x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le vendredi 10 avril 2009 | Le Repère

Grande interview - Jean Blé Guirao (Secrétaire général adjoint de l`UDPCI): “Bédié et Ouattara doivent quitter le CPC”

Jean Blé Guirao est l`ancien président de la Jeunesse de l`Union pour la démocratie et la paix en Côte d`Ivoire (UDPCI de Mabri) membre au même titre que le Parti démocratique de Côte d`Ivoire (PDCI de Bédié), le Rassemblement des républicains (RDR de Ouattara) et le Mouvement des forces d`avenir (MFA de Anaky) ; du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, opposition politique). Depuis qu`il a passé la main, il occupe le poste de Secrétaire général adjoint chargé de la Mobilisation et de l`organisation dans son parti. Sans faux-fuyants et sans fuites en avant, il fait une critique rare de l`opposition ivoirienne dans cette interview qu`il a accordée à une équipe de " Le Repère " dans ses locaux, le mercredi 8 avril 2009.

Monsieur le secrétaire général adjoint de l`UDPCI, quel commentaire faites-vous des propos du député Attéby Williams tenus le mardi dernier à la “Sorbonne”, appelant les "patriotes" à la reprise du combat de la résistance ?

Je voudrais vous remercier mais surtout vous féliciter d`abord pour le combat que vous menez. Aujourd`hui en Côte d`Ivoire lorsque nous voyons des journaux comme " Le Repère " et bien d`autres, proches de l`opposition, on a la nette conviction que ce sont les journalistes qui font le combat à la place de l`opposition de par leurs engagements, leurs écrits. Si tous les leaders politiques le faisaient, le régime de Laurent Gbagbo serait déjà tombé. Mais malheureusement, c`est vous qui faites le combat de l`opposition. C`est pour cela que je voudrais vous féliciter pour le combat de prise de conscience et d`éveil de conscience que vous menez chaque jour dans des conditions difficiles faites d`assassinat de journaliste, d`arrestation, d`emprisonnement. Le dernier cas, c`est l`interdiction de "Le Repère", l`arrestation de Gnamantêh et l`amende à payer. Mais je pense que dans le combat d`un journal qui veut se positionner comme un journal du peuple, c`est véritablement des étapes importantes. Mais des étapes qui doivent vous forger parce que la liberté d`expression n`a pas de prix. Je voudrais vous remercier pour cela. Pour revenir aux propos de Attéby Williams, j`aimerais vous dire que cela ne m`étonne guère. Pour vous qui suivez l`actualité politique, au niveau du FPI, vous savez bien que ces propos sont en fait le reflet des actes que le FPI pose depuis un certain temps. On est allé à Marcoussis, on a fait tous les accords, le FPI n`a jamais voulu de ces accords signés sous le mandat de l`ONU. Ensuite, il y a eu deux premiers ministres qui ont été rejetés. Il s`agit de Seydou Diarra et de Charles Konan Banny. Toutes les résolutions ont été rejetées et puis après, il y a eu l`accord de Ouagadougou. Dans cet accord, contrairement à ce que le FPI nous a fait croire en disant se rapprocher des Forces nouvelles pour véritablement amener à travers les accords ivoiro-ivoiriens, la paix en Côte d`Ivoire, c`est en réalité un subterfuge pour gagner du temps, pour affaiblir les Forces nouvelles et faire sa guerre. Parce que l`option qui est prise par les va-t-en guerre du FPI est la même. Ils sont constants dans leur logique. Il faut que Laurent Gbagbo gagne cette guerre avant d`annoncer les élections. Donc que Attéby Williams prenne aujourd`hui le contre-pied des accords de Ouagadougou, en demandant qu`on désarme par la force les Forces nouvelles, ne m`étonne guère. Et je ne suis pas surpris de ce que le FPI mijote parce que quand ce parti dit A, il a un autre plan B.

Que mijoterait le FPI ?

Le FPI mijote de gagner sa guerre. Je vous dis et je le répète, cela va prendre le temps que cela va prendre mais tant que Laurent Gbagbo ne sera pas sûr d`avoir maîtrisé tous les contours de l`organisation pratique de l`élection, toutes les statistiques électorales, toutes les données au niveau du processus électoral, d`avoir gagné la bataille de l`opinion nationale et internationale, d`avoir affaibli au maximum les Forces nouvelles, qui aujourd`hui pour lui, sont un arbitre mais un arbitre partisan parce que alliées des partis du G7, quand toutes ces conditions ne seront pas réunies, Laurent Gbagbo, dis-je, n`ira pas aux élections. Donc tout ce qu`on fait actuellement, c`est du superflu, c`est du blablabla. C`est pour cela que j`appelle toujours l`opposition à se réveiller, à donner un schéma clair de lutte à ses militants pour qu`on arrête la date des élections et qu`on pousse Laurent Gbagbo dans ses derniers retranchements. Parce que tant qu`on restera dans les discours, dans les théories, on n`ira pas aux élections et il n`y aura pas d`élections en Côte d`Ivoire.


Est-ce que vous ne pensez pas que les Forces nouvelles gagneraient à arrêter de tergiverser pour ce qui concerne notamment le désarmement et les grades des commandants des zones ?

Non. Je vais vous dire, je ne suis pas signataire des accords de Ouagadougou. Dans ces accords, il y a des choses qui ont été dites par les signataires à savoir que le désarmement c`est la fin d`un processus. Parce que dans tous les pays du monde, lorsqu`il y a une guerre, le désarmement c`est la fin du processus. Vous ne pouvez pas dire à ceux qui ont pris les armes hier pour telle ou telle raison, de les déposer sans définir des conditions objectives de sécurité. Or l`une des conditions, c`était d`aller aux élections libres, ouvertes, et transparentes pour que le meilleur parti ou la meilleure personne d`entre les Ivoiriens qui aura eu leur consentement, puisse sécuriser ceux qui ont pris les armes afin qu`ils les déposent. Vous avez vu l`exemple de la Sierra Léone. C`est après l`élection du président qu`il y a eu le désarmement. Mais, ce que je me demande, c`est de savoir si les signataires de l`accord de Ouagadougou sont sérieux envers eux-mêmes. Ou bien ils sont encore dans cet accord qui aujourd`hui, nous a amené à plusieurs années. Mais on nous a dit que le 31 décembre 2008, on allait connaître la date des élections. On ne connaît pas la date des élections. On nous a dit que dans le mois de janvier 2009, on aurait le départ des com-zones. Ce n`est pas encore effectif. On a dit que début février, on aurait l`unicité des caisses et le redéploiement total de l`administration. Ce n`est pas encore effectif. On nous a dit que l`identification allait durer 45 jours, on est à plus de 3 mois. On nous a dit toutes ces choses, aujourd`hui, tout est bloqué. A ce niveau, qui véritablement fait quoi dans ces accords ? Il faut qu`on nous dise ce qui se passe réellement. C`est pour cela que j`invite l`opposition à faire en sorte que nous mettions la pression sur ces acteurs pour qu`ils ne nous mènent pas en bateau.


Vous semblez ne pas croire à la tenue de l`élection présidentielle en 2009.

Je vous dis que tant qu`on va rester dans cette monotonie où Laurent Gbagbo quand il tousse, tout le monde tousse, quand il boit, tout le monde boit, quand il dort tout le monde dort, on est parti pour 2015, comme Attéby l`a dit. Attéby Williams a dit entre autres qu`il vaut mieux désarmer les Forces nouvelles par la force. Il a dit quelque chose d`important. Il a dit qu`il n`y aurait pas d`élection jusqu`en 2015. Et le FPI dit que les années qui sont passées ne sont pas le mandat de Laurent Gbagbo mais le mandat de guerre. Ils disent qu`il faut que Laurent Gbagbo ait un mandat à lui et qu`il gouverne véritablement la Côte d`Ivoire selon le programme sur lequel les Ivoiriens l`ont élu. C`est pour vous dire que selon leur schéma, lorsqu`on sortira de cette crise, il faudra un mandat à Laurent Gbagbo. Et ce mandat doit continuer jusqu`en 2015. C`est pour cela qu`il faut que l`opposition se réveille. Je l`ai dit la fois dernière à Abobo. Dans un premier temps, il faut que le Président Bédié et le Président Alassane Ouattara quittent le CPC. Parce qu`en restant dans le CPC, ils deviennent automatiquement complices de ce qui est fait en bien comme en mal.


Comme en restant dans le gouvernement, l`opposition devient complice de ce qui y est fait.

C`est le deuxième sacrifice à faire. Vous voyez, on est au gouvernement depuis 2003 par la force des accords de Marcoussis et des accords de Kléber qui avaient nommé un Premier ministre inamovible. On est au gouvernement de par le partage qui a été fait sur la base de quota pour chaque parti politique depuis Kléber. Il y a eu deux (2) premiers ministres : Seydou Diarra et Banny. Mais dès lors qu`on a mis de côté les accords de Marcoussis, qu`on est allé de manière incognito signer des accords dont on ne connaît ni la tête ni la queue, je pense que depuis longtemps, l`opposition devrait mettre un bémol à cette collaboration et quitter le gouvernement. Mais je pense que nos présidents ont fait demeurer leurs ministres au gouvernement pour préserver les acquis de la paix, rechercher des solutions durables et faire en sorte que les Ivoiriens qui ont souffert de cette guerre en sortent puisque que les signataires de cet accord nous ont dit qu`avec l`APO dans 10 mois, on irait aux élections. C`est cet espoir entretenu qui a fait que l`opposition est restée. Aujourd`hui, vous constatez qu`on a perdu deux ans. On a fêté le deuxième anniversaire de l`APO le 4 mars dernier et on ne sait toujours pas à quel moment on va faire les élections. En restant au CPC et au gouvernement, nous faisons le lit de Laurent Gbagbo et demain on aura que nos yeux pour pleurer. Parce que Laurent Gbagbo est en train de tendre vers un troisième mandat.


A Daoukro, le Premier ministre Guillaume Soro a donné toutes les assurances sur la tenue effective de l`élection présidentielle, cette année. Pourquoi doutez-vous de sa bonne foi ?
Je souhaite que ce que le Premier ministre dit, soit vrai. Je lui souhaite beaucoup de courage. Je sais que c`est difficile de travailler avec des gens qui ne respectent ni leur parole ni leur engagement, des gens qui sont dans un parti qui s`appelle le FPI et qui est un parti de roublards et de roublardise. Je pense que les Ivoiriens ne sont pas bêtes. On suit l`actualité. On sait très bien que c`est un discours politicien et qu`il n`y aura pas d`élection en 2009. A moins qu`il y ait un réveil de l`opposition et que le peuple prenne ses responsabilités et arrache les élections à Laurent Gbagbo.


Quel sens donnez-vous à l`expression "réveil de l`opposition" ?

La Côte d`Ivoire n`existe pas depuis 2009. Elle est née depuis 1960. Il y a eu l`épisode du parti unique. Il y a eu 1990 avec le multipartisme. De cette date, jusqu`en 2000, il y a eu l`opposition tous azimuts du FPI. Quand on dit que des partis jouent leur rôle d`opposition, c`est qu`ils mettent la pression sur les gouvernants en tout lieu et à tout moment. Et les méthodes démocratiques que le FPI et Laurent Gbagbo nous ont apprises, ce sont les marches, les sit-in, les grèves, l`appui aux forces sociales. Comment pouvez-vous imaginer que l`opposition se taise quand les médecins, les enseignants, les instituteurs, etc. sont en grève, de peur qu`on dise qu`elle les manipule ? Mais demain qui va voter pour nous si on se tait quand le front social s`allume ? Au moment où les Ivoiriens se meurent, on se tait parce qu`on a peur qu`on nous dise qu`on manipule l`opinion.


L`opposition ivoirienne a-t-elle les moyens de se réveiller ?

Si l`opposition ne se donne pas les moyens de se réveiller, ce sera dramatique puisque le peuple lui-même risque de submerger l`opposition et vous allez voir peut-être demain un "gnanta" être porté au pouvoir. Et c`est nous, opposition légalement constituée, qui n`aurons que nos yeux pour pleurer.


Est-ce que vous évoquez ce genre de préoccupations lors des réunions du RHDP ?

Si vous suivez le RHDP, vous remarquerez que ce message est toujours véhiculé. Mais vous savez qu`en politique, il y a ce qu`on appelle l`opportunité. C`est Houphouët qui nous l`a enseigné. Vous pouvez avoir raison à un moment donné, mais quand le moment n`est pas opportun, on trouve que vous avez tort. C`est la problématique de Galilée. Il disait que la terre tournait sur elle-même et il a été tué. Après, les gens se sont rendus compte qu`il avait raison. En 2005, lorsque le mandat de Laurent Gbagbo prenait fin, on devait tout faire pour qu`il parte. On ne l`a pas fait. C`était une erreur grave et aujourd`hui, il nous tourne en bourrique. Ce message est donc véhiculé au niveau des bases. Mais de plus en plus, au niveau des directions, le message commence à prendre de ce que l`opposition doit avoir une stratégie. A Paris en 2005, on a dit qu`on partait en rangs dispersés au premier tour, mais qu`on s`alignerait derrière le candidat le mieux placé. Est-ce que cette tactique politicienne est encore valable devant un Laurent Gbagbo qui, aujourd`hui, a l`argent du pétrole, du café-cacao, qui ne fait pas de bilan et qui est entouré de gens sauvagement riches ?


Rejoignez-vous M. Anaky qui prône depuis toujours la candidature unique au RHDP ?

Il y a longtemps que je dis cela. Je le dis en prenant l`exemple de pays bien connus comme le Niger, le Bénin, le Sénégal. Si l`opposition va en rangs dispersés, on fait le lit à Laurent Gbagbo. Je vais vous dire deux choses essentielles. Entre les deux tours de l`élection présidentielle, la Constitution dit qu`il y a deux semaines. Au premier tour, chaque parti fait campagne pour son leader. Cela veut dire que dans les actes, dans les paroles, il y a des choses qui peuvent être dites sur tel ou tel candidat. Est-ce en deux semaines qu`on va recoller les morceaux pour que celui qui est bien placé soit soutenu ? Non ! Les blessures seront tellement profondes qu`il y aura des abstentions. Dès maintenant, il faut, sans état d`âme, définir les critères. Le RHDP est né quelque part et par la volonté de quelqu`un. On doit donc se poser une question simple : Qu`est-ce qui est pour nous, important ? La réponse est simple, on met une aiguille pour que Gbagbo parte. Si on fait cela, le FPI va faire 20 ans dans l`opposition, si tel est que chaque parti du RHDP fait un mandat. Et la Côte d`Ivoire va redevenir la Côte d’Ivoire où le monde venait chercher la prospérité chez nous et nous n`allons plus lutter pour être parmi les pays les plus pauvres du monde. Je rejoins le président Anaky mais je dis qu`on ne doit pas s`arrêter au stade des discours. Vous avez vu le député Alomo créer une structure pour la candidature unique. Nous y sommes avec des cadres du RDR, du PDCI, de l`UDPCI, du MFA. Nous y travaillons. Cette candidature unique doit être possible sur la base de critères objectifs, sur la base de quelque chose qui ne doit pas nous diviser. Au départ, les gens n`y croyaient pas, mais nombreux commencent à comprendre qu`en face de Laurent Gbagbo et du FPI qui ont aujourd`hui les milices du sud, qui ont instrumentalisé la police, et la gendarmerie, qui possèdent de l`argent; nous tombons dès le premier tour puisqu`à 13 heures, Laurent Gbagbo va proclamer qu`il a été élu à 51%. Nous n`aurons que nos yeux pour pleurer.


Pensez-vous que l`opposition a les moyens de contraindre le chef de l`Etat à aller aux élections en 2009 ?

L`opposition doit avoir les moyens ou du moins créer les conditions objectives pour que ces élections aient lieu. S`il n`y a pas d`élection en 2009, on est parti pour une aventure. Comprenez bien que, comme le disait un journal burkinabé, "Le Pays", Laurent Gbagbo va donner la date des élections quand il sera sûr de maîtriser tout le processus, c`est-à-dire quand il sera sûr de gagner les élections. Tant qu`il n`aura pas ces données en main, il va nous tourner en bourrique. Prenez cet exemple récent où on dit que pour aller au désarmement, il faut donner des kits aux ex-combattants dont 500.000 francs. Le FPI dit que les gens auront l`argent quand seulement ils déposeront les armes. Voyez la contradiction. Mais les va-t-en guerre du FPI disent que les Forces nouvelles de Soro Guillaume sont affaiblies et que le moment est venu de porter l`estocade. Ils sont dans une logique de porter l`estocade. Si l`opposition dort, l`estocade portée aux Forces nouvelles nous sera également portée.


Qu`est-ce qui, selon vous, explique que l`opposition, qui a d`énormes ressources humaines et financières, n`arrive pas à constituer un contrepoids solide face au FPI ?

L`opposition actuelle au niveau sociologique est majoritaire. Vous n`avez qu`à le constater au niveau des élections de la CEI (Commission électorale indépendante, ndlr) et de la CNSI (Commission nationale de supervision de l`identification, ndlr). L`opposition a tout raflé. Mais, et là je suis d`accord avec vous, pourquoi diantre, cette opposition qui est, au niveau sociologique majoritaire, n`arrive pas à influencer le FPI qui est minoritaire ? C`est une question de manque de stratégies. C`est une affaire de formation politique. Malheureusement dans nos rangs, il y a des gens qui croient qu`être opposant, c`est être la nuit avec Laurent Gbagbo et le jour au siège du PDCI, où se tiennent les réunions du RHDP.


A qui faites-vous allusion ?

Ils sont dans nos rangs et ils sont nombreux. Je voudrais vous rappeler qu`en mars 2004, l`opposition, pour la première fois, avait décidé de faire une marche. La marche n`a pas eu lieu. Nos amis ont été pris entre 4H et 5H du matin et ont été tués à Abidjan. On parle d`au moins 120 morts. Mais en réalité, c`est plus de 300 voire 500 morts. Laurent Gbagbo et le FPI reconnaissent 150 morts. Mais on parle de 300 à 500 morts. Pourquoi on les a eus ? Au siège du PDCI, toutes les commissions chargées de la marche, travaillaient. Dans nos rangs, les gens demandaient la stratégie qui a été mise en place. On avait effectivement mis une stratégie en place. A chaque carrefour, il devrait avoir 100 jeunes qui devraient être les têtes de pont de tous les marcheurs. Mais des gens ont pris les numéros de ces jeunes qui ont été par la suite tués.


Vous faites de graves révélations.

Le problème de l`opposition est d`abord dans nos rangs. C`est le problème de la confiance et de visibilité de lutte. Est-ce qu`on est tous sur la même longueur d`onde ? Voici le problème qui est posé. Quand on fait un pas, d`autres reculent. Il y a une cacophonie qui fait qu`on n`a pas une tactique claire de lutte vis-à-vis de Gbagbo.


N`est-ce pas les premiers responsables de l`opposition MM Ouattara, Bédié, Anaky et Mabri qui posent finalement problème ?

Je vous ai dit tantôt que le jour où l`opposition va s`asseoir pour définir les critiques et dire qu`entre les quatre présidents, voici celui qu`on choisit comme notre cheval, tous devront être derrière lui, vous verrez que tout cela va cesser. Parce qu`aujourd`hui, certains font de petits calculs. Ils se disent que dans telle circonscription, au niveau de l`identification, sur 600 inscrits " j`ai 400 qui sont mes militants donc je suis majoritaire ". Mais c`est un calcul simpliste. Et si on empêche ces 400 de voter, que feront-ils ? Le FPIujourd`hui a l`armée et les milices avec lui. Si on empêche ces militants d`aller dans les lieux de vote, ils feront quoi ? Donc, c`est une majorité qui ne veut rien dire. C`est parce que beaucoup de nos cadres essayent d`induire en erreur nos responsables en leur disant : "il faut être candidat à tout prix, ton tour est arrivé" qu`on est dans ce genre de situation. Tant qu`on n`aura pas une candidature claire et unique au niveau du RHDP, on sera toujours dans ces divisions. Et on fait le lit de Laurent Gbagbo. Une opposition unie est forte. Le jour où on va décider d`avoir une réunion des présidents pour décider que tel est notre candidat, ce même jour, Laurent Gbagbo s`en va.


Vous demandez que l`opposition parte du gouvernement et du CPC. Ne pensez-vous pas qu`en le faisant, l`opposition donne des prétextes au FPI pour retarder le processus de sortie de crise ?
Quel est l`objectif de l`opposition ? Est-ce rester dans un gouvernement de Laurent Gbagbo ou travailler pour que Laurent Gbagbo parte du pouvoir ? Notre objectif est très clair. Si l`opposition sort du gouvernement pour mener une opposition frontale contre Laurent Gbagbo, en moins d`un mois, il va organiser les élections qu`il va du reste perdre.


Sur quoi comptez-vous ?

Sur les ressources humaines. Nous avons la majorité sociologique. Aujourd`hui, sur 10 Ivoiriens, vous trouverez 8 qui sont du RHDP. Les quatre partis politiques, PDCI, RDR, UDPCI et MFA représentent 8/10e des populations ivoiriennes en âge de voter. L`opposition a gagné les élections au niveau de la CEI parce qu`on est majoritaire. Si on fait la même chose au niveau de l`élection présidentielle, Laurent Gbagbo sait qu`il tombe. Et c`est pour cette raison qu`il ne veut pas aller aux élections. Nous devons aujourd`hui, au niveau de notre objectif, déterminer ce qui est principal et ce qui est secondaire. Ce qui est principal, c`est le départ de Gbagbo Laurent. Ce qui est secondaire, c`est être dans le gouvernement. On peut quitter le gouvernement. On peut quitter le gouvernement et en deux mois, on revient au pouvoir parce qu`on aura les élections.


Récemment, il y a eu un drame au stade Félix Houphouët-Boigny. L`opposition a réagi timidement comme à son habitude à travers un communiqué. Quel est votre commentaire sur la réaction de l`opposition ainsi que sur celle du procureur Tchimou ?

Je ne veux même pas parler du procureur parce qu`il est en mission pour le président Gbagbo. Il me fait rire lorsqu`il dit que toutes les enquêtes qu`il a engagées ont abouti. Aucune enquête sérieuse que Tchimou a engagée n`a abouti. Il fait du sur place. Le drame qui s`est passé au stade est triste. Je voudrais, à travers votre organe, m`incliner sur la dépouille mortelle de tous ces Ivoiriens qui sont allés montrer leur passion et leur patriotisme vrai pour le football et qui sont tombés. Nous disons à leurs parents que nous sommes à leurs côtés. C`est vrai, comme vous l`avez dit, l`opposition a réagi timidement. Mais nous sommes en train de discuter pour voir comment changer la façon de mener l`opposition. Parce qu`on nous colle à la peau malheureusement au RHDP d`être une opposition de déclaration. Or, une opposition ne doit pas se limiter à pondre des déclarations. Il y a des conditions démocratiques qui sont données à l`opposition pour manifester qu`elle est là. Si on est confiné dans les déclarations, ce n`est pas bien et le peuple commence à désespérer de nous, en disant que Djédjé Mady est " monsieur déclaration, le RHDP, ce sont les déclarations ". Ce n`est pas une bonne chose. Je voudrais dire également que ce qui s`est passé, c`est ce qu`on voit partout. Si vous suivez le championnat ivoirien, tous les présidents de clubs se plaignent de ce que le stade fait son plein ou à moitié chaque fois, mais la quote part qu`on leur réserve est tellement minime qu`ils se demandent bien ce qui se passe. C`est le problème de billets. Un deuxième élément, c`est que la FIF, de par le régime du FPI, est aujourd`hui un super ministère en Côte d`Ivoire. C`est pareil dans des entreprises ou des ministères où il y a des directions générales qui ne respectent pas leur ministre de tutelle. La FIF est un ministère dans un ministère. Le président de la FIF prend ses instructions, ses prérogatives auprès du Président de la République. Il ignore royalement le ministère des sports. Un troisième élément, c`est que Gbagbo était annoncé au stade et on a convoyé des gens dans les cars de la SOTRA. Mais, a-t-on obligé Gbagbo à aller au stade ?


On entend souvent cette allégation. Avez-vous les preuves de ce que des gens ont été convoyés dans des cars pour aller applaudir le chef de l`Etat ?

Je le dis et je l`affirme haut et fort. Les gens ont commencé une enquête. On nous a donné 2 semaines pour la boucler. Ce matin (mercredi 8 avril, ndlr), on nous parle de " bientôt ". Et quand le mot " bientôt " arrive dans une affaire ivoirienne, c`est qu`elle ne va plus aboutir. Je repète que chaque fois que Gbagbo doit venir au stade, on convoie des gens à travers les cars de la SOTRA pour venir constituer l`applaudimètre. Les gens ont été transportés alors que le match était à guichets fermés. Ces deniers ont occupé les places de ceux qui avaient les tickets et qui sont restés dehors. En plus des billets parallèles, il y a les forces de l`ordre. Le schéma qui a été mis en place est tellement simple que quand j`entends le procureur Tchimou dire que les forces de l`ordre n`ont rien à avoir dans tout ça, je suis écoeuré. Le match était à guichets fermés et ils ont défini un périmètre de sécurité autour du stade dans lequel pour entrer, il faut avoir son ticket. Diantre ! Comment des gens ont pu approcher la porte du stade et que la police les a fait entrer, s`ils n`avaient pas de tickets ? De deux choses, l`une. Soit les forces de l`ordre ont racketté pour faire entrer les gens dans le périmètre de sécurité. Soit les supporters avaient leurs tickets qu`ils ont présentés avant d’entrer mais le stade était déjà rempli. C`est donc un drame dont les auteurs doivent être connus et sévèrement punis. Il ne faut pas que, comme à son habitude, la Côte d`Ivoire nous montre son visage d`impunité. On l`a vu au moment des déchets toxiques. Le gouvernement a démissionné mais jusqu`aujourd`hui les auteurs ne sont pas connus. On ne sait pas qui a fait quoi. On nous dit que le Probo Koala a versé telle somme mais on ne sait pas pourquoi ils l`ont versée. On ne sait pas non plus quel est l`Ivoirien qui a fait entrer le Probo Koala dans les eaux de la Côte d`Ivoire. Il n`y a pas d`enquête qui aboutit en Côte d`Ivoire.


A la suite de ce drame, le chef de l`Etat Laurent Gbagbo est allé rendre hommage aux victimes. Et il a pleuré. Qu`est-ce que cela vous inspire ?

Qu`on fasse très attention en Côte d`Ivoire. Nous suivons tous l`actualité. Le drame s`est passé le dimanche et le lundi, le Chef de l`Etat a adressé un message à la nation dans le journal de 20H. Il n`a pris que le cinquième du temps pour parler des morts. Et durant les 4/5è, il n`a fait que parler de la victoire du PPTE. "La Côte d`Ivoire est en train de rembourser les dettes du président Bédié, des régimes de 80, 90 " etc. Il a fait les éloges du PPTE. Pour un président qui est raisonnable et qui vient de subir un drame, est-ce qu`il ne pouvait pas ajourner cette affaire de PPTE et parler uniquement de ce drame qui a causé la mort d`au moins 19 Ivoiriens ? Les renseignements généraux lui ont dit que son discours n`a pas été apprécié par les populations ni par les chancelleries. C`est donc pour se rattraper qu`il est allé pleurer sur les corps. Vous savez que la politique est aussi la mise en scène.


Pensez-vous que le peuple a conscience des difficultés qu`il vit ?

Vous pouvez dire ce que vous voulez du peuple, mais à un moment donné, quand il comprend qu`on ne fait pas son affaire, il prend ses responsabilités. C`est vrai que le peuple de Côte d`Ivoire est paisible mais il faut faire attention parce qu`il en a marre. A un moment donné, il saura prendre ses responsabilités et je l`invite à prendre ses responsabilités devant l`histoire pour qu`on mette fin à la parenthèse de Laurent Gbagbo et du FPI. Les journalistes du groupe " Le Réveil " nous ont donné une belle leçon quand l`un des leurs a été incarcéré. Bien sûr, il y a eu la mobilisation de nombreuses autres forces sociales et politiques. Je suis heureux de ce que Gnamantêh soit libéré. Je l`ai connu dans l`enseignement secondaire au niveau du SYNESCI. Je voudrais ajouter qu`il ne faut pas que nous qui sommes dans les partis politiques laissions les journalistes au devant de la lutte et nous cacher derrière. Ce doit être le contraire. Le journaliste ne fait qu`écrire ce que nous les politiciens disons ou faisons. Je voudrais donc vous remercier pour votre combat pour la prise de conscience. Et je demande aux Ivoiriens de faire en sorte que cette Côte d`Ivoire ne soit pas embrigadée. Attéby a dit que la Côte d`Ivoire est prise en otage par nous mais nous disons qu`elle est prise en otage par le FPI et ses affidés. Le FPI nous a appris que lorsqu`il y a des négociations politiques, ça peut traîner en longueur. Mais à côté de ces méthodes, il y a ce qu`on appelle les méthodes démocratiques : les marches, grèves et sit-in pour que le peuple puisse s`afficher. Je demande au peuple de Côte d`Ivoire de prendre conscience pour arracher les élections. Et permettre à la Côte d`Ivoire d`être libérée.

Interview réalisée par André Silver Konan,
Djè. K. M, Paul Koffi et François Bécanthy
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ