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Société Publié le jeudi 12 mars 2009 | Le Temps

Diomandé Mamadou, secrétaire général de l`autre tendance du Synesci -“Nous devons respecter la liberté syndicale”

Face à la crise qui mine l'école ivoirienne, Diomandé Mamadou est très amer. Le secrétaire général du Synesci (Syndicat national des enseignants du second degré de Côte d'Ivoire) déballe tout, dans cet entretien.


Le Synesci a aujourd'hui deux tendances. Revendiquez-vous la version originelle ?
Je suis le secrétaire général du Synesci.

Mais Soro Mamadou agit aussi au nom du même syndicat…
Oui Soro Mamadou agit au nom du syndicat mais il sait qu'au Synesci, on ne s'éternise pas.

Quel est le problème réel au sein du Synesci ?
Le problème réel, c'est que certains de nos camarades qui sont avec Soro et Soro lui-même, ont décidé de s'accaparer notre syndicat. Ils veulent décider d'eux-mêmes qui doit être à la tête du syndicat. Alors que le Synesci s'est toujours montré démocratique. Le Synesci est l'un des pionniers de la démocratie en Côte d'Ivoire et cet état de fait ne saurait changer la donne.

Si l'on vous comprend, vous avez éjecté M. Soro Mamadou de la tête de ce syndicat mais il continue de s'y maintenir ?
Oui les textes ont éjecté Soro Mamadou depuis longtemps, mais vous savez que quand il y a une affaire de partisans, il suffit simplement que ces partisans disent toujours que notre leader, celui qu'on suit est là et il décide de se maintenir. Sinon, Soro lui-même sait en tout état de cause qu'il ne peut plus s'éterniser à la tête du Synesci. Il a été élu en novembre 2000, Soro ne pouvait finir qu'au plus en 2004. Il ne peut pas se retrouver là, aujourd'hui.

Revenons à l'actualité. Aujourd'hui, l'école ivoirienne est bloquée. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Moi, j'ai déjà dit que ce qui se passe est loin d'une revendication syndicale. Nous sommes syndicalistes, il y a des méthodes. Quoiqu'on dise, quoi qu'on en veuille au gouvernement. Parce que le syndicat est créé dans un cadre légal, il doit donc fonctionner dans ce cadre-là. Nous avons posé nos revendications à la tutelle. Le décret de profil de carrière est sorti depuis 2007. Ce décret doit être accompagné de plusieurs arrêtés d'application. Le premier arrêté d'application a été obtenu le 13 août 2008. Aujourd'hui, il est question de mettre en œuvre les dispositions du décret et aussi de l'arrêter du 13 août 2008. C'est là que le problème se pose. Le gouvernement a décidé, par l'intermédiaire du ministère de la fonction publique, de fixer la date d'effet du reclassement systématique qui est consécutif à l'application de ce profil (date d'effets financiers) à partir du 1er novembre 2009. Nous, syndicalistes, nous disons que nous ne voulons pas de la date du 1er novembre 2009, parce qu'entre temps, pour les mêmes revendications, nos camarades de l'enseignement supérieur ont obtenu la date d'effet du 1er janvier 2009. Les médecins, les cadres supérieurs de la santé ont obtenu leur décret pour le 1er janvier 2009. Même les agents de la fonction publique l'ont obtenu pour le 1er avril 2009. Nous ne comprenons pas donc pourquoi nous, enseignants, on nous remet au 1er novembre 2009. Alors que l'inflation inévitable qui va suivre la mise en œuvre de ces mesures-là, nous allons l'assumer de la même manière. Donc, nous disons qu'il est normal et qu'il est même juste que toutes ces mesures-là prennent effet en même temps, à la même date.

C'est justement ce que réclame Soro…
…Le gouvernement a décidé d'une date. Nous, nous voulons d'une autre date. Cela veut dire que nous nous retrouvons pour négocier. Nous avons fait grève pour réclamer cela mais en plus de cela, il y a d'autres choses comme la correction de l'écart indiciaire entre les grades A3 et A4. Il y a même la revalorisation qui est prévue, qui a été discutée au pré forum, qui est acquis et qui doit se faire. Et pour tous ces éléments, le gouvernement nous a dit, partout où nous sommes passés, du ministère de la fonction publique jusqu'à la présidence, parce que les conseillers techniques et spéciaux de la présidence de la république nous ont reçus, il nous ont tenu le même langage : " La Côte d'Ivoire est engagée dans l'initiative Ppte " et ils nous demandent d'attendre le mois de mars pour reprendre les négociations. Voilà là où nous ne nous accordons pas. Certains de nos camarades trouvent que mars est tellement loin qu'il faut “casser” en même temps la république avant cette date. Or, nous sommes déjà en mars. Voilà donc ce qui nous oppose. Sinon, pour les revendications, on est tous d'accord qu'il faut que nous ayons le décret portant date d'effet.

Les enseignants ont fait, entre-temps, de la rétention de notes, une arme. Est-ce que cela est pédagogique et légal pour les formateurs que vous êtes ?
Le syndicaliste utilise toutes les méthodes pour faire pression sur le pouvoir. Le pouvoir exerce une pression étatique parce que de façon statutaire, il a toutes les forces de l'ordre et tout avec lui. Nous, nous avons aussi des dispositions que nous prenons pour mettre la pression sur le gouvernement. C'est pourquoi, à des moments précis, nous utilisons aussi la rétention des notes pour faire la pression sur l'Etat. Mais ce qui n'est pas bon, c'est lorsqu'on s'éternise là-dedans. Nous sommes tous des enseignants et lorsqu'on évalue des enfants et qu'on refuse de leur donner leurs notes pour qu'ils voient ce qui n'a pas marché et se rattraper lors des évaluations futures…Le 1er trimestre est fini, les enfants ne savent même pas encore leurs notes dans toutes les matières, quelles sont leurs moyennes. Le 2e trimestre est fini le 6 mars, les enfants n'ont reçu aucune note. Cela nous interpelle en tant qu'enseignant, formateur. Est-ce que nous sommes en train de faire notre travail, est-ce que nous pensons à l'avenir de la nation, est-ce que nous sommes habités par la déontologie de notre métier, voilà le problème que ça pose. C'est pourquoi, nous en tout cas, au Synesci, nous, ne sommes pas d'accord avec cette manière, avec ce qui se passe.

Vous avez pourtant observé un silence-radio devant tout ce qui se passe…
Non, il ne nous appartient pas de combattre les revendications d'un autre syndicat. Mais il appartient à l'Etat, de prendre ses responsabilités. Ce n'est pas nous qui avons observé de façon coupable. Nous, nous adressons à nos camarades. Nous savons ce que nous leur disons. Aujourd'hui, le nombre de camarades qui retiennent les notes est très peu. Mais comme ici, un seul professeur peut tenir plusieurs classes, le fait qu'un seul professeur (il y a des établissements où c'est un seul, il y en a où c'est deux) retienne les notes, ça peut bloquer 7 à 8 classes. Voilà, le problème. Nous ne sommes pas restés silencieux mais c'est le gouvernement qui est resté silencieux.

Qu’en est-il du principe de la liberté syndicale quand on constate que certains veuillent en imposer à d'autres qui n'ont pas déclenché de grève ?
Lorsqu'il y a beaucoup de syndicats dans une corporation, on assiste à cela. Il y a un conflit de leadership qui naît et chacune veut qu'on dise que c'est lui qui mobilise le plus grand nombre de militants. Quand nous avons fait notre grève dans le cadre du collectif, vous avez vu que tout était calme. Nous n'avons délogé personne. Celui qui voulait faire cours est allé faire cours. Nous avons tout simplement informé, sensibilisé nos camarades. Mais ce que nous ne pouvons pas accepter, c'est lorsque nous disons que nous ne sommes pas en grève, et que d'autres personnes veulent qu'on dise que c'est eux qui ont bloqué l'école viennent et à coups de machettes, de gourdins, cailloux, ils délogent les gens avec des pratiques peu recommandables, pour tout simplement qu'on dise que c'est eux qui mobilisent. La vraie mobilisation, c'est le verbe. Qu'on laisse la liberté syndicale s'exprimer.

Vous avez lancé un appel à la reprise des cours. Votre appel a-t-il été entendu ?
Oui. Nous disons que nous avons été entendu. Parce que si ce n'était pas le cas, il n'allait pas avoir ces mouvements qui ont cours, toutes ces violences. Car si tous les enseignants, se reconnaissent dans le mot d'ordre, il n'y aurait pas de violence.


Serge Mahi
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