Nous le disions la semaine dernière. Nous le répétons encore aujourd`hui. Cette fois-ci, on ne se permettra pas de faire l`économie d`un débat sur la recherche de la vérité sur ce qui s`est passé le dimanche 29 mars 2009, aux abords du stade Houphouët-Boigny et qui a coûté la vie à 19 personnes. Nous devons mener ce débat, ne serait-ce que pour soulager la mémoire des morts ; mener ce débat, ne serait-ce que pour maintenir vivant dans nos esprits, le souvenir de ces 19 personnes jusqu`à ce que la vérité, celle qui n`est belle que lorsqu`elle est nue, éclate et brille dans els ténèbres qu`est devenu notre pays. Nous devons mener ce débat en tant que citoyens libres mais surtout en tant que citoyens dont la profession consiste justement à éclairer les masses laborieuses sur les évènements heureux ou malheureux qui se produisent dans notre pays. C`est un devoir. Et ce devoir est encore plus grand, lorsque cet évènement malheureux n`est pas le fait de la nature, mais de celui des hommes. Et c`est pour cette raison qu`il est nécessaire de passer au peigne fin, les propos de tous ceux qui, officiellement mandatés, s`expriment sur le sujet. Le procureur Tchimou, après 9 jours d`enquête, s`est exprimé avant-hier, au cours d`une conférence de presse. Ce qu`on peut retenir, c`est que les enquêtes se poursuivent. On ne fera donc pas de procès à qui que ce soit. Le procureur a affirmé que la piste de l`homicide volontaire a été écartée. Cela est une évidence. On ne peut pas imaginer un seul instant que des hommes normaux aient pu chercher à donner volontairement la mort aux supporters des "Eléphants ". Il y a donc, et le procureur l`a dit, des homicides involontaires, c`est-à-dire que les 19 personnes sont mortes sans que ceux qui, par leurs actes, ont provoqué ces morts aient voulu vraiment leur donner la mort. C`est le cas pour exemple d`un véhicule qui fait un accident dans lequel plusieurs personnes perdent la vie. Le chauffeur, s`il est vivant, ne peut pas être poursuivi pour homicide volontaire. A moins qu`on démontre clairement que sa volonté ait été, pour plusieurs raisons, de donner la mort à ses passagers. Donc, dans le cas du drame survenu au stade, la piste de l`homicide involontaire, suivie par les enquêteurs, se tient. Mais, et c`est là que nous sommes inquiet sur la suite des enquêtes, le procureur ne s`étant pas empêché, dans sa réponse à une question, de donner un jugement personnel dans une enquête qui n`est qu`à son début : " Je n`ai pas beaucoup apprécié le fait que sur le champ, les gens aient indexé les agents des FDS ". Et cette seule phrase jette un voile sur l`impartialité de cette enquête. Cette phrase aurait été prononcée par le ministre de l`Intérieur, par le ministre de la Défense, par le Directeur général de la Police ou par tout autre personne n`étant pas directement impliquée dans l`enquête, que personne n`aurait rien eu à redire. Mais que cela vienne du procureur de la République qui est chargé justement de mener cette enquête, c`est là une attitude pour le moins surprenante. Nous pensons que, n`étant pas l`avocat des forces de l`ordre, il ne lui appartenait pas d`affirmer publiquement ce qu`il pensait personnellement. Il nous semble que ce que tous les Ivoiriens, y compris le chef de l`Etat, de même que les parents des 19 morts et les 132 blessés attendent, c`est de savoir ce qui s`est réellement passé et non pas sur autre. Aucun citoyen ivoirien ne peut se permettre au jour d`aujourd`hui, d`affirmer sans aucune preuve que telle ou telle personne, tel corps de métier ou tel autre a fait ceci ou cela. Personne ne peut donc affirmer que les FDS ont donné la mort à 19 personnes dans une affaire purement sportive. Il y a simplement des questions qui troublent. Le procureur a dit qu`ils allaient chercher à comprendre le sens de l`expression " match à guichets fermés ". En attendant, vu qu`il y a eu dans notre pays plusieurs matches de football joués à guichets fermés dont récemment le match Côte d`Ivoire-Madagascar joué au stade Champroux en présence du Chef de l`Etat, il nous est apparu que la Fédération ivoirienne de football a clairement spécifié que cela signifie que les tickets sont vendus avant le match et que tous ceux qui n`ont pas de tickets ne doivent pas se rendre au terrain. Et donc, quand il s`agit de ce genre de match, le rôle de ceux qui sont chargés d`assurer la sécurité, (forces de l`ordre ou extra-terrestres), est de faire en sorte que tous ceux qui n`ont pas de tickets ne se retrouvent pas devant les portails du stade. Or, il est manifeste, et toutes les images et les témoignages le confirment, des milliers de personnes n`étant pas en possession de ticket, se sont retrouvées aux entrées du stade. Que les tickets vendus aient été numériquement supérieurs au nombre de places disponibles, comme monsieur le procureur l`affirme (" il y a eu trop de tickets ") cela n`explique pas le fait que des milliers de personnes sans tickets aient pu se retrouver aux entrées du stade. Et monsieur le procureur a raison de dire " qu`on ne peut pas se focaliser uniquement sur les FDS ". Il faut se focaliser sur la recherche de la vérité, qui exclut qu`on prenne position en faveur d`un camp ou de l`autre. Parce que finalement, la liberté des uns n`est pas forcément supérieure à la vie des autres. Des gens sont morts pour juste avoir voulu voir un match de football. Et c`est une chose absolument choquante. Que la recherche de la vérité sur ces évènements soit une obsession pour chacun des enfants de ce pays, à quelque niveau de responsabilité qu`ils se trouvent. Pour que cette foi-ci, on ne banalise pas la vie humaine dans notre pays. Pour que cette fois-ci, les victimes ne soient pas "condamnées à de lourdes peines d`emprisonnement moral", avec des enquêtes dont les résultats en rajoutent au doute.
Assalé Tiéméoko
Assalé Tiéméoko
