune d’elles s’emploie du mieux qu’elle le peut à toujours offrir le meilleur mode de prestation. Car, il s’agit de rompre avec l’amateurisme en la matière. Et cela, la société Clean Bor Ci, l’a réussi à travers son organisation et ses initiatives. Outre les opérations de précollecte et collecte effectuées quotidiennement, à Treichville, Cocody, Koumassi, Marcory et à Port–Bouët, elle a aménagé des déchetteries dans certaines de ces communes. Ce sont de petits centres de collecte localisés dans les quartiers où les précollecteurs et les habitants viennent déverser les ordures, dans d’énormes bacs. Ces derniers sont pratiquement formés à la gestion des déchets. La quarantaine de camions que compte l’entreprise vient régulièrement y charger les bacs pour les acheminer à la décharge d’Akouédo. Des syndics ont été également installés dans les quartiers, qui organisent les ménages de sorte à faciliter la précollecte, en utilisant des sacs poubelles. Cette pratique permet d’améliorer davantage l’assainissement des quartiers, en évitant les dépôts en vrac des déchets et à même le sol. L’expérience marche assez bien à Cocody et bientôt, elle va s’étendre à toutes les autres communes où l’entreprise intervient. Reven-diquant un investissement de plus de 3 milliards de Fcfa, pour une saine gestion des ordures à Abidjan, depuis son installation en 1998, Clean Bor-Ci a glané à New York, Genève et Paris, quatre grands prix en 2008, décernés par la structure internationale, Business initiative direction (Bid), pour ses qualités managériales dans le domaine de l’assainissement public.
Moussa Touré
Focus : L’Anasur annonce un centre de broyage et de compostage des déchets végétaux
Le problème des ordures pourrait trouver un début de solution dans les prochains mois à Abidjan. L’Agence nationale de la salubrité urbaine (Anasur), créée en octobre 2007, projette de mettre sur pied, à court terme, un centre de broyage et de compostage des déchets végétaux. Selon Mme N’Guessan Kouakou Adelina, la directrice, ce centre permettra de produire du compost destiné à la fertilisation des sols, avec pour avantage de développer l’agriculture péri urbaine. «Nous allons également procéder à la réhabilitation du centre de tri et de transfert de Williamsville, dans le cadre du projet d’urgence d’infrastructures urbaines, financé par la Banque mondiale», indique-t-elle.
En attendant, plusieurs opérations de ramassage d’ordures sont initiées dans diverses communes de la capitale économique par l’Anasur. Précisément à Yopougon, Abobo et Adjamé. «Cette opération s’inscrit dans le cours normal des choses», estime la directrice de l’Anasur. En effet, poursuit-elle, les ordures avaient refait surface, il y a quelques mois, parce que les entreprises de collecte commises à l’enlèvement de celles-ci étaient confrontées à un grave problème de trésorerie. Cela, jusqu’au mois de novembre, où a été créé le Fonds de soutien aux programmes de salubrité urbaine (Fspsu). Ce fonds permettra à l’Anasur de procéder au paiement de quelques mois d’arriérés aux opérateurs qui, de leur côté, ont pu effectuer le travail convenu et même d’accroître leur rendement.
Casimir Djezou
Repères
Quantité. La ville d’Abidjan produit 2500 à 3000 tonnes d’ordures par jour, composée en majorité de déchets ménagers. La quantité totale ramassée mensuellement, par les entreprises commises à cette tâche, est évaluée à 30 000 tonnes.
CET. Un centre d’enfouissement technique (Cet) est en construction depuis quelques mois, à une trentaine de km d’Abidjan, par un opérateur privé. Les travaux de cette décharge moderne avancent. Une fois achevé, ledit centre permettra de résoudre l’épineux problème du stockage et du traitement des ordures que pose désormais, la décharge du village d’Akouédo, qui est à ce jour dépassé.
Aide. La Banque mondiale a décidé d’apporter une aide financière à la Côte d’Ivoire, de plusieurs centaines de millions de Fcfa, pour l’élimination des grands dépôts d’ordures créés à différents endroits de la capitale politique. Ces cloaques ont été constitués par les sociétés de ramassage à la suite de la décision prise par les gestionnaires de la décharge d’Akouédo, de la fermer à partir de 20h.
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