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Société Publié le mercredi 1 avril 2009 | Nord-Sud

Chu de Treichville : Les malades démunis se révoltent

Face aux coûts de plus en plus exorbitants des soins, même dans les hôpitaux publics, les pauvres ne peuvent plus se soigner en Côte d'Ivoire. Nous avons rencontré des membres de l' « association des malades démunis » qui racontent leur drame.


Le visage déformé mais souriant de Yao Kouassi Bienvenu, en dit long sur sa volonté de survire à son mal. Ce garçon de 7 ans, en classe de Ce1 à Divo, a une tumeur au visage qui a emporté son œil gauche et son nez. Son père, Kouassi Yao Germain, est avec lui au Chu de Treichville depuis le 24 février. Ils ont quitté Divo en pensant trouver le salut dans cet hôpital. Mais, non. Pour l'instant, le gamin ignore le combat que mène son père pour qu'il retrouve ses camarades à l'école. « Je suis tisserand à Divo et je n'ai pas de moyens. Le mal a débuté il y a un an. Bienvenu avait d'abord ses dents qui lui faisaient mal. Nous avons cru à un simple mal de dent, or ce fut une tumeur. Au Chu de Divo, le dentiste nous a prescrit des médicaments, cela n'a rien changé à l'évolution de la maladie. Nous sommes allés au Chu de Yamoussoukro, c'était pareil. Ils nous ont dit de venir ici. Ce que nous avons fait. Par manque de moyens, nous n'avons encore pas eu de soins depuis notre arrivée au Chu de Treichville», raconte-t-il. Le petit Bienvenu est en pédiatrie en salle 8, lit 60. Pour l'instant, lui et son père ont affaire à une dame généreuse qui s'occupe d'eux au nom de son association : l'Association des démunis de Côte d'Ivoire (Adci). « Je suis entré en contact avec elle dès mon arrivée. Elle a promis de trouver quelqu'un qui pourra opérer mon fils », relate le père de l'enfant. Pour le moment, ils sont confrontés aux frais d'hospitalisation. 20.000 Fcfa, c'est que ce Yao Kouassi a payé pour laisser l'enfant dormir à la pédiatrie. Le tisserand sans moyen affirme qu'il n'a plus de sous. Pourtant, il doit faire face aux frais de la radiologie et de l'échographie qui s'élèvent à 25.000 Fcfa. « Pour la nourriture, c'est l'Adci qui nous vient en aide », confie-t-il tristement. Mais, Yao Konan et son fils ne sont pas les seuls malades démunis à la recherche d'aide dans ce centre. Blé Roussoh Adèle, une quinquagénaire, est venue de Sassandra avec sa fille enceinte pour faire une césarienne. Elle décrie le manque de social dans l'établissement. Hier, (Ndlr : lundi) c'est au comble de l'indignation qu'elle s'est mise à hurler sur les sages femmes. « Après m'être endettée pour payer les frais de césarienne qui s'élevaient à 110.000 Fcfa, et après avoir payé pour utiliser les toilettes, l'eau chaude, la nourriture qui devait être gratuite, elle ont osé me demander de payer 18.000 Fcfa. Les frais de la nourriture, selon elles, alors qu'elles ne m'ont pas offert de nourriture et d'hospitalisation », explique-t-elle. Indignée, cette dame s'est révoltée à la maternité et s'est mise à faire connaitre à tous son ras-le-bol.
« Il y a eu un moment où les pauvres pouvaient se soigner gratuitement à l'hôpital. Aujourd'hui, il faut tout payer, même l'eau pour se laver », s'énerve-t-elle. Ce matin, Roussoh Adèle lave les habits de sa fille sous le hangar où les femmes viennent chercher de l'eau chaude. Elle part aujourd'hui pour Sassandra avec le nouveau-né. Elle n'envisage pas de payer les 18.000 Fcfa qu'on lui réclame, parce qu'elle n'a plus de sous. Elle ignore jusque-là ce qui s'en suivra. Tout comme elle, Coulibaly Abiba est venue assister sa sœur malade, Coulibaly Mariam, en Pneumo physiologie (Pph). Cette dernière est internée au Chu depuis deux semaines. « Elle a une infection pulmonaire. De Yopougon, nous l'avons conduite ici», explique Abiba. Depuis leurs arrivées, elles n'ont réussi qu'à payer les frais d'hospitalisation. « Les ordonnances n'en finissent pas. Nous avons été aidées une fois par la mosquée Almouasat du Chu. Mais, depuis, nous sommes livrées à nous-mêmes. Je ne comprends pas que nous payons les médicaments alors que le traitement de la tuberculose doit être gratuit », s'étonne-t-elle. La représentante de l'Adci leur apporte également une aide en médicaments de temps en temps, et, bien d'autres services. « Il est difficile de se retrouver au Chu. C'est elle qui nous a aidées à nous orienter lorsque nous sommes arrivées,», ajoute Abiba. L'Adci a promis à ces personnes de leur trouver des centres où se soigner gratuitement.

Tout se paye à l'hôpital

« Je les sensibilise, à chaque fois qu'il y a des malades démunis qui arrivent au Chu et qui ignorent comment faire face aux coûts de médicaments. Je leur dis, que ceux qui n'ont rien viennent. Il y a des endroits où je peux les conduire et où elles pourront avoir des médicaments gratuits », explique-t-elle. Parmi ces centres dont elle parle, il y a le Centre espoir d'Adjouffou. La responsable de cette structure, Mme Lotti Latrous aide quelques malades démunis à se soigner en leur offrant des médicaments gratuitement. « Mais, elle est essoufflée. Nous demandons que l'Etat se penche sur notre cas », demande la porte-parole des démunis, la responsable de l'Adci. Elle désire rester dans l'anonymat. Car, dit-elle, le Chu voit mal son action qui consiste à appauvrir les caisses de la pharmacie en détournant les malades vers d'autres centres. Mais, les démunis apprécient son aide. Et c'est l'essentiel. Doumbia Yaya, venu faire hospitaliser sa femme, Ouattara Fatoumata, au Pph, en témoigne. « Quand je suis arrivé au Chu, c'était difficile. C'est cette dame qui m'a orienté vers les différents services appropriés », indique-t-il. Son épouse souffre d'hypertension, une affection délicate. L'Adci qui n'a pas de moyens ne peut faire face aux ordonnances. Pour l'instant, la facture de Doumbia s'élève à 40.000 Fcfa. « Ce sont mes amis qui m'aident. Ici, nous sommes livrés à nous-mêmes. Notre pauvreté nous marginalise et nous expose davantage aux actes d'extorsion », indique cet homme sans emploi. Il précise avoir vu des cas où les patients ont été dépossédés de leur téléphone portable parce qu'ils n'arrivaient pas à payer la facture d'hospitalisation. Pour l'instant, ses frais d'hospitalisation n'ont été assumés que grâce aux dettes. Tout comme Konan Germain, Coulibaly Abiba, ou Blé Roussoh Adèle, ils sont nombreux les malades démunis qui sont obligés de tendre la main pour survivre dans cet hôpital. « D'autres sont tellement déçus qu'ils veulent aller à la maison pour mourir », raconte la représentante de l'Adci. Elle note qu'un service paramédical existe au Chu. Un service social qui doit s'occuper gratuitement des malades pauvres. « Au lieu de cela, les gens réclament de l'argent aux malades », se désole-t-elle. Une situation qui perdure et s'empire. Avec l'admission de la Côte d'Ivoire au programme des Pays pauvres très endettés (Ppte), l'Adci souhaite que l'accès aux soins pour les démunis soit l'une des priorités de l'Etat. Réunis ce matin sous le hangar où l'on chauffe de l'eau pour la population des hospitalisés leurs familles semblent partager la même peine. A côté d'eux, la représentante de l'Adci fait des prières pour les réconforter: « Seigneur, tu peux envoyer n'importe qui pour faire ton travail (...). Seigneur que la méchanceté, le mensonge, l'égoïsme qui sont ici soient résolues (…) Nous vivons dans la misère. Seigneur descend et aide tes enfants. Amen ! ». Amen reprennent en chœur les malades dans cette espérance !


Raphaël Tanoh
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