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Société Publié le jeudi 19 mars 2009 | Le Temps

Maca : L`autre vie des détenus

Les signaux qui viennent souvent de la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca) ne sont pas toujours porteurs de bonnes nouvelles sur la vie des détenus. Quelle est la réalité du terrain ? Incursion dans un milieu carrefour de rencontre de tous les vices, un milieu impitoyable.

Yopougon- quartier prison civile. Il est 20 heures ce samedi 21 février 2009. Nous sommes dans les environs de la prison civile, bien connue sous l'appellation de la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca). Pour échanger avec T. M., un ancien bagnard. Afin de but nous aider à faire une incursion dans le milieu carcéral en vue de nous imprégner de la vie des prisonniers. Créée en 1970, pour redresser les égarés de la société, la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca), est devenue le lieu d'égarement par excellence. Tant elle est devenue un lieu où les vices se côtoient à longueur de journée. Homosexualité, délinquance, drogue et autres. Les raisons de cette situation sont multiples. Elles s'appellent, insécurité due à l'insuffisance du personnel de surveillance, manque de moyens, corruption, faim, etc. En un mot, démission des autorités. Dès lors, les prisonniers sont obligés de se " débrouiller " pour survivre. Et chacun y va avec ses propres moyens. Comme le dit si bien un détenu : " ici, l'administration est débordée à cause du surpeuplement de la prison. Construite pour accueillir 1500 personnes, nous sommes aujourd'hui, plus de 6000. Elle ne peut donc plus s'occuper normalement de nous. On ne mange plus. On a droit à un bol de riz blanc sans huile ni accompagnement par jour. Alors chacun se débrouille pour vivre. Sinon, la prison va t'enterrer".


Une maison close nommée la Maca

A la Maca, il y a ceux qu'on appelle les valets qui se mettent au service de leurs codétenus, pour faire la cuisine, la vaisselle, la lessive, bref leur ménage et recevoir en échange, une pièce de 50 F ou 100 Fcfa ou de quoi à manger. A côté, il y a ceux qui ont choisi la voie de la facilité. Braquage depuis leur lieu de détention, prostitution sous toutes ses formes, trafic mais aussi commercialisation de drogue et d'alcool.

“Aujourd'hui, de nombreux braquages et grosses affaires d'escroquerie sont conçus, organisés et planifiés, depuis la Maca. Les cerveaux sont pour la plupart des anciens grands bandits, qui commanditent depuis leur lieu de détention, tous les coups. Qu'ils les planifient avec la complicité des gardes indélicats, qui servent d'intermédiaires entre le chef de gang et les autres scélérats qui courent encore les rues. Ces gardes sont chargés de transmettre les instructions du " chef détenu" et de récupérer le butin, une fois l'opération terminée pour l'apporter au chef. C'est un véritable travail de réseau, dans lequel les gardes pénitentiaires jouent un grand rôle. Ils auraient aussi des complicités au sein des Forces de l'ordre, qui leur facilitent la tâche pour le convoiement du butin ". Dans cet univers carcéral, le commerce de la drogue et d'alcool est bien organisé. Mais, comment des prisonniers qui sont en principe interdits de sorties, arrivent-ils à se procurer ces stupéfiants ? T. M., devenu désormais grand religieux : "Ils sont ravitaillés par des éléments des Fds. Astreints aux fouilles du fait de leur statut, ces éléments rentrent avec ces substances. Qu'ils vont livrer à leurs complices. En effet, parmi les détenus, il y a des dealers qui travaillent pour leur propre compte et d'autres chargés de vendre pour ces éléments trafiquants ". Les conditions de vie à la Maca étant difficiles, tous les moyens sont bons pour avoir sa pitance quotidienne. Ainsi, certains détenus ont décidé de pratiquer le plus vieux métier. Comme le dit une détenue" ici, quand tu n'as pas de moyens, tu n'as pas le choix. Tu es obligé de faire ça pour pouvoir manger. Même s'il le faut avec ta camarade. L'essentiel est d'avoir de quoi manger ". La prostitution sous toutes ses formes est monnaie courante à la Maca. La faim pousse aussi bien les hommes que les femmes, à offrir leurs services à qui peut leur donner ne serait ce qu'un petit morceau de pain. C'est à la Maca que se vérifie l'adage "un homme qui a faim, n'est pas un homme libre". Même les gardes pénitentiaires de sexe féminin se livrent à cette pratique. Elles se font "sauter" par les détenus qui ont les moyens. Aussi, l'on se croirait à Sodome et Gomorrhe. A la Maca, l'homosexualité n'est pas une déviation sexuelle. Celui qui a les moyens fait ce qu'il veut. Au bâtiment des femmes, c'est plus qu'une question de survie. C'est une règle qui fait partie des conditions d'accueil et d'intégration. La nouvelle admise devient, la copine des caïds. Qui se font appeler affectueusement "vieilles mères" ou "baronnes". En échange de leur protection. Mais, le plus choquant dans cet autre monde, est la sodomie des mineurs. Qui sont le plus souvent abandonnés par les parents. Pour survivre, ils sont obligés de servir de "femmes" aux caïds, qui abusent d'eux pour une poignée de riz ou quelques avantages. Quand, ils n'y sont pas contraints par les plus forts pour satisfaire leur libido. Chose plus grave, ils sont à la merci de toutes sortes d'infections sexuellement transmissibles. Leurs bourreaux n'utilisant toujours pas de préservatifs. Conséquence, le taux de prévalence en Vih y est très élevé.


La Maca et le racket

La Maca ne semble pas être concernée par la vaste opération de moralisation de la vie publique et de lutte contre le racket et la corruption, engagée par le chef de l'Etat. Même si on compte parmi ses pensionnaires certains qui sont tombés dans les mailles de cette opération. Ici, on paye tout. "Quand un pensionnaire reçoit de la nourriture, nous apprend-on, il doit mettre la main à la poche. Même pour aller à l'infirmerie ou au tribunal, on paye pour avoir une bonne place dans le cargo. Tous les samedis, il y a comme un impôt que les détenus paient. Puisque, c'est le jour où ils reçoivent plus de visiteurs. Ce jour étant non ouvrable, les parents et amis des détenus sont plus nombreux à leur rendre visite". Ce droit qui s'appelle "baygon", s'élève à 500 Fcfa. Le soir après les visites, les gardes se promènent dans toutes les cellules pour collecter. Celui qui malheureusement n'a pas reçu de visite ce jour-là, donc qui ne peut pas payer de droit, le diffère pour le samedi suivant. Il signe une reconnaissance de dette en quelque sorte. Il est aussi courant de voir que les gardes fassent du chantage aux détenus pour leur extorquer des fonds. "Les week-ends, certains gardes nous font du chantage pour nous soutirer un billet par-ci et un autre par-là. Il arrive même que certains nous sollicitent pour des problèmes familiaux en échange d'un traitement spécial", explique un autre détenu.


Quand les gardes favorisent les évasions

A la Maca, de nombreuses évasions sont organisées par les gardes en échange d'une petite enveloppe. " Si tes parents ont un peu d'argent, ils donnent aux gardes. Qui simulent l'évasion. Pas plutard que la semaine dernière, (ndlr, nous étions la samedi 21 février) un fonctionnaire a fui après avoir prétexté un retrait bancaire. Il était pourtant accompagné d'un garde et un assistant social ", nous informe O. D, à la Maca depuis 2006. Ces cas d'évasions sont légion. Ils sont surtout importants au bâtiment B (bâtiment des prévenus pour délits mineurs). Même si cette information est battue en brèche par un garde que nous avons approché discrètement. Mais, l'évasion miraculeuse des Sri Lankais et celle de l'artiste Chacoolé de la Jet set sont là pour accréditer la thèse de complicité..

Georges Toutoupko
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