De retour des Etats-Unis d'Amérique où il a assisté à l'investiture du président Barack Obama, Konaté Navigué, secrétaire national de la Jeunesse du Front populaire ivoirien (JFPI), témoigne et tire les leçons.
Notre Voie : Vous revenez des Etats-Unis où vous avez assisté à l'investiture de Barack Obama. A quel titre y étiez-vous ?
Konaté Navigué : Je ne souhaiterais pas entrer dans une quelconque polémique, parce que je sais qu'il y en eues après mon départ. Mais je voudrais vous rassurer que j'y étais en tant que leader de la Jeunesse du Front populaire ivoirien (FPI). Je voudrais d'ailleurs saisir l'occasion pour remercier ceux qui m'ont permis de vivre ces moments intenses où s'écrivait une page de l'histoire du monde; eux qui ont rendu cette invitation possible en choisissant ma modeste personne pour vivre ces événements au nom de la jeunesse ivoirienne.
N.V. : Peut-on savoir combien de pays étaient invités au même titre que vous ?
K.N. : Initialement, cinq pays d'Afrique étaient concernés. Mais, finalement, nous nous sommes retrouvés à trois : la Côte d'Ivoire, le Ghana et l'Egypte. Le Maroc et le Nigeria ne sont pas venus pour des raisons qui leur sont propres.
N.V. : Comment avez-vous vécu ce moment historique qu'était l'investiture d'Obama ?
K.N. : Ce fut un moment particulièrement intense que nous avons vécu à Washington. Mais je voudrais préciser que l'investiture était tout un programme qui a commencé avec l'arrivée d'Obama à Washington. Vous savez qu'Obama est venu de la Pennsylvanie en train jusqu'à Washington après son meeting à Baltimore. A l'instar d'Abraham Lincoln qui est l'idole d'Obama. Il a tenu à faire le parcours qu'avait fait Lincoln pour s'installer à la Maison Blanche. Nous avons été invités à la cérémonie d'hommage à Abraham Lincoln au Mémorial Lincoln où Obama a prononcé ses premiers mots en tant que président élu. Nous avons ensuite été invités à la cérémonie d'hommage à Martin Luther King le 19 janvier et le 20, nous étions à l'investiture proprement dite.
Cette investiture nous donne raison, nous les patriotes, d'aimer notre pays. Ce jour, en effet, on ne pouvait pas faire la différence entre un démocrate et un républicain. Parce qu'ils avaient tous le drapeau américain, ils étaient tous fiers d'être Américains, tous fiers d'avoir un président qui allait enfin refaire l'image des Etats-Unis à travers le monde. Vous savez que beaucoup d'Américains étaient déçus de l'administration de Bush, parce qu'ils estimaient que Bush tirait l'Amérique vers le bas. Il a même été hué lors de la cérémonie. Ils espèrent qu'avec Obama, l'Amérique va redorer son blason. J'ai vu des gens fiers, des gens qui aiment leur pays et qui pensent que leur pays doit rester stable, debout, toujours la première puissance mondiale.
Pour nous qui nous sommes battus pour que la Côte d'Ivoire soit souveraine, qu'elle reste debout, je crois que c'est une belle leçon.
N.V. : C'était également une fierté pour vous, jeune Africain noir, de voir l'histoire s'écrire sous vos yeux…
K.N. : Bien sûr ! Mais, ceux qui le ressentent plus, c'est ceux qui ont vécu les moments de la ségrégation raciale, les moments où les Noirs n'avaient aucun droit. Mais, ce que nous observons, c'est que l'avènement d'un Noir, d'un Africain-Américain à la Maison Blanche veut dire au moins deux choses : la première, c'est que le monde bouge ; la deuxième, c'est que, dans ce monde qui bouge, tout est possible. D'ailleurs, l'une de pensées fortes d'Obama lors de la campagne électorale, c'est celle-ci : “Si je deviens président de la République, c'est que tout le monde peut devenir président de la République”. La leçon qu'on peut en tirer est que, dans la vie tout est possible et tout est enjeu de lutte. C'est la lutte seule qui peut amener à des espoirs et à des victoires. Et c'est tout le combat de tous ceux qui ont lutté pour l'émancipation des Noirs qui est ainsi couronné. Je savais que l'avènement d'Obama allait être un événement historique, mais je ne savais pas qu'Obama était un phénomène aux Etats-Unis. C'est là que j'ai compris qu'un seul homme peut changer le destin d'une nation. Toute l'Amérique ne jure que par Obama. Mais, en même temps, j'ai peur pour lui.
N.V. : Vous avez peur pour lui ? Mais pourquoi ?
K.N. : Obama arrive à un moment difficile pour l'Amérique et le monde. J'ai peur qu'il ne soit en deçà des espoirs que le peuple américain place en lui. Il y a certes la grave crise économique qui frappe de plein fouet son pays, également les questions internationales comme le dossier du Moyen-Orient, la question du réchauffement climatique. Ce sont autant de dossiers difficiles qui l'attendent. Même si, par ailleurs, il bénéficie d'un préjugé favorable. Puisque beaucoup d'Américains pensent qu'il a une bonne équipe, qu'il a des hommes compétents pour faire le travail. Il a d'ailleurs bien commencé puisqu'il a engagé la procédure de fermeture de Guantanamo comme il l'avait promis pendant sa campagne. Mais j'ai quand même peur que globalement, il ne soit pas à la hauteur de l'immense attente.
N.V. : Aux Etats-Unis, vous n'avez pas assisté qu'à l'investiture, vous avez aussi été instruit sur la démocratie américaine. Qu'est-ce que vous en avez retiré ?
K.N. : Beaucoup de choses. Nous avons eu plusieurs séances de travail au cours desquelles on nous a enseigné l'histoire des Etats-Unis, la nouvelle politique qui va être mise en place, les procédures de nomination à la Maison Blanche. J'en retiens que la souveraineté est une chose non négociable pour un Etat. Aux Etats-Unis, en tout cas, la souveraineté ne se négocie pas. Tout tourne autour de cette notion. Deuxième chose, on ne s'amuse pas avec les institutions aux Etats-Unis. Elles sont fortes, solides et résistent depuis longtemps. Il ne viendra pas à l'esprit d'un Américain de tenter de défier les institutions de son pays. Cela nous donne raison de lutter davantage pour le renforcement de nos institutions en Côte d'Ivoire. A cet égard, ce fut un voyage très enrichissant.
N.V. : Selon vous, le modèle démocratique américain peut-il être d'une certaine utilité pour l'Afrique ?
K.N. : Evidemment ! Du point de vue de la pratique démocratique, du respect et de la solidité des institutions, l'Amérique est peut être un exemple pour l'Afrique. Surtout en cette période d'instabilité institutionnelle en Afrique. Il nous faut, pour cela, avoir des dirigeants qui ont une vision démocratique claire, des gens qui aiment véritablement leur pays. Aimer son pays, c'est être patriote et travailler pour l'intérêt du peuple.
Aujourd'hui, les Africains sont contents de l'élection d'Obama, mais il ne viendra pas gérer nos pays à notre place. Il faut sortir des coups d'Etat et de l'instabilité chronique pour s'engager véritablement sur la voie du développement. Parce que Obama est élu par les Américains pour gérer les Etats-Unis, l'Afrique ne sera pas pour lui la priorité des priorités.
Interview réalisée par Augustin Kouyo
Notre Voie : Vous revenez des Etats-Unis où vous avez assisté à l'investiture de Barack Obama. A quel titre y étiez-vous ?
Konaté Navigué : Je ne souhaiterais pas entrer dans une quelconque polémique, parce que je sais qu'il y en eues après mon départ. Mais je voudrais vous rassurer que j'y étais en tant que leader de la Jeunesse du Front populaire ivoirien (FPI). Je voudrais d'ailleurs saisir l'occasion pour remercier ceux qui m'ont permis de vivre ces moments intenses où s'écrivait une page de l'histoire du monde; eux qui ont rendu cette invitation possible en choisissant ma modeste personne pour vivre ces événements au nom de la jeunesse ivoirienne.
N.V. : Peut-on savoir combien de pays étaient invités au même titre que vous ?
K.N. : Initialement, cinq pays d'Afrique étaient concernés. Mais, finalement, nous nous sommes retrouvés à trois : la Côte d'Ivoire, le Ghana et l'Egypte. Le Maroc et le Nigeria ne sont pas venus pour des raisons qui leur sont propres.
N.V. : Comment avez-vous vécu ce moment historique qu'était l'investiture d'Obama ?
K.N. : Ce fut un moment particulièrement intense que nous avons vécu à Washington. Mais je voudrais préciser que l'investiture était tout un programme qui a commencé avec l'arrivée d'Obama à Washington. Vous savez qu'Obama est venu de la Pennsylvanie en train jusqu'à Washington après son meeting à Baltimore. A l'instar d'Abraham Lincoln qui est l'idole d'Obama. Il a tenu à faire le parcours qu'avait fait Lincoln pour s'installer à la Maison Blanche. Nous avons été invités à la cérémonie d'hommage à Abraham Lincoln au Mémorial Lincoln où Obama a prononcé ses premiers mots en tant que président élu. Nous avons ensuite été invités à la cérémonie d'hommage à Martin Luther King le 19 janvier et le 20, nous étions à l'investiture proprement dite.
Cette investiture nous donne raison, nous les patriotes, d'aimer notre pays. Ce jour, en effet, on ne pouvait pas faire la différence entre un démocrate et un républicain. Parce qu'ils avaient tous le drapeau américain, ils étaient tous fiers d'être Américains, tous fiers d'avoir un président qui allait enfin refaire l'image des Etats-Unis à travers le monde. Vous savez que beaucoup d'Américains étaient déçus de l'administration de Bush, parce qu'ils estimaient que Bush tirait l'Amérique vers le bas. Il a même été hué lors de la cérémonie. Ils espèrent qu'avec Obama, l'Amérique va redorer son blason. J'ai vu des gens fiers, des gens qui aiment leur pays et qui pensent que leur pays doit rester stable, debout, toujours la première puissance mondiale.
Pour nous qui nous sommes battus pour que la Côte d'Ivoire soit souveraine, qu'elle reste debout, je crois que c'est une belle leçon.
N.V. : C'était également une fierté pour vous, jeune Africain noir, de voir l'histoire s'écrire sous vos yeux…
K.N. : Bien sûr ! Mais, ceux qui le ressentent plus, c'est ceux qui ont vécu les moments de la ségrégation raciale, les moments où les Noirs n'avaient aucun droit. Mais, ce que nous observons, c'est que l'avènement d'un Noir, d'un Africain-Américain à la Maison Blanche veut dire au moins deux choses : la première, c'est que le monde bouge ; la deuxième, c'est que, dans ce monde qui bouge, tout est possible. D'ailleurs, l'une de pensées fortes d'Obama lors de la campagne électorale, c'est celle-ci : “Si je deviens président de la République, c'est que tout le monde peut devenir président de la République”. La leçon qu'on peut en tirer est que, dans la vie tout est possible et tout est enjeu de lutte. C'est la lutte seule qui peut amener à des espoirs et à des victoires. Et c'est tout le combat de tous ceux qui ont lutté pour l'émancipation des Noirs qui est ainsi couronné. Je savais que l'avènement d'Obama allait être un événement historique, mais je ne savais pas qu'Obama était un phénomène aux Etats-Unis. C'est là que j'ai compris qu'un seul homme peut changer le destin d'une nation. Toute l'Amérique ne jure que par Obama. Mais, en même temps, j'ai peur pour lui.
N.V. : Vous avez peur pour lui ? Mais pourquoi ?
K.N. : Obama arrive à un moment difficile pour l'Amérique et le monde. J'ai peur qu'il ne soit en deçà des espoirs que le peuple américain place en lui. Il y a certes la grave crise économique qui frappe de plein fouet son pays, également les questions internationales comme le dossier du Moyen-Orient, la question du réchauffement climatique. Ce sont autant de dossiers difficiles qui l'attendent. Même si, par ailleurs, il bénéficie d'un préjugé favorable. Puisque beaucoup d'Américains pensent qu'il a une bonne équipe, qu'il a des hommes compétents pour faire le travail. Il a d'ailleurs bien commencé puisqu'il a engagé la procédure de fermeture de Guantanamo comme il l'avait promis pendant sa campagne. Mais j'ai quand même peur que globalement, il ne soit pas à la hauteur de l'immense attente.
N.V. : Aux Etats-Unis, vous n'avez pas assisté qu'à l'investiture, vous avez aussi été instruit sur la démocratie américaine. Qu'est-ce que vous en avez retiré ?
K.N. : Beaucoup de choses. Nous avons eu plusieurs séances de travail au cours desquelles on nous a enseigné l'histoire des Etats-Unis, la nouvelle politique qui va être mise en place, les procédures de nomination à la Maison Blanche. J'en retiens que la souveraineté est une chose non négociable pour un Etat. Aux Etats-Unis, en tout cas, la souveraineté ne se négocie pas. Tout tourne autour de cette notion. Deuxième chose, on ne s'amuse pas avec les institutions aux Etats-Unis. Elles sont fortes, solides et résistent depuis longtemps. Il ne viendra pas à l'esprit d'un Américain de tenter de défier les institutions de son pays. Cela nous donne raison de lutter davantage pour le renforcement de nos institutions en Côte d'Ivoire. A cet égard, ce fut un voyage très enrichissant.
N.V. : Selon vous, le modèle démocratique américain peut-il être d'une certaine utilité pour l'Afrique ?
K.N. : Evidemment ! Du point de vue de la pratique démocratique, du respect et de la solidité des institutions, l'Amérique est peut être un exemple pour l'Afrique. Surtout en cette période d'instabilité institutionnelle en Afrique. Il nous faut, pour cela, avoir des dirigeants qui ont une vision démocratique claire, des gens qui aiment véritablement leur pays. Aimer son pays, c'est être patriote et travailler pour l'intérêt du peuple.
Aujourd'hui, les Africains sont contents de l'élection d'Obama, mais il ne viendra pas gérer nos pays à notre place. Il faut sortir des coups d'Etat et de l'instabilité chronique pour s'engager véritablement sur la voie du développement. Parce que Obama est élu par les Américains pour gérer les Etats-Unis, l'Afrique ne sera pas pour lui la priorité des priorités.
Interview réalisée par Augustin Kouyo