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Politique Publié le vendredi 6 février 2009 |

Côte d`Ivoire : les forces impartiales plient bagages

Lafriqueaujourdhui.net - Au lendemain du déclenchement de la crise ivoirienne en septembre 2002, la France de Chirac avait été la première à déployer ses troupes sur le terrain pour surveiller le cessez-le-feu et une ligne de démarcation imaginaire séparant forces loyalistes et rebelles. Et cela, en application de l’accord de défense signé entre les deux pays en 1965. Cette force baptisée « Licorne » prêtée par l’ancienne puissance coloniale, venue jouer les gendarmes, avait été supplée par les casques bleus de l’Onu. Six ans après la mise en place de cette opération de maintien de la paix, les effectifs des troupes sont revus à la baisse compte tenu de la normalisation de la situation sociopolitique et surtout aussi, son coût jugé trop exhorbitant. Pour la communauté internationale, le spectre de la guerre se serait éloigné au profit d’un climat d’apaisement propice à l’organisation d’élections. Sans doute que les Ivoiriens ont décidé d’en finir définitivement avec une situation de ni paix ni guerre qui n’a que trop duré.

Une réduction justifiée par la crise financière

Le moins qu’on puisse dire sur la réduction des effectifs des forces impartiales en Côte d’Ivoire, c’est que la crise financière mondiale est passée par là. Une fois la mission assignée accomplie, la présence impressionnante des casques bleus de l’Onuci et de la Licorne était devenue aux yeux de beaucoup d’Ivoiriens, suffisamment encombrante pour susciter des critiques acerbes. Et mieux encore, depuis que les FDS [Forces de défense et de sécurité = forces loyalistes] et FN [Forces nouvelles = ex-rebelles] ont fumé le calumet de la paix, rangé aux calendes grecques armes lourdes et brûlé symboliquement quelques armes légères vétustes, les forces impartiales, très nombreuses, comprenant un peu plus de 10 000 hommes, se rongent pratiquement les ongles. Pendant ce temps, le budget lui, est maintenu. Un gouffre financier que ni la France ni les Nations unies ne souhaitent laisser en l’état. Ce sont donc plusieurs millions d’euros et de dollars qui sont engloutis dans cette opération de maintien de la paix. Entretenir sur le terrain des hommes dont la présence ne nécessite plus un effectif dissuasif n’est plus financièrement tenable. Côté français, le ministre de la Défense, Hervé Morin avait en décembre 2008, annoncé les couleurs. « La force Licorne assure une mission qui est celle de la force de réaction rapide de l’ONUCI, c’est-à-dire de la force de l’ONU qui comprend pour l’essentiel des forces africaines et asiatiques. Huit mille soldats au total. Comme la situation s’améliore, on a déjà enlevé près de 800 à 900 hommes. L’idée, c’est que nous en enlevions, si le processus électoral va tranquillement et si la situation permet d’installer progressivement à la fois l’armée ivoirienne sur l’ensemble du territoire - parce qu’il y a le problème de la fusion des forces rebelles d’une part et des forces régulières de l’autre. Si la fusion s’effectue et si, progressivement, les institutions ivoiriennes se mettent en place, nous retirerons encore techniquement parce qu’on n’aura pas besoin de toutes ces forces-là. » A ce jour, la Licorne ne compte plus que 900 hommes, son effectif a été réduit de moitié. Le principal camp militaire français, le 43ème Bima [Bataillon d'infanterie maritime crée le 1er juillet 1978 à partir du 4ème bataillon d’infanterie de marine, l'héritier du 43e régiment d’infanterie coloniale (43e RIC) et du 43e régiment d’infanterie de marine (43e RIMa)], a partiellement fermé ses portes.
La Licorne rogne annuellement environ 200 millions d’euros sur le budget de la Défense. Côté Onuci, la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires a examiné le financement de l’exercice annuel allant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009. Il est estimé à un budget annuel de 477 millions de dollars. Un budget qui doit couvrir notamment le déploiement de près de 8 000 Casques bleus, 450 membres de la Police des Nations Unies, 750 membres d’unités de police constituées, 500 fonctionnaires internationaux, 700 fonctionnaires nationaux, et 300 volontaires des Nations Unies (VNU). Le précédent budget de fonctionnement pour l’exercice annuel 2006-2007, présenté dans le rapport du Secrétaire général du 13 avril 2007 puis révisé dans le rapport du 26 septembre 2006 s’élevait à un montant brut de 472 889 300 dollars (montant net: 464 869 200 dollars). Malgré la réduction annoncée, aux yeux de beaucoup d’observateurs, l’opération Onuci demeure toujours budgétivore pour les Nations Unies.

Une victoire personnelle de la diplomatie ivoirienne

La précédente résolution 1826 votée en 2008 par le Conseil de sécurité de l’ONU avait prorogé le mandat de l’Onuci jusqu’au 31 décembre 2009. Le Conseil avait demandé au Secrétaire général de l’Onu de lui rendre compte de la situation en Côte d’Ivoire et surtout de lui présenter des critères pour une éventuelle réduction progressive des effectifs militaires déployés. Depuis le 27 janvier 2009, c’est chose faite grâce à la résolution 1865. Avant d’y arriver, il a fallu plusieurs offensives diplomatiques de grande envergure. Il faut citer entre autres les missions d’évaluation effectuées par des fonctionnaires de l’Onu sur les trois derniers mois. Notamment celle de M. Edmond Mulet, le sous secrétaire général aux Opérations de maintien de la Paix qui a séjourné en Côte d’Ivoire du 10 au 14 décembre 2008 pour évaluer la siutuation. A cela, il faut ajouter la brillante intervention de M. Alcide Djédjé, le représentant permanent de la Côte d’Ivoire auprès des Nations Unie lors de la 6071ème séance du Conseil de sécurité. Le dernier avait axé son allocution sur deux événements majeurs qui ont retenu l’attention du Conseil de sécurité. A savoir, le report officiel de l’élection présidentielle décidé lors de la dernière réunion du cadre permanent de concertation tenu à Ouagadougou [capitale du Burkina Faso] le 10 novembre 2008 et la signature le 22 décembre dernier du 4ème avenant à l’APO [Accord politique de Ouagadougou]. L’Onu a donc conclu que «vu l’évolution encourageante de la situation en Côte d’Ivoire, il recommande au Conseil de sécurité de proroger le mandat de l’Onuci pour une période de 6 mois allant jusqu’au 31 juillet 2009 et de réduire d’un bataillon (665 éléments) son effectif militaire au moment de la prochaine relève (mars 2009), c’est-à-dire de le ramener de 18 115 à 17 450 hommes.» Toutes ces mesures ont été placées sous réserve de conditions à remplir par la Côte d’Ivoire. A savoir, l’achèvement et la crédibilité des activités de désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants, et le démantèlement des milices, le bon déroulement des élections, le lancement de la réforme du secteur de la sécurité et en particulier de mesures de confiance s’inscrivant dans un cadre plus général d’une gouvernance et d’un contrôle démocratique de ce secteur, la réunification de l’armée et la mise en place des forces armées ivoiriennes et de services de sécurité en l’état de fonctionnement dans un esprit républicain, la restauration de l’autorité de l’Etat dans la totalité du pays.

Forces impartiales ou forces d’occupation ?

A maintes reprises, les forces impartiales [Licorne et casques bleus de l’Onu] ont été accusées ou du moins perçues par l’opinion ivoirienne [surtout celle proche de régime Gbagbo] comme des forces d’occupation. Plusieurs incidents malheureux ont d’ailleurs étayés cette thèse. Commençons par les événements de novembre 2004 qui se sont déroulés à Abidjan à la lisière de la résidence du président Laurent Gbagbo dans le quartier chic de Cocody. Une manifestation des « Jeunes patriotes » contre l’armée française en réaction à la destruction des aéronefs ivoiriens par la Licorne le 6 novembre 2004, s’était terminée en un bain de sang. C’est le président Jacques Chirac, lui-même, qui avait donné l’ordre à ses troupes de clouer au sol les Sukhoï 25 et autres hélicoptères de combat de l’armée ivoirienne en représailles au raid de l’aviation Gbagbo le 6 novembre 2004 contre le cantonnement français à Bouaké. Ce raid avait entraîné officiellement la mort de neuf soldats français de l'opération Licorne et d'un citoyen américain. Cette affaire non encore élucidée par les deux pays, constitue aujourd’hui une véritable pomme de discorde entre Paris et Abidjan. Pour le patron du Quai d’Orsay, Bernard Kouchner, cette affaire ne restera pas impunie. Son porte-parole, Eric Chevalier avait déclaré récemment que « le caractère délibéré de cette attaque ne fait néanmoins aucun doute.» Pour Paris, les sanctions seront prises conformément au code de justice militaire français. « L'article 65 du code de justice militaire prévoit que : sont justiciables du tribunal aux armées tous auteurs ou complices d'une infraction contre les forces armées françaises ou contre leurs établissements ou matériels, si elle est réprimée par la loi pénale française. En outre, l'article 113-7 du code pénal précise que '' la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis (...) par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction. L'application combinée de ces deux textes permet donc de poursuivre, sur le fondement du droit pénal français, tous les auteurs ou complices d'infractions : commises à l'encontre de militaires français déployés à l'étranger, quelle que soit leur nationalité, française ou étrangère » avait-il détaillé. Du côté d’Abidjan, l’on ne baisse pas non plus les bras. Les autorités ivoiriennes, aussi, veulent savoir toute la vérité sur cette affaire. Une délégation ivoirienne composée de trois magistrats avait séjourné à Paris du 4 au 13 janvier 2007. Commis par l'Etat de Côte d'Ivoire pour enquêter sur ces évènements de novembre au cours desquels 67 patriotes ivoiriens ont trouvé la mort sous les tirs de snipers français. Et ce n’est pas tout. La justice ivoirienne émet des réserves et des doutes sur les morts du camp militaire français à Bouaké. Le Procureur de la République de Côte d’Ivoire, M. Tchimou Raymond ne tarit d’ailleurs pas de commentaire. « Nous avons demandé le rapport d'autopsie des neuf soldats français censés être tués à Bouaké et l'audition de tous les soldats français qui étaient présents à l'Hôtel Ivoire les 6,7, 8 et 9 novembre 2004. Et qui ont eu à tirer à bout portant sur des manifestants ivoiriens aux mains nues. En effet, nos deux commissions rogatoires des 10 octobre 2005 et 1er novembre 2005 sont restées jusqu'à ce jour inexécutées. De surcroît, madame le juge d'instruction (Brigitte Raynaud) a été remplacée par une nouvelle dame, Florence Michon depuis mars 2005. Qui à son tour, ne fait aucun effort pour l'exécution desdites commissions rogatoires » avait déclaré le dernier dans une interview accordée au Nouvel Observateur. Plus de quatre années sont passées déjà, et comme on peut le deviner, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. A ce jour, les deux justices [française et ivoirienne] ne semblent pas accorder leur violon ou même vouloir coopérer de façon efficace et efficiente. De nombreux obstacles subsistent toujours, empêchant la manifestation de la vérité. Paris et Abidjan continuent de se rejeter mutuellement la responsabilité des blocages judiciaires. Pendant ce temps, l’affaire, elle, s’enlise davantage. Autre dossier laissé sous l’éteignoir, c’est l’affaire Firmin Mahé. Il s’agit du meurtre d’un civil ivoirien arrêté dans l’ouest du pays le 13 mai 2005 par des soldats français et tué par étouffement dans un char. Autre méfait retenu et versé au dossier des forces d’«occupation » en terre ivoirienne, ce sont les nombreux témoignages de viols et de scènes de dépravation recueillis ça et là auprès des populations féminines, à majorité très jeunes, recueillis par des enquêteurs et des associations de défense des droits de l’Homme.

Comme on le voit, ce départ de troupes de l’Onuci et françaises, n’a pas fini de livrer tous ses secrets.

Clément YAO


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