Malgré les nombreuses interpellations des autorités politiques, le fléau perdure, au grand dam des opérateurs économiques.
Ce port est classé numéro un africain en matière de productivité. Et il s’applique à redevenir la locomotive économique de la région». C’est du port autonome d’Abidjan que le directeur général Afrique du groupe Bolloré, Dominique Lafont parlait ainsi dans une interview publiée dans la dernière parution du magazine Jeune Afrique. Pour expliciter cette assertion, le même support indique que selon le classement du groupe Maersk, le port d’Abidjan présente la plus grande productivité d’Afrique, a des niveaux comparables à ceux d’Anvers ou du Havre. Il devance le dernier port avec 35 mouvements par heure et par main pour le chargement et le déchargement des navires.
Voilà donc des informations qui viennent corroborer le bond qualitatif du port grâce aux efforts de modernisation de ses dirigeants.
Seulement voilà ! Cette institution qu’on présente comme étant le poumon économique de la Côte d’Ivoire, voire de la sous-région, court actuellement le grave danger de perdre définitivement ses clients des pays de l’hinterland. A l’origine de cette menace, le racket des forces de l’ordre, en particulier des Forces nouvelles, dans la partie nord du pays. Le bilan commercial 2008 du port a révélé une perte de plus de 22% du trafic avec ces pays. Le volume global des échanges est passé de 1 278 497 tonnes de marchandises en 2007 à 1 016 148 tonnes en 2008.
Cette mauvaise courbe du trafic transit crée actuellement l’émoi au sein de la communauté portuaire d’Abidjan parce qu’elle vient contrarier les gros efforts de reconquête que ses dirigeants ont faits en direction des opérateurs économiques des pays sans façade maritime, en 2006 et 2007. On se souvient qu’après le déclenchement de la crise de septembre 2002, le trafic transit était tombé à 400 mille tonnes de marchandises en moyenne. C’est alors qu’après le séminaire de Grand-Bassam sur la compétitivité du port en 2006, le président de la communauté portuaire, Marcel Gossio, a entrepris de reconquérir les clients des pays de l’hinterland qui s’étaient tournés vers d’autres ports. Ce sont donc les résultats de ce travail qui sont en train d’être gâchés au grand désespoir de l’ensemble de la communauté portuaire d’Abidjan.
Si les nombreux appels du pied du président de la communauté portuaire et du directeur général de l’Office ivoirien des chargeurs (Oic), Bakayoko Abdouldramane, ont fini par avoir gain de cause auprès de l’Etat-major des forces armées et de sécurité (FDS), les choses piétinent encore du côté des Forces armées des Forces nouvelles. Les engagements sont pris, mais rien ne change véritablement. «La mémorable» visite du Premier ministre Soro Guillaume au port, le 27 septembre 2007, avait suscité de grands espoirs chez lesdirigeants de la communauté portuaire. Malheureusement, ils ont vite déchanté en constatant la persistance du racket aux nombreux barrages sur les axes Bouaké-Ouangolo-Pogo. Les nombreuses interpellations des autorités politiques n’y ont rien changé. Les camionneurs paient très cher pour traverser la partie nord du corridor ivoirien.
Ainsi, pour les marchandises générales, les opérateurs déboursent entre 60 mille et 400 mille francs par véhicule. Pour les hydrocarbures, il faut débourser 110 mille francs par camion. A ses droits de passage, il faut ajouter des taxes et prélèvements divers opérés dans les villes traversées qui varient entre 20 et 75 mille francs. Même les camions vides sont astreints à des paiements de droits allant de 30 mille à 50 mille francs. La Sitarail aussi n’échappe pas au rançonnement. Selon les responsables de la communauté portuaire, la société a payé plus de 300 millions de francs aux Forces nouvelles, en 2008.
Ne pouvant plus supporter ces faux frais exorbitants, nombre d’opérateurs économiques du Mali, du Burkina Faso et du Niger se sont détournés de nouveau de la Côte d’Ivoire pour les ports concurrents de la sous-région. A savoir Lomé, Cotonou, Dakar, Tema (Ghana), voire Nouakchott. De sorte que c’est la mort dans l’âme que les opérateurs économiques de la zone portuaire d’Abidjan assistent impuissants au détournement du trafic en provenance des pays du nord de la Côte d’Ivoire vers ces autres ports. Le pays a ainsi perdu, entre autres, 70% des approvisionnements maliens en produits pétroliers livrés par Petroci et 100 mille tonnes de coton burkinabé qui devaient transiter par le port d’Abidjan. Le ciment produit en Côte d’Ivoire a carrément disparu du trafic avec les pays du nord.
Bien que écœurés et malheureux devant la situation, les dirigeants de la communauté portuaire d’Abidjan n’entendent pas laisser «les choses se gâter complètement». Ils ont décidé de remonter au créneau. Aussi, après la rencontre de Yamoussoukro, où le vice-président de la communauté portuaire, Bakayoko Abdouldramane, est allé exposer le problème aux Fds et aux Fafn, est-il question de rencontrer absolument le Premier ministre. Le directeur général du port attend depuis quelques jours que cette rencontre ait lieu. Il veut pouvoir expliquer de façon directe le tort que les entraves à la libre circulation créent à l’économie nationale, notamment au port d’Abidjan.
Alakagni Hala
Attention!
C’est un Marcel Gossio au bord de la déprime qui nous a reçu jeudi soir dans son bureau. Il ne comprend pas que, malgré ses appels, l’on laisse la situation pourrir.
En effet, voilà plus d’un an que l’autorité portuaire interpelle en vain le pouvoir politique sur les dégâts du racket dans la partie nord du pays au détriment du Port autonome d’Abidjan et de l’économie ivoirienne. Tout se passe comme si l’on ne percevait pas le drame. C’est-à-dire, la possibilité de perdre définitivement des clients qui ont été les nôtres pendant des décennies, à cause de certains qui n’ont pas intérêt que le pays retrouve la normalité.
Quand ce phénomène s’accentue au moment où les efforts des dirigeants actuels du port portent leurs fruits au niveau des investissements en infrastructures, cela fait très mal.
Quand on a entendu les minéraliers nigériens, burkinabé et maliens dire qu’ils n’ont que le Port autonome d’Abidjan pour exporter leur uranium et leur manganèse, on comprend alors, que ce serait dommage qu’ils soient obligés de se tourner vers d’autres ports.
Il est vrai que le port d’Abidjan a une longueur d’avance sur les autres sur le plan des infrastructures, mais il ne faut pas croire que ces ports ne profiteraient pas de la situation pour s’équiper. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui s’est passé pendant les années de crise que le pays a connues ?
Le numéro un européen de la manutention vrac, Sea Invest, va débarquer le 22 février des grues ultra modernes pour le terminal minéralier. Si les minerais du Burkina Faso, du Niger et du Mali ne peuvent pas arriver au port d’Abidjan, d’autres investisseurs pourraient offrir les mêmes moyens aux autres ports pour les accueillir.
Face à la persistance du racket dans la partie nord du corridor ivoirien, les dirigeants du port se demandent aujourd’hui qu’elles assurances ils peuvent encore donner à leurs partenaires des pays de l’hinterland. Tout au long de 2007, ils leur ont assuré qu’ils pouvaient reprendre le chemin de la Côte d’ Ivoire «car la guerre est finie». En le disant, ils ne savaient certainement pas qu’il y avait une autre guerre à vaincre… celle du racket. Le corridor en a été quelque peu libéré dans la partie sud. Mais le problème reste entier au nord. Et comble de malheur, «cela semble n’émouvoir aucune autorité», faisait remarquer récemment un responsable de la communauté portuaire.
Du 12 au 15 mars, se tiendra à Bamako un salon sur les transports en Afrique de l’ouest (Sitrao). C’est une opportunité pour l’ensemble des opérateurs de la plate forme portuaire d’y vendre leurs services. Mais compte tenu du problème du corridor, l’on se demande du côté du port si cela vaut la peine d’y aller. Pourtant, la Côte d’Ivoire ne peut s’offrir le luxe d’être absent à un tel rendez-vous… Mais l’amertume et le dépit des uns et des autres sont compréhensibles. Notamment le directeur général du port qui dit prendre le peuple de Côte d’Ivoire à témoin quant à ce qui se passe.
Vraiment, il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités.
A. Hala
Ce port est classé numéro un africain en matière de productivité. Et il s’applique à redevenir la locomotive économique de la région». C’est du port autonome d’Abidjan que le directeur général Afrique du groupe Bolloré, Dominique Lafont parlait ainsi dans une interview publiée dans la dernière parution du magazine Jeune Afrique. Pour expliciter cette assertion, le même support indique que selon le classement du groupe Maersk, le port d’Abidjan présente la plus grande productivité d’Afrique, a des niveaux comparables à ceux d’Anvers ou du Havre. Il devance le dernier port avec 35 mouvements par heure et par main pour le chargement et le déchargement des navires.
Voilà donc des informations qui viennent corroborer le bond qualitatif du port grâce aux efforts de modernisation de ses dirigeants.
Seulement voilà ! Cette institution qu’on présente comme étant le poumon économique de la Côte d’Ivoire, voire de la sous-région, court actuellement le grave danger de perdre définitivement ses clients des pays de l’hinterland. A l’origine de cette menace, le racket des forces de l’ordre, en particulier des Forces nouvelles, dans la partie nord du pays. Le bilan commercial 2008 du port a révélé une perte de plus de 22% du trafic avec ces pays. Le volume global des échanges est passé de 1 278 497 tonnes de marchandises en 2007 à 1 016 148 tonnes en 2008.
Cette mauvaise courbe du trafic transit crée actuellement l’émoi au sein de la communauté portuaire d’Abidjan parce qu’elle vient contrarier les gros efforts de reconquête que ses dirigeants ont faits en direction des opérateurs économiques des pays sans façade maritime, en 2006 et 2007. On se souvient qu’après le déclenchement de la crise de septembre 2002, le trafic transit était tombé à 400 mille tonnes de marchandises en moyenne. C’est alors qu’après le séminaire de Grand-Bassam sur la compétitivité du port en 2006, le président de la communauté portuaire, Marcel Gossio, a entrepris de reconquérir les clients des pays de l’hinterland qui s’étaient tournés vers d’autres ports. Ce sont donc les résultats de ce travail qui sont en train d’être gâchés au grand désespoir de l’ensemble de la communauté portuaire d’Abidjan.
Si les nombreux appels du pied du président de la communauté portuaire et du directeur général de l’Office ivoirien des chargeurs (Oic), Bakayoko Abdouldramane, ont fini par avoir gain de cause auprès de l’Etat-major des forces armées et de sécurité (FDS), les choses piétinent encore du côté des Forces armées des Forces nouvelles. Les engagements sont pris, mais rien ne change véritablement. «La mémorable» visite du Premier ministre Soro Guillaume au port, le 27 septembre 2007, avait suscité de grands espoirs chez lesdirigeants de la communauté portuaire. Malheureusement, ils ont vite déchanté en constatant la persistance du racket aux nombreux barrages sur les axes Bouaké-Ouangolo-Pogo. Les nombreuses interpellations des autorités politiques n’y ont rien changé. Les camionneurs paient très cher pour traverser la partie nord du corridor ivoirien.
Ainsi, pour les marchandises générales, les opérateurs déboursent entre 60 mille et 400 mille francs par véhicule. Pour les hydrocarbures, il faut débourser 110 mille francs par camion. A ses droits de passage, il faut ajouter des taxes et prélèvements divers opérés dans les villes traversées qui varient entre 20 et 75 mille francs. Même les camions vides sont astreints à des paiements de droits allant de 30 mille à 50 mille francs. La Sitarail aussi n’échappe pas au rançonnement. Selon les responsables de la communauté portuaire, la société a payé plus de 300 millions de francs aux Forces nouvelles, en 2008.
Ne pouvant plus supporter ces faux frais exorbitants, nombre d’opérateurs économiques du Mali, du Burkina Faso et du Niger se sont détournés de nouveau de la Côte d’Ivoire pour les ports concurrents de la sous-région. A savoir Lomé, Cotonou, Dakar, Tema (Ghana), voire Nouakchott. De sorte que c’est la mort dans l’âme que les opérateurs économiques de la zone portuaire d’Abidjan assistent impuissants au détournement du trafic en provenance des pays du nord de la Côte d’Ivoire vers ces autres ports. Le pays a ainsi perdu, entre autres, 70% des approvisionnements maliens en produits pétroliers livrés par Petroci et 100 mille tonnes de coton burkinabé qui devaient transiter par le port d’Abidjan. Le ciment produit en Côte d’Ivoire a carrément disparu du trafic avec les pays du nord.
Bien que écœurés et malheureux devant la situation, les dirigeants de la communauté portuaire d’Abidjan n’entendent pas laisser «les choses se gâter complètement». Ils ont décidé de remonter au créneau. Aussi, après la rencontre de Yamoussoukro, où le vice-président de la communauté portuaire, Bakayoko Abdouldramane, est allé exposer le problème aux Fds et aux Fafn, est-il question de rencontrer absolument le Premier ministre. Le directeur général du port attend depuis quelques jours que cette rencontre ait lieu. Il veut pouvoir expliquer de façon directe le tort que les entraves à la libre circulation créent à l’économie nationale, notamment au port d’Abidjan.
Alakagni Hala
Attention!
C’est un Marcel Gossio au bord de la déprime qui nous a reçu jeudi soir dans son bureau. Il ne comprend pas que, malgré ses appels, l’on laisse la situation pourrir.
En effet, voilà plus d’un an que l’autorité portuaire interpelle en vain le pouvoir politique sur les dégâts du racket dans la partie nord du pays au détriment du Port autonome d’Abidjan et de l’économie ivoirienne. Tout se passe comme si l’on ne percevait pas le drame. C’est-à-dire, la possibilité de perdre définitivement des clients qui ont été les nôtres pendant des décennies, à cause de certains qui n’ont pas intérêt que le pays retrouve la normalité.
Quand ce phénomène s’accentue au moment où les efforts des dirigeants actuels du port portent leurs fruits au niveau des investissements en infrastructures, cela fait très mal.
Quand on a entendu les minéraliers nigériens, burkinabé et maliens dire qu’ils n’ont que le Port autonome d’Abidjan pour exporter leur uranium et leur manganèse, on comprend alors, que ce serait dommage qu’ils soient obligés de se tourner vers d’autres ports.
Il est vrai que le port d’Abidjan a une longueur d’avance sur les autres sur le plan des infrastructures, mais il ne faut pas croire que ces ports ne profiteraient pas de la situation pour s’équiper. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui s’est passé pendant les années de crise que le pays a connues ?
Le numéro un européen de la manutention vrac, Sea Invest, va débarquer le 22 février des grues ultra modernes pour le terminal minéralier. Si les minerais du Burkina Faso, du Niger et du Mali ne peuvent pas arriver au port d’Abidjan, d’autres investisseurs pourraient offrir les mêmes moyens aux autres ports pour les accueillir.
Face à la persistance du racket dans la partie nord du corridor ivoirien, les dirigeants du port se demandent aujourd’hui qu’elles assurances ils peuvent encore donner à leurs partenaires des pays de l’hinterland. Tout au long de 2007, ils leur ont assuré qu’ils pouvaient reprendre le chemin de la Côte d’ Ivoire «car la guerre est finie». En le disant, ils ne savaient certainement pas qu’il y avait une autre guerre à vaincre… celle du racket. Le corridor en a été quelque peu libéré dans la partie sud. Mais le problème reste entier au nord. Et comble de malheur, «cela semble n’émouvoir aucune autorité», faisait remarquer récemment un responsable de la communauté portuaire.
Du 12 au 15 mars, se tiendra à Bamako un salon sur les transports en Afrique de l’ouest (Sitrao). C’est une opportunité pour l’ensemble des opérateurs de la plate forme portuaire d’y vendre leurs services. Mais compte tenu du problème du corridor, l’on se demande du côté du port si cela vaut la peine d’y aller. Pourtant, la Côte d’Ivoire ne peut s’offrir le luxe d’être absent à un tel rendez-vous… Mais l’amertume et le dépit des uns et des autres sont compréhensibles. Notamment le directeur général du port qui dit prendre le peuple de Côte d’Ivoire à témoin quant à ce qui se passe.
Vraiment, il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités.
A. Hala