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Société Publié le mardi 3 mars 2009 | Le Nouveau Réveil

Salaire des enseignants du supérieur - Pr. Traoré Flavien (porte-parole de la CNEC), au ministre Hubert Oulaye : "Attendre 2010, c`est une plaisanterie"

La Coordination nationale des enseignants et chercheurs du supérieur (CNEC) est maintes fois entrée en grève paralysant l'université et les grandes écoles. Les enseignants du supérieur revendiquent une meilleure condition salariale. Le porte-parole de la CNEC, Pr. Traoré Flavien, dans cette interview, a affirmé que cette fois, l'heure n'est pas aux arrêts de travail. Toutefois, il met en garde le ministre de la Fonction publique.


Pr, vous avez organisé récemment une conférence de presse pour dénoncer certains comportements. De quoi s'agit-il exactement ?

Le ministre de la Fonction publique nous a reçus et il a dit que compte tenu des difficultés du pays, il ont pu honorer le décret portant grille salariale des enseignants chercheurs du supérieur à moitié. L'assemblée générale de la CNEC s'est réunie pour analyser la situation. Le ministre de la Fonction publique et de l'emploi promet de payer l'intégralité de ce qui a été promis avec rappel au 1er janvier 2010. Il s'est même engagé avec le ministre de l'Economie et des finances à signer un document engageant l'Etat de Côte d'Ivoire dans ce sens.


Quelle a été la réaction des enseignants du supérieur sur cette proposition ?

Après analyse de cette proposition, les enseignants du supérieur ont dénoncé cette attitude du gouvernement parce que nous n'avons pas été consultés avant la prise de cette décision. Les enseignants du supérieur ont exprimé leur mécontentement car ils ont estimé que c'était un mépris des cadres supérieurs. Ils ont décidé que le gouvernement paie l'intégralité du salaire indiciaire dû au titre de cette grille particulière maintenant parce que certains de nos collègues qui ont lutté peuvent aller à la retraite. Ils ont lutté et attendu plus d'un an pour voir l'application d'un décret qu'ils ont obtenu. Donc en allant à la retraite, il faudrait qu'ils aient l'intégralité du salaire indiciaire promis.


A combien s'élève ce salaire ?

Nous avons reproché au gouvernement d'avoir étalé nos salaires dans les journaux contrairement à certaines corporations. Les policiers, les militaires ont vu leurs salaires revalorisés mais cela n'a pas été expliqué sur les antennes. Je ne voudrais pas être celui-là même qui va enfoncer le clou en publiant le salaire des enseignants du supérieur dans la presse. L'assemblée générale a donc décidé que le salaire indiciaire promis au titre du décret soit immédiatement appliqué. La prime académique et la prime d'encadrement qui ont été également promises et payées à moitié doivent intégralement être payées en fin mars avec le rappel de janvier et de février. L'AG a aussi demandé que l'ancienneté soit prise en compte car il est inconcevable qu'un maître de conférence qui enseigne depuis 15 ans ait le même salaire qu'un autre maître de conférence qui vient à peine d'obtenir le grade. Cette injustice doit être corrigée. Dans la mesure où nous sommes dans une grille particulière, nous souhaitons avoir un glissement catégoriel tous les deux ans avec effet financier. Comme l'ont toujours bénéficié les magistrats, les policiers et les militaires. Voici donc autant de revendications que l'AG a demandé au bureau exécutif de la CNEC d'aller négocier avec le ministre de la Fonction publique.


Avez-vous rencontré le ministre de la Fonction publique et quelle a été sa réponse ?

Nous avons souhaité depuis lors de rencontrer le ministre de la Fonction publique sans succès. J'étais en mission d'enseignement à Daloa et j'ai dit que ce serait le jeudi 26 février que je pourrai conduire une délégation au ministère de la Fonction publique. Mais jusque-là, on ne m'a pas encore appelé.


Le ministre vous renvoie à 2010. Est-ce que vous êtes prêts à accepter cette date ?

Nous avons attendu plus d'un an avant l'application de ce décret pour montrer notre bonne foi et notre esprit patriotique. Cela devient de la plaisanterie si nous attendons jusqu'à 2010. C'est pourquoi, nous exigeons, selon l'AG, que le salaire incidiaire soit immédiatement payé…


Dans le cas contraire, quelle attitude la CNEC va-t-elle adopter ?

L'AG avisera du comportement adopté. Pour les primes, nous exigeons qu'elles soient payées en fin mars avec un rappel de janvier et février. Nous demandons de rencontrer le ministre de la Fonction publique car nous avons l'impression qu'il veut gagner du temps. C'est pour cela que nous avons organisé une conférence de presse afin d'informer largement l'opinion nationale. Nous avions voulu rencontrer la presse après notre réunion avec le ministre. Puisque cela faisait deux à trois semaines que nous n'arrivons pas à le croiser, nous avons donc organisé cette conférence de presse pour informer la nation sur une possibilité d'entrer en action de la CNEC. A notre AG passée, certains ont demandé un arrêt de travail de 48 heures pour marquer notre indignation. Mais cette décision n'a pas été suivie majoritairement. Nous comprenons pour autant les médecins d'avoir observé un arrêt de travail. Nous sommes tout de même l'élite de ce pays, donc si une décision doit être prise nous concernant, nous devons être consultés. Lorsqu'on nous met devant le fait accompli, nous disons qu'il y a une frustration.


Qu'en est-il des courriers que vous avez adressés aux autorités ?

Le CNEC est une organisation républicaine. Cela fait plus de deux ans que nous avons adressé un courrier au ministre de la Fonction publique pour le Chef de l'Etat, ce courrier n'est jamais arrivé à destination. Nous avons remis un courrier de remerciements au ministre Allah Kouadio Rémi pour le premier ministre Charles Konan Banny qui est resté sans suite. Nous avons aussi demandé à rencontrer le premier ministre Soro Guillaume par l'entremise du ministre Cissé Bacongo pour le remercier, le courrier est toujours sans suite. Nous allons encore faire des lettres pour remercier le gouvernement dans sa pluralité. Mais si nous n'avons pas de réponse, nous n'allons pas forcer comme les autres le font. Et nous resterons à notre place. Nous ne voulons pas forcément remercier.


Il faut obtenir au minimum le doctorat pour pouvoir enseigner à l'université. Est-ce que vous êtes payés en fonction ?

Je préfère que vous dites une thèse. Avant, c'était les thèses de 3e cycle et les thèses d'Etat. Mais maintenant ce sont les thèses d'université. Le salaire qui nous est servi est dérisoire. Je prends mon exemple : j'ai eu le bac et j'ai fait 4 ans à l'Université et 5 ans en Europe pour avoir ma thèse. Puis j'ai été engagé à l'université de Cocody où j'ai commencé avec 300.000F. Quelque temps après, je suis devenu maître assistant avec un salaire de 430.000. Pour les salaires en tant que maître de conférence je touchais 600.000F et le professeur titulaire touchait 700.000F. Ce sont ces salaires qui font que souvent l'on parle de démission des intellectuels. Les intellectuels sont infantilisés, ils ne sont pas rémunérés comme il faut si bien qu'ils préfèrent faire autre chose. Il n'est pas rare de voir un intellectuel qui cherche à faire une plantation d'hévéa ou vouloir devenir président d'un conseil général parce que l'activité intellectuelle à laquelle il s'est consacré toute sa vie n'est pas valorisée comme cela se doit. Ils sont livrés à eux-mêmes, ils ne sont pris en compte ni par la présidence, ni par aucun ministère. L'intellectuel ne s'implique pas dans la vie politique. Les politiciens doivent se référer aux universitaires afin de bien diriger ce pays.

En général, ceux qui s'investissent dans la politique sont des non universitaires. Malheureusement, ils se sont accaparé tous les pouvoirs laissant les intellectuels dans un ghétto. Si la plupart des conseillers du président de la république et des ministres étaient choisis objectivement parmi les grands intellectuels et experts, la Côte d'Ivoire aurait avancé. A ce jour, nous nous retrouvons avec une classe politique qui s'arroge tous les privilèges. Et ces mêmes politiciens s'entourent en général des gens de leur ethnie, de leur religion. Les valeurs intellectuelles ne sont pas mises au devant de la république, il est tout à fait normal que ces intellectuels ne s'intéressent plus à cette société qui les rejette.


Y a -t-il une démission ?

Ce n'est pas cela la démission. La démission, c'est quand on te valorise et on te met en position de travail et tu ne travailles pas. Quelqu'un qui a passé toute sa vie à faire des études et qui est dévalorisé se sent frustré. J'ai fait 9 ans d'études universitaires et j'enseigne depuis 20 ans. Qu'est-ce que je peux faire de mieux ? Mais si l'on ne me paye pas correctement, je suis obligé d'aller chercher dans d'autres secteurs pour nourrir ma famille. Le temps consacré à chercher d'autres revenus m'empêche de faire convenablement mon travail.


Vous êtes donc prêts à pousser le gouvernement à corriger cet état de fait ?

Dans un premier temps, il y a deux grandes choses à faire. La première des choses est de revaloriser les salaires des enseignants et chercheurs du supérieur. La seconde des choses est la réalisation des infrastructures, créer de bonnes conditions de travail. Aussi il faut s'asseoir pour voir comment utiliser l'expertise des intellectuels à la construction et au développement.


Avant "les hostilités", il y a un semblant de calme plat entre la CNEC et le gouvernement ?

Le fait que nous ne soyons pas rentré en grève ne signifie pas que nous avons donné un chèque en blanc au gouvernement. Nous serons calmes et nous ne mènerons aucune action. Nous resterons dans la négociation. Si les réponses aux questions que nous allons poser n'agréent pas la majorité des membres de la CNEC, il est donc clair que la CNEC, comme d'habitude, va pousser le gouvernement à satisfaire à ses revendications.

Interview réalisée par Akwaba Saint Clair, Djè K. M
et Foumséké Coulibaly
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