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Politique Publié le jeudi 2 avril 2009 | Le Patriote

Invité de la rédaction de fraternité matin - Alassane Dramane Ouattara, candidat à la presidentielle :“J’ai des solutions pour la Côte d’Ivoire”

Une visite mémorable, dans une ambiance conviviale et fraternelle. Le passage du président et candidat du Rassemblement des républicains à l’élection présidentielle, au Groupe Fraternité Matin a été d’un grand intérêt tant pour notre confrère que pour l’opinion nationale. Avec courtoisie et élégance, le Dr Alassane Dramane Ouattara a répondu, sans faux-fuyant, aux questions et préoccupations des journalistes du quotidien progouvernemental. Crise ivoirienne, alliances politiques, crise financière internationale et ses conséquences sur l’Afrique et la Côte d’Ivoire, quinzième anniversaire du RDR, projet de société ‘’Vivre Ensemble’’ et vision pour une Côte d’Ivoire nouvelle, … Tout a été passé au peigne fin. Et les échanges ont été suivis d’une visite dans les différents compartiments que compte la Société Nouvelle de Presse et d’Edition de Côte d’Ivoire (SNPECI), éditrice de Fraternité Matin. Nous vous proposons ici l’intégralité des échanges entre ADO et la Rédaction de Frat-Mat. Entretien.

Propos liminaires
Madame la Présidente du Conseil d’Administration, chère sœur,
Monsieur le Directeur Général du Groupe Fraternité Matin, cher frère,
Madame et Messieurs les rédacteurs en Chef,
Chers amis journalistes,
Mon introduction sera brève car j’ai hâte de dialoguer avec vous. Depuis de nombreuses années, l’occasion ne s’était pas présentée. Je pense donc que nous avons beaucoup de choses à nous dire !
Je tiens, tout d’abord, à vous remercier de m’avoir invité. C’est un grand plaisir d’être reçu ce matin par le premier quotidien ivoirien.
Je tiens aussi à vous féliciter. En effet, en m’ouvrant ses colonnes, Fraternité Matin pose un acte républicain. Un acte guidé par deux grands principes qui me sont chers et qui sont le fondement de toute démocratie digne de ce nom : la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Permettez-moi d’inviter vos confrères à suivre votre exemple. J’encourage tous les journalistes, qu’ils soient de la presse écrite, des chaînes de télévision et des stations de radio, à ouvrir le débat à toutes les sensibilités politiques. Vous devez proposer à tous les Ivoiriens de découvrir des idées différentes, des opinions contradictoires. Bref, permettre à l’opinion publique de se faire en quelque sorte son «opinion privée» grâce à vous.
La liberté, l’ouverture, l’écoute, le respect de l’autre… sont très importants pour notre pays. En cette année électorale, tous les leaders politiques doivent pouvoir s’exprimer pour apporter leur pierre à la reconstruction de la maison Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens attendent de nous un débat apaisé et de qualité; ils ne veulent pas d’invectives; ils ne veulent pas de querelles stériles. Les Ivoiriens veulent des réponses à leurs questions; ils veulent des propositions. Nos compatriotes ont droit à une campagne digne et constructive sur tous les sujets qui nous préoccupent : la paix et l’unité, la santé, l’éducation, l’emploi, la cherté de la vie, la sécurité…
En ce qui me concerne, je m’engage personnellement, à faire progresser le débat sur tous ces points fondamentaux.
Aujourd’hui, je suis donc heureux d’être parmi vous pour répondre à toutes vos questions sur :
Mon évaluation du processus de sortie de crise
Mon analyse de la situation socio-économique
Mon programme et mes ambitions pour la Côte d’Ivoire de demain.
Je suis prêt à vous répondre en toute transparence.
Chers amis, je suis à vous!

Gooré BI Hué : Monsieur le président, quelle appréciation faites-vous du processus d’identification et d’enrôlement des électeurs, qui a cours et qui tend vers sa fin ?

Abel Doualy : Nous avons beaucoup communiqué sur la gratuité de l’opération d’enrôlement. Et malgré les fonds mis à la disposition de cette opération, l’Etat se trouve toujours confronté à des difficultés. Ne pensez-vous pas que cette gratuité soit aujourd’hui un regret ?

Soro Pascal : Avez-vous, concernant vos militants, dans le cadre de cette opération d’enrôlement, des difficultés particulières quant à l’acquisition de certains documents de base ? La fin de l’opération a été reportée à maintes reprises. Pensez-vous qu’elle prendra fin au plus vite pour que les élections, surtout la présidentielle, se tiennent effectivement avant la fin de l’année 2009 ?

Ernest Aka Simon : La réunification du pays connaît des problèmes, tant sur la question de l’unicité des caisses que sur celle du redéploiement de l’administration. Il y a aujourd’hui un problème entre les com’zones et les préfets, en terme d’autorité pour gérer les départements. Ne pensez-vous pas que ces difficultés menacent réellement la tenue des élections ?

Abel Doualy : Aujourd’hui, nous constatons tous que l’Afrique est partagée entre deux grands vents. Il y a ceux qui veulent évoluer par la démocratie. Et il y a ceux qui contrarient cette démocratie. Nous voyons l’exemple récent de l’île de Madagascar et celui de la Guinée qui est tout près de nous. Alors, quelle lecture faites-vous de ces deux situations qui semblent tirailler le continent ?


Alassane Dramane Ouattara : Toutes ces questions sont liées. Je ne répondrai donc pas forcément dans l’ordre. Il faut d’abord reconnaître que la question de l’identification est essentielle. Puisqu’elle a été au cœur du conflit et des difficultés que traverse le pays. Il fallait donc se mettre d’accord, à l’issue des différents Accords, trouver un modus vivendi pour aller à une identification crédible des populations. Evidement, cela a demandé beaucoup d’efforts et également, je dirais, beaucoup de ressources. Puisque, vous le savez certainement, le budget alloué à cette opération accompagnée de l’enrôlement des électeurs, est important : plus de soixante milliards. Je crois savoir qu’un avenant est en négociation et que le montant total sera particulièrement élevé. A la date d’aujourd’hui, selon mes informations, nous sommes pratiquement à 6 millions d’enrôlés. Et ceci est un chiffre important, puisque la liste électorale de 2000 comportait 5 millions 475 mille personnes, or elle n’avait pas été purgée des doublons et des personnes décédées. Selon les experts, on devait être, pour 2000, autour de 4 millions, quatre millions et demi. Donc, si nous sommes aujourd’hui, autour de six millions, nous pouvons dire que nous avons fait un progrès considérable. Ce chiffre est crédible, surtout qu’il est appuyé par des personnes physiques qui auront leurs cartes d’électeur et leurs cartes d’identité. Donc, je voudrais dire qu’il n’ y a pas de regret de notre côté, d’avoir voulu entreprendre cette identification. Je crois que c’est une bonne chose. Ce que je regrette, ce sont les reports successifs. Souvenez-vous que déjà après les Accords de Marcoussis, on aurait dû entrer dans cette phase, mais il y a eu des difficultés. La première porte d’entrée a été les audiences foraines. Elles ont été difficiles à mettre en œuvre. Néanmoins à l’issue desdites audiences, ce sont près de huit cent mille personnes qui auront des documents. Par la suite, les négociations avec Sagem ont été difficiles. Un système de consensus a finalement été obtenu avec la Sagem, avec l’Oni, la Cnsi et l’Ins. Tout ceci permet de garantir la crédibilité du processus. Parce que la sortie d’une crise nécessite que les principales parties ou les principaux partis puissent être soulagés d’avoir une procédure qui n’est en faveur ni d’un camp ni de l’autre. Et le fait que nous ayons toutes ces structures qui sont intéressées par l’enrôlement et l’identification est une bonne chose. Mais évidement, cela est source de retard. Puisque, à chaque instant, il faut les réunir toutes.
Concernant les difficultés pour l’obtention des documents, je pense qu’il y en a eu. Et il y en a encore. Par exemple, dans beaucoup de villages et même dans certaines villes, beaucoup de nos compatriotes n’ont aucun papier. Quand nous insistions pour que les audiences foraines se fassent sur une longue période, on ne nous a pas compris. Les uns et les autres ont pensé qu’il s’agissait d’une affaire partisane, qui intéressait uniquement certains militants du RDR, mais en réalité, c’est une bonne partie de la population ivoirienne qui n’a pas de papiers.
Aujourd’hui, je crois savoir que tous les partis politiques regrettent que les audiences foraines n’aient pas eu le succès escompté et que certainement, il y a beaucoup plus de huit cent mille personnes qui n’ont pas eu de papiers. Et ceci est à noter. Alors comment résoudre toutes ces questions? Je crois que ce sera avec le temps. Dans chaque pays, il y a une période pour l’enrôlement électoral. Je sais qu’en France, c’est le dernier trimestre de l’année précédant les élections. Donc pour les dernières élections, c’était en mai 2007. Et l’enrôlement devait se terminer au plus tard, fin décembre. Aux Etats-Unis, c’était novembre 2008. Les élections et l’enrôlement devaient se terminer au plus tard en mars ou en juin 2008. Il faut donc qu’à un moment donné, en Côte d’Ivoire, malgré le caractère exceptionnel de la situation, nous puissions arrêter une période d’enrôlement. Laquelle a commencé chez nous le 15 septembre, le 15 mars, cela fera déjà six mois. Il faut par exemple se dire qu’à fin avril, on arrête l’enrôlement et, à partir de là, on prépare les élections. Autrement, on n’aura aucune possibilité de l’arrêter. On ne peut pas attendre d’enrôler le dernier Ivoirien avant d’aller aux élections. Après tout, l’enrôlement continuera à l’occasion des prochaines élections, que ce soit pour les législatives locales ou la présidentielle d’après. Mon souhait serait donc qu’à un moment donné, on arrête, qu’on se dise qu’on a eu le temps nécessaire; plus de six mois, c’est largement suffisant, et qu’à partir de là, nous puissions aller de l’avant.
D’autant plus que, sur les 11 000 centres d’enrôlement, à ma connaissance, pratiquement 10 500 ont reçu les visites des opérateurs, notamment Sagem, l’INS et autres. Il reste à peu près cinq cents centres. Si sur ces 500 centres, chacun avait 200 à 400 personnes, cela fait 200 mille personnes à enrôler. A l’extérieur, selon les chiffres que j’ai lus dans Fraternité Matin, il y a 68 mille personnes, disons qu’il y a trois cent mille personnes au maximum qui doivent encore être enrôlées pour compléter l’enrôlement total. Au mieux, nous terminerons avec un chiffre de 6 millions cinq cent mille. Alors, si nous avons à peu près ce chiffre, je pense, pour ma part, que nous pouvons arrêter et aller aux phases suivantes, c’est-à-dire l’arrêt de la liste provisoire, la liste définitive et ainsi de suite jusqu’aux élections avant la fin de cette année. Je crois que cela est possible, c’est une question de volonté. Les Ivoiriens en ont besoin, parce que cette situation a trop duré. Il faut nécessairement des élections pour que nous puissions sortir de la situation actuelle.
Pour les autres questions d’actualité, les questions relatives à la réunification, à l’unicité des caisses, le redéploiement de l’administration, je crois que ce dernier point a tout de même connu un franc succès. Puisqu’une bonne partie des fonctionnaires sont déjà sur le terrain, même si effectivement le problème de transfert de pouvoir entre les com’zones et les préfets n’est pas réglé. Nous souhaitons que les deux ex-belligérants trouvent une solution à cette situation, parce que la Côte d’Ivoire ne peut pas attendre que tous les problèmes soient réglés avant d’aller aux élections. Il y a eu des élections en Irak, en Afghanistan, notre pays est apaisé grâce à l’accord de Ouaga depuis mars 2007. Deux années d’apaisement suffisent pour aller à des élections. Notre position serait qu’on évite de lier les élections à tout autre processus. Nous considérons que les élections sont importantes, la situation économique du pays s’aggrave et la Côte d’Ivoire ne peut pas attendre.

Nous aurons l’occasion de parler du PPTE, mais le fait d’être admis au point de décision ne permet pas d’avoir des décaissements importants et surtout l’allègement de la dette. À un moment donné, si nous n’allons pas aux élections, ce serait comme si nous n’avions pas réussi le PPTE. Ce sont des choses importantes et je souhaite pour ma part que les questions de responsabilité et de pouvoir entre les com’zones et les préfets soient réglées. Après tout, notons que dans l’accord complémentaire 4, les aspects militaires des accords ne concernent que les deux ex-belligérants. Les élections concernent l’ensemble des Ivoiriens et l’ensemble des partis politiques ivoiriens. Nous ne devons pas être empêchés d’aller à des élections, que nous souhaitons, bien sûr, sécurisées. Il est essentiel à un moment donné de dire: le pays est suffisamment pacifié pour que nous allions aux élections. C’est un point que je tenais à faire particulièrement.
Maintenant, concernant les situations d’insurrection et de coups d’Etat, ma position est très claire. Je condamne les coups d’Etat. Et je les condamne sans équivoque. Peut-être que beaucoup ne se souviennent pas, mais j’ai été l’un des premiers à condamner le coup de force du 19 septembre. J’ai été exfiltré de l’Ambassade d’Allemagne le 19 septembre à minuit. Le lendemain 20 septembre, j’ai eu le chef de l’Etat au téléphone. Et le 21 septembre, j’ai fait une déclaration qui, malheureusement, n’est pas passée sur les ondes nationales, mais plutôt sur RFI et autres, pour condamner cette tentative de coup d’Etat. Les coups d’Etat n’arrangent rien dans un pays. Et je crois que nous en souffrons aujourd’hui. Nous subissons toutes les conséquences du coup d’Etat de 1999 et bien sûr de la tentative de coup d’Etat de 2002. Ce n’est pas ainsi qu’un pays peut sortir d’une crise politique. Il est important que les uns et les autres comprennent que même si la démocratie est lente à s’implanter, il faut aller nécessairement vers elle. Et la démocratie veut dire le respect des droits de l’homme, la diversité, le pluralisme ; elle veut dire le développement économique équilibré. Toute une série de choses. Et c’est par là que nous pourrons avoir un système démocratique durable, soutenable, comme le disent les anglophones. J’insiste pour dire que les expériences, telles que nous les voyons à Madagascar et ailleurs, doivent être condamnées et sans équivoque. Parlant de Madagascar, c’est un pays que je connais particulièrement bien. C’est l’un des derniers pays que j’ai visité en 1999, quand je quittais mes fonctions de Directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI, ndlr). Je connais les principaux acteurs de ce pays, notamment le président Ratsiraka et bien d’autres, que j’ai tenu à aller voir avant de quitter mes fonctions au FMI. Je suis donc attristé de voir ces successions de coups de force à Madagascar, qui amènent le pays à être encore plus pauvre qu’il y a trente ans. Ceci est lamentable pour les Malgaches. Je ne souhaite pas cela pour mon pays. Quant à la Guinée, c’est un pays voisin. Je ne m’étale pas là-dessus. Mais évidemment, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Vous savez, s’il y a un manque de démocratie et que le pouvoir en place ne tient pas compte de la réalité du pays, de la souffrance des populations, manifestement ceci conduit aux coups de force et à des coups d’Etat. Et malheureusement, ceux qui viennent aux affaires ne sont pas les mieux équipés pour gérer un Etat. Il y a des exemples un peu partout. Je ne les citerai pas. Mais je pense que nous nous comprenons. Je crois donc qu’il faut que nous condamnions les coups d’Etat. Ce n’est pas une façon de faire avancer un Etat.

Jean Bptiste Akrou : Vous avez dit que vous condamniez sans équivoque les coups d’Etat. Mais vous aviez aussi dit à l’époque, « quand je frapperai ce pouvoir moribond, il tombera ». D’aucuns pensent que vous n’êtes pas tout à fait innocent à ce qui s’est passé en 1999. Nous voulons donc savoir quelle est votre part de responsabilité ou votre part de vérité sur tout ce qui s’est passé dont on vous accuse tant, de 99 à 2002 ?

Agnès Kraidy : Deux petites questions. La première, partageant avec vous l’exigence que nous avons à arrêter, à un moment donné, l’enrôlement pour fixer une date des élections, mais en même temps nous nous demandons comment vous faites pour gérer l’exclusion éventuelle des personnes qui sont victimes de la destruction des registres de l’état civil ? Deuxièmement, quelles sont selon vous les conditions sine qua non à réunir pour des élections non contestables et incontestées ?

Ferro Bally : Récemment, 7000 faux extraits d’acte de naissance ont été saisis à Man. Et à Anyama, environ 60% des documents administratifs fournis seraient des faux. Alors, quelle analyse faites-vous du phénomène de la fraude sur ces documents administratifs en Côte d’Ivoire ?

Michel Koffi : Une question à deux volets. La sortie de crise ne se limite pas à l’identification et à l’enrôlement. Il me semble qu’il y a un point qui paraît important, c’est le matériau humain. Quelle relation entretenez-vous donc avec les autres leaders politiques ivoiriens ? Ensuite, concernant les médias d’Etat, le CNCA publie régulièrement le temps d’antenne des partis politiques. Cette initiative vous paraît-elle suffisante pour juger de l’ouverture de l’audiovisuel sur la base de l’équité que réclament tous les leaders politiques ?

Landry Kouhon : Les audiences foraines, vous l’avez dit, n’ont pas eu les effets escomptés. Pensez-vous honnêtement que cette opération pouvait se dérouler normalement et en toute transparence dans certains endroits où l’autorité de l’Etat n’existe presque pas, comme dans les zones encore sous contrôle des Forces Nouvelles ?

A.D.O : Je suis heureux que M. le directeur général ait posé cette question (relative à son implication dans le coup d’Etat de décembre 1999 et la tentative de coup d’Etat de septembre 2002 qui s’est muée en rébellion armée. Ndlr). Souvenez-vous qu’en 1999, quand il y a eu le coup d’Etat, Mme Henriette Diabaté, Secrétaire général du RDR, M. Amadou Coulibaly et d’autres personnes étaient tous en prison. Sur les dix membres de la direction du parti, huit étaient en prison. Moi-même, j’étais en France. Je ne pouvais rentrer au pays puisqu’il y avait un mandat d’arrêt contre moi. Il aurait fallu que nous soyons très forts pour que, malgré l’absence du président du parti et l’emprisonnement de la direction du RDR, nous puissions organiser un coup d’Etat. Les manipulations et intoxications ont trop duré. Surtout après dix ans, on devrait pouvoir apporter les preuves de notre implication dans les coups dont on parle. On devrait pouvoir dire: «Sur la base de telle chose, Alassane Ouattara est responsable de ce coup d’Etat». J’attends qu’on apporte de telles preuves, parce qu’elles n’existent pas. Le mensonge a trop duré. Je ne voudrais pas m’étendre sur ces questions. Je ne voudrais pas m’étendre sur le passé. Mais j’estime que la Côte d’Ivoire a besoin de vérité. Et la vérité est que nous n’avons rien à voir avec ce coup d’Etat. Mais tout simplement, comme je le disais avant que la question ne me soit posée, les conditions étaient réunies pour un coup d’Etat. Parce que quand il y a des tensions sociales très graves, quand il y a une détérioration économique très forte, quand les populations estiment qu’il y a un décalage entre le régime en place, entre les leaders et elles, cela conduit nécessairement à ce genre de situation : insurrection à Madagascar, coup d’Etat ici et là. Il est temps qu’on arrête de chercher des boucs émissaires et qu’on se consacre à faire en sorte que notre pays sorte de la pauvreté, de la misère et des injustices pour nous garantir un pays véritablement démocratique qui va faire son chemin dans le développement.
En ce qui concerne 2002, j’étais chez moi tranquillement, en train de déjeuner avec ma femme et des amis quand des chars sont venus attaquer ma résidence. Je ne pense pas que je sois un génie. Je ne peux pas organiser un coup d’Etat, m’asseoir chez moi et me comporter comme si de rien n’était. J’aurais au moins pris la précaution de quitter le pays tout de même. Je crois savoir que le général Robert Guéi avait été accusé d’être le cerveau de ce coup d’Etat. Il a été assassiné pour rien. J’apprends dans la presse, ces temps-ci qu’on dit que le général Guéï n’était pas un rebelle et n’avait rien à voir avec le coup d’Etat. Dans quel pays sommes-nous ? Je crois qu’il est temps qu’on arrête d’accuser les gens à tort. Il faut qu’il y ait des commissions d’enquête à un moment donné pour faire la lumière sur toutes ces affaires. Et qu’on puisse dire publiquement qu’Alassane Ouattara n’avait rien à voir ni avec le coup d’Etat de 1999, ni avec la tentative de coup d’Etat de 2002. Ceci me paraît essentiel. J’attends donc que des personnes essaient de créer des preuves, nous allons les démonter très facilement. Parce que je suis contre les coups d’Etat. Je n’ai participé à aucun coup d’Etat, par conséquent, je dénie totalement toutes les accusations mensongères qui ont été portées à mon endroit.
Pour les problèmes d’état civil, c’est toujours la même chose. On a commencé toute une série de procédures depuis bientôt deux ans maintenant. A chaque fois, il y a obstruction. Pour les audiences foraines, c’était la même chose. Je ne vais pas entrer dans les détails qui fâchent. Mais en définitive, on a réussi à les faire. Si les audiences foraines avaient suivi leur cours normal, on aurait réglé ce problème. Peut-être qu’on aurait eu beaucoup plus qu’un million de personnes qui n’avaient pas leurs papiers. Mais ça n’a pas été le cas. On se rend compte aujourd’hui qu’effectivement, dans certains villages, pas nécessairement dans les zones centre, nord et ouest (Cno), mais dans la zone gouvernementale, il y a beaucoup de gens qui soit n’ont jamais eu de papiers parce qu’ils n’en voyaient pas l’utilité, soit les registres dans lesquels ils figurent ont été détruits. La destruction des registres d’état civil, ce n’est pas seulement dans les zones Cno, mais également dans le Sud. Je crois savoir qu’il y a autant de registres détruits dans l’une que dans l’autre zone. Ce travail a commencé. On me dit qu’il y a quelques problèmes entre les ministères, les choses ont donc traîné. Sur les 255 lieux où la reconstitution devrait se faire, 253 ont pu démarrer dans les délais. Les deux autres ont eu un peu de retard. Mais je crois savoir qu’au 12 ou au 15 mars, tous les centres ont démarré et qu’ils ont un mois pour régler ce problème. Ainsi, au 15 avril, on devait terminer l’opération de reconstitution des registres d’état civil. Nous estimons qu’après cela, on peut encore y consacrer quinze jours, notamment pour les Ivoiriens de l’étranger. A la fin du mois d’avril, on peut arrêter ladite opération. Il n’y aura donc pas d’exclusion. Mais il faut nécessairement que les gens arrêtent de retarder le processus car cela est mauvais pour la Côte d’Ivoire. Plus nous retardons les échéances, plus nous retardons la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources pour nous sortir de la pauvreté. C’est cela ma plus grande préoccupation. Je pense donc qu’il n’y aura pas d’exclusion. Je considère, pour ma part, que nous pourrons faire des élections à peu près transparentes. Je dis à peu près parce que les élections de sortie de crise ne sont jamais des élections à 100% satisfaisantes.
On parle en outre de faux extraits de naissance. Sans doute qu’il y en a. Je considère que ce sont des choses qui arrivent dans tous les pays du monde. J’ai été gouverneur de la Banque centrale, nous avons passé tout notre temps à dénombrer des faussaires sur les billets de dix mille et même sur ceux de cinq mille. Je ne serais donc pas surpris qu’il y ait des faussaires d’actes de naissance. Mais les chiffres que vous citez, sept mille ici, douze mille là, ne sont pas la mer à boire, comparativement aux six millions d’électeurs que compte la Côte d’Ivoire. Nous devons donc retenir l’essentiel qui est que nous voulons un processus qui soit crédible, qui donne suffisamment de garanties, dont il sortira quelque chose de crédible. Si sur six millions, il y a 1% ou 1/1000 de documents qui sont faux, cela ne doit pas bloquer le processus. D’ailleurs, il y a une procédure pour les rejeter. Je crois savoir, après mes investigations auprès des autorités gouvernementales, que celui qui va faire du faux pour obtenir un document ne pourra pas passer. Parce que tout cela doit être revu à partir des registres d’origine. Il y aura donc un rejet à un moment donné. Et si quelqu’un a pris l’acte de naissance de son frère pour aller à l’école, on le retrouvera également à la fin du processus. La question du faux doit donc trouver solution. Je crois qu’il y a des éléments techniques qui doivent nous rassurer. Et c’est le fait du consensus dans la procédure qui donne cette crédibilité. Je souhaite que la liste électorale soit crédible et qu’elle nous permette d’aller à des élections au cours desquelles la majorité des Ivoiriens élira le Président de la République.

Relations avec
les autres leaders
Il est vrai que les questions de sortie de crise ne se résument pas à l’enrôlement. Les contacts humains, la nécessité pour les uns et les autres d’avoir des rapports courtois sont un devoir national. Je ne pense pas que le rôle d’un opposant soit de s’opposer systématiquement à ce que fait le gouvernement. Je vous donne un exemple : Je suis allé aux obsèques de Mme Bongo au Gabon. Le Président Gbagbo y était également. Nous nous sommes salués, nous nous sommes fait la bise. Et la télévision gabonaise a fait beaucoup de commentaires : «Ah, mais c’est formidable ! A l’occasion des obsèques de Maman Edith Bongo, le Président Laurent Gbagbo et son principal adversaire se sont serré la main, se sont fait la bise, etc». Laurent Gbagbo est un ami, c’est un frère. Mais il est candidat à l’élection présidentielle. Tout comme moi. Et j’espère le battre; comme lui aussi espère me battre. Mais cela n’empêche pas que nous ayons des rapports d’amitié et de grande courtoisie. Laurent Gbagbo est rentré du Gabon un jeudi soir, moi j’ai regagné Abidjan le vendredi soir. Et j’ai été accueilli par Amadon Gon Coulibaly qui m’a appris l’arrestation du président Anaky Kobena, il était à la Dst (Direction de la surveillance du territoire). J’ai alors appelé le secrétariat du Président Laurent Gbagbo. On m’a dit que le Chef de l’Etat était en audience et qu’il me rappellerait dix minutes plus tard. Ce qu’il a fait effectivement. Alors, je lui ai dit: «Ecoute Laurent, ce que j’apprends n’est pas bon pour le pays. Je souhaite vraiment que tu libères Anaky dès que possible, ce soir, si possible». Il m’a répondu : «Merci. Quand on m’a dit que tu appelais, te connaissant, je savais que c’était pour Anaky». Et le lendemain matin, Anaky a été libéré. C’est pour vous dire de ne pas croire que nous sommes là, en train de nous tuer, des couteaux entre les dents. Henri Konan Bédié, c’est mon allié, donc nous nous parlons. Chaque fois que je voyage, je l’appelle pour le lui dire. Puis, quand je reviens, je l’appelle pour lui dire que je suis de retour. Je reçois d’autres chefs de partis, Wodié, Mabri... Moi, je n’ai pas de problème avec qui que ce soit. Etre en compétition ne veut pas dire que nous sommes des ennemis. Après tout, je n’ai qu’une voix, de même que Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié... C’est vous autres qui allez nous élire. Si je pouvais, je vous appellerais, chacun, tous les jours, pour vous dire: «Votez pour moi». Parce que c’est par vous que je pourrai être élu. Pour moi donc, entretenir des relations normales avec les leaders, Laurent Gbagbo, Soro Guillaume, Henri Konan Bédié et tous les autres, est tout à fait normal. Ce sont les relations humaines qui font avancer les choses et qu’il faut nécessairement s’y appuyer.
A propos encore des audiences foraines, je suis toujours surpris de l’argumentaire qui essaie de prouver qu’elles ne sont pas possibles à tel endroit parce qu’il n’ y a pas eu de cantonnement des ex-combattants, etc. Affi N’Guessan est allé à Kong et nous l’y avons bien reçu. Pourquoi n’y accepterait-on pas des officiers d’état civil qui iraient organiser les audiences foraines ? Je ne comprends pas cette logique. Est-ce une manipulation politique pour ne pas faire les audiences foraines ? Aujourd’hui, les gens le regrettent. Hamed Bakayoko était à Oumé et partout ailleurs; Amadou Gon Coulibaly était à Gagnoa, Soubré, etc. Il n’y a pas de difficulté. Le Chef de l’Etat lui-même a fait des voyages au nord. Alors, mettons-nous au travail, essayons de régler les problèmes de fond plutôt que de dire chaque fois qu’il y a tel obstacle qui nous empêche de le faire. Alors que si on s’y emploie, si on décide de le faire, on le peut. La preuve est que de 1990 à 1993, nous avons pu faire des choses que tous nos compatriotes disaient impossibles. Il faut avoir la volonté de faire avancer les choses, sinon on trouvera toujours des excuses. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un obstacle peut m’empêcher d’arriver à faire quelque chose de positif par rapport aux élections, à la gestion socio-économique, à ce dont notre pays a besoin.
Bien sûr, il est tout à fait normal que dans une zone où il est difficile de témoigner librement et en toute sécurité de la parenté de tel ou tel requérant, on ne puisse pas y faire les audiences foraines. Cela nous amène à dire qu’il aurait fallu procéder au transfert de pouvoirs (des commandants de zone aux préfets) depuis longtemps. Ceci étant, quel est le pourcentage des gens qui n’auront pas eu un accès équitable aux audiences foraines par rapport à la totalité des personnes concernées? C’est tout de même infime. Nous sommes dans une crise. On ne pourra pas régler tous les problèmes de A à Z avant d’aller aux élections. Ma position est la suivante: «Réglons ce que nous pouvons. Soyons sûr que nous avons une masse critique qui nous permette d’aller de l’avant et une fois qu’on aura fait les élections, nous continuera». La preuve est que ces transferts de pouvoirs vont se faire et quand les audiences vont reprendre, j’espère en avril avec les ratissages, dans les localités où elles ont été impossibles, les préfets seront là, avec les pleins pouvoirs et les populations qui n’ont pu se faire enrôler pourront le faire. Mais si on bloque tout en disant : «parce qu’on ne peut pas le faire dans tel ou tel autre endroit, qui ne représente que 1% de la population», on aggrave nos problèmes. Et ce n’est pas bon pour la Côte d’Ivoire.

Médias d’État
Pour ce qui est des médias d’Etat, je sais que mon équipe de communication a souvent saisi le Cnca pour dire que nous considérons qu’il y a un traitement inéquitable au niveau de cer tains médias. Mais ce sont des questions que je ne suis pas directement, c’est Ally Coulibaly et son équipe qui s’en occupent. Nous aurions pu soutenir, au niveau par exemple de la télévision, que le traitement qui nous est réservé n’est pas équitable, et que nous considérons que c’est un critère important dans la campagne. Ce sont des questions que nous avons évoquées avec le représentant de l’Onu. Nous lui avons dit qu’autant les choses évoluent positivement au niveau de Fraternité Matin, autant nous avons encore des problèmes avec la télévision et la radio. Nous estimons que cela n’est pas équitable. Nous avons envoyé des messages parlant de l’équilibre de la Nation. Et puis, c’est quand même moi qui ai restructuré et Fraternité Matin et la télévision. Vous aviez une participation française que j’ai rachetée pour que Fraternité Matin appartienne à l’Etat de Côte d’Ivoire à 100%. Les gens oublient que c’est moi qui l’ai fait. C’est moi qui ai procédé à la restructuration de la Rti pour en faire un organe autonome. A la télévision, il y avait Ousmane Sy Savané et à Fraternité Matin, Couassy Blé que j’avais nommé comme directeurs généraux. C’est dire que ce sont des structures que je connais bien. J’avais fait cela parce que je crois en la démocratie. Je ne voulais pas que ce soit les organes d’un parti politique. Je souhaitais qu’ils appartiennent à la nation. Mais s’il y a manipulation de ces organes une fois qu’on arrive au pouvoir, ce n’est pas équitable. Nous payons tout de même des redevances ! Nous avons un problème avec la télévision. Mais comme sur toutes les autres questions, c’est la masse critique qui importe. Ce n’est pas parce qu’il y a un dysfonctionnement qu’on va tout rejeter en bloc. Le pays a besoin de sortir de cette crise. Il ne faut donc pas retarder les élections. Il faut qu’on les ait cette année. Il faut que les Ivoiriens se prononcent cette année et que nous puissions après nous mettre au travail. La Côte d’Ivoire en a besoin, on ne peut pas continuer ainsi.

Bonne élection
D’un, il faut qu’il y ait un recensement électoral suffisamment crédible. De deux, qu’il y ait la sécurisation des élections. Troisièmement, que les électeurs aient la liberté de voter, que les candidats aient la liberté de faire la campagne en toute sécurité et puissent être autorisés à se présenter en fonction de tout ce qui a été arrêté. En plus, que les candidats prennent l’engagement de reconnaître les résultats des élections. Si ces questions sont tranchées d’avance, il n’y a pas de raison qu’il y ait des contestations. A l’allure où vont les choses, je ne vois pas comment un candidat pourrait contester les résultats des prochaines élections. La liste électorale sera consensuelle, j’imagine. Il y a une Commission électorale indépendante qui organise les élections, et a priori, la sécurisation du scrutin sera également de mise. Nous devons donc prendre l’engagement, chacun de nous, de dire : «Quels que soient les résultats, nous les accepterons» parce que le processus a été équitable.

Jean-Baptiste Akrou : Ces temps-ci, certains militants du RDR ne manquent pas de nous appeler pour se plaindre du fait que vous n’êtes pas ‘’choc’’ comme ils le voient présentement avec le président du MFA, le ministre Anaky Kobena. Ils soulignent que vous êtes trop ‘’soft’’. Récemment encore, je lisais dans un journal une conférence de M. Enoch du CRI qui vous accuse, vous et le président Bédié, d’avoir abandonné la lutte. Il me semble donc que certains de vos militants veulent voir en vous des leaders ‘’chocs’’ qui dérangent dans leur façon de parler et même dans leur façon d’être, des leaders capables de secouer véritablement le pouvoir. Alors comment ressentez-vous un tel jugement ?

ADO : Si on décide de faire la politique, on la fait en fonction de ses principes et de la base. Ou il y a concordance et le parti vous fait confiance - c’est mon cas. En février, j’ai été reconduit à la tête du Rdr pour cinq ans. Ou on vous débarque. Moi, j’ai toujours eu cette ligne de conduite par rapport à mon parti. Malheureusement, nous n’avons pas été compris. Il y a eu la manipulation, l’intoxication. Mais c’est ma position. Maintenant, si on trouve que je suis trop soft, il y aura un congrès et on me débarquera.
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