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Politique Publié le jeudi 19 février 2009 | Nord-Sud

Début de retrait Licorne : Bouaké pleure ses soldats Français

Les opérateurs économiques de la capitale de la Paix pleurent déjà à l’idée de savoir que les soldats de la force Licorne, ces «apporteurs d’affaires», les quitteront en fin juin. Bouaké, mercredi 17 février, il est 19h. Deux chars amphibies stationnent devant un restaurant du quartier «Commerce». Des soldats de la force française Licorne en descendent. Comme à leur habitude, ils viennent manger de l’alloco (frites de banane), une spécialité ivoirienne. Des jeunes gens accourent vers eux. Ils les saluent et s’installent à leur côté. La vendeuse, n’attend pas qu’on le lui demande. Elle sert aux Français et à leurs hôtes des plats d’alloco accompagnés de poisson grillé. Pendant qu’ils mangent, la conversation s’engage avec la restauratrice qui désire selon ses termes vérifier si «la rumeur dit vrai». «On nous a dit que vous allez rentrer. C’est vrai ? C’est quand ? Pourquoi quittez-vous Bouaké?», enchaîne-t-elle. Le plus jeune du groupe «Caporal H Leblanc» (c’est lisible sur son treillis), répond : «C’est vrai nous rentrons bientôt. Pour le reste, nous sommes des soldats en mission, mais, pas pour rester». La serveuse insiste : «Etes-vous contents de partir?». Le soldat esquive la question. «Oui et non ! Oui, dit-il, parce que je retrouve ma famille. Et non, parce que je quitte des amis comme toi». Quelques jours auparavant, dans un maquis de la commune d’Ahougnassou, baptisé ‘’Le sous-sol’’, deux légionnaires venus déguster de la viande de cabri exprimaient le peu d’engouement qui les animait à l’idée de quitter Bouaké et la Côte d’Ivoire. Des sites à abandonner… Cette situation est une recommandation du dix-neuvième rapport du Conseil de la sécurité de l’Onu sur la sortie de crise en en Côte d’Ivoire. Le mandat des forces impartiales dans le pays est prorogé de 6 mois allant jusqu’au 31 juillet 2009. Toutefois, avait précisé le conseil, l’effectif de l’Onuci sera réduit d’un bataillon. Ainsi, de 8.115 hommes, les forces impartiales ne compteraient désormais que 7450. Ainsi, le contingent de la Licorne qui, jusqu’en fin novembre 2008, était de 2000 hommes sera réduit de plus de la moitié. Certains sites qu’occupait cette force, dont la base de Bouaké, seront fermés. Il s’agit de l’«Ecole Baptiste» appelée également «Christian International Academy» et de son avenant. A l’approche de cette emprise, un panneau interpelle les automobilistes : «Force Licorne, Ralentissez». Et comme si cela ne suffisait pas, pour mieux se faire comprendre, le même panneau est traduit plus bas en Baoulé «An Mou Wo Blé Blè» (Allez-y doucement). Le drapeau tricolore qui surplombe ce vaste camp clôturé d’un mur en béton doublé de barbelés, ne flottera donc plus sur cette école. Rappelons que la force française s’était réinstallée sur ce site après avoir abandonné successivement le site de l’OIC (Office ivoirien des chargeurs) et le collège René Descartes (suite aux bombardements de l’aviation ivoirienne le 6 novembre 2004 qui avait fait 9 morts). L’Ecole Baptiste servait de cadre d’études aux enfants des pays anglophones. Aux premières heures de la crise armée déclenchée en septembre 2002, c’est dans ce centre qu’a été signé le premier accord de cessez-le-feu entre forces loyalistes et forces rebelles. En face des lieux, de l’autre côté de la route, la force Licorne a aménagé un aérodrome. Les hélicoptères de combat ou de transport de troupe y atterrissent. Il s’agit d’une forteresse à laquelle n’ont pas accès les personnes étrangères. Selon les témoignages des riverains, cet espace peut accueillir 4 hélicoptères Apache. Le long de la clôture on peut lire ’’Attention Mines’. Le village artistique inquiet…. A proximité de ces deux emprises militaires un ‘’Centre artistique Force Licorne’’ est né. Dans ce centre, des objets d’art sont vendus. Mamadou Koné, commerçant, affiche une mauvaise mine depuis l’annonce du départ des « Français de la paix ». «Ce sont eux qui sont nos meilleurs clients. Ils fournissent plus de 90% du chiffre d’affaires. Nous allons donc fermer le centre après leur départ. Il sera impossible de survivre à leur départ», confie le commerçant. Comme lui, le vendeur de vêtements traditionnels Kalil Ousmane est craintif. Il se souvient que chaque nouveau contingent qui arrivait épuisait son stock. « Franchement, le départ des Français ne nous arrange pas au village artistique ; ce sont eux qui nous ont aidés à construire ce centre. Pendant la guerre, ils nous ont sauvé la mise par leur amour pour l’art africain. Ils pouvaient acheter pour plusieurs centaines de milliers de Fcfa en une journée», se remémore Ousmane, qui relativise tout de même. «Mais que voulez-vous ? Leur mandat tire à sa fin. Ce qui signifie que la guerre est terminée, nous sommes contents. Je pense qu’on aura une nouvelle clientèle avec les fonctionnaires et les touristes qui vont certainement envahir le pays avec la fin de la guerre», se console-t-il. Les inquiétudes de la vingtaine de vendeurs du centre artistique sont partagées également en ville. Le départ des troupes françaises suscite des commentaires. Les opérateurs économiques craignent une chute «brutale» et «insoutenable» de leur chiffre d’affaires. Des restaurants comme ‘’Black and white’’,’’ L’Oriental’’, ‘’Le Walè’’, des hôtels comme ‘’Mon Afrik’’ les boîtes de nuit telles que’’ Bouaké by night’’, ‘’Acier métal’’ se grattent les méninges à la recherche de solutions alternatives. C’est, en effet, dans ces endroits que les soldats français aimaient se retrouver pour manger, boire et danser. Les plats qu’ils commandent coûtent en moyenne 5.000 Fcfa. «Les soirs, il nous suffisait quelques fois de recevoir 5 clients de la Licorne ; Ce qui permettait de gagner au moins 25.000 Fcfa et la soirée était ainsi gagnée», révèle une serveuse dans un restaurant. L’un des opérateurs d’une boîte de nuit ne cache pas son amertume. «On a déjà mal en sachant simplement qu’ils vont partir. Imaginez ce que sera la situation après leur départ. Ce sont d’excellents clients. Quand ils sont dans ma boîte de nuit, je suis sûr que la recette est gagnée. Les jeunes filles qui les servent sont aussi certaines d’avoir leur pourboire qui est souvent juteux», gémit-il refusant d’avancer des montants. «Je ne veux pas que leurs supérieurs sachent ce que certains claquent comme sous en une nuit», dit-il en souriant. Des témoins attestent que ce sont des centaines de milliers de francs qui sont dépensées le week-end par ces militaires. Le monde des péripatéticiennes pleure également les soldats français. «Avec les soldats français, la passe peut coûter au moins 10.000 contre 1.000 Fcfa pour les Ivoiriens», confie une prostituée. «Au début de cette crise, alors qu’ils venaient fraîchement d’arriver en Côte d’Ivoire, des jeunes filles ont soutiré 100.000 Fcfa à ces soldats pour une simple virée nocturne sans conclusion sexuelle. Mais, aujourd’hui, les éléments de la Licorne paient beaucoup moins pour s’offrir ces jeunes filles», relève le gérant d’une boîte de nuit. Les petits cireurs de Bouaké jurent qu’ils vont également pâtir de ce départ des Français. Pour avoir ciré une paire de rangers, le petit Abou se souvient avoir perçu un billet de 1.000 Fcfa en plus de quelques bonbons et des biscuits. Il n’est pas seul dans ce cas. Des gamins de son âge reçoivent chaque jour des présents des mains des soldats de la force Licorne en patrouille dans la ville.

Allah Kouamé, correspondant régional
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