à la suite des articles de presse qui ont ramené Versus Bank au devant de l’actualité, le D.G, Jean-Claude N’Da Amétchi, présente la situation.
Monsieur le directeur général, Versus Bank fait l’objet d’articles dans la presse. Que se passe-t-il encore?
Effectivement, contre son gré, la Banque se retrouve encore dans la presse. Mais, cela était prévisible, et n’a de ce fait rien de surprenant, vu que la presse s’était saisie du dossier dans les premiers moments de la crise qui avait conduit la Banque à la mise sous administration provisoire.
Aujourd’hui, cette crise connaît un dénouement qui paraît inattendu pour certains. D’où leurs interrogations, relayées par la presse.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la crise qu’a traversée la Banque est à présent bel et bien terminée. L’Etat, en la rachetant, a mis un terme définitif aux litiges et autres mésintelligences qui menaçaient sa pérennité.
L’heure est en conséquence au travail, pour relever le défi du développement qui nous attend.
A ce propos, comment se porte la banque?
Versus Bank sort d’une longue crise. Mais, aujourd’hui, elle se porte nettement mieux. La Banque a en effet retrouvé son fonctionnement normal, avec l’installation le 9 janvier 2009, d’un nouveau conseil d’administration et la nomination d’un directeur général, en remplacement des organes de l’administration provisoire.
En outre, les premiers résultats enregistrés, notamment en terme de relance et de redynamisation de l’activité, de mobilisation de ressources et de maîtrise des charges, sont plus qu’encourageants. Les perspectives sont également prometteuses.
En effet, compte tenu de la qualité de service qui leur était servie, la base clientèle de Versus Bank ne s’est pas effritée, en dépit de la crise que la Banque a traversée. Les clients, dans leur majorité, sont restés fidèles à la banque, en attendant la sortie de crise, pour reprendre le cours normal de la relation.
Aussi, la reprise de l’activité a-t-elle permis à la Banque de redynamiser les relations avec cette clientèle. Ce qui s’est traduit par des flux financiers considérables. Près de 30 milliards de francs CFA ont été mobilisés en moins de deux mois d’activité, auprès de ladite clientèle. C’est une performance fort remarquable à saluer, au regard de la situation critique dans laquelle nous avons trouvé la banque.
C’est pourquoi, maintenir la qualité de service au-dessus du standard, pour une plus grande satisfaction de sa clientèle, constitue l’élément central de la politique actuelle de relance de Versus Bank.
Progressivement, mais sûrement, la banque est en train de réussir son retour définitif dans l’industrie bancaire.
Ne craignez-vous pas que la Banque se retrouve de nouveau dans la tourmente à cause de ce remue-ménage? Ne dit-on pas que l’argent n’aime pas le bruit?
Il n’y a plus aucune raison de craindre que la Banque se retrouve dans la tourmente ou dans le remue-ménage.
L’Etat étant devenu le seul actionnaire de cette banque, la principale cause de la crise qu’elle a traversée, à savoir la mésintelligence entre actionnaires, a ainsi disparu.
Cette présence de l’Etat n’autorise plus aucune crainte.
En conséquence, la banque peut à présent mener ses activités dans la sérénité et la confiance retrouvée, qui sont le gage d’un développement durable.
Il paraît que vous êtes le concepteur de Versus Bank?
J’ai effectivement été à l’origine de Versus Bank, c’est-à-dire de l’initiative à la conception, et la réalisation du projet.
Après l’obtention de l’agrément nécessaire à l’exercice de l’activité bancaire, mes partenaires d’antan m’ont renouvelé leur confiance, à l’effet de conduire les premiers pas de la banque. C’est ainsi que je l’ai dirigée dès son ouverture en 2004, jusqu’au 16 mai 2006.
Je puis vous dire que dans cette première phase, la banque a connu de très bons résultats, qui lui avaient valu plusieurs satisfecit et une honorable 8ème place sur 16 à cette période, avec un total bilan qui avoisinait les 100 milliards FCFA, après deux exercices. Vous pouvez le vérifier en consultant le classement de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire du 31 décembre 2005.
N’eût été cette déconvenue, c’est-à-dire la crise qu’elle a traversée, je suis persuadé qu’en dépit des difficultés, elle aurait maintenu le cap, pour se retrouver aujourd’hui dans le peloton de tête, car je connais les potentialités de cette banque et les opportunités qu’elle aurait pu saisir dans l’exercice, sans entrave, de son activité.
D’aucuns trouveraient curieux votre retour, alors que vous étiez à la tête de la Banque, quand elle a connu sa déconvenue. Peut-on savoir ce qui a milité en faveur d’un tel retour?
Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez. Car elle me permet d’apporter la vérité des faits.
Je note au passage que cette affaire a été l’occasion pour certains de mettre en exergue leur imagination fertile.
Mon retour est la preuve palpable que mon départ ne reposait pas sur une remise en cause de mes aptitudes professionnelles et de ma gestion.
En réalité, les difficultés de Versus Bank sont parties des difficultés juridico-financières de l’actionnaire majoritaire, la société Aiglon Holding, société de droit suisse, et ses filiales intervenant notamment dans la filière coton, leur activité première. Ce qui a créé un vent de panique au sein de notre clientèle, notamment les gros déposants. L’on a assisté en conséquence à des retraits progressifs de dépôts. Qui se sont accentués avec les faillites déclarées, d’abord de certaines filiales et, finalement, de la maison-mère, Aiglon Holding elle-même.
En outre, sans donner dans la polémique, je pense avoir été victime de mes désaccords avec l’actionnaire majoritaire, sur certaines orientations qui ne tenaient pas compte des normes de gestion très strictes dont le métier et la profession de banquier sont entourés.
Ils ne voulaient pas tenir compte des règles strictes de gestion, dites-vous.
Comment cela se traduisait?
Tout le problème se trouvait dans la composition de l’actionnariat. En effet, 70% du capital était acquis à la cause du groupe Aiglon, contre 30% pour moi. Vous noterez que je ne disposais même pas de la minorité de blocage. Malgré ma bonne volonté, qu’aurais-je pu faire?
Soit! Ils ont voulu faire entorse aux règles de bonne gestion, dites-vous. Qu’est-ce qu’ils
voulaient exactement?
En effet, ne bénéficiant plus de financements auprès de ses banques, tant à l’étranger qu’au niveau local, compte tenu des difficultés susmentionnées, l’actionnaire majoritaire a sollicité le concours de Versus Bank, pour appuyer fortement ses filiales locales.
Bien entendu, ma position était que de tels financements ne pouvaient être accordés, au regard des normes de prudence régissant la profession bancaire, notamment le ratio des prêts aux personnel, dirigeants, administrateurs et actionnaires, qui ne doit pas excéder 20 % des fonds propres effectifs de la Banque. Or ce ratio était largement atteint.
Et cette position était entièrement partagée par les autorités de contrôle, chargées de veiller au respect des normes susmentionnées.
Mais, ne possédant que 30 % des actions composant le capital, c’est-à-dire en-dessous de la minorité de blocage, contre 70 % acquis à l’actionnaire majoritaire, ma marge de manœuvre étaient considérablement réduite et toute opposition de ma part constituait pour moi un risque de révocation, qui n’a d’ailleurs pas tardé à se réaliser.
C’est dans un tel contexte que j’ai été révoqué le 16 mai 2006 de mes fonctions de directeur général, par le conseil d’administration. Qui, je le rappelle, était contrôlé de façon absolue par l’actionnaire majoritaire.
Le groupe Aiglon, vous l’avez dit, était le principal actionnaire. Ses dirigeants n’étaient-ils pas en droit de solliciter la banque dans la mesure où ils étaient en difficulté?
Oui. Mais la banque ne fonctionne pas comme ça. La banque est un métier codifié et normalisé. Contrairement à ce que les gens pensent, on ne crée pas une banque pour se servir. Au contraire, on crée une banque pour servir. Et la banque a des règles. Elle a des ratios de financement qui intègrent l’actionnaire, les administrateurs et le personnel dans une certaine proportion. A ce propos, il faut savoir raison garder.
Ceci étant, pour revenir sur ce qui justifie mon retour, je pense que les bons résultats évoqués plus haut et les acquis qualitatifs que sont les acquisitions immobilières et les agences de la banque réalisés sous mon premier mandat, constituent certainement les raisons essentielles qui ont dû présider au choix porté sur ma personne par l’actionnaire actuel, l’Etat de Côte d’Ivoire. Il a certainement estimé, en définitive, que je pouvais être l’homme de la situation.
Maintenant que je suis revenu, il s’agira donc pour moi de reprendre là où elle avait été laissée, la belle symphonie qui avait été entonnée aux premières heures. Et de conduire la banque vers le sommet.
Versus Bank, propriété de l’Etat. Y a-t-il des missions particulières que l’Etat vous a assignées?
La mission principale consiste à repositionner la Banque sur le marché et lui permettre de jouer pleinement son rôle de soutien à l’économie nationale, notamment par son appui au segment des PME/PMI.
En effet, par l’acquisition de Versus Bank, l’Etat entend mettre à la disposition des opérateurs économiques de tous les secteurs d’activité, une banque nationale solide, répondant aux normes internationales. Et reposant sur un système de gestion moderne.
C’est-à-dire?
Parlant de gestion moderne, l’Etat a lancé un signal fort. L’Etat a voulu des personnes à l’expertise avérée. Ainsi le conseil d’administration ne compte que cinq membres. Dont trois du ministère de l’Economie et des Finances et deux de la société civile. A savoir, l’institution Port autonome d’Abidjan et l’institution Petroci, à travers leurs directeurs généraux. Il y a en la composition de ce conseil, une combinaison inédite entre les trois membres du ministère et le directeur général de Versus Bank qui a fait toute sa carrière dans le secteur privé et bancaire. Les trois représentants du ministère qui sont le directeur général de l’Economie, le directeur du Trésor et un conseiller du ministre sont des personnalités au fait des activités du marché. C’est une belle combinaison qui ne peut qu’aider Versus Bank à aller de l’avant et réussir.
En outre, le président du conseil d’administration, qui n’est autre que le directeur général de l’Economie, Kouassy Oussou, est sans conteste une personnalité expérimentée, au fait des activités économiques et ayant une bonne vision de l’économie ivoirienne.
Il faut reconnaître que ce casting résulte d’une vision de haute portée.
L’Etat a maintenant deux banques. Cela ne fait-il pas un double emploi avec la BNI?
Il ne saurait y avoir double emploi, en ce sens que fondamentalement, les deux banques se complètent, pour un soutien total à l’économie nationale.
Ainsi, leurs actions conjuguées réalisent pleinement la vision de l’Etat de Côte d’Ivoire, à savoir, mettre à la disposition des opérateurs économiques des outils de financement complets, afin de les appuyer et les aider à se développer durablement.
D’autre part, le marché bancaire ivoirien regorge d’opportunités diverses, pouvant permettre aux banques nationales de jouer pleinement leur rôle, notamment dans la lutte contre la pauvreté.
Le fait que l’Etat nationalise la Banque ne pose-t-il pas problème?
La nationalisation est plutôt salutaire et même salvatrice, pour tout le système financier. Elle évite ainsi la disparition d’un bel outil de développement et les effets collatéraux et systémiques que cette disparition aurait pu causer.
En outre, aujourd’hui, cette nationalisation ne saurait constituer une incongruité, au regard de l’actualité financière mondiale qu’il nous est donné d’observer.
Aux Etats-Unis, en Europe, et même en Asie, l’on assiste à des nationalisations partielles ou totales de banques de renommée mondiale telles que Citibank, Commerzbank, Freddie Mac, etc. Les compagnies d’assurances n’échappent pas à cette tendance. On a l’exemple très illustratif de AIG, leader mondial dans le secteur des assurances.
Les pouvoirs publics de ces pays procèdent également à la mise en place de plans de sauvetage des entreprises. Aux Etats-Unis, par exemple, il y a le plan Paulson qui a été adopté après d’intenses discussions.
Par ces plans, les autorités apportent un soutien qui s’étend aux entreprises des secteurs autres que les secteurs financier et bancaire. Ainsi qu’en témoigne l’appui des gouvernements américain et japonais aux géants de l’automobile que sont respectivement Général Motors et Toyota.
Pour vous donc, les autorités ont vu juste?
Versus Bank est une très bonne initiative. Pour moi, les autorités ont bien fait de sauver la banque. Parce qu’il est absolument nécessaire qu’il y ait des banques ivoiriennes, les seules sur lesquelles ont peut compter pour le financement de l’Economie de la Côte d’Ivoire.
C’est vrai qu’aujourd’hui, on assiste à l’arrivée de nouvelles banques, notamment africaines. Si le jeu est transparent, il ne devrait pas y avoir de frayeur. Il faut tout simplement que les autorités assurent la régulation de façon rigoureuse.
Et puis, il faut que l’Etat n’oriente ses ressources qu’en direction des banques qui acceptent de financer l’économie dans toutes ses composantes. C’est-à-dire celles qui luttent contre la pauvreté et prennent en compte les initiatives privées. Il ne faut pas donner l’argent aux banques qui ne s’inscrivent pas dans la dynamique de soutien à l’économie et qui ne sont pas présentes sur le marché interbancaire.
Une étude a démontré qu’une bonne partie des capitaux brassés par ces banques qui ne financent pas l’économie viennent de l’Etat et ses démembrements. Ce n’est pas normal. Il faut absolument un nouvel ordre financier. C’est à partir de là qu’on va assister au dynamisme de nos structures bancaires. Et les opérateurs économiques vont démontrer toute la profondeur de leur esprit de créativité.
Que pensez-vous de l’assertion selon laquelle les Ivoiriens sont de mauvais banquiers?
Quand on parle des difficultés des banques, il faut relativiser. Souvenez-vous de ce qui s’est passé entre 1980 et le début des années 1990. Les banques étrangères en Côte d’Ivoire avaient fait des pertes énormes. Elles étaient en situation de faillite. Pour les relancer, des programmes ont été mis en place. Nous en voulons pour preuves les programmes d’ajustement du secteur financier (PASFI) mis en place en 1991.
Alors pourquoi quand il s’agit d’Ivoiriens ou de noirs, on parle de fatalité? Parle-t-on de fatalité en ce qui concerne la grande crise financière mondiale actuelle? La responsabilité de cette crise incombe bien à des hommes. Sont-ils noirs? Sont-ils Ivoiriens? Débarrassons-nous de ces complexes.
En réalité, qu’est-ce que la banque, La banque, c’est la prise de risques ! C’est vrai qu’il peut y avoir parfois des dérapages. Mais, aujourd’hui les mécanismes d’anticipation et de gestion des risques se sont considérablement renforcés et vont continuer à l’être. Le processus de Bâle (I et II) est là pour en témoigner.
Aujourd’hui, le plus important pour moi est de voir si les hommes compétents existent. A ce propos, il n’y a pas de doute, les hommes compétents existent bel et bien.
Dans le cas de Versus Bank, je le répète, le problème est venu de ce que l’actionnaire majoritaire a connu des déboires juridiques et financiers dans le cadre de son business qui n’avait rien à voir avec la banque. Malheureusement, cela a eu pour conséquence d’entamer la confiance des clients. Or en matière de banque, quand la confiance est entamée, vous avez beau vous expliquer, la panique du client ne peut se calmer aussi facilement… parce qu’il s’agit d’argent.
Avec l’éveil des consciences, tout est actuellement réuni pour qu’il y ait des banques ivoiriennes très fortes.
S’agissant de la crise financière mondiale qui justifie l’intervention des pouvoirs publics dans les pays développés, comme vous en parliez tantôt, est-il vrai que le secteur financier africain, en particulier ivoirien, n’a rien à craindre?
Compte tenu de la faible implication des places financières africaines dans la mondialisation financière, le secteur financier africain, a priori, a été moins affecté par la crise financière internationale. En effet, après plus d’un an de crise, le système financier africain n’a pas été véritablement bousculé.
Cela pourrait également s’expliquer par le système dans lequel évoluent nos banques. C’est un système contrôlé par la Bceao avec des procédures strictes de gestion en matière de placement des avoirs.
Mais, il est aujourd’hui difficile de continuer à soutenir que nous sommes à l’abri de cette crise. Surtout, si elle perdure. Car les différents systèmes financiers des pays développés et des pays en voie de développement ne sont pas hermétiquement fermés les uns aux autres. Les conséquences pourront de ce fait varier selon le degré d’intégration de nos pays au système financier international.
En outre, les conséquences prévisibles de cette crise sur nos économies, à savoir, entre autres, la baisse des revenus d’exportation, la baisse de l’aide publique au développement, le chomage ; etc., ne seront pas sans effet sur le secteur financier.
Il faut, à notre avis, craindre non seulement une baisse des ressources en provenance soit de la diaspora, qui sont de véritables mannes financières pour certaines de nos économies, soit des banques consoeurs des pays développés touchés par la crise, mais aussi une véritable récession dans tous les secteurs d’activité de nos économies respectives.
Pour revenir à Versus Bank, je dirais que je suis comblé à l’idée de pouvoir mettre mon expérience et mon expertise au service de mon pays et jouer ainsi ma partition dans le combat pour le recul de la pauvreté.
Je me réjouis de pouvoir apporter ma modeste pierre à l’édifice «Ivoire», car je reste convaincu que la force d’un pays se bâtit sur plusieurs générations.
J’encourage fortement les acteurs de tous les secteurs d’activité, qu’il s’agisse de grandes entreprises, de Pme/Pmi, de professions libérales, d’ONG, de particuliers, sans oublier la micro entreprise, à s’approprier l’outil de développement qu’est Versus Bank.
Ensemble, nous relèverons le grand défi du développement de notre chère Côte d’Ivoire.
Sur le chemin de ce défi, quelles sont les perspectives immédiates de Versus Bank?
Après avoir résorbé nos déficits, qui résultent de la période de léthargie sous l’administration provisoire, nous allons accroître le degré de qualité de service fourni à notre clientèle, en lui offrant une plate-forme inédite, à l’effet de nous rapprocher davantage d’elle, pour connaître et répondre à ses attentes avec des produits adaptés et sur mesure.
Interview réalisée par Alakagni Hala
Monsieur le directeur général, Versus Bank fait l’objet d’articles dans la presse. Que se passe-t-il encore?
Effectivement, contre son gré, la Banque se retrouve encore dans la presse. Mais, cela était prévisible, et n’a de ce fait rien de surprenant, vu que la presse s’était saisie du dossier dans les premiers moments de la crise qui avait conduit la Banque à la mise sous administration provisoire.
Aujourd’hui, cette crise connaît un dénouement qui paraît inattendu pour certains. D’où leurs interrogations, relayées par la presse.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la crise qu’a traversée la Banque est à présent bel et bien terminée. L’Etat, en la rachetant, a mis un terme définitif aux litiges et autres mésintelligences qui menaçaient sa pérennité.
L’heure est en conséquence au travail, pour relever le défi du développement qui nous attend.
A ce propos, comment se porte la banque?
Versus Bank sort d’une longue crise. Mais, aujourd’hui, elle se porte nettement mieux. La Banque a en effet retrouvé son fonctionnement normal, avec l’installation le 9 janvier 2009, d’un nouveau conseil d’administration et la nomination d’un directeur général, en remplacement des organes de l’administration provisoire.
En outre, les premiers résultats enregistrés, notamment en terme de relance et de redynamisation de l’activité, de mobilisation de ressources et de maîtrise des charges, sont plus qu’encourageants. Les perspectives sont également prometteuses.
En effet, compte tenu de la qualité de service qui leur était servie, la base clientèle de Versus Bank ne s’est pas effritée, en dépit de la crise que la Banque a traversée. Les clients, dans leur majorité, sont restés fidèles à la banque, en attendant la sortie de crise, pour reprendre le cours normal de la relation.
Aussi, la reprise de l’activité a-t-elle permis à la Banque de redynamiser les relations avec cette clientèle. Ce qui s’est traduit par des flux financiers considérables. Près de 30 milliards de francs CFA ont été mobilisés en moins de deux mois d’activité, auprès de ladite clientèle. C’est une performance fort remarquable à saluer, au regard de la situation critique dans laquelle nous avons trouvé la banque.
C’est pourquoi, maintenir la qualité de service au-dessus du standard, pour une plus grande satisfaction de sa clientèle, constitue l’élément central de la politique actuelle de relance de Versus Bank.
Progressivement, mais sûrement, la banque est en train de réussir son retour définitif dans l’industrie bancaire.
Ne craignez-vous pas que la Banque se retrouve de nouveau dans la tourmente à cause de ce remue-ménage? Ne dit-on pas que l’argent n’aime pas le bruit?
Il n’y a plus aucune raison de craindre que la Banque se retrouve dans la tourmente ou dans le remue-ménage.
L’Etat étant devenu le seul actionnaire de cette banque, la principale cause de la crise qu’elle a traversée, à savoir la mésintelligence entre actionnaires, a ainsi disparu.
Cette présence de l’Etat n’autorise plus aucune crainte.
En conséquence, la banque peut à présent mener ses activités dans la sérénité et la confiance retrouvée, qui sont le gage d’un développement durable.
Il paraît que vous êtes le concepteur de Versus Bank?
J’ai effectivement été à l’origine de Versus Bank, c’est-à-dire de l’initiative à la conception, et la réalisation du projet.
Après l’obtention de l’agrément nécessaire à l’exercice de l’activité bancaire, mes partenaires d’antan m’ont renouvelé leur confiance, à l’effet de conduire les premiers pas de la banque. C’est ainsi que je l’ai dirigée dès son ouverture en 2004, jusqu’au 16 mai 2006.
Je puis vous dire que dans cette première phase, la banque a connu de très bons résultats, qui lui avaient valu plusieurs satisfecit et une honorable 8ème place sur 16 à cette période, avec un total bilan qui avoisinait les 100 milliards FCFA, après deux exercices. Vous pouvez le vérifier en consultant le classement de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire du 31 décembre 2005.
N’eût été cette déconvenue, c’est-à-dire la crise qu’elle a traversée, je suis persuadé qu’en dépit des difficultés, elle aurait maintenu le cap, pour se retrouver aujourd’hui dans le peloton de tête, car je connais les potentialités de cette banque et les opportunités qu’elle aurait pu saisir dans l’exercice, sans entrave, de son activité.
D’aucuns trouveraient curieux votre retour, alors que vous étiez à la tête de la Banque, quand elle a connu sa déconvenue. Peut-on savoir ce qui a milité en faveur d’un tel retour?
Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez. Car elle me permet d’apporter la vérité des faits.
Je note au passage que cette affaire a été l’occasion pour certains de mettre en exergue leur imagination fertile.
Mon retour est la preuve palpable que mon départ ne reposait pas sur une remise en cause de mes aptitudes professionnelles et de ma gestion.
En réalité, les difficultés de Versus Bank sont parties des difficultés juridico-financières de l’actionnaire majoritaire, la société Aiglon Holding, société de droit suisse, et ses filiales intervenant notamment dans la filière coton, leur activité première. Ce qui a créé un vent de panique au sein de notre clientèle, notamment les gros déposants. L’on a assisté en conséquence à des retraits progressifs de dépôts. Qui se sont accentués avec les faillites déclarées, d’abord de certaines filiales et, finalement, de la maison-mère, Aiglon Holding elle-même.
En outre, sans donner dans la polémique, je pense avoir été victime de mes désaccords avec l’actionnaire majoritaire, sur certaines orientations qui ne tenaient pas compte des normes de gestion très strictes dont le métier et la profession de banquier sont entourés.
Ils ne voulaient pas tenir compte des règles strictes de gestion, dites-vous.
Comment cela se traduisait?
Tout le problème se trouvait dans la composition de l’actionnariat. En effet, 70% du capital était acquis à la cause du groupe Aiglon, contre 30% pour moi. Vous noterez que je ne disposais même pas de la minorité de blocage. Malgré ma bonne volonté, qu’aurais-je pu faire?
Soit! Ils ont voulu faire entorse aux règles de bonne gestion, dites-vous. Qu’est-ce qu’ils
voulaient exactement?
En effet, ne bénéficiant plus de financements auprès de ses banques, tant à l’étranger qu’au niveau local, compte tenu des difficultés susmentionnées, l’actionnaire majoritaire a sollicité le concours de Versus Bank, pour appuyer fortement ses filiales locales.
Bien entendu, ma position était que de tels financements ne pouvaient être accordés, au regard des normes de prudence régissant la profession bancaire, notamment le ratio des prêts aux personnel, dirigeants, administrateurs et actionnaires, qui ne doit pas excéder 20 % des fonds propres effectifs de la Banque. Or ce ratio était largement atteint.
Et cette position était entièrement partagée par les autorités de contrôle, chargées de veiller au respect des normes susmentionnées.
Mais, ne possédant que 30 % des actions composant le capital, c’est-à-dire en-dessous de la minorité de blocage, contre 70 % acquis à l’actionnaire majoritaire, ma marge de manœuvre étaient considérablement réduite et toute opposition de ma part constituait pour moi un risque de révocation, qui n’a d’ailleurs pas tardé à se réaliser.
C’est dans un tel contexte que j’ai été révoqué le 16 mai 2006 de mes fonctions de directeur général, par le conseil d’administration. Qui, je le rappelle, était contrôlé de façon absolue par l’actionnaire majoritaire.
Le groupe Aiglon, vous l’avez dit, était le principal actionnaire. Ses dirigeants n’étaient-ils pas en droit de solliciter la banque dans la mesure où ils étaient en difficulté?
Oui. Mais la banque ne fonctionne pas comme ça. La banque est un métier codifié et normalisé. Contrairement à ce que les gens pensent, on ne crée pas une banque pour se servir. Au contraire, on crée une banque pour servir. Et la banque a des règles. Elle a des ratios de financement qui intègrent l’actionnaire, les administrateurs et le personnel dans une certaine proportion. A ce propos, il faut savoir raison garder.
Ceci étant, pour revenir sur ce qui justifie mon retour, je pense que les bons résultats évoqués plus haut et les acquis qualitatifs que sont les acquisitions immobilières et les agences de la banque réalisés sous mon premier mandat, constituent certainement les raisons essentielles qui ont dû présider au choix porté sur ma personne par l’actionnaire actuel, l’Etat de Côte d’Ivoire. Il a certainement estimé, en définitive, que je pouvais être l’homme de la situation.
Maintenant que je suis revenu, il s’agira donc pour moi de reprendre là où elle avait été laissée, la belle symphonie qui avait été entonnée aux premières heures. Et de conduire la banque vers le sommet.
Versus Bank, propriété de l’Etat. Y a-t-il des missions particulières que l’Etat vous a assignées?
La mission principale consiste à repositionner la Banque sur le marché et lui permettre de jouer pleinement son rôle de soutien à l’économie nationale, notamment par son appui au segment des PME/PMI.
En effet, par l’acquisition de Versus Bank, l’Etat entend mettre à la disposition des opérateurs économiques de tous les secteurs d’activité, une banque nationale solide, répondant aux normes internationales. Et reposant sur un système de gestion moderne.
C’est-à-dire?
Parlant de gestion moderne, l’Etat a lancé un signal fort. L’Etat a voulu des personnes à l’expertise avérée. Ainsi le conseil d’administration ne compte que cinq membres. Dont trois du ministère de l’Economie et des Finances et deux de la société civile. A savoir, l’institution Port autonome d’Abidjan et l’institution Petroci, à travers leurs directeurs généraux. Il y a en la composition de ce conseil, une combinaison inédite entre les trois membres du ministère et le directeur général de Versus Bank qui a fait toute sa carrière dans le secteur privé et bancaire. Les trois représentants du ministère qui sont le directeur général de l’Economie, le directeur du Trésor et un conseiller du ministre sont des personnalités au fait des activités du marché. C’est une belle combinaison qui ne peut qu’aider Versus Bank à aller de l’avant et réussir.
En outre, le président du conseil d’administration, qui n’est autre que le directeur général de l’Economie, Kouassy Oussou, est sans conteste une personnalité expérimentée, au fait des activités économiques et ayant une bonne vision de l’économie ivoirienne.
Il faut reconnaître que ce casting résulte d’une vision de haute portée.
L’Etat a maintenant deux banques. Cela ne fait-il pas un double emploi avec la BNI?
Il ne saurait y avoir double emploi, en ce sens que fondamentalement, les deux banques se complètent, pour un soutien total à l’économie nationale.
Ainsi, leurs actions conjuguées réalisent pleinement la vision de l’Etat de Côte d’Ivoire, à savoir, mettre à la disposition des opérateurs économiques des outils de financement complets, afin de les appuyer et les aider à se développer durablement.
D’autre part, le marché bancaire ivoirien regorge d’opportunités diverses, pouvant permettre aux banques nationales de jouer pleinement leur rôle, notamment dans la lutte contre la pauvreté.
Le fait que l’Etat nationalise la Banque ne pose-t-il pas problème?
La nationalisation est plutôt salutaire et même salvatrice, pour tout le système financier. Elle évite ainsi la disparition d’un bel outil de développement et les effets collatéraux et systémiques que cette disparition aurait pu causer.
En outre, aujourd’hui, cette nationalisation ne saurait constituer une incongruité, au regard de l’actualité financière mondiale qu’il nous est donné d’observer.
Aux Etats-Unis, en Europe, et même en Asie, l’on assiste à des nationalisations partielles ou totales de banques de renommée mondiale telles que Citibank, Commerzbank, Freddie Mac, etc. Les compagnies d’assurances n’échappent pas à cette tendance. On a l’exemple très illustratif de AIG, leader mondial dans le secteur des assurances.
Les pouvoirs publics de ces pays procèdent également à la mise en place de plans de sauvetage des entreprises. Aux Etats-Unis, par exemple, il y a le plan Paulson qui a été adopté après d’intenses discussions.
Par ces plans, les autorités apportent un soutien qui s’étend aux entreprises des secteurs autres que les secteurs financier et bancaire. Ainsi qu’en témoigne l’appui des gouvernements américain et japonais aux géants de l’automobile que sont respectivement Général Motors et Toyota.
Pour vous donc, les autorités ont vu juste?
Versus Bank est une très bonne initiative. Pour moi, les autorités ont bien fait de sauver la banque. Parce qu’il est absolument nécessaire qu’il y ait des banques ivoiriennes, les seules sur lesquelles ont peut compter pour le financement de l’Economie de la Côte d’Ivoire.
C’est vrai qu’aujourd’hui, on assiste à l’arrivée de nouvelles banques, notamment africaines. Si le jeu est transparent, il ne devrait pas y avoir de frayeur. Il faut tout simplement que les autorités assurent la régulation de façon rigoureuse.
Et puis, il faut que l’Etat n’oriente ses ressources qu’en direction des banques qui acceptent de financer l’économie dans toutes ses composantes. C’est-à-dire celles qui luttent contre la pauvreté et prennent en compte les initiatives privées. Il ne faut pas donner l’argent aux banques qui ne s’inscrivent pas dans la dynamique de soutien à l’économie et qui ne sont pas présentes sur le marché interbancaire.
Une étude a démontré qu’une bonne partie des capitaux brassés par ces banques qui ne financent pas l’économie viennent de l’Etat et ses démembrements. Ce n’est pas normal. Il faut absolument un nouvel ordre financier. C’est à partir de là qu’on va assister au dynamisme de nos structures bancaires. Et les opérateurs économiques vont démontrer toute la profondeur de leur esprit de créativité.
Que pensez-vous de l’assertion selon laquelle les Ivoiriens sont de mauvais banquiers?
Quand on parle des difficultés des banques, il faut relativiser. Souvenez-vous de ce qui s’est passé entre 1980 et le début des années 1990. Les banques étrangères en Côte d’Ivoire avaient fait des pertes énormes. Elles étaient en situation de faillite. Pour les relancer, des programmes ont été mis en place. Nous en voulons pour preuves les programmes d’ajustement du secteur financier (PASFI) mis en place en 1991.
Alors pourquoi quand il s’agit d’Ivoiriens ou de noirs, on parle de fatalité? Parle-t-on de fatalité en ce qui concerne la grande crise financière mondiale actuelle? La responsabilité de cette crise incombe bien à des hommes. Sont-ils noirs? Sont-ils Ivoiriens? Débarrassons-nous de ces complexes.
En réalité, qu’est-ce que la banque, La banque, c’est la prise de risques ! C’est vrai qu’il peut y avoir parfois des dérapages. Mais, aujourd’hui les mécanismes d’anticipation et de gestion des risques se sont considérablement renforcés et vont continuer à l’être. Le processus de Bâle (I et II) est là pour en témoigner.
Aujourd’hui, le plus important pour moi est de voir si les hommes compétents existent. A ce propos, il n’y a pas de doute, les hommes compétents existent bel et bien.
Dans le cas de Versus Bank, je le répète, le problème est venu de ce que l’actionnaire majoritaire a connu des déboires juridiques et financiers dans le cadre de son business qui n’avait rien à voir avec la banque. Malheureusement, cela a eu pour conséquence d’entamer la confiance des clients. Or en matière de banque, quand la confiance est entamée, vous avez beau vous expliquer, la panique du client ne peut se calmer aussi facilement… parce qu’il s’agit d’argent.
Avec l’éveil des consciences, tout est actuellement réuni pour qu’il y ait des banques ivoiriennes très fortes.
S’agissant de la crise financière mondiale qui justifie l’intervention des pouvoirs publics dans les pays développés, comme vous en parliez tantôt, est-il vrai que le secteur financier africain, en particulier ivoirien, n’a rien à craindre?
Compte tenu de la faible implication des places financières africaines dans la mondialisation financière, le secteur financier africain, a priori, a été moins affecté par la crise financière internationale. En effet, après plus d’un an de crise, le système financier africain n’a pas été véritablement bousculé.
Cela pourrait également s’expliquer par le système dans lequel évoluent nos banques. C’est un système contrôlé par la Bceao avec des procédures strictes de gestion en matière de placement des avoirs.
Mais, il est aujourd’hui difficile de continuer à soutenir que nous sommes à l’abri de cette crise. Surtout, si elle perdure. Car les différents systèmes financiers des pays développés et des pays en voie de développement ne sont pas hermétiquement fermés les uns aux autres. Les conséquences pourront de ce fait varier selon le degré d’intégration de nos pays au système financier international.
En outre, les conséquences prévisibles de cette crise sur nos économies, à savoir, entre autres, la baisse des revenus d’exportation, la baisse de l’aide publique au développement, le chomage ; etc., ne seront pas sans effet sur le secteur financier.
Il faut, à notre avis, craindre non seulement une baisse des ressources en provenance soit de la diaspora, qui sont de véritables mannes financières pour certaines de nos économies, soit des banques consoeurs des pays développés touchés par la crise, mais aussi une véritable récession dans tous les secteurs d’activité de nos économies respectives.
Pour revenir à Versus Bank, je dirais que je suis comblé à l’idée de pouvoir mettre mon expérience et mon expertise au service de mon pays et jouer ainsi ma partition dans le combat pour le recul de la pauvreté.
Je me réjouis de pouvoir apporter ma modeste pierre à l’édifice «Ivoire», car je reste convaincu que la force d’un pays se bâtit sur plusieurs générations.
J’encourage fortement les acteurs de tous les secteurs d’activité, qu’il s’agisse de grandes entreprises, de Pme/Pmi, de professions libérales, d’ONG, de particuliers, sans oublier la micro entreprise, à s’approprier l’outil de développement qu’est Versus Bank.
Ensemble, nous relèverons le grand défi du développement de notre chère Côte d’Ivoire.
Sur le chemin de ce défi, quelles sont les perspectives immédiates de Versus Bank?
Après avoir résorbé nos déficits, qui résultent de la période de léthargie sous l’administration provisoire, nous allons accroître le degré de qualité de service fourni à notre clientèle, en lui offrant une plate-forme inédite, à l’effet de nous rapprocher davantage d’elle, pour connaître et répondre à ses attentes avec des produits adaptés et sur mesure.
Interview réalisée par Alakagni Hala