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Art et Culture Publié le samedi 28 février 2009 | Fraternité Matin

Alpha Blondy : “La mendicité des hommes en uniforme est insupportable”

Après une tournée italienne tip-top, Alpha Blondy a posé ses valises pour trois jours à Paris. Où nous l’avons rencontré.

Vous avez reçu les condoléances du Chef de l’Etat en personne à votre domicile. Quel effet cela vous fait-il avec du recul?

Je vous avoue que j’ai été très ému, très touché par cet honneur que le Chef de l’Etat a eu à mon égard et à celui de ma famille. Vraiment, je ne taris pas de remerciements pour lui. Honnêtement, j’ai été très surpris par cet humanisme dont le Président a fait preuve. Beaucoup d’Ivoiriens m’ont d’ailleurs exprimé leur émotion. Ils m’ont dit aussi que le Président Gbagbo les avait «battus» par sa simplicité, et sa sensibilité à la douleur d’un non politique.

Que répondez-vous à ceux qui affirment, péremptoire, que ce geste a un relent politique?

Je ne voudrais pas souscrire à ce genre d’assertion. Je souhaiterais que pour une fois, nous sortions de cette guéguerre politicienne et que nous glorifions tous ce côté humaniste du Président de la République. Ok, je ne voudrais pas que la politique tue l’humanisme qui caractérise l’Ivoirien. Les Ivoiriens sont un peuple épris d’amour et de paix. Ils ne sont pas vindicatifs comme on veut le faire croire. Je souhaiterais, pour une fois, que l’on passe outre les interprétations politiciennes.

Sortons de la Côte d’Ivoire. Comment voyez-vous l’impact de la crise financière mondiale sur notre pays ?

Je crois que tôt ou tard, toute l’Afrique sera frappée de plein fouet par cette crise. Même si on nous fait croire le contraire.

Ecoutez, la majorité de nos banques sont des succursales des grandes banques européennes. Et quelque part, si les banques européennes ont des problèmes, par effet domino, nous subirons les mêmes problèmes, sinon davantage !

Je pense que pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, la crise financière vient s’ajouter à une crise politique très aiguë qui, fort heureusement, est en train de se calmer. Dans la mesure où les armes se sont tues. Et que le dialogue, lui, est en train de prendre le dessus.

Ce concours de circonstances malheureuses doit amener nos hommes politiques à se donner la main comme aux Etats-Unis.

Ce n’est pas le Fpi seul qui pourra faire face à la crise financière en Côte d’Ivoire ! Ce n’est pas le Pdci ou le Rhdp seuls qui devront y faire face, mais tous ensembles. Unis dans l’intérêt supérieur de la patrie.

Je prie du fond de mon cœur que Dieu les éclaire tous dans le sens d’une paix véritable.

Si tous ces grands pays du Nord, qui sont menacés par la banqueroute, font des pieds et des mains pour trouver les moyens de rebondir, nos dirigeants gagneraient à s’en inspirer. Car, l’heure n’est plus aux petites querelles de clocher.

Laissons de côté les attitudes babyloniennes pour réfléchir au bonheur du peuple ivoirien.

Je peux vous affirmer que s’ils échouent à cette mission divine, nos hommes politiques auront à répondre devant l’Histoire.

Des élections viables sont-elles possibles selon vous en Côte d’Ivoire et quand ?

Très honnêtement, vu comment les choses ont été embrayées, il y a des chances que les élections se déroulent en 2010. Mais au préalable, il faudrait désarmer les esprits malsains. Il y a beaucoup de choses qui me dérangent à l’heure actuelle.

Quoi par exemple ?

Je ne voudrais pas entrer dans les détails. Je souhaite que les uns et les autres s’attelent à la réussite des présidentielles, car le monde entier nous regarde.

Je crois humblement que si les hommes politiques veulent vraiment que la crise prenne fin, il serait souhaitable que ce soit le Président Gbagbo qui gagne ces élections.

Ah bon !

Oui, il serait souhaitable que Laurent Gbagbo remporte les prochaines élections afin qu’il finisse son programme dans la sérénité. Qu’il puisse travailler et montrer aux Ivoiriens ce qu’il avait comme projets pour eux. Librement !

S’il venait à perdre ces élections il serait légitime de sa part de dire qu’il ne reconnaît pas la victoire du camp adverse. Ce qui pourrait soulever une autre rébellion. Que je ne souhaite pas.

Nous ne comprenons pas bien…

Si Gbagbo a l’occasion de montrer de quoi il est capable ne serait-ce qu’au cours d’un vrai mandat , les rancoeurs auront disparues de son côté et le terrain politique déminé et libre.

S’il perd, il peut légitimement dire que le pays est toujours coupé en deux ! Que ses adversaires ont tout fait pour saboter son programme qui, malheureusement n’a pas pu voir le jour à cause de la guerre ! Je sais qu’on dira que j’ai un parti pris. En tous cas, si moi j’étais à la place de celui qui est au pouvoir, il me serait difficile d’accepter une défaite dans ces conditions-là, ok ? Avec un côté du pays occupé par la rébellion –donc visibilité zéro- un gouvernement tiraillé par les partis d’opposition, des ministères dirigés dans certains cas par des «CP2». Je ne voudrais sacrifier personne. Ni l’opposition, ni le pouvoir. Voilà pourquoi je pense qu’il serait intelligent de la part des politiques de trouver un consensus réparateur à cette crise.

Ceci dit, j’attends avec enthousiasme celui ou celle, quel que soit son bord politique, qui fera disparaître le concept de l’ivoirité. Car jusqu’ici encore, ils s’en servent tous ! Quand ça les arrange. L’opposition s’en sert, le pouvoir aussi, quand ça l’arrange. Ok ? Et cela ne doit pas perdurer parce que cela met en péril l’unité nationale.

Le bruit court que vous avez repris du service à l’Onu. Info ou intox?

Pour reprendre, il faut avoir lâché (Rires.) Ecoutez, «avant», je faisais mon combat, «pendant» je faisais encore mon combat. Je ne sais quand l’ «après» commencera mais dans tous les cas, la paix dans la grande famille ivoirienne est ma préoccupation principale.

Je continue néanmoins de côtoyer les gens de l’Onu. Ils m’ont d’ailleurs invité récemment aux Etats-Unis pour assister à l’investiture du Président Barak Obama. Mais j’ai décliné l’offre parce que je m’occupais de ma famille et de mon frère Pinto qui vient malheureusement de décéder. Le titre d’Ambassadeur de la paix, c’est bien beau mais je voudrais qu’on passe à quelque chose de plus positif dans la crise ivoirienne, you know ! Il faut que la Côte d’Ivoire soit notre priorité à tous. Aussi bien celle de l’Onuci que celle de tous nos chefs de partis. Nous n’avons pas le droit d’hypothéquer l’avenir de ce pays qui nous a tout donné.

Que vous inspire justement l’élection d’Obama à la Maison Blanche?

Depuis qu’Obama a été élu, les Usa s’étendent de Washington à l’Afrique du sud en passant par Abidjan, Dakar, Nairobi, Lagos et j’en passe ! C’est toute l’Afrique et toute la diaspora noire qui a été élue. Quelque part, cette justice divine doit nous encourager. Nous devons tous mériter le respect par le travail. Par le savoir-faire.

En France par exemple, il faut que nos frères de la diaspora arrêtent de raser les murs. Qu’ils arrêtent de jouer les seconds rôles dans les films à deux balles. Il faut que les jeunes de la diaspora visent plus haut. Qu’ils arrêtent de se contenter d’être des rappeurs – je n’ai rien contre le rap- et qu’ils aillent à la conquête du pouvoir !

Je suis pressé de voir un Mamadou devenir Président de la République française. Tout comme Nicolas Sarkozy, fils d’immigrés hongrois ! C’est bien la preuve que la France est un grand pays démocratique.

Une lutte anti-corruption bat son plein en Côte d’Ivoire. Doit-on, selon vous, considérer cela comme du bluff ou une nouvelle façon de gouverner?

Pour moi, c’est une nouvelle façon de faire la politique. Ce qui est déplorable c’est qu’en Côte d’Ivoire depuis longtemps, la corruption est devenue une sorte de tradition. Quelque chose de légal. Ce qui me désole c’est de voir aujourd’hui que les agents de police sont dans la mendicité, les gendarmes sont dans la mendicité, les militaires, armes au poing, sont eux aussi dans la mendicité ! On voit tout cela aussi bien dans les zones gouvernementales que dans celles des Forces nouvelles. La mendicité des hommes en uniformes est devenue insupportable, you know !

Regardez par exemple les rues d’Abidjan. Avant, c’était les enfants qui s’y installaient pour demander à manger. Maintenant, il y a non seulement ces enfants, mais plus grave ceux qu’on appelle «les corps habillés». Cela ne donne pas une bonne image de la Côte d’Ivoire.

C’est vrai que l’économie bat de l’aile, et que pour ce faire, il est urgent de créer des emplois pour relancer la consommation, donc l’activité économique. Mais pour ceux qui ont déjà du boulot, il faut savoir rester digne dans sa galère. Avec son petit salaire. C’est vrai, c’est difficile, c’est pourquoi j’ai même écrit une chanson, «Wari», dans laquelle je dis que «les policiers sont mal payés» etc. Mais lorsque les gens d’armes sont dans une mendicité constante, pour ne pas dire chronique, c’est dangereux pour la stabilité du pays ! Parce que n’importe qui peut passer avec un camion chargé d’armes ici ou là. Il suffirait qu’il paie, you know ? Alors, si l’on veut éviter qu’une autre rébellion n’éclate encore quelque part dans le pays, il faut réarmer moralement nos forces de l’ordre.

Il y a aussi la corruption à grande échelle qui est énergiquement combattue actuellement. Mais seul, le Président Gbagbo ne peut pas tout. C’est un véritable cancer social. Il va falloir une solidarité nationale pour qu’on puisse en venir à bout.

Au Ghana par exemple, ils ont réussi à mettre fin à ça, au Mali pareil ! Pourquoi pas chez nous ? Nous sommes un miroir pour les autres, un pays riche de sa diversité et économiquement fort. Il faut que nous sachions le rester !

Pour ma part et avec les petits moyens dont je dispose, je compte mettre sur pied une Ong qui va s’appeler La fin de la faim et qui va ouvrir des restos du cœur à Abidjan à partir du mois d’Avril.

En quoi cela va-t-il consister exactement ?

Nous allons ouvrir des centres de restauration à Abidjan. Où les plus démunis de nos frères et sœurs pourront venir manger entre 11h et 18h tous les jours.

Ce n’est pas un poisson d’avril? Rassurez-moi !

Non ! Non ! Non, je suis très sérieux là !

Vous avez stigmatisé les coups d’Etat en Afrique à travers vos chansons mais le phénomène continue. Avec le cas de la Guinée tout récemment…

Pour moi, un coup d’Etat demeure un acte anti-démocratique.

Quelles que soient les raisons ou alibis qu’on va donner, un coup d’Etat demeure un acte anti démocratique.

Je pense qu’en Guinée, il existait déjà des institutions –corrompues ou pas. Le Président mort, on aurait dû laisser ces structures démocratiques fonctionner pour permettre au peuple de choisir son leader en toute liberté. Si l’Afrique veut soigner son image, il va falloir renoncer à ce genre de prétextes pour valider des actes anti-démocratiques.

Je n’ai jamais vu de démocratie militaire à travers le monde. Cela n’existe pas ! Alors qu’on n’essaie pas de nous la faire à l’envers. En voulant nous faire croire que la démocratie militaire va sauver une Afrique en quête de crédibilité aux yeux de la communauté internationale.

Si nous constatons l’inefficacité de l’Union africaine à condamner ces coups d’Etat de façon énergique, c’est bien parce que 90% des chefs d’Etat qui y siègent sont arrivés au pouvoir par des voies antidémocratiques. Et c’est dommage !

Un mot sur la musique?

Je prépare avec le Solar System une tournée qui va nous mener à partir de mars en Amérique, en Australie, en Nouvelle Zélande, au Vanuatu et bien d’autres pays de cette région du monde. Et puis au mois de mai, je serai au Zénith de Paris comme tous les ans pour communier avec mes frères de la diaspora.

Interview réalisée par Momo Louis
Correspondant permanent en France
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