En exclusivité, le ministre de la Production animale et des Ressources halieutiques, Alphonse Douati, se prononce sur le projet. Monsieur le ministre, le gouvernement a remis récemment les premiers chèques aux propriétaires terriens du site choisi pour abriter l’abattoir d’Anyama. Peut-on considérer que ce vieux projet va enfin entrer dans sa phase d’exécution?
Oui, la concession a été faite à une société américaine. Je ne connais pas d’exemples où les Américains viendraient remettre de l’argent et retourner chez eux sans rien faire. Les chèques remis aux riverains du site sont un signe de leur engagement très fort. Donc je pense que ce projet est bien parti pour voir le jour.
A quand le début des travaux?
L’une des conditions que le gouvernement a imposées, c’est qu’avant que les travaux ne commencent, il faut que le concessionnaire ait versé au moins 40% de la purge foncière des propriétaires terriens. Quand le projet aura pris forme, à quoi ressemblera-t-il?
Il ressemblera à un abattoir moderne comme on en voit dans les pays modernes. Notre pays a l’ambition d’être un pays moderne. Il aura un abattoir à la hauteur de cette ambition.
Je l’ai dit souvent, les exigences d’un abattoir sont très strictes. Et à bien des égards, il se rapproche des exigences d’un hôpital. Parce que c’est l’hygiène absolue.
Du point de vue infrastructure, comment va-t-il se présenter exactement? Parce qu’on parle de complexe et non d’abattoir simple. C’est un complexe parce qu’il y aura trois grands compartiments. Le premier sera le marché à bétail. Ceux qui veulent des bêtes à abattre y feront leur provision. L’animal acheté entre dans le système d’abattage qui est le deuxième compartiment. Il est abattu, traité et la viande sort. Le troisième compartiment rassemblera toutes les unités annexes de transformation. La peau est une source de grande industrie pour la tannerie par exemple. Les cornes et sabots font partie de l’industrie boutonnière. Même la bouse contient du gaz. Une technologie peut se développer à ce niveau. L’entreprise concessionnaire veut aller au-delà de l’abattage. Elle se propose de mettre en place un système de commercialisation hygiénique. Des bouchers de quartier pourraient ainsi se voir appuyer pour leur installation avec des moyens modernes au terme d’une convention avec la société.
Un marché à bétail suppose un embranchement ferroviaire. Quand on sait que l’essentiel de l’approvisionnement en bêtes vient des pays du nord de la Côte d’Ivoire, y a-t-on pensé?
Mais, cela fait partie du cahier des charges. Si le site d’Anyama a été choisi, c’est pour ne pas s’éloigner des rails. L’embranchement ferroviaire est prévu. Vous avez ajouté que l’essentiel des bœufs nous vient des pays limitrophes. Oui, ces pays nous fournissent beaucoup d’animaux, mais d’autres proviennent aussi de la Côte d’Ivoire. La nouvelle, c’est que le concessionnaire envisage de mettre en place en amont des unités d’élevage intensif. Elle n’attend pas rester seulement sur le marché ivoirien. Elle veut exporter la viande. Et comme elle ne veut pas que l’exportation desserve la consommation locale, elle veut faire cet élevage de point en amont.
Ce sont toutes ces différentes entités qui font 100 milliards de francs Cfa. L’abattoir en lui-même coûte environ 23 milliards de francs. L’indemnisation des propriétaires terriens s’élève à 6,8 milliards de francs. Les élevages en amont feront 45 milliards. Le système de commercialisation en aval absorbera 25 milliards de francs environ. Voilà l’origine des 100 milliards. Il n’est pas dit que le Trésor public ivoirien va injecter cet argent dans l’affaire. C’est l’opérateur économique qui apporte les 100 milliards de francs. Il faut que cela soit compris par nos compatriotes. Pendant qu’on est agréablement surpris de constater que les choses se dessinent, une polémique éclaté au même moment. Il est reproché au ministre des Ressources halieutiques et de la Production animale d’avoir spolié le premier bénéficiaire de la concession. Qu’en est-il exactement?
Je dois d’abord vous dire que je n’ai pas envie de m’étendre sur la question. Ce que je ferai, c’est de vous informer des procédures. Et puis, quand vous parlez de polémique, il faut qu’il y ait des échanges. Vous voulez dire qu’il y a un opérateur économique qui se plaint. Je trouve que cela est humain qu’une personne qui a perdu quelque chose puisse se plaindre. Mais ce que je voudrais vous expliquer, c’est que ce genre de concession se fait conformément au code des marchés publics. Et dans ce pays, l’institution que l’Etat a désignée pour suivre ce genre de procédures, c’est le ministère de l’Economie et des Finances. C’est ce département ministériel qui dispose en son sein d’une direction des marchés publics. Cette structure est suffisamment outillée pour faire l’analyse de ce genre de dossier. Or si nous avons bonne mémoire, il s’avère que le ministère de l’Economie et des Finances est cosignataire du document. En d’autres termes, le dépositaire de la réglementation sur l’attribution des concessions a signé le document. Cela signifie tout simplement, à mon humble avis, que les procédures d’équité et de transparence et réglementaires ont été respectées et appliquées. Dès cet instant, moi, je n’interviens plus dans le reste du débat. Qui, comme je le disais tantôt, est compréhensible parce que quelqu’un a perdu quelque chose. Mais sachons au moins que la réglementation a été respectée. Que s’est-il donc passé pour que le premier groupe acquéreur perde la concession?
C’est peut-être au groupe qu’il faut demander.
Ce n’est pas le groupe qui a pris la décision le sanctionnant...
Ce que je peux dire, c’est qu’il y a eu une réglementation. Et l’octroi de la concession a été fait conformément à cette réglementation. Et puis, franchement, ce n’est pas a moi d’entrer dans un débat relatif à un travail qui a été fait de façon collégiale par tous les techniciens dont dispose la Côte d’Ivoire en la matière. Le problème, c’est que vous êtes le seul à être accusé par l’opérateur, monsieur le ministre. Les règles ont été respectées comme vous le dites. Mais il se peut que vous soyez derrière le changement intervenu. C’est, semble-t-il, ce dont les responsables de cette société sont convaincus?
(Un peu agacé. Il lève un peu la voix). Les règles sont générales et elles sont antérieures. Donc leur application se fait de façon neutre. Dans une procédure d’attribution, vous pouvez être attributaire d’un marché. Et si vous ne remplissez pas les conditions, vous le perdez. J’observe tout simplement qu’une société a reçu le marché en 1998. Nous sommes aujourd’hui, en 2009. Et je constate que les travaux n’ont pas commencé. Les règles en la matière sont claires. Que les responsables de la société fassent une polarisation sur ma personne, c’est leur droit. Je persiste pour dire que la règle en la matière a été respectée. Et la règle échappe à l’individu et au temps. Une règle est fixée pour tous et dans le temps. Les règles, ce sont aussi les cas de force majeure que peut évoquer une partie au contrat. Ne croyez-vous pas que l’opérateur s’est trouvé dans une telle situation du fait du coup d’Etat de 1999 dont les conséquences se sont aggravées avec la crise armée de septembre 2002?
Je pourrais vous informer que c’est pendant la guerre qu’une société chinoise a réalisé l’hôtel des députées à Yamoussoukro. Pendant la guerre, il y a eu des investissements dans ce pays. Pendant la guerre, l’Etat de Côte d’Ivoire ne s’est pas arrêté. C’est peut-être la prise en compte de ce cas de force majeure qui a pu justifier que quelqu’un ait eu un marché pendant 10 ans sans le réaliser et qu’on ne le lui ait arraché que dans la 11e année. Cas de force majeure ou pas, la réglementation sur le code des marchés publics est claire et prévoit aussi des cas de force majeure. Aucune réglementation n’ignore les cas de force majeure. C’est tout cela qui a été pris en compte pour que l’attribution soit faite comme elle l’a été aujourd’hui. Le gouvernement a-t-il formellement dénoncé le contrat avant de le réattribuer?
Quand je vous parle de la réglementation, elle est totale. C’est-à-dire que le ministre de l’Economie des Finances qui est le dépositaire, je le répète encore une fois, de cette réglementation, sait exactement comment il faut procéder. J’observe qu’il y a eu un arrêté de résiliation signé du ministre de l’Economie et des Finances. Et que j’ai été informé en tant que ministre technique. (Il brandit l’arrêté et la lettre que lui a adressés son collègue sur le sujet). C’est l’arrêté 1065 du 18 novembre 2008. C’est le même jour qu’il m’a demandé de préparer les éléments de concession pour l’attribution provisoire à la société Century group corporation. C’est cela la règle.
Quelle est la forme de cette concession?
C’est la concession Boo. C’est-à-dire que l’entreprise investit, réalise les infrastructures, indemnise les propriétaires fonciers et exploite.
Aujourd’hui, l’Etat est incapable de sortir 7 milliards de francs pour purger les droits fonciers des riverains. Ces populations qui, je le rappelle, ont déjà été expulsées par décret présidentiel en 1999. Elles sont donc en dépossession… de leurs biens sans être dédommagées. Elles ont été suffisamment patientes. Quittons l’abattoir pour aller ailleurs dans votre département. L’an dernier, vous avez élaboré de nombreux projets. En vous écoutant, il était fortement question d’argent pour leur mise en oeuvre. Plus d’un an après, quelle est la situation?
(Sourire). La situation d’élevage ou de pêche n’échappe pas à la situation générale de la Cote d’Ivoire. Il faut beaucoup d’imagination pour avancer. L’abattoir est un premier exemple d’imagination. Les élevages prévus dans le cadre de la réalisation de ce projet sont aussi des exemples d’imagination. D’autres projets feront l’objet d’imagination.
Peut-on avoir une idée de ces projets?
Nous sommes actuellement en train de faire une refonte de ces projets pour nous engager vers un système de programme. La différence entre un programme et un projet, c’est que le projet est ciblé sur une activité ou des activités similaires précises. Alors que le programme embrasse plusieurs activités avec un point de coordination. La remarque, c’est que le programme agit plus en faveur des populations que des thématiques purement techniques.
A partir de la refonte, les quelques ressources dont nous disposons actuellement vont être rassemblées et gérées de façon rationnelle.
Nous avons élaboré en matière de transformation un plan d’action de transformation des produits halieutiques. Ce plan a le soutien de la FAO. Bientôt, nous allons organiser une table ronde des bailleurs de fonds. Quand je parle de bailleurs de fonds, il s’agit aussi d’opérateurs du secteur privé.
Des opérateurs ivoiriens?
Sur ce point, je vais ouvrir une parenthèse. En matière d’économie, le stade de nationalisme est dépassé. Ce qu’il faut rechercher aujourd’hui, ce sont des investisseurs, d’où qu’ils viennent pour… investir leur argent en Côte d’Ivoire. Et augmenter le PIB, tout en améliorant la balance commerciale par leurs exportations. Des pays comme la Chine, l’Inde et la Corée encouragent ce qu’on appelle les investissements étrangers. C’est ce que nous essayons de faire dans le secteur qui nous est confié. On revient sur la transformation pour fermer peut-être la parenthèse?
Parlant de transformation, en matière de ressources halieutique, il existe la petite transformation qui n’a rien à voir avec ce que le ministère de l’Industrie a en charge. Nous avons cette petite industrie de transformation à la base qui est très pourvoyeuse d’emplois. En matière d’élevage, nous avons repris l’économie du programme spécial d’élevage qui avait été établi vers 1996 par la Banque mondiale. L’objectif est d’être prêts quand la Banque mondiale et le FMI effectueront leur retour. Qui incessamment vont venir évaluer la faisabilité d’un certain nombre de projets.
Mieux, lorsque nous sommes arrivés à la tête du ministère, nous avons évalué l’impact de la guerre sur notre système de production. Il nous faut au moins 54 milliards de francs pour remettre l’élevage d’aplomb. Cela a été pris en compte. La banque africaine de développement a décidé de financer la remise en ordre des infrastructures de base de la Côte d’Ivoire. Notre département ministériel à 20% de ce budget. C’est bon à prendre. Pour chaque compartiment du programme, nous avons un document de projet. Lorsque nous rencontrons les bailleurs de fonds, nous le leur proposons. Lorsque nous sommes arrivé, il y avait l’accord de partenariat de pêche entre la Côte d’Ivoire et l’Union européenne. Nous l’avons reconduit après l’avoir rendu plus transparent. En ce sens que nous avons demandé qu’il soit logé au Trésor sous la signature d’un agent comptable. Et que la Côte d’Ivoire donne sa contrepartie pour qu’on aboutisse à un grand programme que nous avons appelé programme d’appui à la gestion durable des ressources halieutiques. Il a déjà démarré avec l’appui de l’Union européenne. A l’endroit du secteur privé, nous avons mené un certain nombre d’actions pour les encourager. Notamment ceux la transformation des produits de pêche. Nous avons fait aboutir la loi sur le régime franc. Nous avons obtenu du Président de la République un statut fiscal particulier pour les transformateurs de thon. L’entièreté de ce statut n’est pas encore réalisée. Nous en sommes à 75%. Le reste va suivre incessamment. D’ailleurs, nous avons reçu des instructions du Chef de l’Etat pour boucler la boucle. Toujours, au titre des mesures au profit du secteur privé, nous avons encadré des privés pour la mise en place d’abattoirs modernes. Deux abattoirs de volailles seront construits très bientôt. L’un à Yopougon et l’autre à Agnibilékrou. L’un des défis de votre ministère est la pêche illicite. L’année dernière, il en a été abondamment question. Quel est aujourd’hui le point sur la lutte?
La lutte se fait toujours et de façon acharnée. Nous profitons des moyens que notre partenariat avec l’Union européenne nous procure pour mener le combat. Nous inscrivons notre action dans le courant global de lutte internationale contre la pêche illicite. Nous avons mis en œuvre des actions de sensibilisation pour amener nos compatriotes armateurs à sortir de ce schéma de pêche illicite. Au niveau des pirateries, nous avons adhéré à tout le système international de lutte contre la pêche illicite, non réglementée et non autorisée. Grâce à cela, nous sollicitons l’appui des pays qui ont plus de moyens dans le domaine. Je peux vous dire que le problème de piraterie se pose même aux pays de l’Union européenne. C’est un fléau mondial. Nous continuons notre système de surveillance de terrain. Nous avons bouclé la surveillance passive. C’est-à-dire aller observer les bateaux pour savoir leurs origines. Nous avons demandé l’appui de la marine.
Interview réalisée par Alakagni Hala
Oui, la concession a été faite à une société américaine. Je ne connais pas d’exemples où les Américains viendraient remettre de l’argent et retourner chez eux sans rien faire. Les chèques remis aux riverains du site sont un signe de leur engagement très fort. Donc je pense que ce projet est bien parti pour voir le jour.
A quand le début des travaux?
L’une des conditions que le gouvernement a imposées, c’est qu’avant que les travaux ne commencent, il faut que le concessionnaire ait versé au moins 40% de la purge foncière des propriétaires terriens. Quand le projet aura pris forme, à quoi ressemblera-t-il?
Il ressemblera à un abattoir moderne comme on en voit dans les pays modernes. Notre pays a l’ambition d’être un pays moderne. Il aura un abattoir à la hauteur de cette ambition.
Je l’ai dit souvent, les exigences d’un abattoir sont très strictes. Et à bien des égards, il se rapproche des exigences d’un hôpital. Parce que c’est l’hygiène absolue.
Du point de vue infrastructure, comment va-t-il se présenter exactement? Parce qu’on parle de complexe et non d’abattoir simple. C’est un complexe parce qu’il y aura trois grands compartiments. Le premier sera le marché à bétail. Ceux qui veulent des bêtes à abattre y feront leur provision. L’animal acheté entre dans le système d’abattage qui est le deuxième compartiment. Il est abattu, traité et la viande sort. Le troisième compartiment rassemblera toutes les unités annexes de transformation. La peau est une source de grande industrie pour la tannerie par exemple. Les cornes et sabots font partie de l’industrie boutonnière. Même la bouse contient du gaz. Une technologie peut se développer à ce niveau. L’entreprise concessionnaire veut aller au-delà de l’abattage. Elle se propose de mettre en place un système de commercialisation hygiénique. Des bouchers de quartier pourraient ainsi se voir appuyer pour leur installation avec des moyens modernes au terme d’une convention avec la société.
Un marché à bétail suppose un embranchement ferroviaire. Quand on sait que l’essentiel de l’approvisionnement en bêtes vient des pays du nord de la Côte d’Ivoire, y a-t-on pensé?
Mais, cela fait partie du cahier des charges. Si le site d’Anyama a été choisi, c’est pour ne pas s’éloigner des rails. L’embranchement ferroviaire est prévu. Vous avez ajouté que l’essentiel des bœufs nous vient des pays limitrophes. Oui, ces pays nous fournissent beaucoup d’animaux, mais d’autres proviennent aussi de la Côte d’Ivoire. La nouvelle, c’est que le concessionnaire envisage de mettre en place en amont des unités d’élevage intensif. Elle n’attend pas rester seulement sur le marché ivoirien. Elle veut exporter la viande. Et comme elle ne veut pas que l’exportation desserve la consommation locale, elle veut faire cet élevage de point en amont.
Ce sont toutes ces différentes entités qui font 100 milliards de francs Cfa. L’abattoir en lui-même coûte environ 23 milliards de francs. L’indemnisation des propriétaires terriens s’élève à 6,8 milliards de francs. Les élevages en amont feront 45 milliards. Le système de commercialisation en aval absorbera 25 milliards de francs environ. Voilà l’origine des 100 milliards. Il n’est pas dit que le Trésor public ivoirien va injecter cet argent dans l’affaire. C’est l’opérateur économique qui apporte les 100 milliards de francs. Il faut que cela soit compris par nos compatriotes. Pendant qu’on est agréablement surpris de constater que les choses se dessinent, une polémique éclaté au même moment. Il est reproché au ministre des Ressources halieutiques et de la Production animale d’avoir spolié le premier bénéficiaire de la concession. Qu’en est-il exactement?
Je dois d’abord vous dire que je n’ai pas envie de m’étendre sur la question. Ce que je ferai, c’est de vous informer des procédures. Et puis, quand vous parlez de polémique, il faut qu’il y ait des échanges. Vous voulez dire qu’il y a un opérateur économique qui se plaint. Je trouve que cela est humain qu’une personne qui a perdu quelque chose puisse se plaindre. Mais ce que je voudrais vous expliquer, c’est que ce genre de concession se fait conformément au code des marchés publics. Et dans ce pays, l’institution que l’Etat a désignée pour suivre ce genre de procédures, c’est le ministère de l’Economie et des Finances. C’est ce département ministériel qui dispose en son sein d’une direction des marchés publics. Cette structure est suffisamment outillée pour faire l’analyse de ce genre de dossier. Or si nous avons bonne mémoire, il s’avère que le ministère de l’Economie et des Finances est cosignataire du document. En d’autres termes, le dépositaire de la réglementation sur l’attribution des concessions a signé le document. Cela signifie tout simplement, à mon humble avis, que les procédures d’équité et de transparence et réglementaires ont été respectées et appliquées. Dès cet instant, moi, je n’interviens plus dans le reste du débat. Qui, comme je le disais tantôt, est compréhensible parce que quelqu’un a perdu quelque chose. Mais sachons au moins que la réglementation a été respectée. Que s’est-il donc passé pour que le premier groupe acquéreur perde la concession?
C’est peut-être au groupe qu’il faut demander.
Ce n’est pas le groupe qui a pris la décision le sanctionnant...
Ce que je peux dire, c’est qu’il y a eu une réglementation. Et l’octroi de la concession a été fait conformément à cette réglementation. Et puis, franchement, ce n’est pas a moi d’entrer dans un débat relatif à un travail qui a été fait de façon collégiale par tous les techniciens dont dispose la Côte d’Ivoire en la matière. Le problème, c’est que vous êtes le seul à être accusé par l’opérateur, monsieur le ministre. Les règles ont été respectées comme vous le dites. Mais il se peut que vous soyez derrière le changement intervenu. C’est, semble-t-il, ce dont les responsables de cette société sont convaincus?
(Un peu agacé. Il lève un peu la voix). Les règles sont générales et elles sont antérieures. Donc leur application se fait de façon neutre. Dans une procédure d’attribution, vous pouvez être attributaire d’un marché. Et si vous ne remplissez pas les conditions, vous le perdez. J’observe tout simplement qu’une société a reçu le marché en 1998. Nous sommes aujourd’hui, en 2009. Et je constate que les travaux n’ont pas commencé. Les règles en la matière sont claires. Que les responsables de la société fassent une polarisation sur ma personne, c’est leur droit. Je persiste pour dire que la règle en la matière a été respectée. Et la règle échappe à l’individu et au temps. Une règle est fixée pour tous et dans le temps. Les règles, ce sont aussi les cas de force majeure que peut évoquer une partie au contrat. Ne croyez-vous pas que l’opérateur s’est trouvé dans une telle situation du fait du coup d’Etat de 1999 dont les conséquences se sont aggravées avec la crise armée de septembre 2002?
Je pourrais vous informer que c’est pendant la guerre qu’une société chinoise a réalisé l’hôtel des députées à Yamoussoukro. Pendant la guerre, il y a eu des investissements dans ce pays. Pendant la guerre, l’Etat de Côte d’Ivoire ne s’est pas arrêté. C’est peut-être la prise en compte de ce cas de force majeure qui a pu justifier que quelqu’un ait eu un marché pendant 10 ans sans le réaliser et qu’on ne le lui ait arraché que dans la 11e année. Cas de force majeure ou pas, la réglementation sur le code des marchés publics est claire et prévoit aussi des cas de force majeure. Aucune réglementation n’ignore les cas de force majeure. C’est tout cela qui a été pris en compte pour que l’attribution soit faite comme elle l’a été aujourd’hui. Le gouvernement a-t-il formellement dénoncé le contrat avant de le réattribuer?
Quand je vous parle de la réglementation, elle est totale. C’est-à-dire que le ministre de l’Economie des Finances qui est le dépositaire, je le répète encore une fois, de cette réglementation, sait exactement comment il faut procéder. J’observe qu’il y a eu un arrêté de résiliation signé du ministre de l’Economie et des Finances. Et que j’ai été informé en tant que ministre technique. (Il brandit l’arrêté et la lettre que lui a adressés son collègue sur le sujet). C’est l’arrêté 1065 du 18 novembre 2008. C’est le même jour qu’il m’a demandé de préparer les éléments de concession pour l’attribution provisoire à la société Century group corporation. C’est cela la règle.
Quelle est la forme de cette concession?
C’est la concession Boo. C’est-à-dire que l’entreprise investit, réalise les infrastructures, indemnise les propriétaires fonciers et exploite.
Aujourd’hui, l’Etat est incapable de sortir 7 milliards de francs pour purger les droits fonciers des riverains. Ces populations qui, je le rappelle, ont déjà été expulsées par décret présidentiel en 1999. Elles sont donc en dépossession… de leurs biens sans être dédommagées. Elles ont été suffisamment patientes. Quittons l’abattoir pour aller ailleurs dans votre département. L’an dernier, vous avez élaboré de nombreux projets. En vous écoutant, il était fortement question d’argent pour leur mise en oeuvre. Plus d’un an après, quelle est la situation?
(Sourire). La situation d’élevage ou de pêche n’échappe pas à la situation générale de la Cote d’Ivoire. Il faut beaucoup d’imagination pour avancer. L’abattoir est un premier exemple d’imagination. Les élevages prévus dans le cadre de la réalisation de ce projet sont aussi des exemples d’imagination. D’autres projets feront l’objet d’imagination.
Peut-on avoir une idée de ces projets?
Nous sommes actuellement en train de faire une refonte de ces projets pour nous engager vers un système de programme. La différence entre un programme et un projet, c’est que le projet est ciblé sur une activité ou des activités similaires précises. Alors que le programme embrasse plusieurs activités avec un point de coordination. La remarque, c’est que le programme agit plus en faveur des populations que des thématiques purement techniques.
A partir de la refonte, les quelques ressources dont nous disposons actuellement vont être rassemblées et gérées de façon rationnelle.
Nous avons élaboré en matière de transformation un plan d’action de transformation des produits halieutiques. Ce plan a le soutien de la FAO. Bientôt, nous allons organiser une table ronde des bailleurs de fonds. Quand je parle de bailleurs de fonds, il s’agit aussi d’opérateurs du secteur privé.
Des opérateurs ivoiriens?
Sur ce point, je vais ouvrir une parenthèse. En matière d’économie, le stade de nationalisme est dépassé. Ce qu’il faut rechercher aujourd’hui, ce sont des investisseurs, d’où qu’ils viennent pour… investir leur argent en Côte d’Ivoire. Et augmenter le PIB, tout en améliorant la balance commerciale par leurs exportations. Des pays comme la Chine, l’Inde et la Corée encouragent ce qu’on appelle les investissements étrangers. C’est ce que nous essayons de faire dans le secteur qui nous est confié. On revient sur la transformation pour fermer peut-être la parenthèse?
Parlant de transformation, en matière de ressources halieutique, il existe la petite transformation qui n’a rien à voir avec ce que le ministère de l’Industrie a en charge. Nous avons cette petite industrie de transformation à la base qui est très pourvoyeuse d’emplois. En matière d’élevage, nous avons repris l’économie du programme spécial d’élevage qui avait été établi vers 1996 par la Banque mondiale. L’objectif est d’être prêts quand la Banque mondiale et le FMI effectueront leur retour. Qui incessamment vont venir évaluer la faisabilité d’un certain nombre de projets.
Mieux, lorsque nous sommes arrivés à la tête du ministère, nous avons évalué l’impact de la guerre sur notre système de production. Il nous faut au moins 54 milliards de francs pour remettre l’élevage d’aplomb. Cela a été pris en compte. La banque africaine de développement a décidé de financer la remise en ordre des infrastructures de base de la Côte d’Ivoire. Notre département ministériel à 20% de ce budget. C’est bon à prendre. Pour chaque compartiment du programme, nous avons un document de projet. Lorsque nous rencontrons les bailleurs de fonds, nous le leur proposons. Lorsque nous sommes arrivé, il y avait l’accord de partenariat de pêche entre la Côte d’Ivoire et l’Union européenne. Nous l’avons reconduit après l’avoir rendu plus transparent. En ce sens que nous avons demandé qu’il soit logé au Trésor sous la signature d’un agent comptable. Et que la Côte d’Ivoire donne sa contrepartie pour qu’on aboutisse à un grand programme que nous avons appelé programme d’appui à la gestion durable des ressources halieutiques. Il a déjà démarré avec l’appui de l’Union européenne. A l’endroit du secteur privé, nous avons mené un certain nombre d’actions pour les encourager. Notamment ceux la transformation des produits de pêche. Nous avons fait aboutir la loi sur le régime franc. Nous avons obtenu du Président de la République un statut fiscal particulier pour les transformateurs de thon. L’entièreté de ce statut n’est pas encore réalisée. Nous en sommes à 75%. Le reste va suivre incessamment. D’ailleurs, nous avons reçu des instructions du Chef de l’Etat pour boucler la boucle. Toujours, au titre des mesures au profit du secteur privé, nous avons encadré des privés pour la mise en place d’abattoirs modernes. Deux abattoirs de volailles seront construits très bientôt. L’un à Yopougon et l’autre à Agnibilékrou. L’un des défis de votre ministère est la pêche illicite. L’année dernière, il en a été abondamment question. Quel est aujourd’hui le point sur la lutte?
La lutte se fait toujours et de façon acharnée. Nous profitons des moyens que notre partenariat avec l’Union européenne nous procure pour mener le combat. Nous inscrivons notre action dans le courant global de lutte internationale contre la pêche illicite. Nous avons mis en œuvre des actions de sensibilisation pour amener nos compatriotes armateurs à sortir de ce schéma de pêche illicite. Au niveau des pirateries, nous avons adhéré à tout le système international de lutte contre la pêche illicite, non réglementée et non autorisée. Grâce à cela, nous sollicitons l’appui des pays qui ont plus de moyens dans le domaine. Je peux vous dire que le problème de piraterie se pose même aux pays de l’Union européenne. C’est un fléau mondial. Nous continuons notre système de surveillance de terrain. Nous avons bouclé la surveillance passive. C’est-à-dire aller observer les bateaux pour savoir leurs origines. Nous avons demandé l’appui de la marine.
Interview réalisée par Alakagni Hala