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Politique Publié le jeudi 19 février 2009 | Nord-Sud

Ecoles des FDS, un sergent des FANCI révèle : "On nous oblige à payer les ordonnances de nos encadreurs"

Après la série d’articles publiés par Nord-Sud Quotidien sur le racket dans les écoles des forces de défense et de sécurité, un sergent des Forces armées nationales s’est rendu à notre siège pour rendre témoignage. •Vous avez décidé de réagir après les articles parus dans Nord-Sud Quotidien sur le racket au sein des Forces de défense et de sécurité. Quel témoignage voulez-vous faire ? Permettez que je garde l’anonymat. Je peux seulement dire que je suis en poste dans un camp militaire. D’abord, je voudrais vous dire merci. Quand votre article est paru, nos chefs respectifs ont paniqué. Moi, je m’en réjouissais. Parce qu’ils se demandaient la personne qui les avait vendus. Le témoignage que je voulais rendre concerne mon passage à l’Enso (Ecole nationale des sous-officiers). J’étais président de promotion. Je gérais un fonds de plus de 20 millions de Fcfa grâce auquel je pouvais collaborer avec le chef de corps, le commandant en second et le commandant de brigade. Je dirais avec tout le personnel et tous les stagiaires. •Comment avez-vous collecté cette somme? Nous faisions des séries de cotisations. Plus clairement, chacun d’entre nous devait réunir 200.000 Fcfa sur six mois. Voilà comment ça se passe. Chacun payait 35.000 Fcfa, le premier mois. A la fin du deuxième mois, le montant baissait un peu. On ne reversait que 30.000 Fcfa. Et le troisième mois, on n’imposait que 25.000 Fcfa contre 20.000 Fcfa au quatrième mois, ainsi de suite... On s’arrangeait comme on le voulait, mais en six mois le total pour chacun devait atteindre 200.000 Fcfa pour couvrir divers besoins selon nos chefs. Ce sont entre autres, les paquets de craie, les paquets de papier etc. Ensuite, il fallait également payer pour les prestations des encadreurs. Par exemple, lorsque l’un des stagiaires tombait malade, il fallait s’occuper de ses soins. On nous obligeait donc à payer pour ses ordonnances médicales. On nous faisait payer aussi pour «l’ordinaire». •Qu’est-ce que «l’ordinaire» ? On ne l’a jamais su. Mais on payait 6.000 Fcfa chacun pour ça. On nous faisaitt payer même la nourriture qui est cuisinée dans le camp. Soit 3.000 Fcfa par élève. Alors que nous étions plus de 130. •D’où provient l’argent que vous cotisiez ? C’est de votre poche ou de celles de vos parents ? C’est nous-mêmes qui payions puisque nous sommes tous des fonctionnaires. On reçoit tous des virements bancaires. L’on nous donnait trois ou quatre jours pour aller faire les retraits chaque mois afin de satisfaire aux exigences fixées pour la cotisation. Moi, étant le président de la promotion, j’avais un bureau. J’avais un trésorier et des conseillers. Quand un encadreur avait des problèmes pour payer son loyer, il me contactait, et je réunissais tout le monde pour collecter rapidement l’argent qu’il lui fallait. Chaque dépense devait être justifiée par des traces écrites parce qu’on devait faire les comptes après la formation. Quand le commandant de brigade a des ordonnances aussi, je payais. Et même très rapidement. Si le CB dit que son salon est gâté, on appelait un menuisier qui venait faire un devis avant d’aller remettre sa maison à neuf. Ces montants décaissés atteignaient souvent 400.000 Fcfa d’un coup. Sur les dix-neuf millions, il n’en restait plus que quatre cent mille Fcfa en fin de formation. Nous avons pris un pot de fin de stage avec une partie de cette somme et nous nous sommes quittés en partageant le reste. Chacun a pu regagner sa famille avec 3.000 ou 4.000 Fcfa en poche. •Vous oblige-t-on à donner cet argent aux encadreurs ? Non, pas directement. On n’oblige personne en tant que tel. Mais, ils ont une façon de nous faire du chantage. Quand tu refuses, on peut te faire échouer sous prétexte que tu es indiscipliné. Nous, on a trouvé ça comme ça et ce n’était pas à nous de tenter de changer le système. •La pratique continue toujours ? Jusqu’à présent oui. Ce sont les mêmes pratiques partout. C’est devenu une coutume. Celui qui vous encadre pour passer le test, il faut le payer. Il faut donner de l’argent même au bureau qui organise le test. Et ça se passe ainsi du premier au dernier jour du stage. Je suis sincèrement pessimiste. Cette pratique ne peut pas changer. •Pourquoi pensez-vous que cela ne peut pas changer ? Puisque tout le monde voit le racket et personne n’en parle. •Combien avez-vous payé pour rentrer à l’Ensoa ? J’ai payé 80.000 FCFA. •A qui avez-vous remis cette somme? Quand on va en salle d’examen, un stagiaire se porte garant. Et chacun paye les 80.000 Fcfa qu’on lui remet. Ce dernier est le démarcheur entre nous et les différents examinateurs. Et quand les résultats sortent, certains échouent en dépit du paiement. Ça fait mal. Une fois à l’école, on cotise encore pour la corvée et tout le matériel : chacun un sceau, un balai, une daba. Aujourd’hui le treillis se vend à l’école à 20.000 Fca. Un cahier de trois cents pages coûte 3.000 Fcfa… •Aviez-vous saisi le commissaire du gouvernement en son temps ? Non ! Nous ne l’avons pas saisi, mais il en sait quelque chose. Quand il va lui même en stage, il n’échappe pas à la règle. Tout le monde dans notre milieu a connu ce racket.

Entretien réalisé par Bahi K.
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