L'image est saisissante. Laurent Gbagbo, dans ses moments de gloire, qui fait une entrée sous bonne escorte au stade Houphouët-Boigny, au son de la fanfare et des trompettes. Le chef de l'Etat, chemise blanche manches longues, lunettes fumées, s'offre un tour d'honneur. Il distribue baisers et salutations et se permet d'empiéter sur le temps. Il s'accorde au moins une interview. Il garde pendant tout ce temps, son éternel sourire semblable à un rire. Tous les spectateurs de la télé nationale qui suivent le match ne peuvent pas s'imaginer que dans les encablures du stade, venait de se jouer un drame qui restera pendant longtemps gravé dans la mémoire collective. Au moins 19 morts et 132 blessés dont certains graves.
Quand l'information parvient quelques instants après le début du match, dans les rédactions, la question que tous les journalistes du monde entier se posent c'est : le numéro un ivoirien était-il informé du drame ou non avant de faire son entrée dans le stade et d'y faire un show digne des jours fastes ?
Deux hypothèses se dégagent. La première concerne le cas où Laurent Gbagbo n'aurait pas été informé du déroulement et de l'accomplissement du deuil. Dans ce cas, cela voudrait dire que les services de renseignements du chef de l'Etat ne fonctionnent pas. Si tel est le cas, jusqu'à 18 heures, ce lundi au moment où nous mettions sous presse, des têtes, dans le staff de sécurité et du protocole (généralement dépêché sur les lieux de visite du chef de l'Etat, des heures avant qu'il arrive) devraient tomber. A notre connaissance, tel n'était pas le cas.
La deuxième hypothèse, du reste la plus crédible, est celle relative au fait que Laurent Gbagbo avait l'information. Cette hypothèse est la plus sérieuse quand on prend en compte, l'environnement qui règne dans un endroit où le chef d'Etat est annoncé. D'abord, il y a le fort détachement de policiers qui bouclent tout le périmètre du lieu à visiter. La garde présidentielle investit traditionnellement le lieu bien des heures avant le début de l'événement auquel le chef de l'Etat est appelé à participer. Dans ce cas, une tragédie d'une telle ampleur qui a mis en cause des éléments des forces de l'ordre et de sécurité et qui a provoqué un mouvement fort remarqué de foule, des tirs de bombes lacrymogènes et des déplacements d'ambulanciers, de sapeurs pompiers et de secouristes, ne pouvait pas échapper à la vigilance de la garde républicaine et du Groupement de la sécurité présidentielle. Impossible.
Au demeurant, Désiré Tagro, proche parmi les proches de Laurent Gbagbo et soi disant rigoureux ministre de l'Intérieur, dont certains éléments étaient au centre des accusations de racket, ne pouvait pas ne pas avoir l'information..
Par ailleurs, le protocole d'Etat dirigé par Aboubakar Koné ne peut pas affirmer qu'elle n'avait pas l'information du drame. Tous les protocoles d'Etat du monde dépêchent toujours une équipe plusieurs minutes avant le déroulement d'un événement auquel doit assister un chef d'Etat.
Tout était donc réuni pour que Laurent Gbagbo soit informé du drame qui s'était joué au stade Houphouët-Boigny, peu avant son arrivée dans cette enceinte.
Si Laurent Gbagbo était informé, alors comment expliquer son attitude au stade Houphouët-Boigny ?
La déshumanisation, dans ce cas aurait-elle atteint son paroxisme ? La banalisation du deuil et de la douleur (cf la déclaration de Désiré Tagro qui disait : " il ne faudrait pas que cela donne lieu à une panique, l'événement est déjà passé ") a-t-elle pris le dessus, dans les gestes et paroles de nos dirigeants, sur le recueillement et la compassion ?
En tout état de cause, des conséquences, pour une fois, doivent être tirées et vite, pour ne pas que les Ivoiriens, fatigués par une crise infinie, soient davantage meurtris par l'impunité qui a présidé au rétablissement de la vérité sur le charnier de Yopougon, l'épandage des déchets toxiques, la répression sanglante des marcheurs de mars 2004 et de septembre 2008, etc.
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr
Quand l'information parvient quelques instants après le début du match, dans les rédactions, la question que tous les journalistes du monde entier se posent c'est : le numéro un ivoirien était-il informé du drame ou non avant de faire son entrée dans le stade et d'y faire un show digne des jours fastes ?
Deux hypothèses se dégagent. La première concerne le cas où Laurent Gbagbo n'aurait pas été informé du déroulement et de l'accomplissement du deuil. Dans ce cas, cela voudrait dire que les services de renseignements du chef de l'Etat ne fonctionnent pas. Si tel est le cas, jusqu'à 18 heures, ce lundi au moment où nous mettions sous presse, des têtes, dans le staff de sécurité et du protocole (généralement dépêché sur les lieux de visite du chef de l'Etat, des heures avant qu'il arrive) devraient tomber. A notre connaissance, tel n'était pas le cas.
La deuxième hypothèse, du reste la plus crédible, est celle relative au fait que Laurent Gbagbo avait l'information. Cette hypothèse est la plus sérieuse quand on prend en compte, l'environnement qui règne dans un endroit où le chef d'Etat est annoncé. D'abord, il y a le fort détachement de policiers qui bouclent tout le périmètre du lieu à visiter. La garde présidentielle investit traditionnellement le lieu bien des heures avant le début de l'événement auquel le chef de l'Etat est appelé à participer. Dans ce cas, une tragédie d'une telle ampleur qui a mis en cause des éléments des forces de l'ordre et de sécurité et qui a provoqué un mouvement fort remarqué de foule, des tirs de bombes lacrymogènes et des déplacements d'ambulanciers, de sapeurs pompiers et de secouristes, ne pouvait pas échapper à la vigilance de la garde républicaine et du Groupement de la sécurité présidentielle. Impossible.
Au demeurant, Désiré Tagro, proche parmi les proches de Laurent Gbagbo et soi disant rigoureux ministre de l'Intérieur, dont certains éléments étaient au centre des accusations de racket, ne pouvait pas ne pas avoir l'information..
Par ailleurs, le protocole d'Etat dirigé par Aboubakar Koné ne peut pas affirmer qu'elle n'avait pas l'information du drame. Tous les protocoles d'Etat du monde dépêchent toujours une équipe plusieurs minutes avant le déroulement d'un événement auquel doit assister un chef d'Etat.
Tout était donc réuni pour que Laurent Gbagbo soit informé du drame qui s'était joué au stade Houphouët-Boigny, peu avant son arrivée dans cette enceinte.
Si Laurent Gbagbo était informé, alors comment expliquer son attitude au stade Houphouët-Boigny ?
La déshumanisation, dans ce cas aurait-elle atteint son paroxisme ? La banalisation du deuil et de la douleur (cf la déclaration de Désiré Tagro qui disait : " il ne faudrait pas que cela donne lieu à une panique, l'événement est déjà passé ") a-t-elle pris le dessus, dans les gestes et paroles de nos dirigeants, sur le recueillement et la compassion ?
En tout état de cause, des conséquences, pour une fois, doivent être tirées et vite, pour ne pas que les Ivoiriens, fatigués par une crise infinie, soient davantage meurtris par l'impunité qui a présidé au rétablissement de la vérité sur le charnier de Yopougon, l'épandage des déchets toxiques, la répression sanglante des marcheurs de mars 2004 et de septembre 2008, etc.
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr