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Politique Publié le jeudi 19 février 2009 | Le Nouveau Réveil

Affaire avion "pirate" à l`aéroport d`Abidjan :- Jean Kouassi Abonouan (DG de l`ANAC): "J`ai cloué l`avion au sol pour qu`on vérifie l`autorisation”

Une affaire d'avion "pirate" immobilisé à l'aéroport d'Abidjan défraie en ce moment la chronique. M. Jean Kouassi Abonouan, Directeur général de l'Autorité nationale de l'aviation civile (ANAC), a échangé avec des journalistes. Il a fait le point de la situation à travers des questions qui lui ont été posées. Avec documents à l'appui.


M. le Directeur général, de quoi s'agit-il réellement dans cette affaire d'avion dit pirate qui défraie actuellement la chronique ?

Il faut tout de suite dire qu'il ne s'agit pas d'un avion pirate, ni d'un acte de piraterie, encore moins d'un acte de terrorisme. Il s'agit simplement d'un affrètement d'avion par des hommes d'affaires nigérians qui avaient une rencontre avec des partenaires en Côte d'Ivoire. Ils devaient faire l'aller et retour Lagos. Abidjan-Lagos dans l'après-midi du lundi. Donc, ils ont affrété un avion de la compagnie nigeriane qu'on appelle ARIK AIR pour venir rencontrer leurs partenaires et retourner le même jour. Donc l'avion, qui est encore immobilisé sur le tarmac, qu'on peut voir, ne contient ni armes, ni munitions. C'est un avion normal qui a été affrété. Les passagers ont rencontré leurs partenaires. Ce n'était pas des terroristes, ni des mercenaires, ils n'avaient pas d'armes. C'était une opération normale. L'opération, en elle-même, est normale. C'est ce qu'il faut retenir.


C'est donc le lundi que tout cela s'est passé ?

Oui, c'est le lundi. Je prends un exemple. Un homme d'affaires ivoirien qui a une affaire au Bénin, s'il n'y a pas une compagnie régulière qui peut l'amener au Bénin, il peut louer un avion. Ça se fait tout le temps. Il loue un avion, il va au Bénin, il rencontre ses partenaires et il retourne. C'est ce qui s'est passé dans le cas d'espèce. Donc c'est une opération normale qui se fait toujours dans l'aviation. Le problème qui s'est posé, c'est qu'en matière aéronautique, à part les vols réguliers qu'on connaît, c'est-à-dire les compagnies qui desservent régulièrement l'aéroport et avec lesquelles il y a déjà un accord, tout autre vol, quel que soit l'objet, doit avoir une autorisation de survol et d'atterrissage dans le pays où il va. Puisque ce n'est pas un vol régulier. On ne le connaît pas. Que ce soit pour une évacuation sanitaire, que ce soit pour un travail aérien, que ce soit pour le transport des hommes d'affaires. (Tout vol qui n'est pas régulier, avant de venir, doit avoir une autorisation de survol et d'atterrissage). Ça, c'est la règle internationalement admise. Dans le cas d'espèce, la compagnie ARIK AIR a demandé à la Côte d'Ivoire une autorisation de survol et d'atterrissage pour cette opération. On a reçu la demande et on a engagé notre procédure interne qui est la suivante : lorsque nous recevons, nous en Côte d'Ivoire, une demande d'autorisation de survol d'un vol privé, on adresse la demande à la présidence de la République. Précisément au service " Etat major Particulier (EMP) ". C'est une procédure ivoirienne. Puisqu'elle est adressée à l'Aviation civile, j'aurais pu, moi-même, accorder le numéro. Dans beaucoup de pays, l'aviation civile reçoit et accorde le numéro. Mais nous, on a mis en place une procédure puisqu'il s'agit de la souveraineté de l'Etat, on voulait que ce soit la présidence qui apprécie. Donc, au lieu de mettre le numéro, j'envoie à la présidence. Et la présidence communique un numéro si elle est d'accord avec le dossier. L'état-major de la présidence envoie un numéro. Et c'est ce numéro-là que nous communiquons au demandeur. La procédure est simple. Chaque jour, ça se passe ainsi. Quand on a reçu la demande, on a suivi la procédure. On a envoyé le formulaire qui comprenait toutes les informations : l'immatriculation, l'itinéraire, le commandant de bord, l'équipage, l'objet du vol. C'est au vu de ça que la présidence donne un numéro qu'il nous envoie et que nous communiquons. Cette procédure a été vraiment engagée. Mais là où il y a problème, c'est que alors que nous attendions le numéro d'autorisation de la présidence pour le communiquer au demandeur, on nous apprend que l'avion était déjà au sol. La question qui se pose est de toute évidence : comment l'avion peut-il se retrouver au sol alors qu'on ne lui a pas donné d'autorisation ? Nous nous sommes donc approché du commandant de bord pour en savoir davantage. C'est là qu'il a produit un numéro d'autorisation, le numéro 100/PR/EMP. On a donc approché l'état-major particulier pour savoir s'il a donné directement à la compagnie le numéro qui nous était présenté puisque l'avion était déjà au sol. L'état-major particulier nous a répondu, non. C'est important. Il nous a dit qu'il n'a pas encore donné de numéro et que le numéro 100/PR/EMP n'a pas été délivré par eux. Donc c'est un faux numéro. Dès qu'on nous a dit que c'est un faux numéro, j'ai pris la décision qu'on maintienne immédiatement l'avion au sol. J'ai averti l'ASECNA et la gendarmerie de l'aéroport. Je leur ai demandé de clouer l'avion au sol pour qu'on fasse des vérifications et que la vérité se manifeste. On a convoqué le commandant de bord qui s'est expliqué. Lui, il a dit qu'avant de quitter Lagos, pour la mission qu'on lui a confiée, les services de la compagnie lui ont remis le document qui comporte le numéro l'autorisant à atterrir en Côte d'Ivoire. Un document qui comporte les numéros des pays survolés. Puisque du Nigeria, il survole le Bénin, le Togo, le Ghana, il avait ces numéros sur le même papier et le numéro pour atterrir à Abidjan. Je lui ai signifié que le numéro est faux et qu'il ne peut plus quitter Abidjan tant qu'on n'a pas éclairci cette affaire. Non seulement, j'ai maintenu l'avion au sol, mais le commandant de bord a été interdit de sortir du territoire ivoirien. Pendant qu'on faisait tout ça, on reçoit de l'état-major particulier de la présidence le numéro d'autorisation du vol qui est le numéro 107. Le même lundi. Donc le bon numéro, c'est le numéro 107 qui a été donné par la présidence de la République. Qui a donné ce numéro 100 qui a permis à l'avion d'atterrir ? C'est un mystère. C'est donc un problème de faux numéro d'atterrissage.


Est-ce la première fois que cela arrive ?

Puisque l'avion est arrivé avant. Supposons que l'avion était arrivé avec le bon numéro ou qu'on n'a pas su qu'il était arrivé, parce qu'on peut ne pas savoir. Il pouvait venir avec ce numéro 100, il fait son opération et il repartait avec le numéro 100. (Son portable sonne). C'est le DG de la compagnie ARIK. Son avion est au sol. Il veut venir pour nous rencontrer. (Il présente des documents). Voilà, ils ont envoyé la demande ce matin. Nous l'avons communiquée à la présidence. On attend que la présidence nous donne le numéro, qu'on les appelle d'abord avant qu'ils ne viennent. C'est la procédure classique. Dans le cas qui nous concerne, deux problèmes se posent. Au point de vue aéronautique pur, ils ont fait une violation de l'espace aérien. C'est-à-dire qu'ils sont venus sans que l'autorité aéronautique leur ait donné l'autorisation d'atterrissage. En la matière, le code de l'aviation civile de Côte d'Ivoire, en son article 93, dispose qu'en pareille hypothèse, il y a une amende de 20 millions à payer. Parce qu'il faut décourager ce genre de fait. S'il n'y avait que la faute de violation, ils payent l'amende et ils s'en vont. Mais le deuxième volet, c'est qu'il y a un faux. Donc le problème va plus loin. Nous nous sommes intéressés à savoir comment ils ont eu cette fausse autorisation. Le pilote dit qu'on le lui a remis avant de quitter Lagos. Qu'on nous dise qui lui a remis le document avant qu'il ne quitte Lagos. Ou bien est-ce qu'il s'agit de certaines personnes en Côte d'Ivoire qui s'amusent à donner de faux numéros à des compagnies pour venir ? Il faut qu'on le sache. Est-ce qu'il s'agit de personnes à l'extérieur qui s'amusent à donner des autorisations aux gens ? Il faut qu'on le sache.


Une enquête est-elle ouverte ?

Oui, la brigade de gendarmerie a été saisie à partir du moment où il y a du faux. Elle a ouvert une enquête. Le procureur a été saisi du faux. On a donc pris comme mesure conservatoire le maintien de l'avion au sol et que le commandant de bord et l'équipage soient retenus à la gendarmerie de l'aéroport. Donc c'est une affaire qui est lancée. On va peut-être découvrir l'origine du faux et éradiquer ce mal une fois pour toutes.


La faute peut-elle donc venir de la compagnie ARIK ?

Bien sûr, parce qu'ils connaissent nos codes. Ils savent que nos numéros sont généralement/PR/EMP. Donc ils peuvent eux-mêmes en produire. La preuve, le document produit par le commandant de bord présente des numéros du Bénin, du Togo, du Ghana. Or, nous en Côte d'Ivoire, on ne connaît pas ça. Donc ça peut venir d'eux-mêmes, c'est une piste à ne pas écarter. Ils viennent souvent, donc ils ont le code. Ils peuvent fabriquer un numéro et venir. Arrivés au Bénin, au Togo, au Ghana, ils disent voilà mon numéro et ils passent. Il ne faut pas affirmer que c'est l'état-major particulier. Mais ça peut être le fait de n'importe qui.


Monsieur le directeur, les occupants de l'avion ont-ils montré un certain empressement à venir en Côte d'Ivoire ? Ce qui pourrait expliquer le faux pour venir et repartir le plus tôt possible ?

Non, c'était des contacts normaux parce qu'on a fouillé dans nos registres et on a trouvé qu'ils ont une compagnie partenaire ici qu'on appelle Sahara OIL qui est installée dans le domaine pétrolier. Donc ils viennent ici souvent en mission. Le principal passager qui a loué l'avion est reparti par un vol régulier.


Le directeur général de la compagnie ARIK vient-il de lui-même en Côte d'Ivoire ou a-t-il été convoqué par la gendarmerie ?

Il vient de lui-même parce que son avion est bloqué ici. Et les pilotes aussi. Il vient donc pour en savoir davantage.


On a lu dans la presse que des collaborateurs directs du chef de l'Etat, dont le colonel Dogbo se sont intéressés au sujet. Est-ce à dire que le chef de l'Etat est saisi et qu'il veut toute la lumière sur cette affaire ?

C'est le général Touvoly que j'ai rencontré hier (Ndlr : mardi dernier) qui est le chef d'état-major particulier. Donc, c'est son service. Il est le chef. Il est venu me rencontrer, on a échangé sur la question. Maintenant, si d'autres officiels s'intéressent aussi à la question, ça peut être normal. Le président de la République doit vouloir en savoir un peu plus aussi parce qu'il y va de la souveraineté. S'il a un service qui s'occupe de ça, il peut envoyer d'autres colonels pour investigation et c'est très bien aussi. Moi, je n'ai pas été interrogé. Mais ce n'est pas impossible et ce n'est pas non plus mauvais.


Ce genre de fait ne pourrait-il pas entacher la certification de l'aéroport ?

C'est une excellente question parce que les premiers articles qui sont parus dans la presse ont indiqué que cela va jouer négativement sur la certification. Je peux vous dire que ça n'a aucun lien. La certification aéroportuaire, c'est les mesures que nous mettons à l'aéroport pour protéger les vols contre tout acte illicite. S'il doit avoir un lien, cela ne peut être que positif. Parce que si les Américains se rendent compte qu'on a maintenu un avion au sol qui n'a pas respecté notre réglementation, ça veut dire qu'on est rigoureux.


Vous avez été vigilant sur ce coup. Est-ce à dire que d'autres mesures seront arrêtées pour accroître cette vigilance ?

Oui, la vigilance doit être permanente. Le problème, c'est qu'on peut ne pas être au courant de ces choses-là. Imaginez qu'on ne vous avait pas signalé que cet avion est au sol, il serait venu et parti. La vigilance est permanente, mais c'est l'information qui parfois, ne nous parvient pas. Si nous sommes informés, nous ne pouvons pas tolérer ce genre de choses. Je vous apprends qu'il y a eu des cas. Un avion civil transportant plus de 300 passagers a été bombardé en plein air parce que qu'il a traversé l'espace aérien sans autorisation. C'était un avion de la compagnie sud-coréenne. Il a été abattu par l'aviation militaire russe. C'est pour dire que les gens ne s'amusent pas avec ça. Alors pourquoi, allons-nous accepter que l'on vienne atterrir sans autorisation chez nous ? Si nous sommes au courant, nous allons toujours réagir de la même manière.


Quel est le délai de finalisation de l'enquête ?

Le délai peut être même cet après-midi (Ndlr : hier après midi) si le patron de ARIK arrive et qu'il nous communique le nom de ceux qui ont falsifié le numéro. Donc, le délai dépend de la manifestation de la vérité. L'avion doit rester au sol jusqu'à ce qu'on découvre la vérité.

Entretien réalisé par Diarrassouba Sory
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