Dans un entretien diffusé, hier, par la Rti, le Président de la République a passé en revue le processus de paix et a confirmé la tenue de l’élection présidentielle cette année.
Monsieur le Président, tout de suite, beaucoup a été dit, beaucoup a été fait…
Je voudrais d’abord dire, après votre introduction, que la dernière fois qu’on a eu des élections en Côte d’Ivoire, ce n’est pas en 2000; c’est en juillet 2002. En 2000, on a eu l’élection présidentielle, une partie des élections législatives et une autre partie en 2001. Il y a eu les élections municipales après et les élections départementales en juillet 2002. Il faudrait le dire pour que la vérité soit rétablie.
Constitutionnellement, les élections, n’étaient-ce pas en 2000? Etaient-ce en 2002?
Ah non. Je vous dis que la vérité des faits, c’est que la dernière élection que nous avons eue en Côte d’Ivoire, sur toute l’étendue du territoire, ce sont les élections des conseils généraux. Et c’était en juillet 2002. Mais l’élection présidentielle a eu lieu en 2000.
M. le Président, beaucoup a été dit, beaucoup a été fait. Tout le monde parle, dit des choses, chacun croit avoir raison. Aujourd’hui, avant même d’aborder le sujet, quel est votre état d’esprit ?
Je suis sain, comme vous le voyez parce que, aujourd’hui, depuis que la crise a éclaté, en septembre 2002, nous entrevoyons le bout du tunnel. Et je sais que nous ferons les élections, cette année. Donc je suis tranquille. Je suis d’ailleurs content que les gens soient sur le terrain, partout, en train de faire campagne. Parce que même ceux qui disent qu’il n’y aura pas d’élections font campagne, donc ils savent qu’il y en aura. Les élections auront lieu, en tout cas la présidentielle, en 2009.
Ce point est très important, mais avant d’y arriver, peut-on faire le bilan de l’identification et de l’enrôlement avec vous? Combien de personnes, aujourd’hui, ont été identifiées et enrôlées?
Au niveau des élections, je l’ai déjà dit et je le répète, l’institution qui est responsable d’organiser les élections, c’est la Commission électorale indépendante (Cei). Qui est dirigée par le président Beugré Mambé Robert. Et c’est lui qui, en plus, coordonne toutes les activités de l’identification. Tout ce que je vais vous dire, concernant les élections et l’identification, vient de lui. J’ai travaillé naturellement avec lui. Nous travaillons très bien, la Commission électorale indépendante, la Primature, la Présidence de la République. La Commission électorale attend environ huit millions de personnes à identifier, nous sommes à plus de six millions. Pendant ce temps, naturellement, la Commission électorale fait des schémas et nous les fait connaître. Elle a fait un schéma qui nous a amenés jusqu’à fin septembre pour les élections. Elle a fait un autre qui nous amène au 11 octobre et un autre au 18 octobre. Elle fait des schémas et elle nous les soumet. Pour le moment, nous ne fixons pas une date précise pour les élections parce qu’il y a des centres de collecte qui n’ont même pas encore fonctionné. Et d’après le site de la Cei, il y a 227 centres de collecte qui n’ont même pas encore fonctionné dont 98 dans le Bas-Sassandra et 82 dans le Sud-Bandama. Il y a d’autres endroits, dans le Haut-Sassandra (14), dans la Marahoué (10). En tout, il y a 227 centres. Ce serait une injustice que de faire passer les habitants ivoiriens de ces endroits par pertes et profits. Et c’est ce à quoi la Cei s’attelle. Aujourd’hui, il faut faire vivre ces centres de collecte, recevoir les impétrants, les identifier, les enrôler et puis on verra. En plus, même dans les centres qui ont été visités, où le travail a été fait, par exemple sur Abidjan où 100% des centres ont ouvert et travaillé, il y a encore des gens qui n’ont pas été identifiés. Pour ceux-là, il faut faire une opération pour les ramasser. Donc, à l’heure actuelle ce n’est pas une question de capacité à travailler, mais de rattraper les fausses notes qui ont eu lieu dans l’identification. C’est ce que nous sommes en train de faire.
M. le Président, plus de six millions de personnes ont été identifiées. Quelle analyse faites-vous de ce chiffre?
En êtes-vous satisfait?
Oui, je suis satisfait parce que ce n’est pas tout. Nous sommes 20 millions en Côte d’Ivoire, déjà on n’identifie pas les étrangers membres de la Cedeao, ainsi que les jeunes qui ont moins de 16 ans. Or, vous savez que 70% de la population ivoirienne a moins de 30 ans, c’est une population jeune. Donc c’est un bon chiffre, mais ce n’est pas un chiffre qui peut nous autoriser à oublier les autres, les deux millions. C’est un bon rythme de travail. Je crois que, par moments, nous avions sous-estimé la lourdeur du travail, mais maintenant que nous y sommes, nous allons continuer. Je pense que c’est un bon chiffre, et il faut tirer le chapeau à la Cei, mais surtout à toutes les structures qui travaillent sous sa coordination et qui sont engagées dans cette opération.
M. le Président de la République, doit-on obligatoirement aller à huit millions?
Ce n’est pas qu’on doit aller à huit millions. La Cei, avant de commencer l’opération, a fait une estimation. A savoir qu’on attend huit millions de gens qui doivent aller à l’identification. On n’a pas encore atteint ce chiffre. Pourquoi cette opération d’identification doit prendre le maximum de personnes? J’entends des gens dire qu’on peut sauter les autres, non ! Ceux qui ne seront pas identifiés, ce seront ceux qu’on n’aura pas vus. Malheureusement, il y en a qu’on peut ne pas voir. Mais on ne peut pas avoir fait une guerre contre l’exclusion et puis décider, au niveau de l’Etat, l’exclusion d’un certain nombre de personnes à ne pas identifier. Je crois que ça ne sera pas logique. Deuxièmement, ceux qui seront identifiés comme Ivoiriens, recevront en même temps leurs cartes d’identité et d’électeur. Donc même si le vote ne vous intéresse –parce qu’en Côte d’Ivoire le vote n’est pas obligatoire, il y a des pays où ce l’est, et ici, vous pouvez ne pas aller voter, c’est votre affaire, votre choix- il faut tout de même que vous ayez votre papier d’identification, c’est-à-dire, votre carte d’identité. C’est pour cela qu’il est bon, pour l’Etat de Côte d’Ivoire, d’identifier le maximum.
Ne pensez-vous pas qu’il y a tout de même beaucoup trop de lenteur?
Ah oui, il y a de la lenteur. C’est pourquoi je vous disais tout à l’heure que nous avons sous-estimé la lourdeur de cette opération. Je ne voudrais pas faire revenir de vieux débats. Sentant cela, j’avais dit au départ, avant même le début de l’opération, qu’il ne fallait pas qu’on fasse ainsi, mais qu’on confie aux préfets et sous-préfets le soin de corriger les listes de 2000, de les mettre à jour pour nous permettre de faire des élections. Je pense qu’on aurait fait les élections à la fin 2007. Et puis après les élections, on aurait pu faire l’identification lourde telle que nous la faisons. Mais je n’ai pas eu gain de cause, beaucoup de personnes ont cru que je voulais éviter l’identification qui allait m’être préjudiciable. Donc j’ai dû laisser. On y est maintenant, on va continuer.
Monsieur le Président, vous parliez tantôt d’exclusion. Certains Ivoiriens n’ont pas encore leurs papiers. Je veux parler de la reconstitution des registres de l’état civil. Où en est-on avec l’opération?
Le ministre de la Justice que j’ai interrogé m’a donné des explications. Je ne suis pas compétent pour vous les répéter, parce que c’est trop technique. Mais on y travaille, nous dégageons les fonds, les gens sont à pied d’oeuvre. Je ne peux pas entrer dans les détails techniques. Cependant, le ministre de la Justice m’a confirmé qu’on y travaille et qu’on sera fin prêt.
Et si on n’était pas prêt, doit-on aller aux élections sans ces personnes?
Mais pourquoi le dites-vous ? Le ministre de la Justice qui s’en occupe dit qu’on sera prêt, moi je le crois.
M. le Président, quelle est aujourd’hui la priorité, l’identification ou les élections?
Ce sont les élections. Mais alors pourquoi voulez-vous qu’on aille aux élections sans avoir terminé l’identification ? L’identification est la porte pour aller aux élections. Si l’identification n’est pas importante, pourquoi la fait-on ?
Elle parlait plutôt de la hiérarchisation.
Justement, la hiérarchisation. Quand nous parlons d’élections, nous parlons de l’identification qui conduit à l’élection. On ne peut pas, aujourd’hui, là où sommes arrivés, parler d’élections sans parler d’identification. Je suis heureux de voir le bout du tunnel, aujourd’hui, de voir que l’identification avance et que ça va être terminé bientôt. Mais il ne faut pas séparer les deux. L’identification, c’est pour aller aux élections et c’est pour avoir aussi les cartes d’identité.
M. le Président, vous l’avez dit tantôt, nous voudrions revenir là-dessus. Les élections auront lieu en 2009. A quelle date?
La date est fixée par décret et c’est moi qui signe le décret. J’ai discuté avec le Premier ministre, avec l’équipe de la Cei. On se donne encore quelque temps. Parce que nous allons terminer l’identification, le président de la Cei donne d’ici à six semaines pour les croisements avec les fichiers historiques. Il faut vérifier parce qu’au niveau des personnes qui se sont fait identifier, il y a quelquefois du n’importe quoi. Après quoi, on fixera la date. Ça sera soit en octobre, soit en novembre, mais ça se fera.
Cela se fera, mais pourquoi, M. le Président, a-t-on tant de mal à fixer la date de la présidentielle?
On a du mal à fixer la date parce que tout est déglingué. Quand il n’y avait pas eu de crise, de guerre, la Constitution indique que les élections ont lieu le dernier dimanche du mois d’octobre dans la cinquième année du mandat du président en exercice. Donc c’était symptomatique. Mais là, tout a été déglingué parce qu’il y a eu la guerre. Donc le Président est resté en exercice, selon l’article 38 de la Constitution. On a décidé de tout reprendre à zéro au niveau de l’identification. On pouvait ne pas le faire, comme je vous l’ai dit tout à l’heure. Mais on a décidé ainsi. On ne peut pas entreprendre l’identification, une opération aussi lourde et aussi chère et dire finalement : on est fatigués, allons à des élections. Qui seront plus bâclées encore que celles que nous avons connues. On ne peut pas se permettre des élections bâclées, cette année. On ne peut pas se le permettre. Parce que les mêmes causes produisant les mêmes effets, si les élections de cette année sont bâclées, volontairement, nous serons alors responsables des crises qui vont suivre. On n’a donc pas de mal, mais on est prudent. On n’a pas de mal à fixer une date. J’aurais pu si je l’avais voulu, m’entendre avec le président de la Commission électorale et le Premier ministre et signer un décret. Mais rappelez-vous, j’ai déjà signé un décret en 2005. J’ai signé un décret comme s’il n’y avait pas de guerre; un décret pour le dernier dimanche du mois d’octobre 2005. A quoi ça servi, ce décret ? Rien du tout. J’ai signé un autre décret pour le 30 novembre 2008. A quoi il a servi, ce décret? Rien du tout. Je ne veux pas signer un troisième décret qui serve à rien du tout, je veux que ce troisième décret serve à faire effectivement les élections. C’est pourquoi nous sommes prudent, mais ça se fera. D’ici à mai ou juin, le décret sera signé.
Vous parlez de prudence, il est vrai, mais c’est la Commission électorale indépendante qui est sur le terrain. Et c’est la même Commission qui vous a fait une proposition de date. Pourquoi ne pas l’entériner?
Je vous ai dit que la Commission électorale fait des estimations. Et au jour d’aujourd’hui, nous avons déjà eu trois estimations. Je fixe la date sur quoi ?
Sur la meilleure des estimations
Oui, mais j’attends la meilleure. J’ai dit qu’elle a déjà fait une estimation dont j’ai le tableau ici, sur la fin septembre. Elle a déjà fait une autre sur le 11 octobre. Elle a fait une autre estimation encore sur le 18 octobre. Je ne suis pas un notaire, je suis le Chef de l’Etat, Président de la République de Côte d’Ivoire. Je veux dire que quand je vois qu’on fait des estimations, mon rôle, c’est d’encourager ceux qui travaillent. Et une fois qu’on est sûr que cette fois-ci, ça y est, alors je signe. Mais je ne suis pas un notaire qui signe ce que le client lui dit. Ma responsabilité est grande dans cette affaire. Donc, je ne veux plus signer un troisième décret qui serve à zéro. Je veux signer un troisième décret qui appelle effectivement les électeurs aux urnes. Les trois institutions, la Présidence de la République, la Primature, la Commission électorale indépendante, sont en contact, travaillent. En mai ou en juin, la date sera fixée parce que nous serons assurés que cette date sera respectée.
M. le Président, pour mieux comprendre, lorsque la Commission électorale vous propose une date, avez-vous la latitude de dire que cette date n’est pas bonne? Appréciez-vous à votre niveau ou bien s’impose-t-elle à vous?
Tout ce que je signe, les propositions de lois, les décrets, les arrêtés, sont le fait des autres : les ministres, les chefs des institutions qui me font des propositions. Mais je vous l’ai dit, je ne suis pas un notaire. J’ai ma part de responsabilité dans un document que je signe. Donc je les appelle et on discute. Et là-dessus, j’ai appelé la Commission électorale, on a travaillé, le Premier ministre, on a travaillé, et même, il y a quelques minutes, avant de venir sur ce plateau, j’ai encore eu le Premier ministre. La veille, j’ai encore eu le président de la Commission électorale. Nous travaillons donc en accord. Il nous faut une date à laquelle nous sommes sûrs, nous tous, que les élections vont effectivement avoir lieu. Et nous le ferons.
Pensez-vous que les conditions sont réunies pour qu’on aille vraiment aux élections?
Qu’est-ce qui vous rend confiant?
Qu’entendez-vous par conditions?
Lorsque que vous regardez la situation, pensez-vous qu’on doit aller aux élections en 2009 ? Parce que vous n’avez pas dit 2008, 2010. Vous avez dit 2009.
J’ai dit 2009.
Pensez-vous que les éléments son réunis?
Le seul élément vraiment handicapant, c’est l’identification. Mais je suis en train de vous dire qu’elle est vraiment bien partie et nous verrons le bout du tunnel d’ici à un ou deux mois. A partir de ce moment-là, on n’a aucune raison, on n’attend que les élections. Quel est le sens de la Constitution ? L’article 38 de la Constitution dit qu’en cas d’événement majeur, coupant le pays et entravant la tenue des élections, le Président de la République reste en poste. Mais le sens de cette phrase, c’est qu’il reste en poste en vue des élections. C’est-à-dire que le seul objectif, c’est de faire d’autres élections, il n’y en pas d’autre. Donc si, aujourd’hui, je suis Président de la République encore, le seul objectif que nous attendons, c’est de faire des élections. Nous n’avons pas un autre objectif. C’est pourquoi je vous dis qu’il faut que, cette fois-ci, la date que nous allons indiquer par décret soit la date. Mais je suis confiant parce que je sais que dans un mois à un mois et demi, on aura fixé cette date.
Vous avez dit que le Président reste en place. Pensez-vous que depuis que vous avez prêté serment jusqu’à maintenant, c’est le même mandat que vous êtes en train de faire, un seul?
Ah oui. Je suis en train de faire un seul mandat constitutionnel.
Même s’il est plus long que cinq ans…
Mais oui, c’est constitutionnel. Je ne fais pas ce qui n’est pas constitutionnel. Relisez l’article de la Constitution ou invitez sur votre plateau les juristes pour le commenter. A propos de cet article, je vous le dis, quand j’étais député, c’est le Président Bédié qui, après le boycott actif, avait introduit cette loi. J’avais voté contre à l’Assemblée nationale. Et l’année d’après, cette loi est devenue une loi constitutionnelle, c’est-à-dire qu’on l’a votée pour l’intégrer à la Constitution. C’est donc une mesure constitutionnelle que j’applique.
On fera les élections cette année, c’est ce que vous dites. On ne connaît pas encore la date....
On la connaîtra bientôt
On la connaîtra bientôt, mais le tout n’est pas d’aller aux élections. Il faut avoir des élections transparentes, fiables. Les conditions sont-elles réunies?
Oui ! Avec les élections de 2000, on avait crié qu’on avait exclu des candidats notamment le président du Rdr, le président Bédié. Savez-vous ce que j’ai fait ? Je me suis appuyé sur l’article 48 de la Constitution qui me donne des pouvoirs exceptionnels quand il y a la crise, et j’ai déclaré que tous ceux qui étaient à Marcoussis pouvaient être candidats, s’ils le voulaient. Donc ces mesures discriminatoires, qui existent dans toute Constitution, n’existent plus. Tout le monde pourra donc se présenter. Cela fait déjà un obstacle en moins.
L’autre obstacle, c’est peut-être à cela que vous pensez sans le dire, c’est la sécurité. La sécurité sera garantie. Je viens d’avoir le Premier ministre, nous avons dégagé un corps de huit mille hommes, pour les répartir sur l’ensemble du territoire. Deux mille gendarmes, deux mille policiers et quatre mille Fafn. Nous avions quelques petits problèmes de voiture pour pouvoir les emmener dans leurs endroits. Aujourd’hui même, à l’heure où je vous parle, les officiers sont en train d’affecter nominalement tous ces huit mille hommes dans des circonscriptions. Ils sont en train de faire les affectations nominales, et le cinq mai, nous les accompagnerons dans leurs lieux de travail. A partir de ce moment, la sécurité sera garantie. Après cela, nous allons remettre tous les pouvoirs aux préfets, y compris les pouvoirs sécuritaires qui est un attribut ordinaire du préfet. Et après quoi je vais installer les douaniers sur les postes de douane.
Puisque vous parlez de sécurité, nous allons-nous intéresser maintenant aux affaires militaires. Des textes existent, mais la réalité souvent s’impose à nous. Aujourd’hui, il y a deux positions très tranchées. Une qui dit : les élections, d’abord, le désarmement après. L’autre position dit: le désarmement et les élections après. Comment allez-vous réussir à concilier ces deux positions sans frustrer qui que ce soit?
La loi. Il faut revenir à la loi. Vous savez, au plus fort de la crise, j’ai toujours dit : la Côte d’Ivoire fera la paix dans les conditions de sa propre Constitution. On ne nous a pas obligé à avoir cette Constitution, ces lois. Donc c’est la loi, ce sont les accords. Les accords disent et le bon sens aussi dit, très clairement, que le désarmement aura lieu avant les élections. Pourquoi voulez-vous qu’on fasse autre chose ? Non seulement les accords le disent, mais aussi le bon sens. Comment voulez-vous qu’on aille à des élections où l’on peut me mettre le fusil sous la tempe ? Donc non seulement le disent, mais les textes traduisent en cela le bon sens citoyen. C’est donc ce qui se fera.
Vous avez annoncé la présidentielle dans six mois à peu près, mais le désarmement n’a pas encore commencé.
Tout à l’heure, je vous ai parlé de huit mille hommes à déployer. On le fera à partir du cinq mai. Le désarmement, qu’est-ce que c’est ? Une fois cela fait, comme le disent aussi les textes, les autres ex-combattants viendront se mettre dans quatre camps qui sont dans quatre villes : Bouaké, Man, Séguéla et Korhogo. C’est là qu’ils vont être concentrés. Et en entrant dans le camp, ils laissent tomber leurs fusils, c’est cela le désarmement. C’est écrit, mais je pense qu’en Côte d’Ivoire, on ne lit pas souvent les textes. Si bien que les gens ont des paniques qui ne servent pas à grand- chose. Ils ne lisent pas les textes. Sur cette question, il y a une lenteur, mais nous sommes en train de la rattraper. Et aujourd’hui même, les officiers sont réunis pour faire des affectations nominales des huit mille hommes dans les endroits. Après cela, on fera venir les autres qui ne sont pas concernés, dans les camps. Et leurs fusils seront dehors.
Avec ces huit mille hommes qui seront déployés sur l’étendue du territoire, peut-on considérer cela comme la préfiguration de la nouvelle armée?
On peut le considérer ainsi, mais c’est d’abord pour la sécurité du moment et élections.
Je n’ose pas dire que c’est le début de la nouvelle armée parce qu’une armée se construit avec des critères. Et puis, on ne forme pas une armée avec des gendarmes, des policiers.
Que deviendront ces hommes après les élections?
Depuis 1945, il y a des élections en Côte d’Ivoire. Chaque fois qu’il y a des élections, on affecte des gens pour la sécurité et après ils retournent dans leurs corps d’origine. Ils vont donc retourner dans leurs corps d’origine.
Pensez-vous que les Ivoiriens sont prêts à accepter les éléments des Forces nouvelles sur d’autres parties du territoire?
On les a déjà fait venir. Peut-être que les Ivoiriens n’ouvrent pas bien les yeux, mais on les a déjà fait venir.
Ils ne le savent peut-être pas
Ah oui, mais là ce n’est pas ma faute. On les a déjà fait venir dans d’autres occasions. Ils y sont même restés pendant une semaine, 10 jours ou 15 jours et puis ils sont repartis. Comme actuellement, des éléments des Fanci sont le long de la frontière guinéenne. Ils sont à Danané, Man, Touba, Odienné avec les Fn. Ils sont là-bas et ça ne pose aucun problème, aucun.
Etes-vous confiant?
Je constate que depuis qu’il y a eu le changement de régime en Guinée, cela fait quand même un peu de temps, nous avons fait déployer les soldats des Fanci le long de la frontière guinéenne. Ils ont été rejoints par leurs frères d’armes des Fafn et ils vivent tranquillement, ensemble, depuis des mois et il n’y a rien. C’est une expérience grandeur nature.
Où en est-on avec la situation des ex-combattants et des miliciens?
Non, vous ne pouvez pas dire cela. Aujourd’hui, vous pouvez aller à Ferkessédougou, Odienné, Bouna et y dormir. Donc on ne peut pas dire que rien n’a changé. Et j’aimerais que les Ivoiriens nous donnent acte de ce qui se fait. Moi, j’ai été à Lamékaha, dans le village de mon collaborateur (Sékongo Nagnéhé, ndlr). Un village lointain. C’est à Korhogo. J’y ai mangé. Ce qu’on fait aujourd’hui, on ne le faisait pas hier. Donc on ne peut pas me dire que rien n’a changé. Des choses ont changé. Mais bien entendu, elles restent à parfaire. Et nous travaillons à les parfaire. Le déploiement de ces 8.000 hommes tend à accentuer la situation sécuritaire et quand nous l’aurons fait, on fera aussi le point pour savoir si la situation s’est améliorée ou pas.
Toujours sur les ex-combattants, certains s’étaient attribués eux-mêmes des grades.
Gardent-ils, Monsieur le Président ces grades pour de bon?
Cela n’est pas un problème important. On voit ce phénomène dans toutes les luttes. Mais sur ce point aussi, l’Accord 4 de Ouagadougou a été clair. Dès les élections, ils vont perdre ces grades. C’est ce qu’on a appelé des grades à titre opérationnel. Il faut appliquer les Accords. Il faut appliquer la parole qu’on a donnée.
Monsieur le Président, les ex-combattants sont-ils aujourd’hui dans les dispositions pour désarmer?
Tout ce que je vous dis à leur propos, c’est d’eux que je le tiens. Vous comprenez! Mais sachez que les difficultés qu’on peut avoir sur ce point-là, ce sont celles qu’on a partout. Vous ne trouverez pas des gens qui ont pris des armes, conquis des territoires et que tout le monde les laisse de gaieté de cœur. Moi, je n’ai jamais vu de pays où cela se fait comme cela. Aujourd’hui en Guinée-Bissau, on vit encore au rythme des convulsions de ce reste de la guerre de libération nationale contre les Portugais. Aujourd’hui, en Rdc, on a vécu récemment, avec la rébellion de Laurent Kunda. A l’est de la Rdc. Ndlr), on lutte contre les convulsions de ce reste de la guerre civile. Donc quand il y a une guerre, elle laisse des traces et il faut le temps pour les guérir. Mais, la décision est prise avec le secrétaire général des Forces nouvelles qui se trouve être le Premier ministre. Il n’y a pas, aujourd’hui, un problème politique entre la direction des Forces nouvelles et l’Etat. Il y a, certes, des gens qui, ici et là, ne sont pas très contents. Mais on avance. Et on avance bien. On avance même très bien.
Monsieur le Président, vous avez dit qu’on peut aller à Korhogo et en revenir. Pour parler de l’autorité de l’Etat, la vérité est que les préfets et sous-préfets qui vous représentent dans ces zones sont sous les ordres des com’zones. C’est une réalité…
Non, ils ne sont pas sous leurs ordres. Ils sont à côté. Dans chaque département aujourd’hui, c’est un pouvoir bicéphale. Le bicéphalisme est inacceptable dans le cadre de la réunification. Mais, les préfets ne travaillent pas sous les ordres des com’zones. Il y a le pouvoir des préfets et celui des com’zones. Le déploiement des 8.000 éléments, le 5 mai, c’est pour mettre fin au pouvoir des com’zones. C’est pourquoi je vous dis qu’on avance. Et quand on les aura déployés, le Premier ministre ira ensuite passer le pouvoir aux préfets. Il y aura la passation des charges. Et puis ce sera fini.
Votre question même le dit: c’est un fait important que le préfet y soit. Parce qu’avant il n’y était pas. C’est déjà un fait qu’il y soit et qu’il y vive depuis des mois, normalement. Qu’il y ait des bureaux, des résidences… c’est déjà important. Mais pour le moment, il y a un bicéphalisme qu’il nous faudra effacer. Et nous l’effaçons à partir du 5 mai prochain.
C’est vrai que les préfets sont dans ces zones, mais ils disent qu’ils sont dans des conditions un peu difficiles. En même temps qu’on demande aux gens de retourner, les résidences ne sont pas prêtes, toutes les conditions ne sont réunies véritablement pour les accueillir…
Mais vous parlez de problème matériel. Ce ne sont pas des problèmes politiques. Les problèmes matériels se règlent petit à petit. Ceux que j’avais vus il y a six mois, qui dormaient là-bas dans une petite pièce qui servait en même temps de bureau, aujourd’hui ont leurs résidences et leurs bureaux.
Je voudrais profiter de votre question pour dire que les préfets ont été héroïques dans cette affaire. Ils sont partis, ils ont affronté des situations difficiles au plan matériel. Ils n’avaient pas de maison, pas de bureau. Mais ils y sont restés. On n’a pas eu de démission de préfet. Le corps préfectoral a, dans ce sens là, été héroïque. Il a été le premier à sauver le germe du retour de l’Etat. Je voudrais ici profiter de votre antenne pour leur rendre hommage.Madame, ce qui n’est pas politique, on arrange cela, petit à petit. Il y a beaucoup de préfets qui ont reçu leurs voitures. Donc, on avance.
Sur le terrain aussi, on a fait un constat. Comment ceux qui ont travaillé pour les Forces nouvelles (ils étaient surtout nombreux dans les régies financières) seront-ils intégrés ou réintégrés dans la Fonction publique?
On ne m’a pas encore soumis ce dossier. Mais on m’a soumis par contre le dossier des enseignants volontaires et ceux qui ont animé les centres de santé. J’ai donné mon accord pour qu’on les intègre dans la Fonction publique. Parce que je pense qu’il n’est pas normal que ceux qui ont fait vivre l’école, ceux qui ont fait que les enfants n’ont pas perdu six à sept ans, soient jetés à la rue. Après qu’ils ont rendu ce service à la nation ivoirienne. Donc j’ai donné mon accord pour que les enseignants volontaires qui ont le niveau, soient intégrés ainsi que ceux qui ont animé les dispensaires et les centres de santé.
Vous avez déjà parlé d’élections en 2009.
Pensez-vous qu’aujourd’hui les conditions sont réunies pour qu’on aille vraiment aux élections? Qu’est-ce qui vous rend confiant?
Qu’est-ce que vous appelez conditions?
Lorsque vous regardez la situation, pensez-vous qu’on doit aller aux élections en 2009 parce que vous n’avez pas dit 2008 ou 2010?
J’ai dit 2009.
Alors pensez-vous que les éléments sont réunis…?
L’élément vraiment handicapant, c’est l’identification. Or je suis en train de vous dire que l’identification est vraiment bien partie. Et que nous aurons le bout du tunnel d’ici à un ou deux mois au niveau de l’identification. A partir de ce moment-là, on attendra que les élections. La constitution, cela peut se régler. J’ai donné mon accord sur ça.
Monsieur le Président, depuis le début de l’émission, vous avez annoncé plusieurs choses. Mais depuis la signature de l’Accord de Ouaga, le désarmement n’est pas encore une réalité. Il en est de même du redéploiement de l’administration, les postes de douanes ne sont pas encore installés, la gendarmerie aussi. Certains se basent sur toutes ces choses pour dire que l’Accord politique de Ouagadougou a échoué…
Mais ils font de la politique. Je constate qu’il y en a un qui est aujourd’hui dans les ex-zones rebelles et qui y anime des meetings. Si l’on n’avançait pas et que l’Accord politique de Ouagadougou avait échoué, il ne serait pas à Bouna en train de parler. D’autres vont à Bouaké, à Katiola… pour faire des meetings. Donc ça marche. Bon ! Je m’excuse, au temps où Seydou Diarra et Charles Konan Banny, tous deux des amis, étaient Premiers ministres, on n’allait pas faire de meeting ni à Bouna ni à Bouaké, ni à Mankono, ni à Séguela. Aujourd’hui on y est. Cela veut dire que ça marche. Il ne faut pas demander aux autres ce que soi-même on ne peut pas faire. Vous comprenez. Cela vient, lentement, certes. Mais, ça vient. Et ça marche, Madame.
Si ceux mêmes qui sont là-bas disent que ça ne marche pas, leur propre désastre prouve que ça marche. Sinon ils ne seront pas là-bas.
On parle de beaucoup d’argent pour le financement du programme de sortie de crise. Est-ce que l’argent manque pour financer la sortie et qui sont ceux qui sont chargés de le financer?
C’est la Côte d’Ivoire, principalement. Vous savez, on a eu beaucoup de difficultés ces derniers temps. Parce que, comme je vous l’ai expliqué, après la réunion du Conseil d’administration de la Banque mondiale, qui a suivi elle-même la réunion du Conseil d’administration du Fonds monétaire international (Fmi), sur notre admission à l’initiative Ppte, j’ai décidé, avant même les élections, qu’on s’inscrive dans le cadre de cette initiative. Sinon on allait sortir de la crise et puis se retrouver devant un mur : le manque d’argent. Le pays n’allait pas prendre son envol.
J’ai trouvé un endettement très lourd. Et, dès que j’ai été élu, en 2001, notre première grande opération, c’était de lutter pour avoir l’initiative Ppte. On avait eu le Frpc (Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance) en 2002. On attendait l’initiative Ppte en 2003, quand la guerre a éclaté. Et tout cela a été suspendu. En ce moment-là, on a des difficultés. Après on a dû rembourser à la Banque mondiale, 118 milliards, 100 milliards à la Bad. On a donc eu seulement des difficultés.
Mais quand même, pour 2009, nous avons inscrit, sur la sortie de crise, 118 milliards. Au compte de la Côte d’Ivoire. Les puissances étrangères et les institutions continuent de nous aider. Celui qui nous aide, on prend. Mais pour le moment, je constate qu’ils n’ont donné qu’un seul milliard.
La Côte d’Ivoire a-t-elle aujourd’hui les moyens de financer le processus de sortie de crise?
Nous sommes obligés. Parce que le processus de sortie de crise, c’est pour nous. Je dis toujours aux Ivoiriens de ne pas considérer que ce qu’on fait, on le fait pour les autres. Nous le faisons pour nous. Vous comprenez. Ainsi, même si c’est difficile, nous devons trouver l’argent pour le faire. Parce que c’est nous que cela regarde.
Regardez un peu ce qui se passe dans le monde. Regardez les pays du tiers-monde qui sont tout le temps en train de demander aux pays développés de les aider. Et ils répondent invariablement : non, on ne peut pas vous aider parce que nous avons des difficultés, et vous gouvernez mal. Ce sont des réponses désobligeantes. Mais quand ils ont leur crise, eux-mêmes… L’Amérique a débloqué 800 milliards de dollars, l’Union européenne a débloqué 760 milliards d’euros. Vous comprenez. Ce que nous faisons, nous le faisons pour nous. Comme ce qu’ils le font, ils font pour eux. Il ne faut pas avoir peur d’être en première ligne. Ce que nous allons gagner, nous allons le mettre dans la sortie de crise. Parce que pour nous, la sortie de crise est importante. Elle est primordiale. Donc, tout ce que nous allons gagner, nous allons le mettre dedans. Et nous le ferons.
L’opération Unicité des caisses de l’Etat a été lancée il y a longtemps, mais sur le terrain, c’est loin d’être une réalité…
Mais c’est de tout cela que nous parlons. Quand vous parlez de réunification du pays. Dès l’instant où il n’y a pas de forces à la disposition des préfets, ils n’ont pas tout le pouvoir. Et nous allons mettre, à partir du 5 mai, les forces à leur disposition. Et après nous allons installer les postes de Douanes. C’est cela, Madame.
L’unicité des caisses ne peut pas être effective s’il n’y a pas dans les mains des préfets, les moyens de rétention.
Ce qui veut dire que cela va continuer qu’on ne puisse lever les impôts dans la zone Cno, logiquement…
Je vous dis qu’on va le faire à partir du 5 mai. Le 5 mai, c’est dans quelques jours. Donc si on le fait, on lèvera les impôts. Déjà, les gens commencent à payer l’électricité, l’eau. Quelqu’un qui n’a pas payé l’électricité et l’eau, cela lui fait mal de le faire aujourd’hui. Mais le pays va être réunifié, totalement. Cela veut dire que tous les citoyens seront soumis aux mêmes charges et avantages.
Un détail avant de continuer. C’est vrai que la communauté internationale refuse de financer le volet Défense…
De toutes les façons, il ne faut jamais confier à autrui le soin de financer de votre propre défense. Cela ne se fait pas. Ce sont les règles élémentaires de gouvernance. Tu ne peux pas demander à quelqu’un de financer ta défense. En 2002, quand il y a eu la crise, j’ai demandé aux Français de venir nous aider selon l’Accord de défense, ils ont dit que cela ne les regarde pas. C’est une raison de plus. Moi, je refuse que quelqu’un vienne financer ma défense. Vous comprenez ! Parce que cela ne se fait pas.
Nous sommes pressés de savoir ce qui va se passer pour la Côte d’Ivoire les jours et les semaines qui arrivent. Est-ce aujourd’hui un motif de fierté pour la Côte d’Ivoire d’être inscrite à l’initiative Ppte?
Bien sûr. Moi, j’entends des commentaires assez désobligeants, mais ceux-là ne savent pas les ressources.
Je vais vous expliquer. La Côte d’Ivoire était classée parmi les pays à revenus intermédiaires. Et notre pays s’est surendetté. Je vous ai dit qu’en 1996, on a atteint même 8.000 milliards d’endettement. Le plus important, ce ne sont pas les 8.000 milliards. Mais c’est que cela équivalait à 136% de notre Pib. Ce qui veut dire que quand la Côte d’Ivoire produit 100 francs, non seulement elle prend tous les 100 francs pour donner à ceux à qui elle doit, mais elle est obligée d’emprunter encore 36 francs pour mettre dessus.
Quand je suis arrivé au pouvoir, j’ai trouvé 6.700 milliards de dettes correspondant à peu près à 80 % de notre produit intérieur brut. Ce qui fait que quand nous produisons 100 francs, on est obligé de donner 80 francs à l’extérieur. C’est cela qui a handicapé la Côte d’Ivoire. Il fallait s’y attaquer. Et je m’y suis attaqué.
Maintenant, ce qui vient de se passer, qu’est-ce que c’est ? C’est le point de décision. Mais il ne faut pas que les gens croient qu’on vous donne l’argent. Si les gens croient cela, c’est qu’ils ne comprennent pas bien.
Monsieur le Président on a eu l’impression d’ailleurs que toutes les dettes de la Côte d’Ivoire seraient épongées…
Oui, c’est cela l’objectif. Mais ce n’est pas au point de décision. Le point de décision, c’est comme quand on annonce que ton enfant est admis pour passer en Terminale. Il est en Première. On t’annonce que ton enfant passe en classe de Terminale. Tu es content, l’enfant aussi. Cela veut dire que pendant un an, il doit travailler pour avoir le Bac. Parce que l’objectif, ce n’est pas de passer en Terminale. Mais c’est plutôt d’avoir le Bac. Et s’il a le Bac, c’est cela le point d’achèvement. Donc, nous sommes admis à travailler pour avoir le Bac. C’est-à-dire avoir le point d’achèvement. C’est à ce niveau qu’on vous dit que votre dette est réduite de tant. Mais pendant ce temps, qu’est-ce qu’on fait? Moi, j’ai des réformes à parachever : les réformes de la filière café- cacao, du secteur pétrolier, de l’électricité…
En plus, nous devons discuter avec le club de Paris pour les dettes publiques, discuter avec le Club de Londres pour les dettes privées. C’est quand tout cela est achevé et qu’il marche bien qu’on dit qu’on a atteint le point d’achèvement.
Il y a un pays qui est dans la même situation que nous, on lui a réduit jusqu’à 96% de sa dette. J’aimerais tellement cela que je n’ai plus que 15 % de ma dette à payer.
Monsieur le Président, le fait que la Côte d’Ivoire soit un pays pauvre très endetté, est-ce parce qu’il y a une crise qui traverse le pays?
Non, je vous ai dit que quand je suis arrivé en 2000, l’un des chiffres que j’ai demandés, c’est celui de l’endettement. Et puis écoutez aussi mes discours de 1990. Déjà nous étions très endettés. En 1996, 1998, nous étions déjà très endetté. Ce n’est pas la guerre qui a fait qu’on est endettés. On est endettés depuis longtemps. Maintenant, il faut faire une politique de désendettement. C’est ce que je suis en train de faire.
Pour que la Côte d’Ivoire soit juste un pays pauvre ou un pays endetté tout juste?
Mais quel est votre problème? Votre problème se trouve où, à quel niveau?
On est très endetté, on prend une partie de notre indépendance économique…
Moi je n’y peux rien. J’ai trouvé le pays très endetté. Maintenant je suis en train de faire en sorte qu’on soit moins endetté. C’est tout. Où est le problème?
Et après le point d’achèvement, qu’est-ce qui va se passer?
La Côte d’Ivoire ne sera plus un pays pauvre?
(Rires). Madame, vous avez des problèmes. On voit que vous n’êtes pas à ma place. J’arrive au pouvoir, je trouve un pays qui ne peut pas faire de grands progrès parce qu’il est très endetté. L’expression Ppte a été inventée au début des années 1990 par les Institutions de Bretton Woods pour la Côte d’Ivoire et l’Argentine. Qui étaient des pays du tiers-monde avec beaucoup de potentialités et qui, malheureusement, s’étaient fourvoyés dans un endettement énorme. C’est pour résoudre ces cas-là, que la Banque mondiale et les Fonds monétaires ont créé l’expression Ppte. En Argentine, ils ont connu des fortunes diverses. Et nous, vers la fin, avec les crises, cela n’a pu avoir lieu. Aujourd’hui, Dieu merci, nous sommes sur le bon chemin. Nous allons effacer notre endettement et reprendre notre place de pays à revenus intermédiaires. C’est cela que je recherche. Et avec cela, nous allons reprendre un peu plus d’indépendance. Parce que si tu dois moins, tu es plus indépendant. C’est pourquoi en même temps, nous nous battons pour avoir des ressources minières, du pétrole. Aujourd’hui nous découvrons de l’or, du manganèse. On a du diamant qu était déjà exploité depuis les années 1960. Il faut désormais le faire de façon plus professionnelle. On va compléter tout cela.
C’est rassurant…
Donc il ne faut pas vous laisser vous déstabiliser par l’expression Ppte. De toutes les façons, pour ceux qui ont créé le Ppte, nous restons des pays pauvres.
Monsieur le Président, le fait que la Côte d’Ivoire bénéficie de l’initiative Ppte, est-ce à 100% bénéfique pour elle. N’y a-t- il pas quelque chose qu’on ne dit pas aux Ivoiriens?
Moi, je n’ai aucun intérêt à cacher quoi que ce soit aux Ivoiriens. Un pays ne peut pas vivre avec ce taux d’endettement. Ce n’est pas possible. Et nous ne pouvons pas entreprendre notre programme de développement avec ce taux d’endettement qui à 80% de notre Pib. C’est impossible. Donc depuis 2002, nous avons entrepris cette politique. On a eu le Frpc (Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance). Et nous attendions le point de décision Ppte en 2003. Et la guerre est arrivée en septembre 2002. Donc nos partenaires ont tout laissé tomber. Aujourd’hui, on reprend. S’ils reviennent, c’est qu’ils ont confiance. Le non-dit, c’est que la Côte d’Ivoire va retrouver sa place de pays à revenus intermédiaires, son indépendance.
Monsieur pour terminer complètement, qu’est-ce que l’on doit retenir de cet échange, que peut être ce que les Ivoiriens doivent désormais rejeter?
Les Ivoiriens doivent rejeter les ragots politiciens. Je puis leur dire, parce que j’en ai eu l’assurance, que les Ivoiriens, organisés ou pas, peuvent s’adresser à la Commission électorale indépendante (Cei), pour demander n’importe quel renseignement. Pour demander n’importe quel document. Ils l’auront. Au lieu d’aller se perdre à écouter des ragots qui sont démobilisateurs, vous pouvez aller à la Cei et tapez à leur porte, n’importe quand. Vous obtiendrez tous les renseignements que vous voulez.
Vous pouvez aller aussi à la Primature. Pour ce qui concerne la sécurisation. A la Primature, ils ont un service pour ça. Posez-leur toutes les questions, ils vous donneront les réponses.
A la Présidence, vous pouvez aussi aller demander le service du porte-parole. Vous aurez toutes les informations. C’est ce qu’il faut faire. C’est la démarche qu’il faut avoir. Et rejetez tous les ragots qu’on retrouve hélas souvent aussi dans les journaux.
Maintenant ce qu’il faut, est que l’opération de sécurisation commence le 5 mai. Et les préfets auront l’entièreté de leurs pouvoirs. Après cela, nous allons installer les postes de Douanes.
Troisièmement, les élections auront lieu en 2009. Je pense que cela va être en octobre. Si ce n’est pas en octobre, cela peut se tenir en novembre. J’attends encore que la Cei avance dans ses travaux avant de prendre un décret appelant les Ivoiriens aux urnes. Voilà les trois choses qu’il faut retenir.
Propos retranscrits sur RTI par
Paulin Zobo et Emmanuel Kouassi
Monsieur le Président, tout de suite, beaucoup a été dit, beaucoup a été fait…
Je voudrais d’abord dire, après votre introduction, que la dernière fois qu’on a eu des élections en Côte d’Ivoire, ce n’est pas en 2000; c’est en juillet 2002. En 2000, on a eu l’élection présidentielle, une partie des élections législatives et une autre partie en 2001. Il y a eu les élections municipales après et les élections départementales en juillet 2002. Il faudrait le dire pour que la vérité soit rétablie.
Constitutionnellement, les élections, n’étaient-ce pas en 2000? Etaient-ce en 2002?
Ah non. Je vous dis que la vérité des faits, c’est que la dernière élection que nous avons eue en Côte d’Ivoire, sur toute l’étendue du territoire, ce sont les élections des conseils généraux. Et c’était en juillet 2002. Mais l’élection présidentielle a eu lieu en 2000.
M. le Président, beaucoup a été dit, beaucoup a été fait. Tout le monde parle, dit des choses, chacun croit avoir raison. Aujourd’hui, avant même d’aborder le sujet, quel est votre état d’esprit ?
Je suis sain, comme vous le voyez parce que, aujourd’hui, depuis que la crise a éclaté, en septembre 2002, nous entrevoyons le bout du tunnel. Et je sais que nous ferons les élections, cette année. Donc je suis tranquille. Je suis d’ailleurs content que les gens soient sur le terrain, partout, en train de faire campagne. Parce que même ceux qui disent qu’il n’y aura pas d’élections font campagne, donc ils savent qu’il y en aura. Les élections auront lieu, en tout cas la présidentielle, en 2009.
Ce point est très important, mais avant d’y arriver, peut-on faire le bilan de l’identification et de l’enrôlement avec vous? Combien de personnes, aujourd’hui, ont été identifiées et enrôlées?
Au niveau des élections, je l’ai déjà dit et je le répète, l’institution qui est responsable d’organiser les élections, c’est la Commission électorale indépendante (Cei). Qui est dirigée par le président Beugré Mambé Robert. Et c’est lui qui, en plus, coordonne toutes les activités de l’identification. Tout ce que je vais vous dire, concernant les élections et l’identification, vient de lui. J’ai travaillé naturellement avec lui. Nous travaillons très bien, la Commission électorale indépendante, la Primature, la Présidence de la République. La Commission électorale attend environ huit millions de personnes à identifier, nous sommes à plus de six millions. Pendant ce temps, naturellement, la Commission électorale fait des schémas et nous les fait connaître. Elle a fait un schéma qui nous a amenés jusqu’à fin septembre pour les élections. Elle a fait un autre qui nous amène au 11 octobre et un autre au 18 octobre. Elle fait des schémas et elle nous les soumet. Pour le moment, nous ne fixons pas une date précise pour les élections parce qu’il y a des centres de collecte qui n’ont même pas encore fonctionné. Et d’après le site de la Cei, il y a 227 centres de collecte qui n’ont même pas encore fonctionné dont 98 dans le Bas-Sassandra et 82 dans le Sud-Bandama. Il y a d’autres endroits, dans le Haut-Sassandra (14), dans la Marahoué (10). En tout, il y a 227 centres. Ce serait une injustice que de faire passer les habitants ivoiriens de ces endroits par pertes et profits. Et c’est ce à quoi la Cei s’attelle. Aujourd’hui, il faut faire vivre ces centres de collecte, recevoir les impétrants, les identifier, les enrôler et puis on verra. En plus, même dans les centres qui ont été visités, où le travail a été fait, par exemple sur Abidjan où 100% des centres ont ouvert et travaillé, il y a encore des gens qui n’ont pas été identifiés. Pour ceux-là, il faut faire une opération pour les ramasser. Donc, à l’heure actuelle ce n’est pas une question de capacité à travailler, mais de rattraper les fausses notes qui ont eu lieu dans l’identification. C’est ce que nous sommes en train de faire.
M. le Président, plus de six millions de personnes ont été identifiées. Quelle analyse faites-vous de ce chiffre?
En êtes-vous satisfait?
Oui, je suis satisfait parce que ce n’est pas tout. Nous sommes 20 millions en Côte d’Ivoire, déjà on n’identifie pas les étrangers membres de la Cedeao, ainsi que les jeunes qui ont moins de 16 ans. Or, vous savez que 70% de la population ivoirienne a moins de 30 ans, c’est une population jeune. Donc c’est un bon chiffre, mais ce n’est pas un chiffre qui peut nous autoriser à oublier les autres, les deux millions. C’est un bon rythme de travail. Je crois que, par moments, nous avions sous-estimé la lourdeur du travail, mais maintenant que nous y sommes, nous allons continuer. Je pense que c’est un bon chiffre, et il faut tirer le chapeau à la Cei, mais surtout à toutes les structures qui travaillent sous sa coordination et qui sont engagées dans cette opération.
M. le Président de la République, doit-on obligatoirement aller à huit millions?
Ce n’est pas qu’on doit aller à huit millions. La Cei, avant de commencer l’opération, a fait une estimation. A savoir qu’on attend huit millions de gens qui doivent aller à l’identification. On n’a pas encore atteint ce chiffre. Pourquoi cette opération d’identification doit prendre le maximum de personnes? J’entends des gens dire qu’on peut sauter les autres, non ! Ceux qui ne seront pas identifiés, ce seront ceux qu’on n’aura pas vus. Malheureusement, il y en a qu’on peut ne pas voir. Mais on ne peut pas avoir fait une guerre contre l’exclusion et puis décider, au niveau de l’Etat, l’exclusion d’un certain nombre de personnes à ne pas identifier. Je crois que ça ne sera pas logique. Deuxièmement, ceux qui seront identifiés comme Ivoiriens, recevront en même temps leurs cartes d’identité et d’électeur. Donc même si le vote ne vous intéresse –parce qu’en Côte d’Ivoire le vote n’est pas obligatoire, il y a des pays où ce l’est, et ici, vous pouvez ne pas aller voter, c’est votre affaire, votre choix- il faut tout de même que vous ayez votre papier d’identification, c’est-à-dire, votre carte d’identité. C’est pour cela qu’il est bon, pour l’Etat de Côte d’Ivoire, d’identifier le maximum.
Ne pensez-vous pas qu’il y a tout de même beaucoup trop de lenteur?
Ah oui, il y a de la lenteur. C’est pourquoi je vous disais tout à l’heure que nous avons sous-estimé la lourdeur de cette opération. Je ne voudrais pas faire revenir de vieux débats. Sentant cela, j’avais dit au départ, avant même le début de l’opération, qu’il ne fallait pas qu’on fasse ainsi, mais qu’on confie aux préfets et sous-préfets le soin de corriger les listes de 2000, de les mettre à jour pour nous permettre de faire des élections. Je pense qu’on aurait fait les élections à la fin 2007. Et puis après les élections, on aurait pu faire l’identification lourde telle que nous la faisons. Mais je n’ai pas eu gain de cause, beaucoup de personnes ont cru que je voulais éviter l’identification qui allait m’être préjudiciable. Donc j’ai dû laisser. On y est maintenant, on va continuer.
Monsieur le Président, vous parliez tantôt d’exclusion. Certains Ivoiriens n’ont pas encore leurs papiers. Je veux parler de la reconstitution des registres de l’état civil. Où en est-on avec l’opération?
Le ministre de la Justice que j’ai interrogé m’a donné des explications. Je ne suis pas compétent pour vous les répéter, parce que c’est trop technique. Mais on y travaille, nous dégageons les fonds, les gens sont à pied d’oeuvre. Je ne peux pas entrer dans les détails techniques. Cependant, le ministre de la Justice m’a confirmé qu’on y travaille et qu’on sera fin prêt.
Et si on n’était pas prêt, doit-on aller aux élections sans ces personnes?
Mais pourquoi le dites-vous ? Le ministre de la Justice qui s’en occupe dit qu’on sera prêt, moi je le crois.
M. le Président, quelle est aujourd’hui la priorité, l’identification ou les élections?
Ce sont les élections. Mais alors pourquoi voulez-vous qu’on aille aux élections sans avoir terminé l’identification ? L’identification est la porte pour aller aux élections. Si l’identification n’est pas importante, pourquoi la fait-on ?
Elle parlait plutôt de la hiérarchisation.
Justement, la hiérarchisation. Quand nous parlons d’élections, nous parlons de l’identification qui conduit à l’élection. On ne peut pas, aujourd’hui, là où sommes arrivés, parler d’élections sans parler d’identification. Je suis heureux de voir le bout du tunnel, aujourd’hui, de voir que l’identification avance et que ça va être terminé bientôt. Mais il ne faut pas séparer les deux. L’identification, c’est pour aller aux élections et c’est pour avoir aussi les cartes d’identité.
M. le Président, vous l’avez dit tantôt, nous voudrions revenir là-dessus. Les élections auront lieu en 2009. A quelle date?
La date est fixée par décret et c’est moi qui signe le décret. J’ai discuté avec le Premier ministre, avec l’équipe de la Cei. On se donne encore quelque temps. Parce que nous allons terminer l’identification, le président de la Cei donne d’ici à six semaines pour les croisements avec les fichiers historiques. Il faut vérifier parce qu’au niveau des personnes qui se sont fait identifier, il y a quelquefois du n’importe quoi. Après quoi, on fixera la date. Ça sera soit en octobre, soit en novembre, mais ça se fera.
Cela se fera, mais pourquoi, M. le Président, a-t-on tant de mal à fixer la date de la présidentielle?
On a du mal à fixer la date parce que tout est déglingué. Quand il n’y avait pas eu de crise, de guerre, la Constitution indique que les élections ont lieu le dernier dimanche du mois d’octobre dans la cinquième année du mandat du président en exercice. Donc c’était symptomatique. Mais là, tout a été déglingué parce qu’il y a eu la guerre. Donc le Président est resté en exercice, selon l’article 38 de la Constitution. On a décidé de tout reprendre à zéro au niveau de l’identification. On pouvait ne pas le faire, comme je vous l’ai dit tout à l’heure. Mais on a décidé ainsi. On ne peut pas entreprendre l’identification, une opération aussi lourde et aussi chère et dire finalement : on est fatigués, allons à des élections. Qui seront plus bâclées encore que celles que nous avons connues. On ne peut pas se permettre des élections bâclées, cette année. On ne peut pas se le permettre. Parce que les mêmes causes produisant les mêmes effets, si les élections de cette année sont bâclées, volontairement, nous serons alors responsables des crises qui vont suivre. On n’a donc pas de mal, mais on est prudent. On n’a pas de mal à fixer une date. J’aurais pu si je l’avais voulu, m’entendre avec le président de la Commission électorale et le Premier ministre et signer un décret. Mais rappelez-vous, j’ai déjà signé un décret en 2005. J’ai signé un décret comme s’il n’y avait pas de guerre; un décret pour le dernier dimanche du mois d’octobre 2005. A quoi ça servi, ce décret ? Rien du tout. J’ai signé un autre décret pour le 30 novembre 2008. A quoi il a servi, ce décret? Rien du tout. Je ne veux pas signer un troisième décret qui serve à rien du tout, je veux que ce troisième décret serve à faire effectivement les élections. C’est pourquoi nous sommes prudent, mais ça se fera. D’ici à mai ou juin, le décret sera signé.
Vous parlez de prudence, il est vrai, mais c’est la Commission électorale indépendante qui est sur le terrain. Et c’est la même Commission qui vous a fait une proposition de date. Pourquoi ne pas l’entériner?
Je vous ai dit que la Commission électorale fait des estimations. Et au jour d’aujourd’hui, nous avons déjà eu trois estimations. Je fixe la date sur quoi ?
Sur la meilleure des estimations
Oui, mais j’attends la meilleure. J’ai dit qu’elle a déjà fait une estimation dont j’ai le tableau ici, sur la fin septembre. Elle a déjà fait une autre sur le 11 octobre. Elle a fait une autre estimation encore sur le 18 octobre. Je ne suis pas un notaire, je suis le Chef de l’Etat, Président de la République de Côte d’Ivoire. Je veux dire que quand je vois qu’on fait des estimations, mon rôle, c’est d’encourager ceux qui travaillent. Et une fois qu’on est sûr que cette fois-ci, ça y est, alors je signe. Mais je ne suis pas un notaire qui signe ce que le client lui dit. Ma responsabilité est grande dans cette affaire. Donc, je ne veux plus signer un troisième décret qui serve à zéro. Je veux signer un troisième décret qui appelle effectivement les électeurs aux urnes. Les trois institutions, la Présidence de la République, la Primature, la Commission électorale indépendante, sont en contact, travaillent. En mai ou en juin, la date sera fixée parce que nous serons assurés que cette date sera respectée.
M. le Président, pour mieux comprendre, lorsque la Commission électorale vous propose une date, avez-vous la latitude de dire que cette date n’est pas bonne? Appréciez-vous à votre niveau ou bien s’impose-t-elle à vous?
Tout ce que je signe, les propositions de lois, les décrets, les arrêtés, sont le fait des autres : les ministres, les chefs des institutions qui me font des propositions. Mais je vous l’ai dit, je ne suis pas un notaire. J’ai ma part de responsabilité dans un document que je signe. Donc je les appelle et on discute. Et là-dessus, j’ai appelé la Commission électorale, on a travaillé, le Premier ministre, on a travaillé, et même, il y a quelques minutes, avant de venir sur ce plateau, j’ai encore eu le Premier ministre. La veille, j’ai encore eu le président de la Commission électorale. Nous travaillons donc en accord. Il nous faut une date à laquelle nous sommes sûrs, nous tous, que les élections vont effectivement avoir lieu. Et nous le ferons.
Pensez-vous que les conditions sont réunies pour qu’on aille vraiment aux élections?
Qu’est-ce qui vous rend confiant?
Qu’entendez-vous par conditions?
Lorsque que vous regardez la situation, pensez-vous qu’on doit aller aux élections en 2009 ? Parce que vous n’avez pas dit 2008, 2010. Vous avez dit 2009.
J’ai dit 2009.
Pensez-vous que les éléments son réunis?
Le seul élément vraiment handicapant, c’est l’identification. Mais je suis en train de vous dire qu’elle est vraiment bien partie et nous verrons le bout du tunnel d’ici à un ou deux mois. A partir de ce moment-là, on n’a aucune raison, on n’attend que les élections. Quel est le sens de la Constitution ? L’article 38 de la Constitution dit qu’en cas d’événement majeur, coupant le pays et entravant la tenue des élections, le Président de la République reste en poste. Mais le sens de cette phrase, c’est qu’il reste en poste en vue des élections. C’est-à-dire que le seul objectif, c’est de faire d’autres élections, il n’y en pas d’autre. Donc si, aujourd’hui, je suis Président de la République encore, le seul objectif que nous attendons, c’est de faire des élections. Nous n’avons pas un autre objectif. C’est pourquoi je vous dis qu’il faut que, cette fois-ci, la date que nous allons indiquer par décret soit la date. Mais je suis confiant parce que je sais que dans un mois à un mois et demi, on aura fixé cette date.
Vous avez dit que le Président reste en place. Pensez-vous que depuis que vous avez prêté serment jusqu’à maintenant, c’est le même mandat que vous êtes en train de faire, un seul?
Ah oui. Je suis en train de faire un seul mandat constitutionnel.
Même s’il est plus long que cinq ans…
Mais oui, c’est constitutionnel. Je ne fais pas ce qui n’est pas constitutionnel. Relisez l’article de la Constitution ou invitez sur votre plateau les juristes pour le commenter. A propos de cet article, je vous le dis, quand j’étais député, c’est le Président Bédié qui, après le boycott actif, avait introduit cette loi. J’avais voté contre à l’Assemblée nationale. Et l’année d’après, cette loi est devenue une loi constitutionnelle, c’est-à-dire qu’on l’a votée pour l’intégrer à la Constitution. C’est donc une mesure constitutionnelle que j’applique.
On fera les élections cette année, c’est ce que vous dites. On ne connaît pas encore la date....
On la connaîtra bientôt
On la connaîtra bientôt, mais le tout n’est pas d’aller aux élections. Il faut avoir des élections transparentes, fiables. Les conditions sont-elles réunies?
Oui ! Avec les élections de 2000, on avait crié qu’on avait exclu des candidats notamment le président du Rdr, le président Bédié. Savez-vous ce que j’ai fait ? Je me suis appuyé sur l’article 48 de la Constitution qui me donne des pouvoirs exceptionnels quand il y a la crise, et j’ai déclaré que tous ceux qui étaient à Marcoussis pouvaient être candidats, s’ils le voulaient. Donc ces mesures discriminatoires, qui existent dans toute Constitution, n’existent plus. Tout le monde pourra donc se présenter. Cela fait déjà un obstacle en moins.
L’autre obstacle, c’est peut-être à cela que vous pensez sans le dire, c’est la sécurité. La sécurité sera garantie. Je viens d’avoir le Premier ministre, nous avons dégagé un corps de huit mille hommes, pour les répartir sur l’ensemble du territoire. Deux mille gendarmes, deux mille policiers et quatre mille Fafn. Nous avions quelques petits problèmes de voiture pour pouvoir les emmener dans leurs endroits. Aujourd’hui même, à l’heure où je vous parle, les officiers sont en train d’affecter nominalement tous ces huit mille hommes dans des circonscriptions. Ils sont en train de faire les affectations nominales, et le cinq mai, nous les accompagnerons dans leurs lieux de travail. A partir de ce moment, la sécurité sera garantie. Après cela, nous allons remettre tous les pouvoirs aux préfets, y compris les pouvoirs sécuritaires qui est un attribut ordinaire du préfet. Et après quoi je vais installer les douaniers sur les postes de douane.
Puisque vous parlez de sécurité, nous allons-nous intéresser maintenant aux affaires militaires. Des textes existent, mais la réalité souvent s’impose à nous. Aujourd’hui, il y a deux positions très tranchées. Une qui dit : les élections, d’abord, le désarmement après. L’autre position dit: le désarmement et les élections après. Comment allez-vous réussir à concilier ces deux positions sans frustrer qui que ce soit?
La loi. Il faut revenir à la loi. Vous savez, au plus fort de la crise, j’ai toujours dit : la Côte d’Ivoire fera la paix dans les conditions de sa propre Constitution. On ne nous a pas obligé à avoir cette Constitution, ces lois. Donc c’est la loi, ce sont les accords. Les accords disent et le bon sens aussi dit, très clairement, que le désarmement aura lieu avant les élections. Pourquoi voulez-vous qu’on fasse autre chose ? Non seulement les accords le disent, mais aussi le bon sens. Comment voulez-vous qu’on aille à des élections où l’on peut me mettre le fusil sous la tempe ? Donc non seulement le disent, mais les textes traduisent en cela le bon sens citoyen. C’est donc ce qui se fera.
Vous avez annoncé la présidentielle dans six mois à peu près, mais le désarmement n’a pas encore commencé.
Tout à l’heure, je vous ai parlé de huit mille hommes à déployer. On le fera à partir du cinq mai. Le désarmement, qu’est-ce que c’est ? Une fois cela fait, comme le disent aussi les textes, les autres ex-combattants viendront se mettre dans quatre camps qui sont dans quatre villes : Bouaké, Man, Séguéla et Korhogo. C’est là qu’ils vont être concentrés. Et en entrant dans le camp, ils laissent tomber leurs fusils, c’est cela le désarmement. C’est écrit, mais je pense qu’en Côte d’Ivoire, on ne lit pas souvent les textes. Si bien que les gens ont des paniques qui ne servent pas à grand- chose. Ils ne lisent pas les textes. Sur cette question, il y a une lenteur, mais nous sommes en train de la rattraper. Et aujourd’hui même, les officiers sont réunis pour faire des affectations nominales des huit mille hommes dans les endroits. Après cela, on fera venir les autres qui ne sont pas concernés, dans les camps. Et leurs fusils seront dehors.
Avec ces huit mille hommes qui seront déployés sur l’étendue du territoire, peut-on considérer cela comme la préfiguration de la nouvelle armée?
On peut le considérer ainsi, mais c’est d’abord pour la sécurité du moment et élections.
Je n’ose pas dire que c’est le début de la nouvelle armée parce qu’une armée se construit avec des critères. Et puis, on ne forme pas une armée avec des gendarmes, des policiers.
Que deviendront ces hommes après les élections?
Depuis 1945, il y a des élections en Côte d’Ivoire. Chaque fois qu’il y a des élections, on affecte des gens pour la sécurité et après ils retournent dans leurs corps d’origine. Ils vont donc retourner dans leurs corps d’origine.
Pensez-vous que les Ivoiriens sont prêts à accepter les éléments des Forces nouvelles sur d’autres parties du territoire?
On les a déjà fait venir. Peut-être que les Ivoiriens n’ouvrent pas bien les yeux, mais on les a déjà fait venir.
Ils ne le savent peut-être pas
Ah oui, mais là ce n’est pas ma faute. On les a déjà fait venir dans d’autres occasions. Ils y sont même restés pendant une semaine, 10 jours ou 15 jours et puis ils sont repartis. Comme actuellement, des éléments des Fanci sont le long de la frontière guinéenne. Ils sont à Danané, Man, Touba, Odienné avec les Fn. Ils sont là-bas et ça ne pose aucun problème, aucun.
Etes-vous confiant?
Je constate que depuis qu’il y a eu le changement de régime en Guinée, cela fait quand même un peu de temps, nous avons fait déployer les soldats des Fanci le long de la frontière guinéenne. Ils ont été rejoints par leurs frères d’armes des Fafn et ils vivent tranquillement, ensemble, depuis des mois et il n’y a rien. C’est une expérience grandeur nature.
Où en est-on avec la situation des ex-combattants et des miliciens?
Non, vous ne pouvez pas dire cela. Aujourd’hui, vous pouvez aller à Ferkessédougou, Odienné, Bouna et y dormir. Donc on ne peut pas dire que rien n’a changé. Et j’aimerais que les Ivoiriens nous donnent acte de ce qui se fait. Moi, j’ai été à Lamékaha, dans le village de mon collaborateur (Sékongo Nagnéhé, ndlr). Un village lointain. C’est à Korhogo. J’y ai mangé. Ce qu’on fait aujourd’hui, on ne le faisait pas hier. Donc on ne peut pas me dire que rien n’a changé. Des choses ont changé. Mais bien entendu, elles restent à parfaire. Et nous travaillons à les parfaire. Le déploiement de ces 8.000 hommes tend à accentuer la situation sécuritaire et quand nous l’aurons fait, on fera aussi le point pour savoir si la situation s’est améliorée ou pas.
Toujours sur les ex-combattants, certains s’étaient attribués eux-mêmes des grades.
Gardent-ils, Monsieur le Président ces grades pour de bon?
Cela n’est pas un problème important. On voit ce phénomène dans toutes les luttes. Mais sur ce point aussi, l’Accord 4 de Ouagadougou a été clair. Dès les élections, ils vont perdre ces grades. C’est ce qu’on a appelé des grades à titre opérationnel. Il faut appliquer les Accords. Il faut appliquer la parole qu’on a donnée.
Monsieur le Président, les ex-combattants sont-ils aujourd’hui dans les dispositions pour désarmer?
Tout ce que je vous dis à leur propos, c’est d’eux que je le tiens. Vous comprenez! Mais sachez que les difficultés qu’on peut avoir sur ce point-là, ce sont celles qu’on a partout. Vous ne trouverez pas des gens qui ont pris des armes, conquis des territoires et que tout le monde les laisse de gaieté de cœur. Moi, je n’ai jamais vu de pays où cela se fait comme cela. Aujourd’hui en Guinée-Bissau, on vit encore au rythme des convulsions de ce reste de la guerre de libération nationale contre les Portugais. Aujourd’hui, en Rdc, on a vécu récemment, avec la rébellion de Laurent Kunda. A l’est de la Rdc. Ndlr), on lutte contre les convulsions de ce reste de la guerre civile. Donc quand il y a une guerre, elle laisse des traces et il faut le temps pour les guérir. Mais, la décision est prise avec le secrétaire général des Forces nouvelles qui se trouve être le Premier ministre. Il n’y a pas, aujourd’hui, un problème politique entre la direction des Forces nouvelles et l’Etat. Il y a, certes, des gens qui, ici et là, ne sont pas très contents. Mais on avance. Et on avance bien. On avance même très bien.
Monsieur le Président, vous avez dit qu’on peut aller à Korhogo et en revenir. Pour parler de l’autorité de l’Etat, la vérité est que les préfets et sous-préfets qui vous représentent dans ces zones sont sous les ordres des com’zones. C’est une réalité…
Non, ils ne sont pas sous leurs ordres. Ils sont à côté. Dans chaque département aujourd’hui, c’est un pouvoir bicéphale. Le bicéphalisme est inacceptable dans le cadre de la réunification. Mais, les préfets ne travaillent pas sous les ordres des com’zones. Il y a le pouvoir des préfets et celui des com’zones. Le déploiement des 8.000 éléments, le 5 mai, c’est pour mettre fin au pouvoir des com’zones. C’est pourquoi je vous dis qu’on avance. Et quand on les aura déployés, le Premier ministre ira ensuite passer le pouvoir aux préfets. Il y aura la passation des charges. Et puis ce sera fini.
Votre question même le dit: c’est un fait important que le préfet y soit. Parce qu’avant il n’y était pas. C’est déjà un fait qu’il y soit et qu’il y vive depuis des mois, normalement. Qu’il y ait des bureaux, des résidences… c’est déjà important. Mais pour le moment, il y a un bicéphalisme qu’il nous faudra effacer. Et nous l’effaçons à partir du 5 mai prochain.
C’est vrai que les préfets sont dans ces zones, mais ils disent qu’ils sont dans des conditions un peu difficiles. En même temps qu’on demande aux gens de retourner, les résidences ne sont pas prêtes, toutes les conditions ne sont réunies véritablement pour les accueillir…
Mais vous parlez de problème matériel. Ce ne sont pas des problèmes politiques. Les problèmes matériels se règlent petit à petit. Ceux que j’avais vus il y a six mois, qui dormaient là-bas dans une petite pièce qui servait en même temps de bureau, aujourd’hui ont leurs résidences et leurs bureaux.
Je voudrais profiter de votre question pour dire que les préfets ont été héroïques dans cette affaire. Ils sont partis, ils ont affronté des situations difficiles au plan matériel. Ils n’avaient pas de maison, pas de bureau. Mais ils y sont restés. On n’a pas eu de démission de préfet. Le corps préfectoral a, dans ce sens là, été héroïque. Il a été le premier à sauver le germe du retour de l’Etat. Je voudrais ici profiter de votre antenne pour leur rendre hommage.Madame, ce qui n’est pas politique, on arrange cela, petit à petit. Il y a beaucoup de préfets qui ont reçu leurs voitures. Donc, on avance.
Sur le terrain aussi, on a fait un constat. Comment ceux qui ont travaillé pour les Forces nouvelles (ils étaient surtout nombreux dans les régies financières) seront-ils intégrés ou réintégrés dans la Fonction publique?
On ne m’a pas encore soumis ce dossier. Mais on m’a soumis par contre le dossier des enseignants volontaires et ceux qui ont animé les centres de santé. J’ai donné mon accord pour qu’on les intègre dans la Fonction publique. Parce que je pense qu’il n’est pas normal que ceux qui ont fait vivre l’école, ceux qui ont fait que les enfants n’ont pas perdu six à sept ans, soient jetés à la rue. Après qu’ils ont rendu ce service à la nation ivoirienne. Donc j’ai donné mon accord pour que les enseignants volontaires qui ont le niveau, soient intégrés ainsi que ceux qui ont animé les dispensaires et les centres de santé.
Vous avez déjà parlé d’élections en 2009.
Pensez-vous qu’aujourd’hui les conditions sont réunies pour qu’on aille vraiment aux élections? Qu’est-ce qui vous rend confiant?
Qu’est-ce que vous appelez conditions?
Lorsque vous regardez la situation, pensez-vous qu’on doit aller aux élections en 2009 parce que vous n’avez pas dit 2008 ou 2010?
J’ai dit 2009.
Alors pensez-vous que les éléments sont réunis…?
L’élément vraiment handicapant, c’est l’identification. Or je suis en train de vous dire que l’identification est vraiment bien partie. Et que nous aurons le bout du tunnel d’ici à un ou deux mois au niveau de l’identification. A partir de ce moment-là, on attendra que les élections. La constitution, cela peut se régler. J’ai donné mon accord sur ça.
Monsieur le Président, depuis le début de l’émission, vous avez annoncé plusieurs choses. Mais depuis la signature de l’Accord de Ouaga, le désarmement n’est pas encore une réalité. Il en est de même du redéploiement de l’administration, les postes de douanes ne sont pas encore installés, la gendarmerie aussi. Certains se basent sur toutes ces choses pour dire que l’Accord politique de Ouagadougou a échoué…
Mais ils font de la politique. Je constate qu’il y en a un qui est aujourd’hui dans les ex-zones rebelles et qui y anime des meetings. Si l’on n’avançait pas et que l’Accord politique de Ouagadougou avait échoué, il ne serait pas à Bouna en train de parler. D’autres vont à Bouaké, à Katiola… pour faire des meetings. Donc ça marche. Bon ! Je m’excuse, au temps où Seydou Diarra et Charles Konan Banny, tous deux des amis, étaient Premiers ministres, on n’allait pas faire de meeting ni à Bouna ni à Bouaké, ni à Mankono, ni à Séguela. Aujourd’hui on y est. Cela veut dire que ça marche. Il ne faut pas demander aux autres ce que soi-même on ne peut pas faire. Vous comprenez. Cela vient, lentement, certes. Mais, ça vient. Et ça marche, Madame.
Si ceux mêmes qui sont là-bas disent que ça ne marche pas, leur propre désastre prouve que ça marche. Sinon ils ne seront pas là-bas.
On parle de beaucoup d’argent pour le financement du programme de sortie de crise. Est-ce que l’argent manque pour financer la sortie et qui sont ceux qui sont chargés de le financer?
C’est la Côte d’Ivoire, principalement. Vous savez, on a eu beaucoup de difficultés ces derniers temps. Parce que, comme je vous l’ai expliqué, après la réunion du Conseil d’administration de la Banque mondiale, qui a suivi elle-même la réunion du Conseil d’administration du Fonds monétaire international (Fmi), sur notre admission à l’initiative Ppte, j’ai décidé, avant même les élections, qu’on s’inscrive dans le cadre de cette initiative. Sinon on allait sortir de la crise et puis se retrouver devant un mur : le manque d’argent. Le pays n’allait pas prendre son envol.
J’ai trouvé un endettement très lourd. Et, dès que j’ai été élu, en 2001, notre première grande opération, c’était de lutter pour avoir l’initiative Ppte. On avait eu le Frpc (Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance) en 2002. On attendait l’initiative Ppte en 2003, quand la guerre a éclaté. Et tout cela a été suspendu. En ce moment-là, on a des difficultés. Après on a dû rembourser à la Banque mondiale, 118 milliards, 100 milliards à la Bad. On a donc eu seulement des difficultés.
Mais quand même, pour 2009, nous avons inscrit, sur la sortie de crise, 118 milliards. Au compte de la Côte d’Ivoire. Les puissances étrangères et les institutions continuent de nous aider. Celui qui nous aide, on prend. Mais pour le moment, je constate qu’ils n’ont donné qu’un seul milliard.
La Côte d’Ivoire a-t-elle aujourd’hui les moyens de financer le processus de sortie de crise?
Nous sommes obligés. Parce que le processus de sortie de crise, c’est pour nous. Je dis toujours aux Ivoiriens de ne pas considérer que ce qu’on fait, on le fait pour les autres. Nous le faisons pour nous. Vous comprenez. Ainsi, même si c’est difficile, nous devons trouver l’argent pour le faire. Parce que c’est nous que cela regarde.
Regardez un peu ce qui se passe dans le monde. Regardez les pays du tiers-monde qui sont tout le temps en train de demander aux pays développés de les aider. Et ils répondent invariablement : non, on ne peut pas vous aider parce que nous avons des difficultés, et vous gouvernez mal. Ce sont des réponses désobligeantes. Mais quand ils ont leur crise, eux-mêmes… L’Amérique a débloqué 800 milliards de dollars, l’Union européenne a débloqué 760 milliards d’euros. Vous comprenez. Ce que nous faisons, nous le faisons pour nous. Comme ce qu’ils le font, ils font pour eux. Il ne faut pas avoir peur d’être en première ligne. Ce que nous allons gagner, nous allons le mettre dans la sortie de crise. Parce que pour nous, la sortie de crise est importante. Elle est primordiale. Donc, tout ce que nous allons gagner, nous allons le mettre dedans. Et nous le ferons.
L’opération Unicité des caisses de l’Etat a été lancée il y a longtemps, mais sur le terrain, c’est loin d’être une réalité…
Mais c’est de tout cela que nous parlons. Quand vous parlez de réunification du pays. Dès l’instant où il n’y a pas de forces à la disposition des préfets, ils n’ont pas tout le pouvoir. Et nous allons mettre, à partir du 5 mai, les forces à leur disposition. Et après nous allons installer les postes de Douanes. C’est cela, Madame.
L’unicité des caisses ne peut pas être effective s’il n’y a pas dans les mains des préfets, les moyens de rétention.
Ce qui veut dire que cela va continuer qu’on ne puisse lever les impôts dans la zone Cno, logiquement…
Je vous dis qu’on va le faire à partir du 5 mai. Le 5 mai, c’est dans quelques jours. Donc si on le fait, on lèvera les impôts. Déjà, les gens commencent à payer l’électricité, l’eau. Quelqu’un qui n’a pas payé l’électricité et l’eau, cela lui fait mal de le faire aujourd’hui. Mais le pays va être réunifié, totalement. Cela veut dire que tous les citoyens seront soumis aux mêmes charges et avantages.
Un détail avant de continuer. C’est vrai que la communauté internationale refuse de financer le volet Défense…
De toutes les façons, il ne faut jamais confier à autrui le soin de financer de votre propre défense. Cela ne se fait pas. Ce sont les règles élémentaires de gouvernance. Tu ne peux pas demander à quelqu’un de financer ta défense. En 2002, quand il y a eu la crise, j’ai demandé aux Français de venir nous aider selon l’Accord de défense, ils ont dit que cela ne les regarde pas. C’est une raison de plus. Moi, je refuse que quelqu’un vienne financer ma défense. Vous comprenez ! Parce que cela ne se fait pas.
Nous sommes pressés de savoir ce qui va se passer pour la Côte d’Ivoire les jours et les semaines qui arrivent. Est-ce aujourd’hui un motif de fierté pour la Côte d’Ivoire d’être inscrite à l’initiative Ppte?
Bien sûr. Moi, j’entends des commentaires assez désobligeants, mais ceux-là ne savent pas les ressources.
Je vais vous expliquer. La Côte d’Ivoire était classée parmi les pays à revenus intermédiaires. Et notre pays s’est surendetté. Je vous ai dit qu’en 1996, on a atteint même 8.000 milliards d’endettement. Le plus important, ce ne sont pas les 8.000 milliards. Mais c’est que cela équivalait à 136% de notre Pib. Ce qui veut dire que quand la Côte d’Ivoire produit 100 francs, non seulement elle prend tous les 100 francs pour donner à ceux à qui elle doit, mais elle est obligée d’emprunter encore 36 francs pour mettre dessus.
Quand je suis arrivé au pouvoir, j’ai trouvé 6.700 milliards de dettes correspondant à peu près à 80 % de notre produit intérieur brut. Ce qui fait que quand nous produisons 100 francs, on est obligé de donner 80 francs à l’extérieur. C’est cela qui a handicapé la Côte d’Ivoire. Il fallait s’y attaquer. Et je m’y suis attaqué.
Maintenant, ce qui vient de se passer, qu’est-ce que c’est ? C’est le point de décision. Mais il ne faut pas que les gens croient qu’on vous donne l’argent. Si les gens croient cela, c’est qu’ils ne comprennent pas bien.
Monsieur le Président on a eu l’impression d’ailleurs que toutes les dettes de la Côte d’Ivoire seraient épongées…
Oui, c’est cela l’objectif. Mais ce n’est pas au point de décision. Le point de décision, c’est comme quand on annonce que ton enfant est admis pour passer en Terminale. Il est en Première. On t’annonce que ton enfant passe en classe de Terminale. Tu es content, l’enfant aussi. Cela veut dire que pendant un an, il doit travailler pour avoir le Bac. Parce que l’objectif, ce n’est pas de passer en Terminale. Mais c’est plutôt d’avoir le Bac. Et s’il a le Bac, c’est cela le point d’achèvement. Donc, nous sommes admis à travailler pour avoir le Bac. C’est-à-dire avoir le point d’achèvement. C’est à ce niveau qu’on vous dit que votre dette est réduite de tant. Mais pendant ce temps, qu’est-ce qu’on fait? Moi, j’ai des réformes à parachever : les réformes de la filière café- cacao, du secteur pétrolier, de l’électricité…
En plus, nous devons discuter avec le club de Paris pour les dettes publiques, discuter avec le Club de Londres pour les dettes privées. C’est quand tout cela est achevé et qu’il marche bien qu’on dit qu’on a atteint le point d’achèvement.
Il y a un pays qui est dans la même situation que nous, on lui a réduit jusqu’à 96% de sa dette. J’aimerais tellement cela que je n’ai plus que 15 % de ma dette à payer.
Monsieur le Président, le fait que la Côte d’Ivoire soit un pays pauvre très endetté, est-ce parce qu’il y a une crise qui traverse le pays?
Non, je vous ai dit que quand je suis arrivé en 2000, l’un des chiffres que j’ai demandés, c’est celui de l’endettement. Et puis écoutez aussi mes discours de 1990. Déjà nous étions très endettés. En 1996, 1998, nous étions déjà très endetté. Ce n’est pas la guerre qui a fait qu’on est endettés. On est endettés depuis longtemps. Maintenant, il faut faire une politique de désendettement. C’est ce que je suis en train de faire.
Pour que la Côte d’Ivoire soit juste un pays pauvre ou un pays endetté tout juste?
Mais quel est votre problème? Votre problème se trouve où, à quel niveau?
On est très endetté, on prend une partie de notre indépendance économique…
Moi je n’y peux rien. J’ai trouvé le pays très endetté. Maintenant je suis en train de faire en sorte qu’on soit moins endetté. C’est tout. Où est le problème?
Et après le point d’achèvement, qu’est-ce qui va se passer?
La Côte d’Ivoire ne sera plus un pays pauvre?
(Rires). Madame, vous avez des problèmes. On voit que vous n’êtes pas à ma place. J’arrive au pouvoir, je trouve un pays qui ne peut pas faire de grands progrès parce qu’il est très endetté. L’expression Ppte a été inventée au début des années 1990 par les Institutions de Bretton Woods pour la Côte d’Ivoire et l’Argentine. Qui étaient des pays du tiers-monde avec beaucoup de potentialités et qui, malheureusement, s’étaient fourvoyés dans un endettement énorme. C’est pour résoudre ces cas-là, que la Banque mondiale et les Fonds monétaires ont créé l’expression Ppte. En Argentine, ils ont connu des fortunes diverses. Et nous, vers la fin, avec les crises, cela n’a pu avoir lieu. Aujourd’hui, Dieu merci, nous sommes sur le bon chemin. Nous allons effacer notre endettement et reprendre notre place de pays à revenus intermédiaires. C’est cela que je recherche. Et avec cela, nous allons reprendre un peu plus d’indépendance. Parce que si tu dois moins, tu es plus indépendant. C’est pourquoi en même temps, nous nous battons pour avoir des ressources minières, du pétrole. Aujourd’hui nous découvrons de l’or, du manganèse. On a du diamant qu était déjà exploité depuis les années 1960. Il faut désormais le faire de façon plus professionnelle. On va compléter tout cela.
C’est rassurant…
Donc il ne faut pas vous laisser vous déstabiliser par l’expression Ppte. De toutes les façons, pour ceux qui ont créé le Ppte, nous restons des pays pauvres.
Monsieur le Président, le fait que la Côte d’Ivoire bénéficie de l’initiative Ppte, est-ce à 100% bénéfique pour elle. N’y a-t- il pas quelque chose qu’on ne dit pas aux Ivoiriens?
Moi, je n’ai aucun intérêt à cacher quoi que ce soit aux Ivoiriens. Un pays ne peut pas vivre avec ce taux d’endettement. Ce n’est pas possible. Et nous ne pouvons pas entreprendre notre programme de développement avec ce taux d’endettement qui à 80% de notre Pib. C’est impossible. Donc depuis 2002, nous avons entrepris cette politique. On a eu le Frpc (Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance). Et nous attendions le point de décision Ppte en 2003. Et la guerre est arrivée en septembre 2002. Donc nos partenaires ont tout laissé tomber. Aujourd’hui, on reprend. S’ils reviennent, c’est qu’ils ont confiance. Le non-dit, c’est que la Côte d’Ivoire va retrouver sa place de pays à revenus intermédiaires, son indépendance.
Monsieur pour terminer complètement, qu’est-ce que l’on doit retenir de cet échange, que peut être ce que les Ivoiriens doivent désormais rejeter?
Les Ivoiriens doivent rejeter les ragots politiciens. Je puis leur dire, parce que j’en ai eu l’assurance, que les Ivoiriens, organisés ou pas, peuvent s’adresser à la Commission électorale indépendante (Cei), pour demander n’importe quel renseignement. Pour demander n’importe quel document. Ils l’auront. Au lieu d’aller se perdre à écouter des ragots qui sont démobilisateurs, vous pouvez aller à la Cei et tapez à leur porte, n’importe quand. Vous obtiendrez tous les renseignements que vous voulez.
Vous pouvez aller aussi à la Primature. Pour ce qui concerne la sécurisation. A la Primature, ils ont un service pour ça. Posez-leur toutes les questions, ils vous donneront les réponses.
A la Présidence, vous pouvez aussi aller demander le service du porte-parole. Vous aurez toutes les informations. C’est ce qu’il faut faire. C’est la démarche qu’il faut avoir. Et rejetez tous les ragots qu’on retrouve hélas souvent aussi dans les journaux.
Maintenant ce qu’il faut, est que l’opération de sécurisation commence le 5 mai. Et les préfets auront l’entièreté de leurs pouvoirs. Après cela, nous allons installer les postes de Douanes.
Troisièmement, les élections auront lieu en 2009. Je pense que cela va être en octobre. Si ce n’est pas en octobre, cela peut se tenir en novembre. J’attends encore que la Cei avance dans ses travaux avant de prendre un décret appelant les Ivoiriens aux urnes. Voilà les trois choses qu’il faut retenir.
Propos retranscrits sur RTI par
Paulin Zobo et Emmanuel Kouassi