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Société Publié le mardi 21 avril 2009 | Notre Voie

Protection civile-Colonel Adama Coulibaly (Cdt des sapeurs pompiers) : "Les bâtiments des institutions ont des installations caduques"

Les bâtiments des institutions sont en proie depuis quelque temps à des incendies qui inquiètent. Face à cette situation, le colonel Adama Coulibaly, commandant du Groupement des sapeurs pompiers militaires (GSPM), et ses hommes ont fait des inspections pour prévenir d`autres foyers d`incendie. Dans l`interview qui suit, le bouillant patron des sapeurs pompiers militaires indique que “les bâtiments des institutions ont des installations caduques”, et propose ses solutions.


Notre Voie : Les sapeurs pompiers militaires sont sur la sellette depuis quelque temps, à la suite des incendies à répétition constatés ça et là. A quoi sont dus ces sinistres?

Adama Coulibaly : Techniquement, ces incendies sont dus à la vétusté des installations. Quand une installation est défectueuse et que les fils électriques sont apparents, c`est tout à fait normal qu`on ait des incendies. Ces installations doivent être contrôlées périodiquement pour éviter le pire. Quand dans un bureau, sur une seule prise, il y a dix appareils qui sont branchés, c`est tout à fait normal qu`il y ait surchauffe. Alors cette prise peut prendre feu.


N.V. : Est-ce à dire que l`incendie du bureau du président de l`Assemblée nationale a pour origine un court-circuit?

A.C. : Je ne peux pas me prononcer pour ne pas mettre les enquêteurs sur une fausse piste. Si je me prononce, on va dire que le commandant du Groupement des sapeurs pompiers militaires a dit. Donc, je laisse la latitude aux techniciens du bâtiment, aux enquêteurs de la police et de la gendarmerie de mener à bien leurs enquêtes. Si je me prononce, je vais les mettre sur une fausse piste et ils risquent de tourner en rond. Donc, je préfère ne pas me prononcer là-dessus. Mais je répète que nous avons beaucoup de bâtiments administratifs où les installations sont vétustes. Il y a des bâtiments qui sont construits depuis les indépendances. Et ce sont les mêmes installations qui sont encore là aujourd’hui. Quand vous faites un tour dans tous les bâtiments, vous voyez des fils apparents partout. C`est comme à l`Assemblée nationale où nous ne maîtrisons pas la situation parce que nous n`avons jamais visité le bureau du président encore moins les bâtiments. Ainsi, nous sommes dans l`impossibilité de nous prononcer sur ce cas.


N.V. : Mais vos éléments arrivés sur les lieux ont fait un premier constat...

A.C. : Quand ils sont arrivés, le feu était déjà là. Ils ont essayé de voir comment faire pour circonscrire le feu à l`endroit où il s`est déclaré. Ils ont essayé de l`éteindre en fonction de nos moyens. Mais, au départ, lorsque le feu s`est déclaré, nous n`étions pas sur les lieux. Nous sommes arrivés lorsqu`il y avait déjà le feu. Donc, c`était difficile pour nous de nous prononcer avec exactitude sur l`origine du feu. Il n`y a que ceux qui sont sur place qui peuvent le définir.


N.V. : A qui faites-vous allusion ?

A.C. : Sur place à l`Assemblée nationale, il y a des éléments qui étaient de garde. Il y a des vigiles qui sont là-bas. Ils peuvent savoir où a commencé le feu parce que le feu commence toujours par une fumée. Par où est sortie la fumée pour qu’elle embrase tout le bureau. Nous, à notre arrivée, le bureau était déjà en feu. L`origine est un peu perdue dans les flammes. Alors que ceux qui sont là-bas peuvent dire que la fumée est partie soit de ce local soit de ce coin. En fonction de ça, les techniciens du bâtiment peuvent faire des enquêtes et identifier la provenance du feu.


N.V. : On trouve curieux l`incendie des locaux de la sous-direction des concours du ministère de la Défense située dans une enceinte militaire...

A.C. : Au niveau du ministère de la Défense, nous n`avons pas une caserne située dans l`enceinte. La caserne la plus proche est celle d`Adjamé, à l`Indénié. Et au sein du ministère de la Défense, le bâtiment qui a brûlé est en bois, il est construit depuis les indépendances. Donc, imaginez un peu une maison en bois avec du papier dedans, quand il y a une étincelle, ça va très vite. Quand nous sommes arrivés, le feu était tellement dense, puisque les dossiers sont du papier, que nous avons tout fait pour protéger le bâtiment du Fonds de prévoyance militaire qui était contigü à ce bâtiment en bois, pour éviter la propagation des flammes dans tout le ministère de la Défense. A notre arrivée, il n`y avait pratiquement rien à sauver dans le bâtiment en bois. Tous les papiers étaient déjà emportés par le feu.


N.V. : Les marchés de Belleville à Treichville, d`Abengourou et de Bouaké brûlent régulièrement. Des langues n`écartent pas l`hypothèse des mains occultes à la base de ces incendies…

A.C. : Je le dis, en ce qui concerne l`origine du feu, je ne peux pas me prononcer dans la mesure où quand le feu commence, nous ne sommes pas là. C`est quand il y a le feu qu`on nous appelle à la rescousse. Et nous venons pour éteindre le feu. Maintenant, en ce qui concerne les feux à répétition, ce n`est pas parce qu`on est allé éteindre le feu une fois dans un marché qu`il n`y aura plus de feu. Lorsque dans un marché, il y a un poteau d`incendie qui est à 20 ou 50 m du marché et où il n`y a pas d`eau, c’est un problème. C`est la SODECI qui fait les installations et c`est la mairie à laquelle appartient le marché qui doit mettre de l`eau dans ce poteau. C`est comme une usine que vous avez créée. Il y a un poteau devant l`usine, la SODECI fait les installations mais vous devez payer de l`argent pour qu`on mette de l`eau dans cette usine-là. Il y a des poteaux à des endroits stratégiques disséminés à travers Abidjan. Certains poteaux sont à la disposition soit des usines, soit des sociétés. Si on éteind le feu une fois au marché de Belleville, une fois au marché d`Abengourou et qu`on n`a pas pris de décision pour qu`il y ait des sapeurs pompiers sur place, on est toujours dans un perpétuel recommencement. Normalement, dans chaque marché, les maires doivent signer un partenariat pour qu`on ait des sapeurs pompiers sur les lieux. Moi, en tant que commandant des sapeurs pompiers, je ne peux pas aller comme ça dans un marché et installer des éléments. Il faut qu`on me fasse la demande. Et s`il y a un partenariat avec un maire pour son marché, nous allons installer des sapeurs pompiers là-bas et lorsqu`il y a un début de feu, on pare au plus pressé. Chez nous, dans notre jargon, on dit quand il y a un feu, à la première seconde, il faut un verre d`eau. Mais, à la troisième seconde, on fait ce qu`on peut dans la mesure où le feu va très vite.


N.V. : Hier, les sapeurs pompiers militaires étaient adulés. Aujourd`hui, ils sont lapidés et lynchés comme cela a été le cas récemment à Port-Bouët Abattoir et à Koumassi. N`est-ce pas à cause de votre négligence à intervenir promptement ?

A.C. : Non, ce n`est pas dû à la négligence de mes éléments. Comme Son Excellence Monsieur le président de la République le dit chaque fois, on était à 500 mille habitants au départ à Abidjan, quand ces casernes ont été construites. Actuellement, nous sommes à 5 millions d`habitants. Et nous avons toujours les mêmes trois casernes. En plus, en 1998, nous avions 56 engins aux sapeurs pompiers qui tournaient dans tout Abidjan. Lorsque j`ai pris les commandes des sapeurs pompiers le 26 octobre 2007, nous étions à 13 engins. Aujourd`hui, nous nous sommes débrouillé, et nous sommes à 67 engins dont certains ont 30 ans d`existence. Pour les réparer, je me débrouille. Je vais à la ferraille et puis je cherche des pièces adaptables dans la mesure où ces fourgons-pompes tombes n`ont plus leurs pièces chez nos fournisseurs. Mais, nous les faisons marcher tant bien que mal. Donc, nous sommes obligés de chercher des pièces pour les adapter à ces fourgons-là. Tenez-vous bien, un fourgon-pompe tombe fait 300 à 350 millions FCFA. De nos jours, vous ne pouvez pas demander à quelqu`un de vous donner cet argent pour aller acheter un fourgon. Donc, en attendant que la situation financière de l`Etat se stabilise et qu`on ait les moyens de notre politique, nous faisons avec les moyens de bord. Lorsque nous réussissons à les mettre en marche, ces véhicules-fourgons roulent un mois, tombent en panne pendant deux mois et reprennent encore la route.


N.V. : Quelles sont les dispositions réglementaires?

A.C. : Dans chaque compagnie, il doit avoir deux fourgons-pompes tombes et deux ambulances au moins. Mais actuellement, dans chaque compagnie à Abidjan, nous n`avons qu`un fourgon-pompe tompe et une ambulance. Imaginez un peu que le fourgon-pompe tombe de l`Indénié est en panne. S`il y a un accident de la circulation à Cocody, nous faisons partir le fourgon-pompe tombe de Zone 4. Entre-temps, si le fourgon-pompe tombe de Zone 4 est déjà sur une intervention dans son secteur vers Port-Bouët ou Koumassi, nous faisons partir le fourgon-pompe tombe de Yopougon. Donc, les gens disent : “à Cocody Lycée technique tout près ici, le camion n`arrive pas”. Ils ne peuvent pas savoir que le fourgon vient de Zone 4. Raison pour laquelle en ce moment je cherche à communiquer pour expliquer à la population que ce n`est pas parce que nous n`avons pas la conscience professionnelle et les capacités intrinsèques pour intervenir comme il se doit. Mais, nous n`avons pas les moyens.


N.V. : Que comptez-vous faire pour avoir des ressources additionnelles?

A.C. : Pour avoir des ressources additionnelles, nous faisons de la communication. Nous cherchons des partenaires parce que nous ne pouvons pas compter uniquement sur la manne céleste qui est l`Etat. Nous avons des opérateurs économiques qui peuvent nous aider. Lorsqu`on veut une caserne digne de nom, il faut un fourgon-pompe tombe qui coûte 350 millions, une ambulance de réanimation de 60 millions, une ambulance normale de 20 millions au moins, un véhicule de liaison de 10 millions au moins. Ça c`est une caserne normalisée. Mais aujourd`hui, avec la situation financière du pays, au lieu de nous donner un fourgon-pompe tombe de 350 millions, je mets quiconque au défi de nous donner une vidangeuse qui aspire et refoule les déchets. Cela veut dire que la vidangeuse peut aspirer de l`eau dans n`importe quel point d`eau et puis refouler la même eau.


N.V. : Les sapeurs pompiers vont-ils continuer à braver les populations hostiles, les mains nues ?

A.C. : Nous, les sapeurs-pompiers militaires, nous faisons de la protection civile. Nous sommes des militaires donc, nous sommes au ministère de la Défense. Mais nous sommes aussi des militaires à part. Ainsi, nous sommes mis à la disposition du ministère de l`Intérieur pour emploi par le truchement de la direction générale de l`office national de la protection civile. Faisant partie de la protection civile, nous n`avons pas d’armes sur nous. Notre devise, c`est “sauver ou périr”.
Ce ne sont pas forcément ceux qui ont des problèmes. Ce sont des badauds qui le font à bon escient. Quand on sait que Monsieur X qui est dans le quartier est un peu nanti, on dit communément, il fait le malin. Les gens voient que sa maison est en feu. Certains nous bloquent pour ne pas qu`on aille le secourir. D’autres pour compatir à la douleur de leur voisin en détresse, nous lapident.


N.V. : Vos soldats ont été lapidés comme des indésirables à Koumassi...

A.C. : Effectivement, nous avons été lapidés à Koumassi. Nous étions partis pour un feu de maison. A notre arrivée, on allait éteindre le feu quand les badauds se sont mis à nous lapider. Et ils disaient : “On va tuer les pompiers aujourd`hui”. Un sapeur pompier en civil a demandé : ”pourquoi vous voulez les tuer ?” Un badaud a répondu : “on va vous tuer et la prochaine fois, vous allez arriver vite”. Pendant ce temps, la maison continuait à brûler. Il a fallu le Cecos pour nous extirpier des lieux. Le feu n`a pas été éteint. A Yopougon Base CIE, nous avons vécu la même situation de colère.


N.V. : Comment va-t-on payer les pompiers à installer dans les lieux publics?

A.C. : Comme en France, on peut avoir ici des sapeurs communaux et des bénévoles. Les vigiles-là, on les paye à combien? Certains ont 50 mille FCFA, d’autres ont même moins que ça. Un maire qui prend 10 personnes, à 50 mille FCFA, ça fait 500 mille FCFA le mois. Avec un noyau dur d`au moins 10 pompiers qui, eux, sont payés par l`Etat. Mais, on peut créer un embryon. Et au fur et à mesure, dans toutes les villes, on va avoir des noyaux qui sont des militaires, des encadreurs et des formateurs en même temps. Pour le reste, le maire prend des jeunes dans les villages et les villes à qui on peut apprendre le B.a.-ba et leur donner l`équivalent du SMIG au moins.


N.V. : Vos services ont été sollicités par le chef de l`Etat pour des inspections au sein des institutions de la République. Pouvez-vous rassurer les Ivoiriens sur la non-divulgation des secrets d`Etat ?

A.C. : Je crois bien qu`il faut faire la part des choses. Il y a le secret d`Etat. Je n`en disconviens pas. Mais il y a aussi la sécurité. Au Liberia, lors de la visite officielle de notre président de la République, le palais de la présidence de là-bas a pris feu. Et ils ont été obligés de faire appel aux gens de l`ONU, les casques bleus là-bas, pour venir parer au plus pressé. Avant qu`ils n`arrivent, tout un côté du palais avait brûlé. On n`envoie pas tous les sapeurs pompiers ensemble pour aller visiter la résidence du président de la République. Et puis, moi je pense que le commandant des sapeurs pompiers militaires que je suis, si on ne peut pas me faire confiance pour aller visiter la résidence et le bureau de celui qui m`a mis à cette place-là, je ne sais pas à qui d`autre on peut alors faire confiance !


N.V. : La plupart des institutions ont-elles un plan ?

A.C. : Je vous ramène au passage du président de la République à l`Assemblée nationale lors de l`incendie du bureau du président de cette institution. Le chef de l’Etat a dit qu`on n`a pas les plans des maisons. A la RTI, on n`a pas le plan, à l`Assemblée nationale, c`est la même chose. Mais le jour que ça brûle, nous allons à tâtons. Le jour où l`Assemblée nationale brûlait, on ne connaissait pas cette institution, ses plans. Nous connaissons un grand hall où il fallait passer pour arriver au bureau du président. Il y avait une fumée âcre, noire qui nous empêchait d`avancer. On était en train de voir comment on va faire pour avancer. Et les gens sont venus dire : “mon colonel, on peut passer par derrière”. Donc, on a mis les chaises, on est passé par la clôture arrière pour accéder au bureau avec plus de célérité. Si on connaissait les lieux, on n`allait pas prendre tout ce temps-là en voulant braver l`obscurité, la fumée âcre sans appareil respiratoire isolant puisqu’on n`en avait que deux. On suffoquait mais on avançait. A un moment, quand on ne pouvait plus avancer, on était obligé de faire machine arrière et chercher une autre issue pour arriver au feu. Pendant ce temps, le feu prenait de l`ampleur. Les bâtiments sont vieillisants et n`ont pas de plan. Ce sont des installations caduques qu`il faut vérifier pour faire des prescriptions aux autorités. Quand vous avez une armoire qui est sous tension et qui alimente tout un bloc dans le bâtiment, et que devant cette armoire, vous n`avez pas un extincteur, c`est très grave.


N.V. : Des éléments des sapeurs pompiers sont accusés de dépouiller les victimes des accidents de la circulation…

A.C. : Je peux dire qu`il n`y a pas de fumée sans feu. Si les gens le disent, c`est que c`est possible. Dans la mesure où dans toutes les corporations, il y a des brebis galeuses. Je ne suis pas mes éléments partout où ils vont. Sinon normalement, lorsqu`il y a un accident de la circulation et que le blessé est conscient, on ne touche pas à ses poches. On le prend et on l`envoie au CHU. Lui-même, on lui demande son identité pour faire notre rapport. Mais, lorsqu`il est inconscient, on fait appel à la gendarmerie ou à la police qui arrive sur les lieux et nous enlevons les pièces ensemble. Nous prenons l`identité du blessé et nous remettons les pièces à la gendarmerie. Et quand la victime revient à lui après les soins, nous lui disons : “allez-y prendre vos pièces et vos bagages dans telle brigade de gendarmerie ou poste de police”. Parce que ce sont eux qui sont habilités à faire les constats et les enquêtes. Notre travail se limite à transporter les blessés du lieu du sinistre ou de l`accident à un centre hospitalier. Si on prend un de nos éléments en train de dépouiller quelqu`un, on le vide aussitôt. On en a déjà fait ici. Un caporal a pris 10 mille FCFA dans la poche d`une victime d`accident qu`il croyait inconscient. Celles-ci est venue quelques jours après sa guérison identifier formellement ce caporal qui a été aussitôt radié des effectifs des sapeurs pompiers militaires de Côte d`Ivoire.

Interview réalisée par Didier Kéï
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