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Société Publié le mercredi 15 avril 2009 | Nord-Sud

Consommation : Les Ivoiriens et le garba, une histoire d`amour…

Attieké-poisson, « zéguen », « béton », « zêh »… Ce sont autant d'appellations qui témoignent de la célébrité de ce plat. Lorsque ce mets solide est concocté par un homme et garni de morceaux de thon, il devient le « garba ». Un nom d’origine nigérienne qui a conquis le cœur de beaucoup d'Ivoiriens.

Vendu généralement par des hommes, dans de petites échoppes en bordure de rue, le garba a acquis une place de choix dans la gastronomie des Ivoiriens. Tout le monde en consomme, même les personnalités les plus insoupçonnées. Le plat est pourtant simple. Il se compose de la semoule de manioc (attiéké), de qualité secondaire, selon des connaisseurs, et de morceaux de thon frits accompagnés d'oignon et de piment frais haché, arrosés d'huile de friture. Il se vend en général sous des hangars de fortune, dans des conditions d'hygiène qui laissent à désirer. Mais, apparemment, cet aspect n'est pas la priorité des consommateurs. On le constate d'ailleurs ce lundi matin, aux II Plateaux, 7ème tranche, un des quartiers huppés de la commune de Cocody. Il n'est que 8h, le garbadrome (nom donné aux points de vente de garba) est déjà bondé de monde. Des travailleurs, et des élèves sont venus prendre leur « petit déjeuner ». Issa, la vingtaine, a relayé son frère, Daoudi Mahamadi. Le garbadrome existe depuis 15 ans. Une sorte d'héritage qui se transmet de génération en génération. Les soirs, en passant devant ce hangar à la toiture trouée, on n'y voit qu'une vieille table noircie par la moisissure, des bancs sales, et un fourneau rouillé. Mais, dès le lever du jour, c'est une autre image. Celle de l'attraction que nous voyons ce matin. Le fourneau est embrasé par une bouteille de gaz. Là-dessus, une grande poêle qui contient de l'huile bouillante fait cuire le poisson. Sous le hangar, Issa, sert les clients matinaux. A côté de lui, son frère découpe le piment et l'aide à servir l'attieké. Un troisième découpe le poisson et le grille. A partir de 10h, l'affluence augmente. Ce sont principalement les élèves des établissements environnants. A midi, il y a encore plus de monde. Aux élèves, ouvriers, artisans, s'ajoutent des bureaucrates. Chacun se bat pour avoir une assiette qu'il tend vers le serveur. Les quatre longs bancs d'Issa sont saturés. Certains clients sont obligés d'attendre que d'autres finissent pour prendre la place. D'autres encore emportent leur plat à la maison ou à leur lieu de travail. A ce commerce devenu central se sont greffés d'autres qui prospèrent au fil des ans : la vente de tomate fraiche, d'oignon et d'arôme. A côté de la table d'Issa, se trouve une commerçante de légumes qui tire profit de cette activité. Elle vend à la fois de l'oignon, de la tomate et du « cube-Maggi » qui servent à aromatiser les plats. Des services qu'Issa, débordé, ne peut associer à la vente du garba. Une autre vendeuse d'eau fraiche s'est également installée. Tout bouge. Avant, pendant ou après le repas, c'est selon, les clients viennent se désaltérer chez elle. Les « garba philes » se suivent de 7h à 19h. Pourtant, comme annoncé plus haut, le restaurant n'est pas suffisamment hygiénique. La table sur laquelle le « garbaman » sert son met n'est pas accoutumée à l'eau. C'est sur le même bois que le piment est découpé. Une cuvette d'eau peu propre sert à laver les assiettes. Ce décor est loin de décourager les amateurs. Au contraire. « Je vends 3 paniers d'attieké par jour », se réjouit Issa. Il achète un panier à 7.000 ou 8.000 Fcfa. Par jour, il s'approvisionne en thon frais à hauteur 70. 000 Fcfa. Tout ce stock est généralement écoulé avant la tombée de la nuit.
Un aliment populaire

A Abobo quartier ''Bromalah'' Ibrahim G. vend du garba depuis 12 ans. Il affirme être en train de passer le témoin à un de ses jeunes frères. « Tout le monde s'est lancé dans la vente de garba. Le Ivoiriens, les Burkinabés, même les Togolais », indique-t-il. Cela pour montrer l'ampleur que prend l'activité. Couturiers, coiffeurs, commerçants, élèves s'alimentent matin et midi chez Ibrahim. « C'est que les soirs la plupart des Ivoiriens mangent chez eux », explique-t-il. Yacouba, alias « Yacou », un autre vendeur du zéguen installé à Adjamé 220 logements défie les restaurants et allocodromes (lieu de vente de banane frite) qui sont autour de lui. Son garbadrome marche ! Il a de nouveaux clients chaque jour. A Abidjan, on trouve plus de garbadromes que tout autre commerce de nourriture. Cela se traduit par le penchant particulier qu'ont les Ivoiriens pour cet aliment. Les raisons de cet amour, qui dure depuis bientôt trois décennies, sont multiples. Pour certains, c'est une simple question de goût. C'est le cas de ces salariés des quartiers chics qui en raffolent «Le garba est comme une drogue. Plus tu en consommes, et plus tu ne peux plus t'en passer. Je le consomme parce que je l'aime», explique Paulin Guédé, un fonctionnaire à qui il arrive d'en consommer tous les midis pendant une semaine. D'autres personnes vont vers le « zêh » parce qu'il est un des rares plats qui est en leur convenance lorsqu'ils doivent s'alimenter hors de chez eux. Le riz et la sauce, ne leur sied pas dehors. « De nature, je n'aime pas manger hors de chez moi parce que je n'ai pas confiance aux cuisiniers. Quand je dois le faire, je préfère des aliments moins complexes, c'est-à-dire le garba. Le vendeur a le temps de griller le poisson en ma présence. Il sert l'attieké sous mes yeux, cela me rassure », se rassure Roland G, étudiant.

Solide et moins cher

Mais, les principales raisons de la célébrité du « béton » sont son expansion, son coût accessible àtoutes les bourses et sa consistance. «J'ai plusieurs restaurants vers mon lieu de travail. Mais, beaucoup plus éloignés. Quand je vais manger dans ces lieux, je m'épuise sur le chemin de retour. Transporter le riz et la sauce au boulot est difficile. Par contre, j'ai des garbadromes à proximité. C'est encore plus facile. Je n'ai pas besoin de marcher assez pour trouver à manger», explique Hamed T. Le prix du garba est l'élément le plus attirant. Par rapport au riz, à la grillade, ou encore aux plats vendus dans les kiosques à café, les consommateurs trouvent le prix du garba accessible. Des élèves aux travailleurs, l'on trouve plus aisé et plus économique de consommer cet aliment hors de la maison. « Avec 200 Fcfa, le petit travailleur mange à sa faim. Une fois rassasié, c'est seulement la nuit qu'il aura de nouveau faim. Alors que lorsqu'il mange le riz à midi, il a déjà faim à partir de 16h. Avec 500 Fcfa dans sa poche, il parvient à se nourrir convenablement toute la journée. Il peut prendre le petit déjeuner à 200 Fcfa, le déjeuner à 200 Fcfa, également. Il lui restera même encore 100 Fcfa », démontre Tuo B., un maçon qui se nourrit majoritairement du zéguen. Il n'y a aucune nourriture complète, autre que l'attieké, qui offre au client une telle opportunité avec 500 Fcfa dans la poche, selon les vendeurs. Effectivement, avec 500 Fcfa, le consommateur aux maigres moyens peut se nourrir toute la journée. Pourtant, pour ce qui est de la qualité du garba, les scientifiques sont plutôt sceptiques.


Raphaël Tanoh
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