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Politique Publié le jeudi 12 mars 2009 | Notre Voie

Processus de sortie de crise-2 ans après l’Accord politique de Ouagadougou : l’année décisive en Côte d’Ivoire ?

C’est le 22 décembre 2008, à l’issue de plusieurs séances de concertation entre les deux parties ivoiriennes, mouvance présidentielle et Forces nouvelles (ancienne rébellion), qu’a été signé un quatrième accord complémentaire à l’Accord politique de Ouagadougou conclu, le 4 mars 2007 et dont l’application a pris certains retards. Il est clair que les opérations d’identification et d’enrôlement, destinées à établir une nouvelle liste électorale, qui devaient s’achever le 28 février 2009, se déroulent plus lentement que prévu, en particulier en milieu rural, pour des raisons logistiques et culturelles. Mais le redéploiement de l’administration de l’Etat dans l’ancienne zone rebelle, surtout celle des impôts et des douanes dont l’enjeu financier n’échappe à personne, d’une part, et les questions militaires liées à la constitution de la nouvelle armée, le désarmement et le démantèlement des milices, d’autre part, répondent à des considérations très politiques. Elles posent avec acuité, les responsabilités du Premier ministre Guillaume Soro, toujours Secrétaire général des Forces nouvelles qui contrôlent le Nord du pays où l’extrême pauvreté a pris d’inquiétantes proportions pour un pays comme la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, il apparaît que seul le médiateur, le Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, soit en capacité d’accélérer le processus de remplacement des autorités issues de la rébellion, les fameux «com-zones», par l’administration de l’Etat. La 5ème réunion du Cadre permanent de concertation (CPC), initialement prévue le 11 mars à Yamoussoukro, a été reportée, les conditions n’étant pas réunies pour trouver un chronogramme réaliste faisant consensus entre les principaux acteurs politiques pour la tenue de l’élection présidentielle.

L’identification et les retombées du quatrième accord complémentaire à l’accord de Ouagadougou

Initiées avec retard le 15 septembre 2008, les opérations d’identification et d’enrôlement devaient s’achever le 28 février 2009. Elles impliquent cinq structures la Commission électorale indépendante (CEI), l’Office national d’identification (ONI), la Commission nationale de supervision de l’identification (CNSI), l’Institut national de la statistique (INS) et la Sagem. Chaque citoyen doit passer devant les agents de l’ONI pour se faire identifier, de l’INS pour valider les informations sur sa filiation et de la SAGEM pour les empreintes et la photo. La population cible, les Ivoiriennes et Ivoiriens âgés d’au moins seize ans, a été estimée à 8 663 149 par la CEI. Il a été annoncé, lors de la dernière réunion du Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA) tenue à Ouagadougou le 16 février, que 4 520 948 personnes avaient déjà été enrôlées. A partir du mois de mars, 65 équipes sont envoyées dans 19 pays pour opérer l’enrôlement des Ivoiriens de l’étranger qui peuvent voter à l’élection présidentielle.
Les opérations qui ont démarré avec beaucoup de difficultés en septembre ont été souvent perturbées par des arrêts de travail des agents recenseurs en raison du non paiement des salaires et par des problèmes logistiques. En 2009, l’Etat ivoirien a décaissé une dizaine de milliards de francs CFA pour financer leur poursuite et leur achèvement qu’on peut difficilement prévoir avant avril, même si la date du 15 mars continue d’être avancée. Cela laisse cependant ouverte l’hypothèse de la tenue des élections avant la fin 2009.
Des croisements avec les registres d’état-civil seront nécessaires pour procéder à l’établissement de listes électorales provisoires. L’Union européenne a financé à hauteur de 8 milliards de francs CFA, la modernisation des registres d’état-civil dont certains avaient disparu ou avaient été détruits. Le choix de ce processus extrêmement lourd a été fait par ceux-là même qui critiquent actuellement les retards pris en les imputant au chef de l’Etat. Ce dernier n’avait pas été suivi par ses opposants politiques lorsqu’il avait proposé, au début du dialogue direct, une mise à jour des listes électorales de 2000. Cette défiance coûte très cher au sens propre à l’Etat ivoirien et elle a engendré un processus électoral très complexe dont les modalités sont uniques sur le continent africain.
En effet, cette identification de fond de l’ensemble des citoyens ivoiriens, dont les conséquences financières et la durée ont été sous-estimées, met à jour des pratiques irrationnelles accumulées pendant des dizaines d’années dans le pays : usage des papiers d’autrui, citoyens disposant de plusieurs identités, etc… Elle va toutefois permettre de jeter les bases d’un Etat moderne et dépasser le problème d’identité qui avait été avancée comme un des fondements de la rébellion armée.
Le quatrième avenant à l’accord de Ouagadougou a essentiellement porté sur les questions militaires : conduite des opérations de désarmement des ex-combattants des Forces nouvelles, démantèlement des milices, lancement du processus de réunification des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes. Il a aussi défini les modalités de l’achèvement du redéploiement de l’administration publique sur l’ensemble du territoire, y compris le corps préfectoral, l’appareil judiciaire (380 fonctionnaires), l’administration fiscale et douanière pour rétablir l’unicité des caisses de l’Etat.
En matière militaire, Ouaga IV confirme l’intégration de 5000 anciens rebelles dans l’armée nouvelle, et prévoit 3400 éléments dont la liste est dressée par le Centre de commandement intégré (CCI) pour constituer des brigades mixtes de police et de gendarmerie. La démobilisation des combattants des Forces nouvelles non retenus, et le démantèlement des milices se fera sur la base d’un pécule de 500 000 francs CFA (750 euros) par individu pour solde de tout compte. Cette proposition, dont le financement n’est toujours pas assuré, a engendré un gonflement des effectifs annoncés de part et d’autre, sans rapport avec la réalité (32 400 membres des Forces nouvelles et 40 000 miliciens !).
Après le démantèlement, en décembre 2008, des groupes d’autodéfense ou milices installés sur des sites précaires dans la ville d’Abidjan, l’opération de profilage de ces milices, suspendue en 2008, a repris en février 2009 sous l’autorité du Centre de commandement intégré. Le désarmement des miliciens et des éléments des Forces nouvelles démobilisés, qui intégreront le programme de service civique national ou le programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire, doit être achevé au plus tard deux mois avant la date fixée pour l’élection présidentielle. A noter que l’ONUCI a mis en place 1000 micro-projets destinés aux démobilisés
Au début du mois de janvier 2009, 23 552 fonctionnaires sur 24 437 avaient repris leur service dans les zones Centre/Nord/Ouest (CNO, ancienne zone rebelle) selon le secrétaire exécutif du Comité national de pilotage du redéploiement de l’administration. Ce n’était toujours pas le cas des agents des douanes, des impôts et du Trésor, ni celui du personnel judiciaire et pénitentiaire. Les 22 préfets n’avaient pas récupéré la plénitude de leurs fonctions, encore exercés par les commandants de zones militaires appartenant aux Forces nouvelles. Les échéances annoncées du 15 janvier, du 2 février puis du 4 mars pour rendre effectif le redéploiement et les passations de pouvoir n’ont pas été respectées. Ainsi, le Premier ministre Guillaume Soro a seulement inauguré, le 4 mars, à Bouaké, le guichet d’immatriculation des véhicules, en matière d’administration fiscale, la passation des charges entre com-zones et préfets étant reportée sine die. Par ailleurs, les difficultés financières ont ralenti les travaux de réhabilitation : seulement 519 des 3778 bâtiments administratifs étaient réhabilités au début de l’année 2009, ce qui donne une idée de l’extrême dégradation de la situation dans l’ancienne zone rebelle de 2002 à 2007.

L’ONUCI et la Force Licorne dans
le contexte actuel

Par sa résolution 1865 du 27 janvier 2009 sur la Côte d’Ivoire, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de proroger jusqu’au 31 juillet 2009, les mandats de l’ONUCI et de la Force française Licorne, notamment pour accompagner l’organisation d’élections libres et transparentes. Le nombre de casques bleus doit être réduit de 665, ramenant les effectifs de l’ONUCI à 7 450. Prenant acte du report de l’élection présidentielle qui avait été annoncée pour le 30 novembre 2008, le Conseil de sécurité a insisté, vigoureusement relayé sur place par le représentant du Secrétaire général M. Young Jin Choi, sur la nécessité de trouver sans délai, un accord sur un calendrier électoral nouveau et réaliste. Le CEA du 16 février à Ouagadougou n’a pu répondre à cette attente au regard des conséquences financières et politico-militaires du quatrième accord complémentaire et de la sous-estimation des difficultés matérielles de l’opération d’identification.
Pour sa part, en application du nouvel article 35 de sa Constitution, la France a décidé, par un vote au Parlement, le 28 janvier 2009, de réduire la Force Licorne de 1800 à 900 hommes à l’échéance du mois de juin avec le départ de 300 dès le mois de mars. Le site de Bouaké, l’ancienne «capitale rebelle», sera fermé avant mai. En juin, le général de division Philippe Houbron commandant la Force Licorne sera remplacé par un général de brigade, les effectifs militaires français étant inférieur à 1000 hommes. Les 200 soldats français déployés dans le cadre de l’ONUCI seront également rapatriés en 2009, soit un retrait total de 1100 éléments français. Cela reflète l’évolution de la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire, mais aussi, côté français, les nouvelles priorités définies dans le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale en 2008. Rappelons que la base militaire du 43ème Bataillon d’infanterie de marine (BIMA) a été supprimée par l’intégration de ses éléments dans une base de soutien à la Force Licorne en juillet 2008. Le retrait total de cette force mettra fin à la présence militaire française en Côte d’Ivoire. Cela répond, d’une part, au souhait des autorités ivoiriennes et s’intègre, d’autre part, dans la nouvelle vision stratégique très pro-américaine du Président Sarkozy, comme le montrent le redéploiement militaire français en Afghanistan, la réintégration totale de la France dans l’OTAN et l’installation prochaine d’une base militaire à Abu Dhabi. C’est la première application du discours du Cap, le 28 février 2008, où le Président français avait dit sa volonté de revoir les accords de Défense de la France avec les Etats d’Afrique en tenant compte de la volonté des partenaires. Celle du Président Gbagbo n’est visiblement pas la même que celle de ses homologues du Tchad et du Gabon, Idriss Déby et Omar Bongo…
Le Président Gbagbo a reçu, le 31 décembre, à Abidjan, le secrétaire d’Etat à la Défense, Jean-Marie Bockel, visitant la Force Licorne, et le 26 février, à Yamoussoukro, Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat au commerce extérieur, accompagnée d’une délégation d’hommes d’affaires. A l’occasion de cette dernière visite, du 25 au 27 février, les autorités ivoiriennes se sont réjouies de l’appui de la France à l’apurement de ses arriérés auprès des institutions financières multilatérales, et à sa démarche auprès des institutions de Bretton-Woods pour obtenir un allégement de la dette. L’Agence française de développement, de retour à Abidjan en juillet 2008, a fait un don de 500 millions de francs CFA, son premier engagement depuis 2001, pour l’étude de projets sectoriels impliquant l’AFD, malgré l’existence d’importants arriérés de la Côte d’Ivoire à son égard. Même si l’environnement des affaires laisse encore à désirer, les échanges commerciaux frano-ivoiriens ont progressé en 2008, au profit de la France puisqu’on note une augmentation de 7 % des exportations françaises vers la Côte d’Ivoire, atteignant près de 500 milliards de francs CFA, soit près de 750 millions d’euros, contre 565 millions d’euros pour les exportations ivoiriennes vers la France. Après l’Afrique du Sud, les pays exportateurs de pétrole que sont le Nigéria et l’Angola, la Côte d’Ivoire reste le quatrième partenaire commercial africain de la France. Parmi les opérateurs économiques français, on dénombre aujourd’hui 140 filiales françaises et 500 PME de droit ivoirien.
Dans le cadre des échanges avec les entreprises françaises, le port d’Abidjan, visité par Madame Idrac, joue un rôle déterminant. Sa productivité est comparable aux ports de Rouen ou du Havre grâce aux investissements importants du groupe Bolloré qui gère le terminal à conteneurs en progression de 21 % en 2008 par rapport à 2007. Le trafic global du port, dont les hydrocarbures ont représenté 45 %, a légèrement dépassé 22 millions de tonnes en 2008 contre 21,3 en 2007, malgré un nouveau fléchissement des échanges avec le Mali et le Burkina Faso en raison de la poursuite du racket dont sont victimes les transporteurs dans le Nord de la Côte d’Ivoire. Cette situation a été dénoncée par le directeur général du port, Marcel Gossio, décoré à Ouagadougou le 22 janvier dernier, tout un symbole (!), pour ses efforts en faveur du développement des échanges intra-régionaux. Le Niger considère encore Cotonou comme son port naturel au Bénin.

Les bases financières de la reprise économique

La mission conjointe menée du 5 au 12 février 2009 par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) s’est révélée beaucoup plus positive que celle d’octobre 2008. Elle a porté sur l’évaluation du programme d’assistance d’urgence post-crise (AUPC), la gestion budgétaire 2008 et l’analyse du cadrage budgétaire 2009. Ses conclusions laissent espérer une décision favorable du FMI pour la Côte d’Ivoire lors de son Conseil d’administration du 27 mars, malgré les réticences des Etats-Unis. L’obtention, impérative avant le 31 mars, du point de décision enclenchant l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) d’allègement de la dette, libérerait chaque année, pour les dix ans à venir, environ 700 milliards de francs CFA dans le budget ivoirien (arrêté à plus de 2 400 milliards de francs CFA en 2009). Faute d’une telle mesure, cette somme continuerait d’être consacrée au remboursement de la dette extérieure
Pour atteindre ce point de décision, la Côte d’Ivoire a remboursé, en 2008, ses arriérés auprès du FMI et de la Banque mondiale. Elle vient d’apurer ses arriérés auprès de la BAD, qui l’a annoncé le 6 mars. Cela permet la reprise de la coopération de la Côte d’Ivoire avec la BAD, interrompue depuis 2003, qui se traduit par un don de 63,8 milliards de francs CFA, notamment destiné à l’amélioration du système de gestion des finances publiques. Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) de la Côte d’Ivoire, attendu à la fin septembre 2008, n’a été officiellement transmis au FMI et à la Banque mondiale qu’en janvier 2009, le document préliminaire ayant été approuvé à la mi-décembre 2008 par le FMI et la Banque mondiale.
En 2008, la Côte d’Ivoire connaissait après six ans de crise politico-militaire un taux de pauvreté de 48,9 %, particulièrement concentré en milieu rural avec 62,45 % contre 29,45 % en milieu urbain. L’objectif très ambitieux est de le ramener à 17 % d’ici à 2013. Le taux de pauvreté était de 10 % en 1985.
La mission des institutions financières internationales conduite en février a délivré un satisfecit en matière de gestion des finances publiques, des mesures ayant été prises depuis octobre pour répondre aux exigences d’orthodoxie budgétaire du FMI. La mission a noté l’amélioration de l’activité économique avec une croissance de 2,3 % en 2008 et une prévision établie à 3,5 % en 2009, malgré le contexte mondial.
Pour sa part, le ministre ivoirien de l’Economie et des Finances, M. Charles Diby Koffi a tablé sur une progression de 2,8 % à 3 % pour établir le budget 2009 qui ne tenait pas compte des retombées financières de l’accord complémentaire de décembre 2008. L’inflation qui a atteint 9% en 2008 avec la flambée des prix des produits alimentaires et du pétrole doit être contenue à 3 % en 2009. De profondes réformes structurelles ont été engagées dans les secteurs du café-cacao et de l’énergie. Des engagements ont été pris en matière de traçabilité dans la gestion des ressources, notamment énergétiques et agricoles, et des dépenses publiques, avec la volonté de répondre aux besoins d’investissements sociaux. A cet effet, a été lancée, le 23 janvier 2009, une structure de veille financée à hauteur de 6 milliards de francs CFA par la Banque mondiale. Le recensement des fonctionnaires a été décidé lors du Conseil des ministres du 12 février afin d’éliminer les emplois fictifs dans la Fonction publique dont la masse salariale représente 31 % du budget de l’Etat en 2009.
Sur ces bases, un programme triennal (2009-2011) a été arrêté entre la Côte d’Ivoire et les institutions de Bretton-Woods. Il doit être soumis au prochain Conseil d’administration du FMI. Il s’inscrit dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) accordant des appuis budgétaires substantiels et ouvrant la voie à l’initiative PPTE déjà évoquée sur l’allègement de la dette. Les infrastructures, l’emploi des jeunes et la relance du secteur agricole sont les priorités retenues par la Banque mondiale.
Le budget 2009, examiné en Conseil des ministres le 18 décembre 2008, a été établi à 2464,3 milliards de francs CFA, en progression de 6,4% par rapport au budget révisé de 2008, avec 79,5 % de recettes endogènes. Dans le cadre des dépenses, les engagements en matière de paiement de la dette seront respectés : 401 milliards pour le service de la dette extérieure et 368 pour la dette intérieure dont l’importance asphyxie les activités des sociétés nationales et de nombre d’entreprises travaillant pour l’Etat. Avec 512 milliards, l’éducation est le département le mieux doté, 246 milliards revenant à la Sécurité et la Défense, 112 à la Santé et 88 à l’amélioration des infrastructures de base. 120,7 milliards, dont 105,7 financés sur ressources intérieures, sont prévus pour le programme de sortie de crise : opération d’identification, arriérés de prime de front pour les Forces de défense, redéploiement de l’administration, programme de service civique et de réinsertion, organisation des élections, poursuite du programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire, activités du Centre de commandement intégré, financement des partis politiques. Inscrite au budget, la revalorisation des salaires, certes étalée jusqu’en 2010, n’a pas suffi à limiter le développement de grèves sectorielles dans la Santé et l’Enseignement notamment.

Le climat politique et social à l’intérieur du pays

Initiée avec l’arrestation des principaux dirigeants des structures de la filière café-cacao en juin 2008, la lutte pour la moralisation de la vie publique se poursuit. Le 27 février, une collaboratrice de l’ancien président du conseil de gestion du Fonds de développement et de promotion des producteurs de café-cacao a été déférée à la maison d’arrêt d’Abidjan. Le même jour a été créé par décret, un comité de réforme de la filière, sous l’autorité du Président de la République. Il a trois mois pour rendre ses conclusions. Depuis septembre 2008, un comité de gestion provisoire a autorité sur ce secteur.
La sévère condamnation, le 11 février, à 5 ans de prison ferme d’une personne membre du Secrétariat particulier du chef de l’Etat pour escroquerie, a été suivie de celle d’agents de la Présidence dans le cadre d’une affaire d’emplois fictifs. Ces pratiques remontent à bien des années, toutes les personnes incriminées officiant à la Présidence bien avant l’élection du Président Gbagbo en octobre 2000. Ce dernier, dans sa réponse aux vœux du corps diplomatique, le 21 janvier, a fait de 2009 l’année des élections, mais aussi, dans des termes particulièrement vigoureux, celle du renforcement de la lutte contre la corruption : «Dès l’instant où, avec l’accord politique de Ouagadougou, j’ai fini la vraie guerre, je mène maintenant celle qui rend propre la gestion de l’argent public. La gestion des biens publics est une véritable plaie». Il a précisé que la filière café-cacao n’était pas le seul secteur visé, ajoutant : «Nous sommes en train d’instruire d’autres secteurs pour y porter le combat». Il a également souligné la nécessité d’une réforme de la justice pour assainir l’environnement du monde des affaires. A l’évidence, le chef de l’Etat, en relevant ces nouveaux défis, ne peut que renouveler une adhésion populaire à son action.
Sur le terrain, la campagne pour les élections présidentielles se poursuit. Parmi les principaux challengers du Président sortant, le candidat du PDCI, Henri Konan Bédié, se montre plus actif qu’Alassane Ouattara, candidat du RDR, qui, pour l’heure envoie ses lieutenants en campagne. Oublieux de son propre bilan, l’ancien Président Bédié a opté pour une campagne si virulente contre le FPI et le chef de l’Etat qu’il n’apparaît pas crédible aux yeux de certains dignitaires du PDCI tentés par le légitimisme et l’appui au candidat sortant. Plus insaisissable, le Président du RDR, visiblement prisonnier de sa propre histoire qui le contraint à être candidat, doit résoudre l’inconnu de l’équation Guillaume Soro. Ce dernier qui fait l’impasse lors du prochain scrutin, en assumant la responsabilité politique de la rébellion et en exerçant la fonction de Premier ministre, engrange pour la période post-électorale et pour un avenir plus lointain, les retombées du retour à la paix. Les moyens financiers ne lui feront pas défaut au regard des difficultés faites par ses partisans pour rétablir l’unicité des caisses de l’Etat.
Plus feutrées, les luttes d’influence sont engagées dans le monde de la communication où les lignes bougent. Le Président Gbagbo a reçu à Abidjan, le 14 février, le PDG d’Eurorscg le communicant Stéphane Fouks, au grand désarroi d’Alassane Ouattara qui a longtemps bénéficié des faveurs de ce groupe très influent dans les milieux politiques de gauche. Cette rencontre, qui s’est bien passée, peut ouvrir d’intéressantes perspectives pour le Président social-démocrate ivoirien, systématiquement vilipendé dans les médias français, en particulier de gauche.
Après ses tournées dans le Nord, avec à ses côtés le Premier ministre, le chef de l’Etat engage le 21 mars 2009 une visite officielle d’une dizaine de jours dans l’Ouest et le Nord-Ouest du pays. Biankouma, Kabacouma dont le nom est lié à l’éphémère et défunt chef d’Etat Robert Gueï, Man, Danané et Touba sont notamment au programme.
Les mouvements sociaux ne sont pas absents de cette période pré-électorale. Malgré la revalorisation des salaires étalés sur les budgets 2009 et 2010, les mots d’ordre de grèves dans les secteurs de la Santé et de l’Education ont été très suivis. Fort de son passé militant, le Président lui-même, doit souvent payer de sa personne pour calmer le jeu. Il a toutefois observé, lors du Conseil des ministres du 5 mars, qu’il avait déjà beaucoup fait, et ne pouvait laisser exploser la masse salariale de la Fonction publique.

En guise de conclusion

Malgré ses lenteurs, le processus de sortie de crise semble irréversible en Côte d’Ivoire. Désormais, les principaux acteurs de la vie politique du pays se projettent dans un avenir post-électoral, ce qui ne manque pas de peser sur les dernières décisions à prendre pour l’aboutissement de ce processus. Dans ce contexte, l’influence du médiateur, le Président Blaise Compaoré, apparaît décisive pour vaincre les dernières résistances, à l’image du maintien des «com-zones» en lieu et place des préfets.
Deux ans après la signature de l’accord de Ouagadougou, l’ONU et la France ont véritablement accepté d’accompagner l’action des responsables ivoiriens sans chercher à imposer leur vision, comme le reflète leur retrait militaire partiel avant même la tenue des élections.
L’épreuve engagée pour assainir les bases financières internationales de la relance économique, tout en assumant la charge du programme de sortie de crise, est en passe d’être gagnée. Ce pari, voulu par le chef de l’Etat, a été gagné et met la Côte d’Ivoire en bonne situation pour relever le défi de la lutte contre la pauvreté qui va marquer les prochaines années.
Enfin, la Côte d’Ivoire exerce de nouveau une diplomatie active dans la sous-région et sur le continent africain, tout en marquant une certaine inflexion à travers une alliance privilégiée avec les pays émergents et le développement de formes de coopération Sud-Sud.

Guy Labertit
Conseiller Afrique et Amérique latine
du Président de la Fondation Jean-Jaurès
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