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Société Publié le mardi 3 mars 2009 | Fraternité Matin

Extension de l’âge de la retraite : Oulaye s`explique • Les travailleurs se prononcent sur les avantages et les inconvénients de la réforme

La nouvelle réglementation, qui régit depuis le 1er janvier 2009 les carrières dans la Fonction publique, est diversement appréciée.

A quoi répond le besoin d’augmenter l’âge de la retraite?

Il y avait, ceux qui partaient à la retraite à 55 ans, d’autres à 60 et des régimes spéciaux, notamment les enseignants du supérieur de rang A, tels les maîtres de conférences, les professeurs titulaires, les magistrats, les préfets, etc. Désormais, on ne part plus à la retraite à la Fonction publique, en ce qui concerne, à titre d’exemple les fonctionnaires de la catégorie D jusqu’à la catégorie A3, à 55 ans, mais plutôt à 57 ans. Il faut dire que ces mesures ne sont pas prises par souci d’apaisement, puisqu’il n’y avait pas véritablement de mouvement social autour de la question. Il y avait plutôt une demande. Et en plus, elle répond à d’autres raisons.

Lesquelles?

Les fonctionnaires, dans leur majorité, ont toujours demandé une augmentation de la limite d’âge de retraite. Pour l’Etat, les mesures prises entraînent forcément un gain de personnel, parce que parmi ceux qui partent à 55 ans, il y a les personnels de santé, les instituteurs et à une date récente, les professeurs de collèges et lycées. Pour cette dernière catégorie, nous avons procédé à un reclassement. Ainsi, tous ceux qui à l’époque étaient des professeurs licenciés ou certifiés, de grade A2 et A3 sont désormais au grade A4. Ils partent à la retraite à 60 ans. En procédant ainsi, on évite de se séparer de personnes qui sont encore bonnes pour le service. C’était bien souvent le cas de certains instituteurs, qui, commençant le service avec le Bepc, partaient très jeunes à la retraite.

La seconde raison est que nos partenaires, à savoir les bailleurs de fonds, ont estimé que pour assurer l’équilibre de la Caisse générale de retraite des fonctionnaires et agents de l’Etat (Cgrae), il fallait procéder à une augmentation de la limite d’âge. Ce changement de position a rencontré notre adhésion et nous avons obtenu du Chef de l’Etat qu’il signe le décret dans ce sens, dans l’intérêt de beaucoup de fonctionnaires qui partent à la retraite en cette période de crise. Ils ont ainsi deux années pour mieux se préparer.

Cela ne va-t-il pas se ressentir sur la qualité du service?

Le décret est transitoire. L’objectif n’est pas de s’arrêter à 57 ans mais 60. Une mesure transitoire ne va pas sans incidence financière et sans la baisse de la qualité de vie. A partir de 55 ans, on est dans une phase de vie déclinante et cela se ressent sur la qualité du service. Nous avons donc besoin de savoir les emplois pour lesquels, il faut maintenir l’âge de départ à la retraite à 55 ans et ceux pour lesquels nous pouvons progresser sans grand risque vers 60 ans, et peut-être même 62 ans si cela est avéré. Lorsque nous aurons terminé les études au niveau des réformes administratives, nous reviendrons pour proposer une catégorisation plus nette. Il s’agit d’un objectif à atteindre d’ici à 2011.

Si certains peuvent se réjouir de ne plus partir à la retraite après 30 ans de service, ce n’est pas le cas de jeunes gens qui aspirent à un emploi. Est-ce que maintenir certains travailleurs n’empêche pas le recrutement de jeunes diplômés?

Nous avons tenu compte de cette donnée importante. Comment assurer un équilibre entre le personnel à renouveler et le personnel à maintenir ? C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles ce décret est transitoire. Parce que si nous décidons désormais de passer à 60 ans, nous aurons des problèmes pour assurer un recrutement dans les prochaines années. Il s’agit donc pour nous d’équilibrer les sorties et les entrées, et surtout de faire en sorte que le maintien des employés ne soit pas préjudiciable à l’entrée dans la fonction publique, qui a forcément besoin de renouveler ses forces de travail. Au niveau de nos partenaires au développement, la demande de relèvement répond également, comme nous le signalions tantôt, au souci d’équilibrer les comptes de la Cgrae, parce que si vous ne cotisez pas longtemps et suffisamment, il n’y aura pas, au moment du départ à la retraite, suffisamment de remplaçants. On aura très peu d’actifs cotisants pour beaucoup d’inactifs.

Le principe d’équilibre induit-il une augmentation des cotisations des travailleurs?

Chaque chose se fera en son temps, parce que la réforme de la Cgrae est en marche. Il y a eu des études actuarielles. Nous avons fait les dernières observations, il y a quelques mois, avant que le texte ne parte au niveau du gouvernement. Donc tout est mené avec harmonie. Et si nous voulons forcément atteindre l’équilibre de la Cgrae, nous serons obligés de demander aux cotisants de mettre un peu plus la main à la poche. Ce sera d’ailleurs la même chose au niveau de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), avec qui nous évoluons parallèlement.

Les personnels du privé et des établissements publics nationaux sont-ils concernés par la mesure?

En ce qui concerne le privé, le directeur général de la Cnps qui a mené lui aussi des études actuarielles afin d’assurer l’équilibre de la Cnps vous en parlera plus amplement.

Quant aux Epn, nous comptons très rapidement proposer un texte qui tienne compte de l’évolution de la situation. Nous avons aujourd’hui de nombreux cadres valides qui sont obligés de partir à 55 ans alors qu’on a encore besoin d’eux.

Peut-on avoir une idée de ce que cette mesure va avoir comme incidence sur le budget de l’Etat?

L’incidence, en ce qui concerne le budget de l’Etat, est à rechercher entre le nombre de personnes qui sortent du système et ceux que nous pourrons faire entrer. Tout cela n’est pas encore finalisé. Toutefois, il faut souligner que l’augmentation de l’âge de la retraite à 57 ans vient après la suppression du départ à la retraite après 30 années de service. Après l’avoir opéré en 2007, nous avons une moyenne de départ à la retraite annuelle d’environ 3000 personnes. Nous sommes alors descendus à la moitié. Il est évident qu’en portant à 57 ans l’âge de la retraite, nous faisons reculer le départ. Mais tout ceci est pris en compte au niveau du budget de l’Etat.

Trois mille partent annuellement. Est-ce qu’on peut avoir une idée du nombre de ceux qui entrent et du nombre total de fonctionnaires en Côte d’Ivoire?

Le nombre moyen de fonctionnaires recrutés est de l’ordre de 7000. Mais ces trois dernières années, nous avons procédé à des recrutements exceptionnels qui l’ont porté à peu près à 10.000. Nous faisons allusion aux 1200 médecins recrutés il y a deux ans, ainsi qu’aux enseignants pour pouvoir répondre à un besoin pressant. Tout ceci ne sera pas continu. Nous serons obligés, pour les années à venir, de redescendre à une barre qui nous permette d’assurer un équilibre de la masse salariale des fonctionnaires qui sont au nombre d’environ 114.000.

Le décret a été pris par rapport à la crise et en plus, il prend effet à compter du 1er janvier 2009. N’y a-t-il pas d’injustice, pour les travailleurs partis en décembre dernier?

Il faut bien commencer quelque part. Si nous avions pris en compte l’année 2008, ceux de 2007 auraient dit la même chose. Nous sommes confrontés à ces considérations. Il ressort des concertations avec le ministère de l’Economie et des Finances, qu’il est pertinent de partir du 1er janvier 2009. Il y a même eu, au niveau de mes services, en prévision de ce décret, un papier qui a circulé que nous avons dû rattraper. Ses auteurs avaient le souci de faire partie des personnes qui ne partent pas. Mais nous ne pouvions rien faire avant que le Président de la République n’ait signé et que toutes les dispositions aient été prises.

Quelle est la réaction des bénéficiaires du décret portant extension de l’âge de la retraite?

Ils ne nous ont encore rien dit. Mais il faut souligner qu’il s’agit d’un vieux souhait des syndicats. Dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres africains, les fonctionnaires craignent la retraite parce qu’ils ne l’ont pas suffisamment préparée. Quand on va à la retraite, il y a une dimunition du revenu, donc beaucoup demandent une rallonge.

Cela dit, nous pensons que, comme toute mesure, elle fera plaisir à certains, pendant que d’autres souhaiteront partir plus tôt. Dans tous les cas, ils auront le choix.

J’invite les fonctionnaires à l’apaisement. L’Etat fait de son mieux. Le forum social a égrené une série de problèmes. Nous sommes en train de les étudier, en prenant le temps de bien en cerner les contours. Nous ne sommes pas dans une situation normale, beaucoup l’oublient.

Où en est-on du contrôle du fichier des fonctionnaires? Quand cette opération va-t-elle débuter?

Le recensement des fonctionnaires va se faire. Il nous permettra de mettre en place le fichier unique de référence. Il s’agit d’un système de gestion plus rapproché du personnel, informatisé. Le recensement nous donnera les bases et permettra de vérifier que ce fichier est exempt de fonctionnaires fictifs. Rappelons que cette notion renvoie aux personnes qui n’existent pas du tout, à celles qui, bien que décédées, continuent d’être payées, ou aux fonctionnaires ayant une double rémunération ou même ayant des rémunérations qui ne correspondent pas à leurs grades, etc.



Interview réalisée par Josette Barry et Marcelline Gneproust
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