Entre des responsables des hôpitaux publics désireux de suivre le pas de concession du service de laboratoire franchi par leurs collègues des CHU de Yopougon, Treichville et Cocody ainsi que l’hôpital général de Grand-Bassam et les techniciens en poste dans ledit service, c’est désormais le bras de fer. Au cœur de la discorde, les intérêts divergents liés à la privatisation des laboratoires. Explications.
Le projet de privatisation des laboratoires suscite une vague de mécontentements dans les hôpitaux publics. A l’instar des infirmiers exerçant dans le laboratoire du CHU de Yopougon qui avaient opposé une fin de non recevoir au projet, le personnel technique donne de la voix actuellement. Avant le personnel technique, le point d’achoppement entre la direction et les agents en poste au laboratoire du CHU de Yopougon, sous la houlette du Synici portait sur la gestion des recettes du service. « La première société qui avait obtenu le marché du laboratoire payait 100.000 F par mois à la direction. Cette société utilisait le personnel sans prime. En outre, seule la direction était représentée. Nous les syndicalistes n’avions pas un droit de regard sur la gestion des fonds. C’est pourquoi, nous nous étions opposés quand il s’est agi du choix du nouvel opérateur. Celui-ci s’est engagé à payer la quote-part de la masse salariale aux agents du service, à leur verser des primes, à équiper véritablement le service. L’opérateur a également accepté la nomination d’un représentant des agents pour veiller à la gestion du laboratoire. Cela nous a amené à lever notre veto », a expliqué Achille Claude, coordonnateur local du Synici. Hormis l’hôpital de Grand-Bassam, où les techniciens du laboratoire, depuis février 2009, sont à couteaux tirés avec leur directeur N’Goran suite à la concession du laboratoire à Dr Diaby, la même fronde est en passe de gagner d’autres hôpitaux dont les directeurs envisagent de concéder le laboratoire à des privés. Le bureau exécutif national du Syndicat National des Bio technologistes a même saisi le ministre Allah Kouadio le 27 janvier sur la grogne de ses camarades de Grand-Bassam. Une grogne qui fait suite au démarrage des activités de l’opérateur privé retenu, Dr Diaby. Un opérateur privé qui, selon ce syndicat, aurait « procédé au changement des serrures du laboratoire le rendant inaccessible aux techniciens depuis lors sans activité ». La fronde contre les directeurs d’hôpitaux publics, selon nos sources, est actuellement perceptible au CHR de San-Pédro où le directeur a été saisi par le syndicat des Bio technologistes pour marquer leur désapprobation. Ce dernier aurait reculé et renoncé au projet. Mais, pour les directeurs des hôpitaux publics, l’objectif est clair. Il s’agit d’accroître les recettes des formations sanitaires. Un objectif contrarié selon nos sources par une organisation parallèle pilotée par les techniciens de laboratoire pour pomper les recettes du service.
Les agents accusés de détourner les réactifs…
Derrière l’objectif d’accroître les recettes, se cache la volonté de déclarer la guerre aux techniciens véreux. Ceux-ci, à en croire des directeurs, utilisent les réactifs à des fins personnelles pour réaliser par exemple des examens privés. « Avec trois millions de dépenses en réactifs, les techniciens sont incapables de faire une recette de 100.000 f Cfa. Ils s’opposent à la privatisation du laboratoire parce que ce système va mettre un terme aux détournements de réactifs », a expliqué un directeur qui a requis l’anonymat. A l’en croire, les techniciens véreux pullulent dans les formations sanitaires publiques. En témoigne leur opposition à cette « initiative louable », censée consacrer la fin de « leurs gombos illicites » et accroître les recettes des centres de santé. « A Cocody, le laboratoire privé fonctionne 24 heures sur 24. Cela permet de faire les examens des malades qui viennent en urgence la nuit. Si un malade est hypertendu, dès qu’il arrive la nuit, il est pris en charge et son examen se fait immédiatement sans attendre le lendemain. Voilà des acquis de la privatisation. Des agents qui ne veulent pas travailler, s’opposent à ce système et crient sur tous les toits que ce n’est pas bon. Mais, il faut les comprendre, la privatisation va arrêter le détournement des réactifs », charge notre source. Ce que rejettent les agents incriminés.
Un argumentaire pour justifier l’intrusion du privé…
Pour eux, ils ne s’opposent guère à la concession de leur service au privé mais bien à la procédure suivie par les responsables des centres de santé publics dans la passation du marché. Selon des techniciens qui se sont prononcés sur le sujet, il n’existe pour l’heure, aucune disposition juridique en la matière. Mieux, les établissements publics de santé sont régis par des organes notamment le comité de gestion présidé par les Préfets de région pour les CHR, qui doit se saisir des difficultés et relever les solutions qui s’imposent. « Notre reproche porte en partie sur la procédure. Notre milieu est régi par des textes. Quand une initiative de cette envergure qui va apporter des changements dans l’organisation et le fonctionnement d’une structure de santé doit être prise, il faut associer tous les acteurs. Mais aussi et surtout, veiller au respect des textes régissant le secteur. Ce qui n’est manifestement pas le cas. Faisant ainsi passer l’opération de concession des services publics de la santé au privé comme une caisse noire aux mains des directeurs. C’est cela que nous condamnons. Sinon si tout se passe dans les règles du milieu, nous ne nous y opposerons pas », a indiqué M. Assandé en poste au CHR de San-Pédro. Pour lui, l’accusation de détournement de réactifs par les techniciens de laboratoires, est un argumentaire « pour noyer le poisson ». « Les directeurs qui veulent faire passer une décision personnelle cherchent des boucs émissaires. C’est un secret de polichinelle que l’opérateur retenu leur verse une commission. Quel est le pourcentage ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c’est que l’intrusion du privé ne profite pas à l’hôpital mais à des particuliers et c’est ce qui motive notre opposition », a-t-il expliqué. Selon d’autres agents, les hôpitaux qui n’expérimentent pas pour l’heure, n’ont pas de problèmes budgétaires ou d’équipements. « Tout est fonction de la politique managériale. Ce n’est pas la privatisation du laboratoire qui va faire que l’hôpital aura des recettes conséquentes. Nous sommes accusés de détourner les réactifs. Mais, si nous le faisons, ce n’est pas la privatisation qui va y mettre fin puisque nous servons toujours au laboratoire », ont-ils riposté. Non sans souligner que tant qu’une décision nationale n’aura pas été prise, la privatisation des laboratoires demeurera une opération irrégulière qui n’aura pas leur caution. « L’Etat ne peut pas prendre de décision contre la population. Nous travaillons pour la population. Il appartient donc à l’Etat de définir une nouvelle politique nationale portant privatisation des services des hôpitaux. Ce qui n’est pas le cas actuellement », ont-ils ajouté. Un avis que partage le directeur général de l’hôpital général de Bonoua. « Ni dans l’ancien plan national de Développement de la Santé (PNDS), ni dans le nouveau, il n’est mentionné nulle part que les directeurs doivent privatiser des services notamment les laboratoires. La privatisation des services ne repose pas pour le moment sur une disposition juridique. C’est pourquoi, l’hôpital de Bonoua n’est pas privatisé. Et il ne le sera pas tant que je n’aurai à ma disposition un fondement juridique », souligne Gballou Angenor. Le débat sur la régularité de la privatisation des services dans les hôpitaux publics est donc à nouveau relancé.
M.T.T
Le projet de privatisation des laboratoires suscite une vague de mécontentements dans les hôpitaux publics. A l’instar des infirmiers exerçant dans le laboratoire du CHU de Yopougon qui avaient opposé une fin de non recevoir au projet, le personnel technique donne de la voix actuellement. Avant le personnel technique, le point d’achoppement entre la direction et les agents en poste au laboratoire du CHU de Yopougon, sous la houlette du Synici portait sur la gestion des recettes du service. « La première société qui avait obtenu le marché du laboratoire payait 100.000 F par mois à la direction. Cette société utilisait le personnel sans prime. En outre, seule la direction était représentée. Nous les syndicalistes n’avions pas un droit de regard sur la gestion des fonds. C’est pourquoi, nous nous étions opposés quand il s’est agi du choix du nouvel opérateur. Celui-ci s’est engagé à payer la quote-part de la masse salariale aux agents du service, à leur verser des primes, à équiper véritablement le service. L’opérateur a également accepté la nomination d’un représentant des agents pour veiller à la gestion du laboratoire. Cela nous a amené à lever notre veto », a expliqué Achille Claude, coordonnateur local du Synici. Hormis l’hôpital de Grand-Bassam, où les techniciens du laboratoire, depuis février 2009, sont à couteaux tirés avec leur directeur N’Goran suite à la concession du laboratoire à Dr Diaby, la même fronde est en passe de gagner d’autres hôpitaux dont les directeurs envisagent de concéder le laboratoire à des privés. Le bureau exécutif national du Syndicat National des Bio technologistes a même saisi le ministre Allah Kouadio le 27 janvier sur la grogne de ses camarades de Grand-Bassam. Une grogne qui fait suite au démarrage des activités de l’opérateur privé retenu, Dr Diaby. Un opérateur privé qui, selon ce syndicat, aurait « procédé au changement des serrures du laboratoire le rendant inaccessible aux techniciens depuis lors sans activité ». La fronde contre les directeurs d’hôpitaux publics, selon nos sources, est actuellement perceptible au CHR de San-Pédro où le directeur a été saisi par le syndicat des Bio technologistes pour marquer leur désapprobation. Ce dernier aurait reculé et renoncé au projet. Mais, pour les directeurs des hôpitaux publics, l’objectif est clair. Il s’agit d’accroître les recettes des formations sanitaires. Un objectif contrarié selon nos sources par une organisation parallèle pilotée par les techniciens de laboratoire pour pomper les recettes du service.
Les agents accusés de détourner les réactifs…
Derrière l’objectif d’accroître les recettes, se cache la volonté de déclarer la guerre aux techniciens véreux. Ceux-ci, à en croire des directeurs, utilisent les réactifs à des fins personnelles pour réaliser par exemple des examens privés. « Avec trois millions de dépenses en réactifs, les techniciens sont incapables de faire une recette de 100.000 f Cfa. Ils s’opposent à la privatisation du laboratoire parce que ce système va mettre un terme aux détournements de réactifs », a expliqué un directeur qui a requis l’anonymat. A l’en croire, les techniciens véreux pullulent dans les formations sanitaires publiques. En témoigne leur opposition à cette « initiative louable », censée consacrer la fin de « leurs gombos illicites » et accroître les recettes des centres de santé. « A Cocody, le laboratoire privé fonctionne 24 heures sur 24. Cela permet de faire les examens des malades qui viennent en urgence la nuit. Si un malade est hypertendu, dès qu’il arrive la nuit, il est pris en charge et son examen se fait immédiatement sans attendre le lendemain. Voilà des acquis de la privatisation. Des agents qui ne veulent pas travailler, s’opposent à ce système et crient sur tous les toits que ce n’est pas bon. Mais, il faut les comprendre, la privatisation va arrêter le détournement des réactifs », charge notre source. Ce que rejettent les agents incriminés.
Un argumentaire pour justifier l’intrusion du privé…
Pour eux, ils ne s’opposent guère à la concession de leur service au privé mais bien à la procédure suivie par les responsables des centres de santé publics dans la passation du marché. Selon des techniciens qui se sont prononcés sur le sujet, il n’existe pour l’heure, aucune disposition juridique en la matière. Mieux, les établissements publics de santé sont régis par des organes notamment le comité de gestion présidé par les Préfets de région pour les CHR, qui doit se saisir des difficultés et relever les solutions qui s’imposent. « Notre reproche porte en partie sur la procédure. Notre milieu est régi par des textes. Quand une initiative de cette envergure qui va apporter des changements dans l’organisation et le fonctionnement d’une structure de santé doit être prise, il faut associer tous les acteurs. Mais aussi et surtout, veiller au respect des textes régissant le secteur. Ce qui n’est manifestement pas le cas. Faisant ainsi passer l’opération de concession des services publics de la santé au privé comme une caisse noire aux mains des directeurs. C’est cela que nous condamnons. Sinon si tout se passe dans les règles du milieu, nous ne nous y opposerons pas », a indiqué M. Assandé en poste au CHR de San-Pédro. Pour lui, l’accusation de détournement de réactifs par les techniciens de laboratoires, est un argumentaire « pour noyer le poisson ». « Les directeurs qui veulent faire passer une décision personnelle cherchent des boucs émissaires. C’est un secret de polichinelle que l’opérateur retenu leur verse une commission. Quel est le pourcentage ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c’est que l’intrusion du privé ne profite pas à l’hôpital mais à des particuliers et c’est ce qui motive notre opposition », a-t-il expliqué. Selon d’autres agents, les hôpitaux qui n’expérimentent pas pour l’heure, n’ont pas de problèmes budgétaires ou d’équipements. « Tout est fonction de la politique managériale. Ce n’est pas la privatisation du laboratoire qui va faire que l’hôpital aura des recettes conséquentes. Nous sommes accusés de détourner les réactifs. Mais, si nous le faisons, ce n’est pas la privatisation qui va y mettre fin puisque nous servons toujours au laboratoire », ont-ils riposté. Non sans souligner que tant qu’une décision nationale n’aura pas été prise, la privatisation des laboratoires demeurera une opération irrégulière qui n’aura pas leur caution. « L’Etat ne peut pas prendre de décision contre la population. Nous travaillons pour la population. Il appartient donc à l’Etat de définir une nouvelle politique nationale portant privatisation des services des hôpitaux. Ce qui n’est pas le cas actuellement », ont-ils ajouté. Un avis que partage le directeur général de l’hôpital général de Bonoua. « Ni dans l’ancien plan national de Développement de la Santé (PNDS), ni dans le nouveau, il n’est mentionné nulle part que les directeurs doivent privatiser des services notamment les laboratoires. La privatisation des services ne repose pas pour le moment sur une disposition juridique. C’est pourquoi, l’hôpital de Bonoua n’est pas privatisé. Et il ne le sera pas tant que je n’aurai à ma disposition un fondement juridique », souligne Gballou Angenor. Le débat sur la régularité de la privatisation des services dans les hôpitaux publics est donc à nouveau relancé.
M.T.T