Le chef de la délégation des F.N au Cea, Alain Lobognon, salue les progrès réalisés 2 ans après et dénonce les sabotages du travail fait.
Chef de la délégation des Forces nouvelles au Comité d’évaluation et d’accompagnement (Cea), cela fait exactement deux ans qu’a été signé l’Accord politique de Ouagadougou (Apo). Deux ans après, nous constatons qu’il n’y a pas eu d’élections, ni même une date. N’est-ce pas un échec, comme le disent certains acteurs politiques?
Effectivement, cela fait deux ans que l’Accord a été signé. Le 3 mars 2007, un jour avant la signature de cet accord, nul ne parlait d’élections en Côte d’Ivoire. Tous les acteurs étaient sceptiques quant à la relance du processus. Puisque le 3 mars, tout était bloqué. La communauté internationale peinait à mettre à exécution la résolution 1721 qui venait d’être prise par le Conseil de sécurité de l’Onu. Laquelle imposait au Chef de l’Etat de poursuivre l’aventure avec le Premier ministre Charles Konan Banny. Avec la signature de cet accord, ceux qui l’ont signé savaient qu’au bout de la mise en oeuvre de ses dispositions pertinentes, des élections allaient avoir lieu. Mais on ne pouvait pas les conduire sans la mise en place d’une organisation qui, pour nous, tournait autour du processus d’identification et de toutes les structures à mettre en place pour une sortie de crise réussie. Les acteurs qui ont participé au dialogue direct savaient que c’était-là le remède qu’il fallait à la Côte d’Ivoire pour sortir de la crise. On nous dit aujourd’hui qu’il n’y a pas d’élections. C’est vrai, parce que le temps des élections n’est pas encore arrivé. Il n’y a pas de date parce qu’on ne peut pas fixer de date au risque de perdre toute crédibilité quand la date fixée n’est pas respectée. On peut fixer une date, mais je ne crois pas que les négociateurs du dialogue direct et les acteurs directs de l’Apo soient responsables de l’absence de dates. Nous sommes dans un pays qui sort de crise. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe des structures au nombre desquelles la Commission électorale indépendante qui est qualifiée pour fixer des dates et organiser les élections. Nous pensons qu’il revient à la Cei de fixer cette date. Et si elle fait l’affaire de tout le monde, le gouvernement n’hésitera pas à la valider.
En termes de bilan, quels sont les véritables acquis de l’Apo?
Les acquis sont là, palpables, calculables. Deux ans après Ouaga, la question sécuritaire a considérablement évolué. Il y a plus d’une année, le Conseil de sécurité a revu le niveau sécuritaire de la Côte d’Ivoire à travers un indice qui permettait de comprendre qu’elle était passée d’une situation instable à une situation stable. Deux ans après, on a achevé le dispositif concernant les audiences foraines qui, avant la signature de l’Accord, avaient provoqué des morts, des blessés et des violences entre partis politiques. Aujourd’hui, la question de la mise en place de la nouvelle armée est une réalité parce que les deux états-majors travaillent pour nous faire sortir l’ossature de la nouvelle armée républicaine qui va servir le nouveau Président élu. En outre, le processus d’identification est en cours. Le 3 mars 2007, on ne parlait pas d’identification, on ne parlait pas de liste électorale. Aujourd’hui, elle connaît un essor considérable, plus de 5,5 millions de personnes se sont fait enregistrer. Ce n’est pas négligeable quand on considère que pour atteindre ce chiffre, il a fallu mobiliser énormément de ressources financières. Pour un pays qui sort de crise, il aurait fallu que cet accord soit signé un peu plus tôt pour avoir ces acquis notables. Justement, l’un des acquis les plus importants à relever, c’est la perspective de la tenue de l’élection présidentielle. Avant la signature de cet Accord, on ne savait pas qui était candidat et avec quel corps électoral on irait aux élections. Les acquis sont là; reste à les finaliser.
Il y a certes des acquis, mais la Cei déplore qu’elle soit au banc des accusés alors qu’elle n’a pas régulièrement eu les moyens de travailler. Conséquence, le chronogramme établi est souvent modifié.
En tant que chef de la délégation des Forces nouvelles au Cea, j’ai une vision un peu différente de celle des responsables de la Cei. Le gouvernement a mobilisé des ressources et qui devaient être utilisées par les structures directement impliquées dans le processus. A savoir les opérateurs techniques (Ins et Sagem-Sécurité). Le gouvernement a mobilisé les fonds qui ont été évalués en son temps à 67,7 milliards de nos francs. A côté de cela, il y a d’autres factures qui n’avaient pas été comptabilisées. Le gouvernement a fait l’effort nécessaire de mettre à la disposition de l’ensemble des structures (Cei, Oni, Cnsi) des moyens qui, logiquement, auraient dû leur permettre d’être plus pratiques sur le terrain. Maintenant, le plus important, c’est de savoir utiliser ces moyens. Il est donc faux de dire que le gouvernement n’a pas mis assez de moyens à la disposition des structures techniques. Mais il serait juste de dire que les structures techniques auraient dû utiliser ces moyens de façon professionnelle, plus appropriée. Quand le gouvernement met des moyens à la disposition de Sagem qui, en réalité, conduit les opérations techniques sur le terrain, cet argent ne doit servir qu’à réaliser les opérations. Quand d’autres acteurs interviennent dans le processus, au motif qu’ils n’ont pas été payés, n’allez pas dire que le gouvernement n’a pas mis les moyens à disposition.
Par ailleurs, les centres de coordination qui avaient été réclamés par la Commission nationale de supervision de l’identification ne sont toujours pas fonctionnels. Autant de faiblesses qui apparaissent comme de grands chantiers avant les élections.
Le point des centres de coordination est exact. L’architecture de l’opération recommandait que les centres de coordination soient aménagés pour le traitement quotidien des données recueillies sur le terrain. La Cnsi a fait l’amer constat que, malgré les moyens qui ont été dégagés par l’Etat de Côte d’Ivoire, les centres de coordination n’ont pas été utilisés. Mais cela ne constitue pas un obstacle puisque les structures sont parvenues à contourner l’utilisation des centres de coordination pour débuter le traitement des données directement à Abidjan, au niveau du site central. Il n’y a donc pas de crainte à avoir à ce niveau.
Avec 5,5 millions de personnes enrôlées, il reste encore environ 3 millions de personnes qui
attendent. Le seront-elles toutes avant les élections annoncées pour 2009?
Je pense qu’il faut être raisonnable. Le plus important a été fait, c’était de lancer l’opération d’identification pour montrer la volonté politique des différents acteurs de la voir aboutir. Les problèmes constatés sur le terrain ne sont pas d’ordre politique, ils sont d’ordre technique et financier. Maintenant, faut-il attendre que tous les Ivoiriens soient enrôlés avant de tout arrêter? Ç’aurait été l’idéal, mais n’oublions pas que nous sortons d’une crise, à côté de laquelle les Ivoiriens sont au quotidien confrontés à d’autres difficultés. Tout le monde est d’avis qu’il faut organiser des élections pour permettre au nouveau gouvernement qui sera mis en place de disposer de ressources venues de l’extérieur pour régler ces problèmes. L’Accord politique de Ouagadougou a prévu qu’il y ait l’identification ordinaire, celle qui doit se faire tous les jours.
Avec quels moyens?
Si l’on décide d’arrêter, aujourd’hui, l’opération qui se fait sur la base de la liste électorale, ça voudrait dire qu’on donnerait les moyens à l’Office national d’identification de poursuivre l’identification ordinaire; et cette fois-ci, avec les documents qui sont exigés au requérant. A savoir: l’acte de naissance ou le jugement supplétif et le certificat de nationalité.
Dans ce cas, tout le matériel qui a été acquis par la Côte d’Ivoire devra être mis à la disposition de l’Oni qui, sous la supervision de la Cnsi, va poursuivre l’identification ordinaire. Nous ne disons pas que c’est ce qui va se passer, mais c’est plutôt ce qui devrait se faire. Comme nous le répétons, l’identification est une opération permanente qui doit se faire chaque année pour que ceux qui ont atteint l’âge requis pour être électeurs puissent compléter la liste électorale. Ce qui veut dire qu’on ne devrait plus, avec la technologie acquise par le gouvernement, ouvrir une nouvelle liste électorale tous les 5 ans. Il s’agira, chaque année, d’actualiser cette liste.
S’agissant des 5,5 millions de personnes enregistrées, il faut se poser la question de savoir si les 9 millions de personnes que nous visons sont des électeurs potentiels ou si ces personnes ont effectivement existé. Le débat existait par le passé puisqu’on nous parlait de double ou triple inscription. Il faut maintenant vérifier la liste que nous avons et la mettre en rapport avec celle de 2000. N’oubliez pas aussi que nombreux de nos compatriotes ont pris le chemin de l’exil. Mais la réalité, c’est qu’en Côte d’Ivoire, les équipes n’ont pas parcouru l’ensemble des localités. Tous les centres d’enrôlement n’ont pas été visités et nous pensons que la prorogation décidée par la Cei devrait permettre d’accélérer ce processus pour approcher les chiffres que chacun estimera les meilleurs pour aller aux élections.
A ce niveau de l’identification, les Ivoiriens attendent du gouvernement qu’il donne un coup d’accélérateur au processus. Peut-on, pour ce faire, s’attendre à une nouvelle équipe composée de technocrates?
Les Forces nouvelles l’ont répété à maintes reprises. Il faut, avec le Premier ministre, une équipe de technocrates. Une équipe d’Ivoiriens qui comprennent que l’essentiel n’est pas de penser à soi, mais de préparer l’après-crise. Afin de permettre à la nouvelle équipe, qui prendra fonction après les élections, de travailler sur des dossiers déjà bien préparés, budgétisés pour ne pas perdre le temps. En tant qu’acteur politique, nous avons constaté qu’il n’a pas été facile pour le Premier ministre, issu des rangs des Forces nouvelles, de travailler comme nous l’attendions. Parce que si ce n’est pas du sabotage, ce sont des tentatives de sabotage, ou bien des tentatives de sabordage du travail fait. Ce sont des constats que nous avons faits sur le terrain. Nous avons, à plusieurs reprises, appelé le Chef de l’Etat et le Premier ministre à examiner la possibilité d’une nouvelle équipe gouvernementale. C’est vrai, à un certain moment, on aurait pu dire que ce n’était pas nécessaire parce que nous étions en plein dans la sortie de crise. Maintenant, il s’agit de voir si le moment est arrivé. Des éléments d’appréciation existent, que ce soit au niveau de chaque parti politique, que ce soit au niveau du Premier ministre ou que ce soit au niveau du Chef de l’Etat. Mais au sein des Forces nouvelles, nous pensons que le Premier ministre doit s’entourer d’une nouvelle équipe qui lui permettra d’aborder sereinement la phase décisive de l’organisation des élections.
Quelle doit être la mission de cette équipe? Est-ce essentiellement pour organiser les élections ou pour gérer encore les dossiers ordinaires de l’Etat?
Si vous faites attention à l’équipe gouvernementale qui a été mise en place depuis la signature de l’Accord politique de Ouagadougou, très peu d’acteurs gouvernementaux se sont mobilisés autour du Premier ministre pour la sortie de crise. Chaque fois qu’on a parlé de sortie de crise, quelques ministères se sont véritablement impliqués parce qu’ayant des dossiers directement liés à la sortie de crise. C’est le cas du ministère de la Justice, de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances. De même que d’autres ministères qui ne sont pas directement liés, mais dont les responsables estimaient qu’il fallait être aux côtés du Premier ministre pour lui permettre d’avancer sur une bonne cadence. Nous avons mis de côté le quotidien des Ivoiriens, leurs besoins. Parce que, quoi qu’on dise, l’Apo ne prévoyait pas qu’il y aurait une crise énergétique encore mois une crise alimentaire ou financière. Ce sont des problèmes auxquels le gouvernement a dû faire face à un moment donné. Avons-nous senti les dispositions au niveau des responsables des départements pour permettre au gouvernement de régler rapidement ces questions? Je dirai non. Les Forces nouvelles ont fait l’amer constat que ça n’a pas toujours été le cas. Le Premier ministre n’a pas eu le soutien qu’il fallait. Maintenant, il lui faut une bonne équipe qui lui permette de prendre à bras le corps les besoins des Ivoiriens, pour préparer ces dossiers. Parce qu’un problème de pauvreté ne se gère pas en un ou deux mois. Il se résoud par une bonne équipe gouvernementale. Il ne faut pas se laisser surprendre par l’élection elle-même et par l’après-élection. Il ne faudrait pas dire que, une fois les élections terminées, tout est fini. Non, il faut penser maintenant à la reconstruction, aux problèmes laissés en suspens : la crise alimentaire, énergétique, financière. Ce seront des problèmes qui trouveront certainement des solutions lorsque le nouveau Président de la République sera élu. Les problèmes que les Ivoiriens rencontrent aujourd’hui pourraient ressurgir demain, si rien n’est fait dans l’immédiat pour préparer leur résolution.
C’est quand même surprenant d’autant que les gens pensent que c’est parce que le gouvernement actuel a voulu s’occuper de tous les problèmes qu’on n’est pas encore parvenu à des élections.
Ceux qui ont cette lecture sont des libres penseurs que je ne saurais condamner. Mais un gouvernement responsable ne saurait faire fi des problèmes quotidiens au motif qu’il conduit un programme de sortie de crise. Ouagadougou n’a pas prévu de crise alimentaire, il a fallu, à un moment donné, que le gouvernement prenne des mesures, marque un arrêt sur les questions de sortie de crise pour régler les problèmes liés à la crise énergétique. Reprocher aujourd’hui au gouvernement d’avoir délaissé, à un moment donné, la sortie de crise pour régler les autres problèmes, n’est pas une bonne lecture parce qu’un gouvernement responsable doit tout faire en même temps. Et l’erreur, au niveau de ces penseurs, c’est de faire croire que le gouvernement ne devrait régler que la sortie de crise. La sortie de crise certes, mais il fallait tenir compte du quotidien des Ivoiriens. Et c’est parce que la sortie de crise a été bien gérée, qu’on a découvert qu’il existait d’autres problèmes. Aujourd’hui, vous voyez les enseignants revendiquer, c’est une autre réalité. Dans l’Accord de Ouaga, la grève des enseignants n’était pas prévue au motif que le gouvernement leur aurait fait des promesses salariales. Or la Côte d’Ivoire est en train de négocier un programme avec les institutions de Bretton Woods pour parvenir à une réduction de la dette et se donner l’oxygène financière et faire ainsi face aux problèmes. L’un des problèmes auxquels nous avons fait face durant ces deux années, c’était justement la disponibilité financière. Le gouvernement doit gérer la sortie de crise, le quotidien des Ivoiriens, faire face aux imprévus. Or, en signant l’Accord, nous n’avions pas d’enveloppe toute prête. Il fallait donc mobiliser les ressources. Chemin faisant, le Premier ministre et son gouvernement ont fait l’amer constat de l’absence de ces fonds qui, pourtant, avaient été promis par la communauté internationale mais qui ne sont jamais arrivés en Côte d’Ivoire.
Dans une déclaration le 18 décembre 2008, le Rhdp, composé des principaux partis d’opposition, a demandé l’organisation de l’élection présidentielle le 26 avril 2009. Au quel cas, il faudrait instaurer une transition. Est-ce dans ce cadre que s’inscrit le nouveau
gouvernement que vous réclamez? Si tel n’est pas le cas, pensez-vous que l’opposition pourra admettre le contraire?
La décision à prendre ne nous revient pas; c’est une décision politique. Le Rhdp a deux de ses leaders au sein du Cadre permanent de concertation (Cpc), MM. Bédié et Ouattara, respectivement président du Pdci-Rda et du Rdr. Ce sont des leaders avisés qui travaillent avec le Chef de l’Etat, le facilitateur et le Premier ministre au sein du Cpc, où sont débattues les questions qui doivent permettre de faire avancer le processus. C’est vrai qu’en son temps, le Rhdp avait souhaité que les élections aient lieu le dernier dimanche du mois d’avril 2009, mais la réalité est là. On ne peut pas organiser les élections le 26 avril. Il faut aussi que le Rhdp constate que ce n’est pas au gouvernement qu’incombe la responsabilité de fixer la date, mais plutôt à la Cei qui compte en son sein des représentants du Rhdp, des Forces nouvelles et du camp présidentiel. Par ailleurs, la nouvelle transition ne pourra pas s’ouvrir parce que nous sommes dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de Ouaga. Et tant que les principaux signataires n’ont pas affirmé que le processus est bloqué, je pense qu’il faut accepter de laisser les choses avancer avec les structures mises en place : le gouvernement conduit par le Premier ministre et la Cei conduite par le président Beugré Mambé, issu du Rhdp.
Et si l’opposition demandait que les choses avancent sans le Président Gbagbo et le Premier ministre Soro Guillaume.
Peut-être que c’est une nouvelle aventure qu’on veut nous proposer, mais les Forces nouvelles ne seront pas prêtes pour cette autre aventure.
La 6e réunion du Cea a demandé l’organisation de l’élection présidentielle en 2009. Pouvez-vous confirmer que des éléments existent pour une élection et à quand le chronogramme?
Disons que c’est une proposition qui a été faite puisque les deux délégations ont estimé qu’il était réaliste que les élections soient organisées en 2009 si l’on tient compte des résultats obtenus lors du processus d’identification. Nous continuons toujours de croire que ces élections peuvent avoir lieu cette année parce qu’à la différence de 2008, nous avons une base de données qui donne plus d’espoir, qui permet d’affirmer qu’on devrait pouvoir passer maintenant aux autres phases de cette opération. A savoir les réclamations et le traitement de tout le contentieux -parce que c’est cette phase qui pourrait prendre du temps- pour que les élections aient lieu le moment venu.
L’accord a été régulièrement réévalué et réajusté avec des accords complémentaires. La question qui était pendante est celle liée aux questions militaires et qui a trouvé réponse à travers le 4e accord complémentaire. Pensez-vous que Ouaga 4 y fait véritablement face ?
Pendant longtemps, certains observateurs ont cru que les acteurs n’allaient pas franchir le pas parce que, selon eux, les régler, reviendrait à créer de nouveaux problèmes en Côte d’Ivoire, une nouvelle déflagration, de nouvelles violences plutôt qu’une stabilité. Il faut avouer que les deux leaders, le Président de la République et le Premier ministre, ont su choisir le moment pour donner des instructions afin que ces questions soient réglées définitivement.
Nous pensions à un moment donné, après le 22 décembre, date à laquelle l’accord a été paraphé par les deux parties, que les premiers concernés (les hommes en tenue) allaient s’y opposer, dire non au règlement de ces questions. C’est une surprise plutôt agréable qu’il nous a été permis de noter puisque Ouaga 4 a donné les moyens techniques aux deux états-majors de tourner définitivement la page de l’imbroglio sécuritaire et militaire. Puisqu’à un certain moment, on entendait certains généraux étrangers dire qu’il était inimaginable de voir une armée à deux têtes ou de voir les deux forces collaborer comme nous le souhaitions. Ouaga 4 doit permettre à tous les sceptiques de constater que les dispositions qui ont été arrêtées amèneront à tourner la page d’une armée qui fait face à plusieurs problèmes.
Pourquoi transférer par dose homéopathique les compétences des commandants de zone au corps préfectoral à compter d’aujourd’hui dans 21 localités?
C’est normal. La prise de fonction entre le préfet entrant et le préfet sortant ne se fait pas le même jour que dans les autres localités. C’est dans ce cadre que le calendrier a été fait. Il y a d’abord une cérémonie officielle au cours de laquelle les Forces nouvelles remettent à l’Etat de Côte d’Ivoire ses charges administratives. Il y aura un représentant du secrétaire général des Forces nouvelles et celui de l’Etat de Côte d’Ivoire, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, qui doivent échanger un protocole d’accord. La cérémonie officielle se fera à Bouaké.
L’aspect militaire a été ajourné pendant la passation des charges. N’est-ce pas une entrave à l’Accord de Ouaga?
Non! C’est une fausse lecture que se font les gens en croyant qu’il y a un aspect militaire et un autre politique. Il y a un aspect administratif qui concerne les autorités préfectorales. C’est ce travail qui va se faire parce que les com’zones ont joué le rôle de préfet dans les différentes régions avant l’Apo. Ils étaient responsables de la sécurité, de la justice, du règlement des conflits, de tout. Avec Ouaga, la crise armée est terminée. Ils doivent donc céder «leurs pouvoirs» aux autorités préfectorales, les responsables premiers de l’administration.
Propos recueillis par Franck A. Zagbayou et Paulin N. Zobo
Chef de la délégation des Forces nouvelles au Comité d’évaluation et d’accompagnement (Cea), cela fait exactement deux ans qu’a été signé l’Accord politique de Ouagadougou (Apo). Deux ans après, nous constatons qu’il n’y a pas eu d’élections, ni même une date. N’est-ce pas un échec, comme le disent certains acteurs politiques?
Effectivement, cela fait deux ans que l’Accord a été signé. Le 3 mars 2007, un jour avant la signature de cet accord, nul ne parlait d’élections en Côte d’Ivoire. Tous les acteurs étaient sceptiques quant à la relance du processus. Puisque le 3 mars, tout était bloqué. La communauté internationale peinait à mettre à exécution la résolution 1721 qui venait d’être prise par le Conseil de sécurité de l’Onu. Laquelle imposait au Chef de l’Etat de poursuivre l’aventure avec le Premier ministre Charles Konan Banny. Avec la signature de cet accord, ceux qui l’ont signé savaient qu’au bout de la mise en oeuvre de ses dispositions pertinentes, des élections allaient avoir lieu. Mais on ne pouvait pas les conduire sans la mise en place d’une organisation qui, pour nous, tournait autour du processus d’identification et de toutes les structures à mettre en place pour une sortie de crise réussie. Les acteurs qui ont participé au dialogue direct savaient que c’était-là le remède qu’il fallait à la Côte d’Ivoire pour sortir de la crise. On nous dit aujourd’hui qu’il n’y a pas d’élections. C’est vrai, parce que le temps des élections n’est pas encore arrivé. Il n’y a pas de date parce qu’on ne peut pas fixer de date au risque de perdre toute crédibilité quand la date fixée n’est pas respectée. On peut fixer une date, mais je ne crois pas que les négociateurs du dialogue direct et les acteurs directs de l’Apo soient responsables de l’absence de dates. Nous sommes dans un pays qui sort de crise. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe des structures au nombre desquelles la Commission électorale indépendante qui est qualifiée pour fixer des dates et organiser les élections. Nous pensons qu’il revient à la Cei de fixer cette date. Et si elle fait l’affaire de tout le monde, le gouvernement n’hésitera pas à la valider.
En termes de bilan, quels sont les véritables acquis de l’Apo?
Les acquis sont là, palpables, calculables. Deux ans après Ouaga, la question sécuritaire a considérablement évolué. Il y a plus d’une année, le Conseil de sécurité a revu le niveau sécuritaire de la Côte d’Ivoire à travers un indice qui permettait de comprendre qu’elle était passée d’une situation instable à une situation stable. Deux ans après, on a achevé le dispositif concernant les audiences foraines qui, avant la signature de l’Accord, avaient provoqué des morts, des blessés et des violences entre partis politiques. Aujourd’hui, la question de la mise en place de la nouvelle armée est une réalité parce que les deux états-majors travaillent pour nous faire sortir l’ossature de la nouvelle armée républicaine qui va servir le nouveau Président élu. En outre, le processus d’identification est en cours. Le 3 mars 2007, on ne parlait pas d’identification, on ne parlait pas de liste électorale. Aujourd’hui, elle connaît un essor considérable, plus de 5,5 millions de personnes se sont fait enregistrer. Ce n’est pas négligeable quand on considère que pour atteindre ce chiffre, il a fallu mobiliser énormément de ressources financières. Pour un pays qui sort de crise, il aurait fallu que cet accord soit signé un peu plus tôt pour avoir ces acquis notables. Justement, l’un des acquis les plus importants à relever, c’est la perspective de la tenue de l’élection présidentielle. Avant la signature de cet Accord, on ne savait pas qui était candidat et avec quel corps électoral on irait aux élections. Les acquis sont là; reste à les finaliser.
Il y a certes des acquis, mais la Cei déplore qu’elle soit au banc des accusés alors qu’elle n’a pas régulièrement eu les moyens de travailler. Conséquence, le chronogramme établi est souvent modifié.
En tant que chef de la délégation des Forces nouvelles au Cea, j’ai une vision un peu différente de celle des responsables de la Cei. Le gouvernement a mobilisé des ressources et qui devaient être utilisées par les structures directement impliquées dans le processus. A savoir les opérateurs techniques (Ins et Sagem-Sécurité). Le gouvernement a mobilisé les fonds qui ont été évalués en son temps à 67,7 milliards de nos francs. A côté de cela, il y a d’autres factures qui n’avaient pas été comptabilisées. Le gouvernement a fait l’effort nécessaire de mettre à la disposition de l’ensemble des structures (Cei, Oni, Cnsi) des moyens qui, logiquement, auraient dû leur permettre d’être plus pratiques sur le terrain. Maintenant, le plus important, c’est de savoir utiliser ces moyens. Il est donc faux de dire que le gouvernement n’a pas mis assez de moyens à la disposition des structures techniques. Mais il serait juste de dire que les structures techniques auraient dû utiliser ces moyens de façon professionnelle, plus appropriée. Quand le gouvernement met des moyens à la disposition de Sagem qui, en réalité, conduit les opérations techniques sur le terrain, cet argent ne doit servir qu’à réaliser les opérations. Quand d’autres acteurs interviennent dans le processus, au motif qu’ils n’ont pas été payés, n’allez pas dire que le gouvernement n’a pas mis les moyens à disposition.
Par ailleurs, les centres de coordination qui avaient été réclamés par la Commission nationale de supervision de l’identification ne sont toujours pas fonctionnels. Autant de faiblesses qui apparaissent comme de grands chantiers avant les élections.
Le point des centres de coordination est exact. L’architecture de l’opération recommandait que les centres de coordination soient aménagés pour le traitement quotidien des données recueillies sur le terrain. La Cnsi a fait l’amer constat que, malgré les moyens qui ont été dégagés par l’Etat de Côte d’Ivoire, les centres de coordination n’ont pas été utilisés. Mais cela ne constitue pas un obstacle puisque les structures sont parvenues à contourner l’utilisation des centres de coordination pour débuter le traitement des données directement à Abidjan, au niveau du site central. Il n’y a donc pas de crainte à avoir à ce niveau.
Avec 5,5 millions de personnes enrôlées, il reste encore environ 3 millions de personnes qui
attendent. Le seront-elles toutes avant les élections annoncées pour 2009?
Je pense qu’il faut être raisonnable. Le plus important a été fait, c’était de lancer l’opération d’identification pour montrer la volonté politique des différents acteurs de la voir aboutir. Les problèmes constatés sur le terrain ne sont pas d’ordre politique, ils sont d’ordre technique et financier. Maintenant, faut-il attendre que tous les Ivoiriens soient enrôlés avant de tout arrêter? Ç’aurait été l’idéal, mais n’oublions pas que nous sortons d’une crise, à côté de laquelle les Ivoiriens sont au quotidien confrontés à d’autres difficultés. Tout le monde est d’avis qu’il faut organiser des élections pour permettre au nouveau gouvernement qui sera mis en place de disposer de ressources venues de l’extérieur pour régler ces problèmes. L’Accord politique de Ouagadougou a prévu qu’il y ait l’identification ordinaire, celle qui doit se faire tous les jours.
Avec quels moyens?
Si l’on décide d’arrêter, aujourd’hui, l’opération qui se fait sur la base de la liste électorale, ça voudrait dire qu’on donnerait les moyens à l’Office national d’identification de poursuivre l’identification ordinaire; et cette fois-ci, avec les documents qui sont exigés au requérant. A savoir: l’acte de naissance ou le jugement supplétif et le certificat de nationalité.
Dans ce cas, tout le matériel qui a été acquis par la Côte d’Ivoire devra être mis à la disposition de l’Oni qui, sous la supervision de la Cnsi, va poursuivre l’identification ordinaire. Nous ne disons pas que c’est ce qui va se passer, mais c’est plutôt ce qui devrait se faire. Comme nous le répétons, l’identification est une opération permanente qui doit se faire chaque année pour que ceux qui ont atteint l’âge requis pour être électeurs puissent compléter la liste électorale. Ce qui veut dire qu’on ne devrait plus, avec la technologie acquise par le gouvernement, ouvrir une nouvelle liste électorale tous les 5 ans. Il s’agira, chaque année, d’actualiser cette liste.
S’agissant des 5,5 millions de personnes enregistrées, il faut se poser la question de savoir si les 9 millions de personnes que nous visons sont des électeurs potentiels ou si ces personnes ont effectivement existé. Le débat existait par le passé puisqu’on nous parlait de double ou triple inscription. Il faut maintenant vérifier la liste que nous avons et la mettre en rapport avec celle de 2000. N’oubliez pas aussi que nombreux de nos compatriotes ont pris le chemin de l’exil. Mais la réalité, c’est qu’en Côte d’Ivoire, les équipes n’ont pas parcouru l’ensemble des localités. Tous les centres d’enrôlement n’ont pas été visités et nous pensons que la prorogation décidée par la Cei devrait permettre d’accélérer ce processus pour approcher les chiffres que chacun estimera les meilleurs pour aller aux élections.
A ce niveau de l’identification, les Ivoiriens attendent du gouvernement qu’il donne un coup d’accélérateur au processus. Peut-on, pour ce faire, s’attendre à une nouvelle équipe composée de technocrates?
Les Forces nouvelles l’ont répété à maintes reprises. Il faut, avec le Premier ministre, une équipe de technocrates. Une équipe d’Ivoiriens qui comprennent que l’essentiel n’est pas de penser à soi, mais de préparer l’après-crise. Afin de permettre à la nouvelle équipe, qui prendra fonction après les élections, de travailler sur des dossiers déjà bien préparés, budgétisés pour ne pas perdre le temps. En tant qu’acteur politique, nous avons constaté qu’il n’a pas été facile pour le Premier ministre, issu des rangs des Forces nouvelles, de travailler comme nous l’attendions. Parce que si ce n’est pas du sabotage, ce sont des tentatives de sabotage, ou bien des tentatives de sabordage du travail fait. Ce sont des constats que nous avons faits sur le terrain. Nous avons, à plusieurs reprises, appelé le Chef de l’Etat et le Premier ministre à examiner la possibilité d’une nouvelle équipe gouvernementale. C’est vrai, à un certain moment, on aurait pu dire que ce n’était pas nécessaire parce que nous étions en plein dans la sortie de crise. Maintenant, il s’agit de voir si le moment est arrivé. Des éléments d’appréciation existent, que ce soit au niveau de chaque parti politique, que ce soit au niveau du Premier ministre ou que ce soit au niveau du Chef de l’Etat. Mais au sein des Forces nouvelles, nous pensons que le Premier ministre doit s’entourer d’une nouvelle équipe qui lui permettra d’aborder sereinement la phase décisive de l’organisation des élections.
Quelle doit être la mission de cette équipe? Est-ce essentiellement pour organiser les élections ou pour gérer encore les dossiers ordinaires de l’Etat?
Si vous faites attention à l’équipe gouvernementale qui a été mise en place depuis la signature de l’Accord politique de Ouagadougou, très peu d’acteurs gouvernementaux se sont mobilisés autour du Premier ministre pour la sortie de crise. Chaque fois qu’on a parlé de sortie de crise, quelques ministères se sont véritablement impliqués parce qu’ayant des dossiers directement liés à la sortie de crise. C’est le cas du ministère de la Justice, de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances. De même que d’autres ministères qui ne sont pas directement liés, mais dont les responsables estimaient qu’il fallait être aux côtés du Premier ministre pour lui permettre d’avancer sur une bonne cadence. Nous avons mis de côté le quotidien des Ivoiriens, leurs besoins. Parce que, quoi qu’on dise, l’Apo ne prévoyait pas qu’il y aurait une crise énergétique encore mois une crise alimentaire ou financière. Ce sont des problèmes auxquels le gouvernement a dû faire face à un moment donné. Avons-nous senti les dispositions au niveau des responsables des départements pour permettre au gouvernement de régler rapidement ces questions? Je dirai non. Les Forces nouvelles ont fait l’amer constat que ça n’a pas toujours été le cas. Le Premier ministre n’a pas eu le soutien qu’il fallait. Maintenant, il lui faut une bonne équipe qui lui permette de prendre à bras le corps les besoins des Ivoiriens, pour préparer ces dossiers. Parce qu’un problème de pauvreté ne se gère pas en un ou deux mois. Il se résoud par une bonne équipe gouvernementale. Il ne faut pas se laisser surprendre par l’élection elle-même et par l’après-élection. Il ne faudrait pas dire que, une fois les élections terminées, tout est fini. Non, il faut penser maintenant à la reconstruction, aux problèmes laissés en suspens : la crise alimentaire, énergétique, financière. Ce seront des problèmes qui trouveront certainement des solutions lorsque le nouveau Président de la République sera élu. Les problèmes que les Ivoiriens rencontrent aujourd’hui pourraient ressurgir demain, si rien n’est fait dans l’immédiat pour préparer leur résolution.
C’est quand même surprenant d’autant que les gens pensent que c’est parce que le gouvernement actuel a voulu s’occuper de tous les problèmes qu’on n’est pas encore parvenu à des élections.
Ceux qui ont cette lecture sont des libres penseurs que je ne saurais condamner. Mais un gouvernement responsable ne saurait faire fi des problèmes quotidiens au motif qu’il conduit un programme de sortie de crise. Ouagadougou n’a pas prévu de crise alimentaire, il a fallu, à un moment donné, que le gouvernement prenne des mesures, marque un arrêt sur les questions de sortie de crise pour régler les problèmes liés à la crise énergétique. Reprocher aujourd’hui au gouvernement d’avoir délaissé, à un moment donné, la sortie de crise pour régler les autres problèmes, n’est pas une bonne lecture parce qu’un gouvernement responsable doit tout faire en même temps. Et l’erreur, au niveau de ces penseurs, c’est de faire croire que le gouvernement ne devrait régler que la sortie de crise. La sortie de crise certes, mais il fallait tenir compte du quotidien des Ivoiriens. Et c’est parce que la sortie de crise a été bien gérée, qu’on a découvert qu’il existait d’autres problèmes. Aujourd’hui, vous voyez les enseignants revendiquer, c’est une autre réalité. Dans l’Accord de Ouaga, la grève des enseignants n’était pas prévue au motif que le gouvernement leur aurait fait des promesses salariales. Or la Côte d’Ivoire est en train de négocier un programme avec les institutions de Bretton Woods pour parvenir à une réduction de la dette et se donner l’oxygène financière et faire ainsi face aux problèmes. L’un des problèmes auxquels nous avons fait face durant ces deux années, c’était justement la disponibilité financière. Le gouvernement doit gérer la sortie de crise, le quotidien des Ivoiriens, faire face aux imprévus. Or, en signant l’Accord, nous n’avions pas d’enveloppe toute prête. Il fallait donc mobiliser les ressources. Chemin faisant, le Premier ministre et son gouvernement ont fait l’amer constat de l’absence de ces fonds qui, pourtant, avaient été promis par la communauté internationale mais qui ne sont jamais arrivés en Côte d’Ivoire.
Dans une déclaration le 18 décembre 2008, le Rhdp, composé des principaux partis d’opposition, a demandé l’organisation de l’élection présidentielle le 26 avril 2009. Au quel cas, il faudrait instaurer une transition. Est-ce dans ce cadre que s’inscrit le nouveau
gouvernement que vous réclamez? Si tel n’est pas le cas, pensez-vous que l’opposition pourra admettre le contraire?
La décision à prendre ne nous revient pas; c’est une décision politique. Le Rhdp a deux de ses leaders au sein du Cadre permanent de concertation (Cpc), MM. Bédié et Ouattara, respectivement président du Pdci-Rda et du Rdr. Ce sont des leaders avisés qui travaillent avec le Chef de l’Etat, le facilitateur et le Premier ministre au sein du Cpc, où sont débattues les questions qui doivent permettre de faire avancer le processus. C’est vrai qu’en son temps, le Rhdp avait souhaité que les élections aient lieu le dernier dimanche du mois d’avril 2009, mais la réalité est là. On ne peut pas organiser les élections le 26 avril. Il faut aussi que le Rhdp constate que ce n’est pas au gouvernement qu’incombe la responsabilité de fixer la date, mais plutôt à la Cei qui compte en son sein des représentants du Rhdp, des Forces nouvelles et du camp présidentiel. Par ailleurs, la nouvelle transition ne pourra pas s’ouvrir parce que nous sommes dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de Ouaga. Et tant que les principaux signataires n’ont pas affirmé que le processus est bloqué, je pense qu’il faut accepter de laisser les choses avancer avec les structures mises en place : le gouvernement conduit par le Premier ministre et la Cei conduite par le président Beugré Mambé, issu du Rhdp.
Et si l’opposition demandait que les choses avancent sans le Président Gbagbo et le Premier ministre Soro Guillaume.
Peut-être que c’est une nouvelle aventure qu’on veut nous proposer, mais les Forces nouvelles ne seront pas prêtes pour cette autre aventure.
La 6e réunion du Cea a demandé l’organisation de l’élection présidentielle en 2009. Pouvez-vous confirmer que des éléments existent pour une élection et à quand le chronogramme?
Disons que c’est une proposition qui a été faite puisque les deux délégations ont estimé qu’il était réaliste que les élections soient organisées en 2009 si l’on tient compte des résultats obtenus lors du processus d’identification. Nous continuons toujours de croire que ces élections peuvent avoir lieu cette année parce qu’à la différence de 2008, nous avons une base de données qui donne plus d’espoir, qui permet d’affirmer qu’on devrait pouvoir passer maintenant aux autres phases de cette opération. A savoir les réclamations et le traitement de tout le contentieux -parce que c’est cette phase qui pourrait prendre du temps- pour que les élections aient lieu le moment venu.
L’accord a été régulièrement réévalué et réajusté avec des accords complémentaires. La question qui était pendante est celle liée aux questions militaires et qui a trouvé réponse à travers le 4e accord complémentaire. Pensez-vous que Ouaga 4 y fait véritablement face ?
Pendant longtemps, certains observateurs ont cru que les acteurs n’allaient pas franchir le pas parce que, selon eux, les régler, reviendrait à créer de nouveaux problèmes en Côte d’Ivoire, une nouvelle déflagration, de nouvelles violences plutôt qu’une stabilité. Il faut avouer que les deux leaders, le Président de la République et le Premier ministre, ont su choisir le moment pour donner des instructions afin que ces questions soient réglées définitivement.
Nous pensions à un moment donné, après le 22 décembre, date à laquelle l’accord a été paraphé par les deux parties, que les premiers concernés (les hommes en tenue) allaient s’y opposer, dire non au règlement de ces questions. C’est une surprise plutôt agréable qu’il nous a été permis de noter puisque Ouaga 4 a donné les moyens techniques aux deux états-majors de tourner définitivement la page de l’imbroglio sécuritaire et militaire. Puisqu’à un certain moment, on entendait certains généraux étrangers dire qu’il était inimaginable de voir une armée à deux têtes ou de voir les deux forces collaborer comme nous le souhaitions. Ouaga 4 doit permettre à tous les sceptiques de constater que les dispositions qui ont été arrêtées amèneront à tourner la page d’une armée qui fait face à plusieurs problèmes.
Pourquoi transférer par dose homéopathique les compétences des commandants de zone au corps préfectoral à compter d’aujourd’hui dans 21 localités?
C’est normal. La prise de fonction entre le préfet entrant et le préfet sortant ne se fait pas le même jour que dans les autres localités. C’est dans ce cadre que le calendrier a été fait. Il y a d’abord une cérémonie officielle au cours de laquelle les Forces nouvelles remettent à l’Etat de Côte d’Ivoire ses charges administratives. Il y aura un représentant du secrétaire général des Forces nouvelles et celui de l’Etat de Côte d’Ivoire, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, qui doivent échanger un protocole d’accord. La cérémonie officielle se fera à Bouaké.
L’aspect militaire a été ajourné pendant la passation des charges. N’est-ce pas une entrave à l’Accord de Ouaga?
Non! C’est une fausse lecture que se font les gens en croyant qu’il y a un aspect militaire et un autre politique. Il y a un aspect administratif qui concerne les autorités préfectorales. C’est ce travail qui va se faire parce que les com’zones ont joué le rôle de préfet dans les différentes régions avant l’Apo. Ils étaient responsables de la sécurité, de la justice, du règlement des conflits, de tout. Avec Ouaga, la crise armée est terminée. Ils doivent donc céder «leurs pouvoirs» aux autorités préfectorales, les responsables premiers de l’administration.
Propos recueillis par Franck A. Zagbayou et Paulin N. Zobo