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Société Publié le vendredi 20 mars 2009 | Le Repère

François Adé Mensah (Secrétaire Général de l`UGTCI) : “Une autre grève générale ? Ce n’est pas à exclure”

L'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI, principale centrale syndicale de Côte d'Ivoire) a tenu un comité directeur le vendredi 13 mars dernier à l'issue duquel il a fait une déclaration invitant les gouvernants à organiser dans les brefs délais, l'élection présidentielle. Dans cette interview, François Adé Mensah explique certaines positions de ce comité directeur. " Si nous sommes obligés à notre corps défendant de réclamer corps et âme cette élection, nous le ferons d'une manière ou d'une autre ", prévient-il.

Monsieur le secrétaire général, les membres du comité directeur de l'UGTCI, ont souhaité qu'il y ait des élections cette année. Depuis quand votre centrale syndicale s'occupe-t-elle des questions politiques ?
L'UGTCI est une organisation syndicale. Nous n'avons pas ajouté qu'elle est apolitique parce que tous ceux qui composent l'UGTCI sont avant tous des citoyens. Et les problèmes politiques intéressent également l'UGTCI. Mais pas de la politique politicienne. Manger, c'est faire aussi de la politique. Donc tous les problèmes sociaux relèvent de la politique ou du moins, sont liés à la politique. Nous faisons de la politique, mais nous ne voulons pas être des partisans. Nous ne voulons pas être vraiment des politiciens. C'est pourquoi, lorsqu'il y a un problème politique, nous essayons d'abord de nous retrouver, d'analyser le problème, de voir le problème sous l'angle économique ou social. Donc s'agissant de la question que vous venez de me poser à savoir depuis quand l'UGTCI fait de la politique, vous savez que nous sommes en guerre depuis plus de sept ans. Lorsqu'il y a eu ces différentes rencontres, qu'il s'agisse de Marcoussis, de l'ONU, de Ouaga et autres, nous avons toujours participé en marge. Pourquoi ? Parce que, ce qui nous préoccupe c'est le problème de l'emploi. Nous avons des camarades qui sortent des écoles, des diplômés, des cadres que nous recevons chaque jour que Dieu fait et qui sont au chômage. A l'heure où je vous parle, j'ai dans mon dossier, plus d'une vingtaine de camarades diplômés qui sont sans emploi. Et nous nous attelons à nous battre pour leur trouver de quoi faire. Mais tout cela est lié à la situation économique actuelle. Et cette situation économique est liée à la situation politique. Nous disons à nos camarades de se calmer. Nous essayons d'accompagner les hommes politiques pour qu'il y ait une sortie de crise. Et depuis, nous constatons avec regret que les politiciens commencent à atteindre leur limite.

Vous avez réclamé les élections présidentielles en 2009.
Oui, nous avons réclamé les élections présidentielles en 2009. C'est vrai parce que nous voulons avoir affaire à un gouvernement homogène. Je ne dis pas que le gouvernement actuel ne prend pas ses responsabilités, mais nous voulons un gouvernement qui est capable de prendre ses responsabilités, un gouvernement qui ne vient pas pour dire et se dédire. Nous voulons un gouvernement à travers lequel les investisseurs qui sont à nos portes pourront enfin entrer dans le pays. A partir des installations des investisseurs, nous avons la création d'emplois.

Dans votre communiqué final, vous disiez " nous invitons ce gouvernement à fixer la date des élections dans les meilleurs délais au risque de voir les travailleurs prendre leurs responsabilités ". De quelles responsabilités parlez-vous ?
La responsabilité que nous voulons prendre, je ne peux pas à l'heure actuelle vous le dire. Vous connaissez comment nous fonctionnons. Nous allons recourir à notre comité directeur parce que c'est cet organe qui contrôle toutes nos activités. Nous disons que cela fait plus de quatre fois qu'on rejette la date des élections. Cette fois-ci, on nous parle de fixer la date en mars. Mais ce que les gens disent dans les salons, nous sommes tous au courant. Nous sommes fatigués. Il faut que nous ayons un repère. On dit que les élections auront par exemple lieu en avril et par rapport à cela, on s'organise pour atteindre avril. Mais nous ne pouvons pas continuer à regarder les gens jouer au ping-pong. Ce n'est pas possible. Donc, le moment venu, nous aviserons.

Toujours lors de votre dernier comité directeur, vous avez dit " l'attitude des acteurs politiques ne nous permet nullement d'avoir une issue heureuse dans les délais raisonnables et aucune visibilité n'est possible en ce moment ". Quelle attitude dénoncez-vous chez les hommes politiques ?
L'attitude des hommes politiques, je dis encore que nous avons l'impression, parce qu'on nous a parlé de CPC. Il semble que ce CPC est doté d'un budget, les acteurs politiques sont subventionnés et à partir de cela, ils estiment que ça suffit pour eux. De ce fait, ils ne sont pas préoccupés par les problèmes quotidiens des Ivoiriens.

Dénoncez-vous aussi bien l'opposition que le pouvoir ?
Tous. Tous les acteurs politiques, tous ceux qui se sentent politiciens sont concernés.

Vous parlez de problèmes quotidiens des Ivoiriens, a quoi faites-vous allusion particulièrement ?
Nous disons qu'il faut arriver à fixer la date des élections pour que nous puissions savoir qui gouverne et devant qui nous devons intervenir. Et là, les dates se rejettent, personne ne bouge.

Que pensez-vous de Ouaga ?
Dans une certaine mesure, j'ai applaudi personnellement les différentes réunions de Ouaga. Mais l'allure où vont les choses, je commence à déchanter. Je pensais qu'avec Ouaga, on pourrait fixer la date des élections. Je m'aperçois que là, on part et la chronique qu'on nous fait voir ne nous donne pas satisfaction.

Ouaga a échoué, selon vous?
Je ne dis pas que Ouaga a échoué. Il y a des avancées. Mais on peut faire mieux.

Mais qu'est-ce qu'il faut concrètement pour que la Côte d'Ivoire reparte sur les rails ?
Il faut des élections avec un nouveau gouvernement. Nous ne savons pas qui sera élu. Cela ne nous regarde pas. Il faut des élections avec un nouveau gouvernement de manière à ce que les investisseurs puissent intégrer la Côte d'Ivoire.

Que reprochez-vous concrètement à ce gouvernement ?
Ce que je reproche à ce gouvernement, c'est les petites indisciplines. Il y a trois jours, je suis arrivé à un feu rouge et je me suis arrêté. Mais celui qui est passé m'a insulté. Il me reprochait de m'être arrêté. L'indiscipline, je ne peux pas supporter ça. Il y a de l'indiscipline, je ne suis pas obligé de vous le dire. Tout le monde le sait.

Rien que cela ?
Bien sûr que ce n'est pas tout. Il n'y a pas de règle. Dans un pays de droit, il faut qu'il y ait des règles, que tout le monde respecte ces règles pour qu'on soit tranquille. Mais, il y a l'indiscipline. Il y a des scandales financiers, etc. Tout cela me gêne. La corruption par exemple fait partie de la règle maintenant. Donc, je n'en parle même pas. Allez dans une administration, même si vous avez vos propres factures, il faut que vous puissiez payer quelque chose pour qu'on puisse payer vos factures.

Avez-vous été choqué par certaines affaires comme l'escroquerie de la secrétaire particulière du chef de l'Etat Laurent Gbagbo ?
Bon, je ne sais pas. Je n'étais pas à Abidjan. Quand les choses se sont passées. Je cherche à comprendre. Cela m'a un peu gêné.

Cela vous a-t-il surpris ?
Surprendre, c'est trop dire. Mais je sais que les gens parlent de nouveaux riches, donc pourquoi pas elle ?

Envisagez-vous une grève comme vous l'aviez fait l'année dernière ?
Pour l'instant, il n'en est pas question, mais ce n'est pas exclu. Si nous sommes obligés à notre corps défendant de réclamer corps et âme cette élection, nous le ferons d'une manière ou d'une autre.

Vous avez organisé une grève du 17 au 18 juillet dernier et au cours de cette grève, vous avez rencontré tout le gouvernement et le patronat. Pouvez-vous faire un bilan ?
Nous avons fait le bilan. Et là, je vous renvois à notre communiqué final. Mais, ce que nous constatons, c'est que nous n'avons pas terminé. Nous sommes allés jusqu'à la fixation ou à des propositions en ce qui concerne le SMIG. Nous n'avons pas arrêté cela d'une façon définitive. Donc, le mois de mars, nous avons observé cela. Actuellement, ce qui nous préoccupe, c'est la fixation de la date de l'élection. Parce que, c'est à partir de là, que les investisseurs vont réagir. Nous allons, dès lors, observer comment les investisseurs vont réagir et c'est à partir de cela que nous pourrons faire les calculs.

Qu'avez-vous obtenu concrètement ?
Nous avons obtenu l'indemnité de transport, les indices de 150 points, une augmentation générale d'un montant de 120 milliards répartis sur l'année. Même si, à l'heure d'aujourd'hui, nous n'avons rien, eh bien, ce sont des promesses qui nous ont été faites. Jusqu'à preuve du contraire, ceux qui ont fait les promesses ne nous ont pas dit qu'ils ne sont pas capables d'honorer ces promesses.

Concernant le SMIG, des chiffres ont été avancés. On nous parle de 120.000 Fcfa ou de 130.000 Fcfa. Qu'en est-il exactement ?
Par politesse, nous avons essayé de nous entendre avec les employeurs. Et dans cette attente, il est dit qu'il faudrait que nous annoncions ensemble ce montant. Mais, nous ne sommes pas trop loin de 60 à 70.000 Fcfa comme SMIG.

Il y a une rencontre dans ce sens avec le ministère de la Fonction publique. Est-ce que la date de l'annonce de la revalorisation du SMIG a été fixée?
Nous n'avons pas encore fixé la date. Mais cela ne va pas tarder.

Quels commentaires faites-vous relativement aux récents remous sociaux dans les secteurs de l'éducation et de la santé ? Avez-vous un appel à lancer au gouvernement pour calmer le front social ?
Je crois que notre comité directeur a eu à intervenir sur cette affaire. Nous avons estimé que les arrestations ne pouvaient pas résoudre les problèmes. Des promesses ont été faites aux enseignants. Si pour une raison ou une autre, on ne peut pas tenir les promesses, la moindre des choses, c'est d'inviter les intéressés et renégocier avec eux. Mais tant que vous ne dites rien, alors que la promesse a été faite et que vous répercutez ça sur les enseignants, eux aussi, ils subissent la pression. Alors, dès lors qu'ils subissent la pression et que vous estimez qu'ils ont eu tort de faire la grève, je dis non. Dans cette affaire, tout le monde gagne et tout le monde perd. Nos enfants ne vont pas à l'école, nous sommes préoccupés par cela. Les enseignants n'ont pas ce qu'ils veulent pour enseigner comme il se doit. Nous sommes également préoccupés par cela. Mais ce qui nous gêne un peu, c'est que nous avons l'impression que l'Etat n'est pas préoccupé par tout cela. Ce qui les intéresse c'est Ouagadougou 1, 2, 3 et 4.

Pensez-vous qu'actuellement, le gouvernement à suffisamment d'argent pour satisfaire à toutes ses revendications ?
Je ne suis pas assis sur la caisse du gouvernement. C'est le gouvernement qui est assis sur sa caisse. C'est lui qui sait s'il a de l'argent ou non. Mais avant de faire des promesses, il faut qu'il sache s'il y a de l'argent ou non. On dit gouverner, c'est prévoir. Donc, moi à ce niveau, je n'ai pas à me soucier pour savoir s'il a de l'argent ou non. L'enfant ne sait jamais si le père a de l'argent ou s'il n'a pas de l'argent. Avant de faire la promesse, il faut qu'il fasse son calcul.

Y a-t-il une date butoir qui a été communiquée au gouvernement pour la satisfaction de toutes vos revendications, contenues dans la plate-forme revendicative ?
La date butoir, nous avons dit 2009 à compter du mois de janvier. Des négociations sont prévues au mois d'avril. Nous ne pouvons pas dire que c'est la date butoir, mais nous prenons cela comme un repère.

Etant entendu que l'Etat ivoirien dit qu'il n'y a pas d'argent mais qu'il s'accroche à cette satisfaction de l'initiative PPTE, au cas où les négociations échoueraient en avril, est-ce que vous allez observer à nouveau une grève ?
On avisera.

Récemment, on a vu dans les Antilles françaises, des grèves menées par des centrales syndicales locales. En Guadeloupe notamment, on a connu Elie Domota, le leader du LKP, une sorte de UGTCI guadeloupéenne. Envisagez-vous de prendre un jour la tête d'une contestation sociale en Côte d'Ivoire ?
C'est une question assez délicate, dans la mesure où l'UGTCI n'a pas la culture des contestations tous azimuts. Mais compte tenu de la nouvelle donne, je peux être amené à me fâcher. Bon, je ne sais pas. Au temps d'Houphouët, je ne sais pas si vous connaissez l'histoire. En 1968, il y a eu une grève. Cela a amené le président Houphouët à s'asseoir et à écouter les Ivoiriens pendants plus de trois mois et s'entendre dire " mais monsieur le président, vous faites mal ". Donc, moi, ça ne me gêne pas de me fâcher. Quand je me fâche je dis la vérité. Maintenant si cela peut être considéré comme une rébellion, c'est le problème de ceux qui avancent ces choses. Moi, je dis la vérité et rien que la vérité.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous êtes indolent et donc que vous n'êtes plus sérieux ?
Je réponds qu'ils ne sont pas sérieux. Tout dépend. Mais je persiste à dire que nous n'avons pas la culture de la violence. Il faut le reconnaître. Maintenant, on est en train de nous apprendre cela et c'est difficilement que nous arrivons à nous y inscrire. Mais, si les gens persistent, nous serons bien amenés à nous adapter à certaines méthodes. Maintenant, la question est de savoir si les Ivoiriens qui aiment se plaindre dans leurs salons, sont prêts à emprunter les voies qu'ils souhaitent que nous empruntions, si on les y invite.

Question indiscrète. Pourquoi avez-vous insisté personnellement pour suspendre la grève l'année dernière ?
J'ai suspendu la grève l'année dernière tout simplement parce que j'ai estimé que rencontrer les responsables pour discuter, était plus raisonnable. Ils ont mis certes, du temps avant de m'écouter. Et, c'est dommage, parce que les gens préfèrent écouter ceux qui font des tapages. Or, faire du tapage, c'est une autre forme. Et nous n'avons pas cette culture là. Bon quand tu parles et qu'on ne t'écoute pas on a décidé de faire comme les autres. Et très rapidement, ils nous ont appelés. Je dis bon, j'irai les écouter et discuter avec eux. Donc bien que nos amis aient souhaité poursuivre la grève, j'ai dit non. Il faut aller écouter les autorités. C'est pourquoi, j'ai fait arrêter la grève.

Ce n'était donc pas Blé Goudé qui vous avait fait arrêter la grève ?
Blé Goudé ne peut pas faire arrêter une grève de l'UGTCI.

En tous cas, vous avez décidé de suspendre la grève, après ses sorties médiatiques.
Ecoutez, Blé Goudé parle à des chômeurs. Au moment où il parle, les travailleurs sont dans les bureaux. Ce n'est donc pas à ces derniers qu'il s'adresse. Moi, je parle aux travailleurs, à mes adhérents. Lui, il parle aux chômeurs. Est-ce que vous voyez la différence ? Il ne peut donc pas dire aux chômeurs d'arrêter la grève puisqu'ils ne sont pas concernés par la grève. La preuve en est que la grève a eu lieu. Vous savez, ce sont des choses auxquelles je ne fais pas attention. Chacun est libre de dire ce qu'il a envie de dire. Moi, je parle aux travailleurs et ce sont eux qui me disent de faire ce que je fais. Je n'ai donc pas vocation à inviter des chômeurs et à leur donner 500 Frs, 1000 Frs pour qu'ils viennent m'écouter. Nous sommes tous en Côte d'Ivoire et on se connaît.

Vous avez plusieurs cordes à votre arc. Vous êtes secrétaire général de l'UGTCI, PCA de la CNPS. Comment faites-vous pour lier tout cela ?
Mais, vous voyez que je m'en sors assez bien. Je m'en sors bien parce qu'il faut que vous sachiez que je suis PCA au titre de travailleur. Parce que le conseil d'administration de la CNPS est composé de trois catégories de personnes. Il y a d'un côté les employeurs, de l'autre côté, les travailleurs et le gouvernement. Les employeurs et les travailleurs sont ceux qui cotisent à la CNPS. Dès lors, comme je le disais, nous voulons un partenariat. Avant, la CNPS était dirigée par l'Etat et nous avions dit que nous voulions y voir clair. Et depuis que nous sommes là-bas, je voudrais que vous interrogiez les pensionnaires. Ils sont satisfaits parce que nous veillons sur leur argent. Donc, je crois que cela a été une bonne chose de mettre un travailleur à la tête de la CNPS, parce que le directeur sort des employeurs et le président sort des travailleurs. Le gouvernement joue le rôle d'arbitre.

On tire vers la fin de votre premier mandat. On sait qu'en 2010 sera organisé un congrès de l'UGTCI. Etes-vous candidat ?
Il appartient aux camarades de dire si je suis candidat ou pas. Pour l'instant, je n'ai aucune idée.
Interview réalisée par
André Silver Konan
et dje km
Coll : Delmas Abib et Iy (Stagiaire):
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