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Politique Publié le mercredi 1 avril 2009 | Le Temps

A propos des événements du stade Houphouët-Boigny / le président Laurent Gbagbo - “Toute la lumière sera faite sur ce drame”

Le chef de l’Etat Laurent Gbagbo s’est adressé hier, à la Nation. Deux faits ont marqué son discours : Le drame du stade Houphouët-Boigny et l’admission de la Côte d’Ivoire à l’Iniative Ppte.

Ivoiriennes, Ivoiriens,
Mes chers compatriotes, Chers amis de la Côte d'Ivoire.

C'est la première fois que je prends la parole après le drame qui s'est produit dimanche dernier, au stade Houphouët-Boigny, à l'occasion du match entre la Côte d'Ivoire et le Malawi. Je voudrais dire combien ce drame nous touche profondément. C'est un drame national. J'adresse mes condoléances aux familles des personnes qui ont trouvé la mort. Je souhaite un prompt rétablissement aux blessés. Bien sûr, l'Etat prend en charge les soins des blessés et les obsèques des personnes décédées. Mais j'entends que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ces événements tragiques.
Les responsabilités seront situées. J'ai écrit au Procureur de la République pour lui demander de mener une enquête. Cet après- midi même, je suis allé apporter le réconfort de la nation en votre nom à tous aux blessés. L'hommage officiel de la Nation aux victimes aura lieu mercredi après-midi. Nous devons restés dignes et forts dans l'épreuve.

Mes chers compatriotes,
Nous sortons de la crise. Progressivement. Sûrement. Depuis la signature de l'Accord politique de Ouagadougou, il y a deux ans, le 4 mars 2007, nous avons fait des progrès importants sur la voie de la paix et de la normalisation.
Comme vous le savez, cette sortie de crise comporte trois volets: le redressement des finances publiques, la réunification" du pays, la préparation et l'organisation des élections. Ces trois points sont liés. Car les élections, même organisées dans les meilleures conditions possibles, ne sauraient à elles seules ramener et garantir une paix durable si la situation financière du pays ne permet pas à l'Etat d'honorer ses engagements intérieurs et extérieurs. C'est pourquoi, nous menons de front trois actions :
- les négociations pour l'admission de la Côte d'Ivoire au programme Ppte en vue du redressement des finances publiques,
- l'application de l'annexe IV à l'Accord de Ouagadougou, pour la réunification du pays,
- les opérations d'identification et d'enrôlement pour préparer les élections.
Ce soir, je m'adresse à vous pour parler uniquement du premier point: le redressement des finances publiques.
En effet, le vendredi 27 mars 2009, le Conseil d'Administration du Fonds monétaire international a pris deux décisions importantes pour la Côte d'Ivoire. D'une part, il a approuvé en faveur de notre pays un Programme économique et financier triennal soutenu par la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance (Frpc). D'autre part, il a décidé d'admettre notre pays au point de décision de l'initiative des Pays pauvres très endettés (Ppte).
La première tranche de l'appui financier qui accompagne ce programme est de 51 milliards de francs Cfa, correspondant à 24% de notre quota au Fmi. Cette première tranche sera mise immédiatement à notre disposition.
Je rappelle que le 6 mars dernier déjà, grâce à une opération soutenue par l'Agence française de Développement (Afd) et à un appui budgétaire de la Banque africaine de Développement (Bad), notre pays a réglé les arriérés dus à cette dernière institution. Ce qui a permis au Conseil d'Administration de la Bad de lever les sanctions financières qui frappaient la Côte d'Ivoire. Désormais, nous sommes à jour de paiement des dettes envers nos créanciers multilatéraux: la Banque mondiale depuis le 2 avril 2008 et la Bad depuis le 6 mars 2009. Aujourd'hui même, mardi 31 mars 2009, le Conseil d'Administration de la Banque mondiale vient, à son tour, de confirmer l'admission de la Côte d'Ivoire au point de décision de l'initiative Ppte, en même temps qu'il accorde un appui budgétaire de 150 millions de dollars, soit 75 milliards de francs Cfa.
Ainsi donc, les trois principaux partenaires financiers multilatéraux de la Côte d'Ivoire, que sont le Fmi, la Banque mondiale et la Bad sont désormais engagés à nos côtés en vue de l'allègement de la dette, et de la lutte contre la pauvreté.
C'est une bonne nouvelle. Car le poids de ces dettes, nul ne devrait l'ignorer, était devenu une hypothèque sérieuse sur l'avenir même de la Côte d'Ivoire.
Je rappelle que la dette de la Côte d'Ivoire que nous payons aujourd'hui date, pour l'essentiel des années 1970, 1980 et 1990.
C'est au cours de ces trois décennies que la dette a connu une évolution fulgurante. De 100 milliards de francs Cfa, équivalant à 17,7% du Pib en 1973, le montant de la dette est passé successivement à 2 371 milliards, soit 75,6% du Pib en 1985 puis à 8 468 milliards, soit 136,2 % du Pib en 1996. Aujourd'hui, ce montant est de 6300 milliards de Fcfa, soit 60% du Pib.
C'est ainsi que la Côte d'Ivoire est devenue un pays pauvre très endetté. Mais cette dette est la dette de la Côte d'Ivoire. Je l'assume en tant que chef de l'Etat et je cherche les meilleures voies pour en sortir. L'initiative Ppte, offerte par la communauté internationale, en est une. Les décisions prises par nos partenaires, au cours de ces derniers jours, ne sont pas encore une victoire pour notre pays.
Nous n'avons pas encore l'allègement des dettes. Celui-ci interviendra véritablement quand nous atteindrons le point d'achèvement. Nous n'avons pas encore amorcé le développement durable de notre pays. Mais ces décisions constituent une étape nécessaire. Elles sont encourageantes pour la Côte d'Ivoire pour une double raison. D'abord, parce que c'est la première fois, après des échecs successifs, que nous parvenons à cette étape de l'initiative.
Ensuite, parce qu'elles viennent récompenser les efforts importants et les sacrifices qu'ensemble, nous avons consenti dans cette période de crise.
C'est pourquoi, je voudrais adresser mes remerciements aux responsables des trois institutions financières qui ont compris le sens de notre démarche et les enjeux de notre programme.
Je remercie la France dont l'appui a été décisif, dans les négociations avec la Banque mondiale d'abord et avec la Bad ensuite.
Je félicite le Premier ministre, le Gouvernement, et tous ceux qui ont conduit les négociations à divers niveaux, durant toutes ces années.

Mes chers compatriotes,
Les efforts que nous avons consentis, les sacrifices que nous nous sommes imposés, viennent de connaître un premier aboutissement. En effet, au cours de ces années de crise, nous avons consacré des ressources importantes au remboursement des dettes extérieures.
Ainsi, en 2006, 2007 et 2008, les paiements que nous avons effectués au titre de la dette extérieure ont été les suivants:
36,8 milliards en 2006, 93 milliards en 2007, 251,8 milliards, dont 151,49 à la Banque mondiale en 2008. En retour, nous avons reçu 9,86 milliards en 2006, 37,13 milliards en 2007 et 60,14 milliards en 2008.
On note que durant cette période, les montants des remboursements ont été plus élevés que les financements reçus par notre pays. Pour la seule année 2008, le transfert net en faveur de la Banque mondiale a été de 151,5 milliards de francs Cfa.
C'est dans ces chiffres qu'il faut chercher les raisons des difficultés financières de l'Etat. Quand un pays qui est en crise consacre autant d'argent au paiement des dettes extérieures, on peut comprendre qu'il ait quelques difficultés à honorer tous ses engagements intérieurs. C'est pourquoi, tout en comprenant les difficultés des créanciers de l'Etat, je me félicite de ce que leur patience ait favorisé le résultat actuel.
Ce résultat est important mais il ne doit pas nous faire oublier que notre crise n'est pas encore terminée. Le premier défi que nous avons à relever est celui de la bonne utilisation des appuis que nous recevons. C'est une question de responsabilité. Je veillerai à ce que la gestion de ces fonds se fasse dans la rigueur et la transparence. J'y attache du prix.
Avec le point de décision, notre pays va bénéficier d'une remise partielle de ses dettes. Je tiens, là aussi, comme il se doit et comme nous nous y sommes engagés, à ce que les ressources du Ppte viennent financer notre stratégie de réduction de la pauvreté. Le coût de cette stratégie est évalué à 17000 milliards sur une période de 5 ans. Cette perspective valait les efforts que nous avons consentis.
C'est pourquoi, malgré la situation de crise où nous sommes, et précisément parce que nous sommes en crise, j'ai choisi de ne pas compromettre l'avenir du pays. Je suis conscient des difficultés des entreprises de Côte d'Ivoire. Je sais combien il est important pour les entreprises, pour les travailleurs comme pour les ménages, que l'Etat puisse honorer régulièrement ses engagements intérieurs. Mais précisément, à cause de ces difficultés, et pour pouvoir y faire face durablement et efficacement, il fallait accepter les sacrifices. Et vous les avez acceptés.

Pourquoi cette option en 2007 ?
- D'abord parce que, avec l'Accord Politique de Ouagadougou, les perspectives de sortie de crise sont devenues plus nettes.
- Ensuite, parce que nous sommes conscients qu'avec le poids de la dette extérieure sur nos finances publiques, nous ne pouvons pas envisager une relance vigoureuse de l'économie sans le soutien et un appui conséquent de la communauté financière internationale.
Je rappelle qu'en octobre 2000, au moment où j'arrivais à la Présidence de la République, notre pays était mis au banc des institutions financières internationales.
J'avais alors fixé comme priorité au gouvernement dirigé par le Premier ministre Pascal Affi N'guessan, de rétablir nos relations financières internationales. Et nous avons gagné la confiance de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux.
Dès le mois de mars 2002, nous avions signé un Programme de même nature que celui qui vient d'être approuvé par le Fmi, la Frpc. Ce programme avait été effectivement mis en œuvre. Il avait fait l'objet d'une revue concluante au mois de septembre 2002. Nous étions alors sur le point d'être admis au point de décision du Ppte quand il y a eu la guerre.
Depuis lors, nous consacrons l'essentiel de notre énergie au règlement de cette crise née de la guerre. D'abord, parce que nous avons besoin de la paix, pour nous-mêmes, et nous avons besoin de la paix pour développer notre pays. Ensuite, parce que la confiance des autres en nous dépend de notre capacité à préserver la paix et la stabilité chez nous.
Avec la signature de l'Accord politique de Ouagadougou, le 4 mars 2007, nous avons recréé les conditions de la confiance.
La confiance dans la capacité de la Côte d'Ivoire de se relever, de se reconstruire, de poursuivre son programme de lutte contre la pauvreté et d'équipement du pays en infrastructures et services de base.
Alors nous avons décidé de reprendre les négociations avec les partenaires financiers. Ce que nous ne pouvions pas faire tant qu'il n'y avait pas de perspective sérieuse de paix. En juillet 2007, nous avons signé un programme soutenu par une Assistance d'Urgence Post-Conflit, (Aupc) qui a été exécuté durant un an et demi.
Parallèlement à l'exécution de ce programme, nous avons élaboré et adopté notre Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (Dsrp), étape indispensable pour arriver aux décisions que viennent de prendre le Fmi et la Banque mondiale.

Mes chers compatriotes,
Les appuis financiers dont nous bénéficions devront être consacrés essentiellement à apurer les arriérés intérieurs. Nous avons plusieurs priorités de dépenses. Il est urgent d'accorder une attention particulière aux dépenses qui peuvent relancer l'emploi.
A cet égard, je demande de privilégier les fournisseurs de l'Etat, notamment les petites et moyennes entreprises qui ont été lourdement touchées par la crise et dont les difficultés se traduisent par l'augmentation du chômage.
Ensuite, il faut permettre aux collectivités territoriales, (les mairies, les départements et les districts) d'accomplir leur mission de réaliser le développement à la base.
Enfin, il faut améliorer les transferts au profit de nos représentations diplomatiques qui sont confrontées depuis un certain temps à des difficultés sérieuses. C'est une question de crédibilité de l'Etat ivoirien.
Le succès du redressement demande la paix et la stabilité dans notre pays. Nous avons démontré aux yeux du monde que nous sommes capables de dépasser ce qui nous divise pour nous entendre sur l'essentiel, sur ce qui nous unit autour de la Côte d'Ivoire.
J'ai confiance dans l'Accord politique de Ouagadougou. Allons de l'avant. Ce que nous venons d'obtenir avec le point de décision pour le Ppte, c'est pour nous aider à relever la tête pour mieux appréhender l'ampleur des tâches qui nous attendent sur la voie du développement de notre pays.
L'aide extérieure n'est pas une fin en soi. C'est un apport qui ne vaut que par la capacité du pays à faire preuve de transparence dans la gestion, de bonne gouvernance et de justice sociale dans l'allocation des ressources.
Il faut se placer d'ores et déjà et dès aujourd'hui, au-delà de l'objectif de la lutte contre la pauvreté pour viser la lutte pour le développement. Mon ambition est de faire de la Côte d'Ivoire un pays développé, c'est-à-dire un pays industrialisé. La guerre a contrarié nos projets. Elle ne les a pas compromis. Le soutien que nos partenaires viennent de nous accorder devrait nous conforter dans la voie que nous avons choisie. Nous devons donc renforcer nos capacités internes de mobilisation des ressources.
L'aide internationale peut aider un pays à sortir d'une mauvaise passe. C'est sa vocation. Mais c'est toujours avec ses propres ressources, avec le travail de ses fils et de ses filles qu'un pays passe d'un stade de développement à un autre. La crise se termine. C'est maintenant que nous devons travailler à mettre la Côte d'Ivoire sur la voie du développement de façon durable. Dans la paix et dans la solidarité.

Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire!

Laurent Gbagbo
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